La méthode d'étudier et d'enseigner chrétiennement & solidement les lettres humaines par rapport aux lettres divines et aux Écritures. Tome 2 / , divisée en six parties, dont les trois premières regardent l'étude des poètes, et les trois suivantes, celle (2024)

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Titre : La méthode d'étudier et d'enseigner chrétiennement & solidement les lettres humaines par rapport aux lettres divines et aux Écritures. Tome 2 / , divisée en six parties, dont les trois premières regardent l'étude des poètes, et les trois suivantes, celle des historiens, des philosophes et des grammairiens ; par le P. L. Thomassin,...

Auteur : Thomassin, Louis (1619-1695). Auteur du texte

Éditeur : F. Muguet (Paris)

Date d'édition : 1681-1682

Notice d'ensemble : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb31462841q

Type : monographie imprimée

Langue : français

Format : 3 vol. ; in-8

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Description : Avec mode texte

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k6558246z

Source : Bibliothèque nationale de France, département Littérature et art, Z-10603

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 04/11/2013

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LAt' METHODE DE TUDIER ET D'ENSEIGNER.

Chrétiennement & fondement LES LETTRES HUMAINES PAR RAPPORT AUX LETTRES DIVINES ET AUX E'CRITURES.

TOME J J.

De l'Etude des Poëtes, où les Divinisez de la Fable sont rapportées à l'Histoire de l'Ecriture, ou à l'Histoire Profane, ou à l'Histoire Naturelle.

Dedié à Monfeigluur lArchevefque de Paru.

Par le P. L. THO MAS SIN) Prestre de l'Oratoire.

A PARIS, Chez François Muguet, Imprimeur du Roy & de Monseigneur 1 Atchevdque, tut-dclaHarpe au/ M D C L X X XII.

**V(C approbation & Privilège.

TRAITEZ HISTORIQUES E T

DOGMATIQUES, Sur diverses points de la Discipline de l'Eglise, 6c de la Morale Chrestienne.

SECONDE PARTIE.

De la lecture des Poëtes.

L IF RE PREMIER.

Des p^'i Tonnes illustres & celebres dans les livres du vieux Testament, dont les payens firent leurs Divinitez ; & des Divinitez profanes dont il est fait mention dans les Ecritures. -

CHAPITRE PREMIER.

L'Histoire d'Adam, de Noé & de ses trois enfans détournée par les païens, & appliquée à Ja- nus , à Saturne, & à ses trois fils.

I. Convenances mer-oeilleufes Jel'Hifioire d'Adam 60 de la fa/c de Saturne. Du nom de Saturne.

II. Autres Convenances d'Adam & de Saturne.

III. Convenances de Noë avec SatuYne.

l V. V. Sttite de ces Convenances. L'unité de langue.

Ci/turc de la terre & de la vigne.

V l. Cham maudit par Noé.

Vil. Pourquoi Saturne l'afle pouy fils de l'Océan & de Z", terre. Du de/uge. Des fables orientales imitées dans l'occident VII 1. , Comment Saturne dévora [es enfans, excepté trois 1 X. Cham fils de Noé est fupiter fils de Saturne. Preuves X. Autres preuves.

XI. Convenames de 7aphet Ga de Neptune. ExpZiclJtin.

$le leurs noms.

XII. Suite du mesme sujet.

X l J I. Scm est le tnejme que Pluton. Preuver.

X IV. X V. XVI. Preuves de ce qui a esié dit } tirée: d'Eusebe , de S. Epiphane & de S. asome.

X V 1 l. Lii fable de Innus peut uujji n Avoir ejlé qu'un dégtiifement de l'Histoire de Noé. Preuves.

X V 111, Rapports de Noé à Pvcr/itthée.

I

DL

tS convenances sont si grandes entre l'hiftoired'Adam selon les Ecritures, & celle de Saturne selon les Poëtes, qu'il est difficile de ne ms

demeurer d'accord, que l'une est une pure imita- tion de r aÜtre Saturne selon les Poëtes est le pere , & le Roi de l'âge d'or. Or nous avons déja montré en parlant de cet âge, que ce siecle de selicité n'estoit autre que celui de la creation de l'homme dans les delices du Paradis terrestre & dans la premiere innocence. Saturne n'estoit donc autre qu' Adam.

Si les Poëtes le font aussi le premier des Dieux , c'est qu'ils parlent de ces Dieux, qui ont esté autrefois des hommes, au dessus dessquels ils reconnoissent un seul veritable Dieu , comme nous IC prouverons dans le V. livre. Il s'enfuit delà, que le premier des Dieux , est fort probablement le premier des hommes selon les Poëtes.

Le nom mesme de Saturne convient admirablement au premier homme , qui s' alla cacher a prés le peché, n' osant plus paroistre devant Dieu.

Car Satar en Hebreu signifie se cacher. D'où vient aussi que les Poëtes ayant fait venir Saturne en Italie , ils donnerent le nom de Latium au païs où il aborda, & où il regna selon leur rapport. Ainsi Saturnia tellus & Latium il a esté qu'un mesme païs, ces deux noms aiant la mesme signification, mais l'un estant Hebraïque & plus ancien, & l'autre latin 8c plus nouveau. Si ce n' est qu'on tire

le terme mesme de Latium ou du Grec AurSaiw , ou de 1 Hebreu mesme Lat qui signifie la mesme chose.

II. Les Poëtes font Saturne fils du ciel & de la terre, aussi Adam fut formé de la terre, & ce HIt le Dieu du ciel qui le forma. L'Empire de Saturne & l'âge d or finirent en mesme temps , ôc

Saturne s'addonna en fuite à la culture de la terre.

Adam fut raidi charte du Paradis terrestre a près le peché , & de Roi qu'il estoit , il fut rabaissé à la condition d'un laboureur. Enfin tous les Auteurs profanes, soit Historiens, ou Poëtes ont témoigné , que sous le regne de Saturne tous les hommes estoient libres , sans qu'on parlast encore parmi eux ni d'esclavage , ni de servitude. Aussi.

pendant les festes de Saturne, ou les Saturnales, les serviteurs & les maistres mangeoient en mesme table, & tous les avantages leur estoient com- muns. C'estoit un craïon du premier âge sous, Adam, où le genre humain n' estant encore composé , que des peres & de leurs enfans, il n'y avoit point encore de véritable domination, ou de servitude.

III. Mais comme il y a de grands rapports en- tre Adam & Noé, il ne faut pas s'étonner, si l'histoire de Noé a esté aussi appliquée à Saturne, aussi-bien que celle d' Adam. Car Noé fut aussi.

le père de tout le genre humain après le deluge ; il fut aussi le Roi & l'Auteur d'un autre liée le d'or, pendant que la terre ne fut peuplée que de ses fils & de ses petits fils, qu'il avoit élevez dans l'innocence , & qu'il laissoit joüir sous son Empire d'une entière liberté. Il n'y eut point d'esclaves dans le premier siecle qui suivit le deluge, tous les hommes ne faisant encore presque qu'une fort nombreuse famille.

IV. Si Platon a dit après les Poëtes , qu'au

temps de baturne la mesme langue estoit commu- ne non feulement à tous les hommes, mais aussi aux bestes : Saturni alumni in tanto otio & facul- tate non solùm cum hominibus , sed & cnm bestiis colloquendi. , hisce omnibus ad Philosophiam utebllntur.

On pourroit rapporter cette merveille au regne d'Adam , quand il donna des noms à toutes les bestes, & quand Eve eut un si funeste entretien avec le serpent. Mais il y a peut-estre plus d'apparence de dire qu'on prit occasion de forger cette fable , de l'assemblage de toutes les bestes avec Noé dans l'Arche, de leur docilité à y entrer , à s'y tenir & à en sortir , comnfe si elles eussent compris la langue & les commandemens de Noé, & de l'unité de langage entre tous les hommes pendant le siecle qui suivit le deluge 5 jusqu'au temps de Phaleg, dont le nom mesme marque la division des langues , qui arriva en Ion temps.

V. Si Noé selon les Ecritures fut le premier qui cultiva la vigne, & qui donna commencement à l'usage du vin; les payens ont aussi donné à Saturne la gloire d'avoir enseigné aux hommes la culture de la terre, sur tout de la vigne , & l'usage de la faulx. Plutarque dit que Saturne enseigna a Icare Fumage du vin, & la culture de la vigne. 7«; ~TV oiVv , £ TMÇ cl/uerétâ. Athenée dit après Berose, que les Saturnales se celebroient à Babylone, aussi bien qu'en Grece & en Italie , & que les serviteurs y estoient les maistres, & les maistres faisoient les fondions des serviteurs.

Enfin tous les anciens remarquent que les Saturnales estoient des jours destinez à la débauche 8c à l'ivrognerie ; comme si les payens enssent voulu renouveller le souvenir de l'ivresse, où Noé tomba par mégarde, avant qu'il eût pu encore éprouver la violence du vin, dequoy les Baby loniens comme les plus proches, pouvoint estre les mieux informez.

plato in Pohîiio.

In parallelis.

L. 14.

VI. Si Cham fut maudit par Noé. pour n 1 avoir pas gardé les loix de la pudeur & de l'hon- nêteté, quand il le trouva dans le desordre , où l'avoit jetté cette ivresse fortuite : la fable conte atifif, qtie Saturne fit une oy qui portoit, qu'on ne pourroit voir les Divinitez nuës impunément.

D'où vient que le Poëte Callimaque dit que Mi-

nerve , s'excusa sur cette Loy , en consolant la picre de Tiresias, auquel elle avoit osté la vûë pour une faute de cette nature :

Nec mihi inminibm pueros orbare voluptaJ) Aft à fœlcïgcro lex fine lata jubet; rt yœna graviore luat, temeraria quisquis Audet in invitos lumina ferre Deos.

VII. Platon dit dans son Timée, 8c tous les Poëtes font foy après Hesiode, que Saturne & Rhea sa femme estoient fortis de l'Océan & de Thetis, aussi le Symbole de Saturne à Rome estoit un navire. Les Latins disoient à la verité , que ce navire estoit l'image de celuy qui avoit porté Sa- turne dans ritalie. Ovide le dit clairement,

Et h ona patentas puppim fignavit in &re, - Hofpitis adventum teftificata Dei.

Mais le navire qui porta Saturne en Italie, est le mesme qui l'avoit auparavant porté de l'Anyne dans la Grece, avec toutes les autres fables, que nous avons fait voir, dans le Livre II. estre origi- naires de l'Assyrie , &: avoir passé de là dans la Grece, & enfin de la Grece dans l'Italie. La vé- rité est donc qu'on a feint que l'Océan estoit le pere, & Thetis la mere de Saturne, à cause qu'il estoit sorti des eaux du deluge ; 8c ce navire n'eftoit autre que l' Arche de Noé. S. Cyrille écrivant contre Julien l'Apostat , rapporte les témoignages d'Alexandre Polyhistor & d'Abydene, qui disent que Xisutrus Roy d'Assyrie se sauva du deluge, que Saturne luy avoit predit , en [c

F':tJI. Zib. î;

L. T. CO..

lui.

jettant selon ion conseil dans une Arche, avec toutes les différentes fortes de bestes: qu'il navigea dans l' Armenie, & qu'il lâcha quelques oiseaux, pour sçayoir si les eaux s'estoient retirées de dessus la terre- Il est visible, que c'est un déguisement de 1"Hifloire de Noé , que ces fables ont pris naissance dans l'Assyrie, & ont pris cours de là vers l'Occident, enfin que le Saturne fabuleux est le vray Noé , & que son Arche aborida aux montagnes d'Armenie.

VIII. Si Noé laissa perir dans tes eaux du deluge tous les autres hommes, & 41e fauva-..que trois de ses enfans ; c'est ce que les Poëtes ont imité , en disant que Saturne a voit devoré tous ses çr\fans à la reserve de trois.

IX. Cham fut un des enfans de Noë, & il semble que les payens en ont fait leur Jupiter fils de Saturne. Cham, Ham, & Hammon, ne font que le mesme nom de Jupiter, Hérodote dit que les Egyptiens nommoient Jupiter Ammon ; Auy.ïy ~y-s 101 rov ~j!«. Plutarque en dit autant, Cum pleri- ~7.EQ' 1'9" J/«. Plurar.que ep dit autalt J CQJ p!erque [e(}Úa?Jt proprium œpad ~¡Egyptios ]O'l/Ù nflTlfcn esse Amôup., quod Hammonem dicimus. Dans l'Ecriture même Ezechiel semble donner le nom d' Amcft No, c'est à dire la cité d'Ainon, à la ville que les Grecs nommoient Diospolis, c'est à dire la ville de Jupiter. C'est comme les Septante ont traduit Arrion No. L'oracle 4 le Temple de Jupiter Ammon dans l'Afrique est assez connu. Toute l'A- frique en fut appellée simmoms selon le témoigna- ge d'Alexandre Polyhiftor rapporté par Ste- phanus. Mais l'Egypte merit plus particulierement le nom de Chamia , ou de Chemia, parce qu'elle fut le partage de Cham. D'où vient qu'el- le est appellée plusieurs fois dans les Pseaumes la terre de Cham Terra Cham. Comme toute la fable de Ifl Grece çfk vcnjie de l'Egypte & de l'Orient, le

In Enterre

In ifide.

Hzeçb. c.

Jo. ». JJ.

ï

Pful. 77, ai. ji.

Cham des Assyriens, où Ammon des Egyptiens, a esté nommé fyh par les Grecs; parce que ces deux termes Cham & ont la mesme signification. Chainam en Hebreu; & s:'" en Grec sir gnifient chaufer , brusler.

X. Ajoutez à cela , que Cham estoit le troisiéme fils de Noé , Jupiter n'estoit aussi que le dernier des trois enfans de Saturne. Cham ayant vû la nudité de son pere , en parla à ses freres; Et nuntiavit, Vajagget, c'est le terme Hebraïque, qui approche extrêmement de Vejaggod, qui signifie bfèidit, il coupa. Le sçavant Bochart à qui nous devons la meilleure partie de ces observations , croit, que de cette allusion des termes, les Poëtes peuvent avoir pris occasion de feindre l'en- ereprise de Jupiter contre Saturne. Il estime mer.

me que si les Pheaciens de rIfle de Corcyre , pretendoient avoir la faulx dont Jupiter avoit mutilé Saturne, comme il le justifie par Lycophron : ce n'est que par une allusion des paroles. Parce que le mesme nom de Corcyre , ou Corcyre en est donné par Alexandre Polyhistor rapporté par Eusebe dans sa Chronique , aux montagnes d'Armenie Noé aborda,. & où il habita pendant quelque temps. Ces montagnes estoient communement ap- pellées Gordiées, & cet Historien les a nommées Corcyrées. Les Poëtes ont fait la mesme application à une petite HIe,. qui a le mesme nom, & £ l'ont appellée Harpe & Drepane , qui font deux noms Grecs , qui signifient une faulx. Voici les vers de Lycophron. (

Adivit Harpn insulam: quarn pra amnib;g , Saturons odit, partis abfl:iJTIt memor.

- 7LI. Ls'histoire de Japhet n'a pas moins de convenance avec ce que la fable conte de Neptune; que celle de Cham avec Jupiter. Le partage de Japhet selon les Ecritures, fut l'Europe avec tou-

Psal. 104.

v. 13.17.

P(d'. IOJ.

f. 11.

Ch.imam.

ceog r. {!!e.

1.1. e. 1.

tes les Isles de la mer , & les presqu'Illes donc elle est composée. L'Historien Euhemere inter- preté par Ennius, & rapporté par Lactance, rendoit le mesme témoignage de Neptune , que les mers & les Isles luy estoient écheües en partage.

Voici les paroles de Lactance, qui dit qu'Euhe- mcre, avoit composé l'histoire de Jupiter ôc des autres Dieux, sur les inseriptions qui se lifoient dans les anciens Temples: Neptuno maritima om- • nia eu m insulis obvenerunt. Quomodo id probari potest ? nimirum veteres kijfartœ docent. Antiqutts an- ctor Euhemems , res gestas Jovis & caterorum, qui Dij putantur, collegit, Hanc historiam interpret atus est Ennius & Je eut m: cujus bac verba sunt ibi: JIIpiter Imperium Neptuno dat maris, ut tu fit lis omni- bt-ts & que secundum mare loca sunt ornmbus impe- raret.

XII. Le nom de Japhet signifie une grande estendue, selon la benediction que Noé lui donna , DHœtetDem Japhet. Aussi l'Ecriture dit que la fadre cft plus large , c'est à dire plus estenduë que les mers, Lata est plufquam ,mare. Le nom de Neptune peut estre tiré de mesme terme Hébraïque fbàta 3 dans la conjugaison qu'ils appellent Niphal. Le terme Latin mesme pateo semble ve- nir de l'Hebraïque phata, ou pata. Car on sçait que parmi les Hebreux ph & p ne font qu'une mê- me lettre, qui se prononce tantost d'une façon : tantost de l'autre. Aussi au lieu du Japhet de l'Ecriture les payens ont fait Japetus. Plutarque dit que les Egyptiens appelloient Nephthyn les promontoires & les extremitez de la terre. Nephthyn appellant terra extrema & promontoria & quit marc attingunt. Ce terme a sans doute beaucoup de rapport avec celuy de Neptune , 6c on peut facilement croire que l'un vient de l'autre , ou que tous les deux viennent du phata des Hébreux, pour Tau-

De falf* i I. C. XI.

Gin cf. 9.

*7Jabhit.

Jil>. n. 9

Z,i Jjitl.

tre nom de Neptune , que les Grecs nomment ..-o(;,tJ/';y, Bochart croit qu'il vient du mot punique pesat, qui signifie la mesme chose que le phata s Hebreux. Herodote dit aussi , qu'il n'y eut autrefois que les Libyens, qui donnassent le nom de Posidon à Neptune. Posidonis nomen nulli ab initio ufurparttnt, ni si Libyes, qui hune Deum fernper in ore habent. Ainsi Posidon, ou Pesitam fera le mesme nom que Neptune, & que Japhet, Le Japet des Grecs n'a donc rien de commun avec le Japhet de l' Ecriture. Les Grecs content que Japet estoit frere de Saturne, & que Jupiter le precipita dans les enfers avec le reste des Titans. Ils le representent comme un veillard decrepit, 6e ils disent en proverbe , plus vieux que Japet, Id'li17Ít ripXfl.l'fHp. Mais comme ils le font ayeul de Dcu-r calion, qui fut contemporain de Moyse, il paroist de k, qu'il estoit plus jeune que Japhet fils de NDC.

XIII. Il ne reste plus que Sem des trois enfans de Noé, & Pluton de ceux de Saturne : Comme Sem conferva le culte du vrai Dieu dans sa famille , {Y. que toutes les autres Nations descenduës de Cham £ c de Japhet se precipiterent dans l'Idolatrie , il fut aussi le plus mal-traité dans leurs fa- bles, gc ils en firent le Dieu des Enfers. Ils jette- rent Saturne-mesme dans les Enfers , parce que Noe avoit esté leur plus grand adversaire, depuis qu'ils se furent abandonnez à l'impieté. Le nom mesme de Sem donna lieu à une allusion. Car Samma, ou Semama lignifie la desolation. Et c'est la mesme signification du terme Grec 'Al'J; ,-!J.'jJ'y,ç, «H/'-JJSJ c'EFT à dire, ce qui ne se void plus, com- me ayant disparu & estant dissipé.

, XIV. Eusebe nous a confervé un fragment d'Eupolemus ,• où cet ancien Historien rapporte quel estoit le Içijtimeut des anciens Babyloniens;

L'efnt.

in E~

Semama.

L. 9. Prtf.

sçavoir que Belus, ou Saturne avoit esté le premier, qu'il estoit pere de Belus & de Cham , ou Chanaan , pere des Pheniciens. Babylonium dicere primllm suiffe Belum, quem cJfe Saturnum. r"'y «rcu Xy.

yo Ex illo autem natos esse Belum & Chanaan, patrem phænicum. Le premier Belus qui cil icy nommé , y est aussi nommé Saturne. Le second Belus est évidemment Nemrod petit fils de Saturne , ou de Noé, duquel Chanaan estoit aussi le petit fils Mais ce texte d'Eupolemus montre manifestement, que le pere de Cham est Saturne, que Saturne est: Bel, ou Baal, que Saturne & Noé font deux noms d'une mesme personne, & que c'estoit l'ancienne creance des Babyloniens , dans le pais desquels Noé vêcut; au moins il s'en éloigna peu.

XV. S. Epiphane suivant le sentiment des an- ciens, asseure que Noë partagea toute la terre à ses trois fils , comme l'heritage qu'il avoit lui- mesme receu de Dieu. Turn velut hæres rnnndi to- tliii institutus à Deo, totum orbem terrarum in tres filios sortito diftribuit. hnprimú Sem primogenita fors illa obtigit, qUit quidquid terrarum est a perfide C7" Bactris & ab India unite ad Rhinocorurorum regionem situm est , complectitur. Cham secundo loco natus, quidquid à Rhinocoruris ad Cades in meridizm porrigitur, obtinuÍI. Japhet denique tertio lo*': co nato cessit id omne, quod à Media ad Cades Q* Rhtnocomm ad Septentriones obvertitur. Ce pere dit ailleurs que Noé ayant fait ce partage entre ses enfans, les obligea par serment à ne ppint enva- hir les terres les uns des autres, XVI. S. Jerôme remarque que les septante Interpretes ont traduit Cham , au lieu de Ham, qui seroit plus conforme à la prononciation He- braïque; en effet les Egyptiens nomment leur païs Ham. Septuaginta Interpretes Cham transtulerunt, pro eo qmd est Ham; à quo & Ægyptus nfquç hodtç

In Anchor.i.-j. c. Il4.

H I.rrji 60.

s. S;. S4.

in Genes.

ArC)ptiorum linguâ Ham dicitur. Voila quels ont cilé les sentimens des Peres.

XVII. Il ne faut pas oublier ce que Vossius a ci ù aprés d'autres , que le Janus des payens pouvoit aussi n'estre qu'un déguisement de l'histoire de Noé. En effet le terme de Janus semble venir de 1 Hébreu Fain, c'est à dire du vin. Comme le terme Latin vinum vient sans doute du Grec oiV®. ;

car on sçait comment l'v. Latin se prononçoit au- trefois , & comme il se prononce encore en plu(u ars endroits. Aussi le terme Grec ~QTy vient de l Hebreu Jain. De là vient que le païs Latin, où Janus fut honoré, & fut le Janicule, qui fit depuis une partie de Rome , fut appellé par les anciens Oenotria tellus, c'est à dire le païs des vins; car la langue Latine estoit alors tres-peu differente de la Greque, comme la Greque n'estoit pas encore si éloignée de l'Hébraïque , qu'elle le fl\t depuis.

S. Cyrille Archevesque d'Alexandrie, vient de prouver par des Historiens anciens, que Xysutrus Roy des Babyloniens estoit le mesme que Noé, Il n'y a pas moins de raison de dire qu'il est le mesme que Janus. Ce perc dit que le nom de Xy- sutrus est apparemment Assyrien, & Vossius le fait venir de Ziz en Hebreu , d où on a fait Meycnza , qui signific une porte jenua. Ainsi les noms de Janus & de Xysutrus pourront avoir

mesme signification.

XVIII. Il n'y a pas moins de ressemblance entre l'Histoire de Noé & la fable de Promethée, Car Diodore de Sicile asseure, que fous le regne de Promethée , il arriva un deluge en Egypte.

Nilum aiunt ruptis aggeribus magnarn Ægypti partem inundasse, maximeque eam partem cui, Prome- theus cum Imperio præerat; cum omnes pene ejus di- tîoms homines diluvio perirent. Nous avons déja

De Idolo, L i. c. 18.

l*in•

L. i. contra hilia.ium.

lib. i.

dit, & il nous le faudra dire encore plus d'une fois, que toutes les nations moins anciennes, U plus Occidentales, transplanterent chez elles toutes les fables des païs plus anciens & plus Orientaux.

Ainsi les Egyptiens appliquerent à leur païs toute l'histoire & toute la fable de l'Assyrie; Les Grecs en userent de mesme à l'égard des Egyptiens, 6c les Latins à l'égard des Grecs. Ce deluge de l'E- gypte n'est donc autre, que le deluge general de Jvloé, & Promethée n'est autre que Noé mesme , à qui le nom de Promethée convient admirablement.

Car le nom de Promethée signifie la prévoyance

des maux avant qu'ils arrivent ; au contraire celui d'Epimethée signifie le défaut de prévoyance, quand on ne void les maux qu'après qu'ils font ar-r rivez. Or ce fut la prévoyance de Noé, qui suivant les lumieres du Ciel, lui fit éviter le funeste naufrage de tout le reste du genere humain , qui perit dans les eaux du deluge, faute de prévoyance.

Si les Poëtes disent que Promethée forma le genre humain : c'est que Noé repeupla toute la terre. Si Herodote donne le nom d'Asie à la femme de Promethée, c' est que Noé passa toute sa vie dans l'Asie. Si les Poëtes ont fait Promethée fils de Japet , c' est une méprise , qu'il faut leur pardonner ; car il en estoit le pere. Autrement comment auroit-il pû estre le formateur ou pere des hommes, comment les hommes auroient-ils pu descendre de lui, s'il eust esté lui-mesme fils de Japet ? Enfin si les Poëtes l'ont attaché au mont Caucase, où un oiseau lui devoroit les entrailles, ils n'ont eu en vûë, ce semble, que les estudes de , l'Astrologie & la contemplation des choses celestes, ce qui fit l'occupation principale de Noé le reste de ses jours aprés le deluge, sur les montagnes d'Armenie , dont le Caucase fait une partie. Quinte Curse joint effectivement le mont Caucase,où'

L. 4.

L. 7. c. 5.

la fable attache Promethée , aux montagnes d' Ar- menie, où nous sçavons que l'Arche de Noé aborda : Taurus Armenitt montibus jungitur, ~c. Cauca- sum superavit exercitus. Rupes in eo, in quo viizâum Promethea suisse antiquitas tradit.

CHAPITRE II.

Justification de ce qui a esté avancé sur les rapports de Noé & de ses fils à Saturne & à les trois enfans , par les Poëtes & par les autres Ecrivains profanes.

l. Comment on confond quelquefois Saturne avec lanus.

II. Comme il a esté difficile, que la tradition de l'Hiftoirt fainte ne se foit un peu alterée parmi tant de nations & fendant tant de ifecles.

Il I. Defcriptton de Noé par Ovide fous le nom de lanus.

I V. Pourquoi on lui donnait un navire. Comment Noé ou Saturne fut chassé par les enfans.

tV. Autres conformités de lanus & de Noé.

V I. Consentement de Virgile.

VII. Sentimens d'Refiode.

V III. IX. Conformation de ce qui a esté dit s tiré, de Macrole.

X. Et de Plut arque.

I

c

OMME Saturne & Janus ont de fort gran- des ressemblances , nous les confondrons

quelquefois dans la confrontation que nous en ferons avec Noé. Après tout, il ne faut pas attendre de la fable & des Poëtes des veritez. si précises, ou des histoires tout-à-fait exactes. La fable & la Poësie se donnent toujours beaucoup de liberté.

Et il a esté impossible , que les fables aiant traversé tant de païs 5 depuis l'Orient & la Syrie, Jusqu" aux extremitez de l'Occident , & chaque nation se les estant appropriées, il ne s'y foit glissé un grand nombre d'altérations & de contrarietez,

sur tout dans une si grande révolution de siecles.

II. Il faut ajoûter à cela , que la tradition de la veritable histoire du monde & de la Religion, n'aiant peut estre esté conservée après le deluge par Noe & , par ses enfans , que dans leur memoire, & n'aiant esté communiquée à leur posterite que de boucha, jusqu'à ce que Moïse l'écri- vit par l'ordre & avec le fccours particulier de Dieu : il ne se peut faire que cette histoire ne se soit alterée dans le recit que les hommes en faisoient les uns aux autres ; excepté le @ peuple particulierement favorisé de Dieu. Si l'on considere encore la difficulté de conserver la pureté de cette tradition, dans l'embarras des nouvelles peuplades, qui se firent par toute la terre aprés la deroute de Babel , soit avant que Moïse eût écrit son histoire , soit après ; on demeurera d'accord qu'il estoit impossible qu'il ne s'y fist des altéra- tions tres-considerables. Le remede le plus effi- cace eût esté la communication des Ecritures; mais par un secret impenetrable de la providence Divine , elles demeurerent presque inconnues à cette multitude infinie de nations , qui rempli- rent enfin toute la terre ; & ne pouvoient pas dans une si longue fuite de siecles & dans une si vastes -: estenduë de païs, ne point corrompre en plusieurs manieres une tradition historique, dont leur feule memoire & leur langue estoit la depositaire.

III. Ces varietez & ces alterations n'ont pas neanmoins esté si grandes , que la verité de l'histoire,ne foit encore reconnoissable, & ne se fasse voir à travers tous les déguisemens de la fable. Témoin, Ovide dans la peinture qu'il nous a faite de Janus dans ses Fastes. Car n'est-ce pas de Noé qu'il parle quand il lui donne la gloire d'estre l'origine d'un monde nouveau,& d'estre le seul, qui ait vu le mon- de ancien & le nouveau, avant & aprés le déluges

Jane biceps , anni tacite labentis origo y Solm de fuperis qui tua terga vides, &c.

Ede Jimut caufàrn, cur de cæ/eftibm knus, Sitque auod k terffJJ, fitque quod arJtè vides.

Ce Poëte fait répondre Janus , & cette réponse cft une explication du deluge, qui sembloit avoir replongé le monde dans le premier Chaos.

Me Chaos antiqui, nam res fum prisia, vocabant JÎJpice quam longi temporis atla canam.

Lucidrn hic air > & 'luæ tria corpora ressant, Ignis, Aquæ, Tell m, unm acervm erant.

Pr semel hac rerum fecejftt lite suarum, Inque novas abiit majJa foluta domos, F lamma petit altum, propior locus aéra cepit, Sederunt medio terra fretumque solo.

Tune ego qui fueram globus & fine imagine moles In faciem redij dignaque membra Deo , &c.

Quidquid ubique vides, 'æ/um, mare, nubi/it, terrai, Omnia funt nofirâ clausa patentque manu.

Me ptnes efi unum vafti eufiodia mundi, &c.

On ne pouvoit rien dire de plus juste, pour exprimer la maniere que Noe sortit des eaux du deluge , & fut le pere & le Roy du monde renouvellé aiant eu beaucoup de part à l'ancien monde, l' aiant veu abîmé dans le Chaos; & l'aiant veu enfin comme renaistre en sa faveur.

1 V. Ce Poëte rend raison peu après, pourquoy sur l'ancienne monnoye Romaine on avoit marque d'un costé la double teste de Janus , & de l' autre un navire. Et il dit que c'est le Navire , sur lequel Saturne chassé du Ciel par Jupiter aborda enfin en Italie, aprés avoir erré par toute la terre.

Causa ratis fùpereft. Thtifcum rate venit in amnern Ante pererrato fasciser orbe Dem.

Hac ego Saturnum memini tellure receptum.

Ctlttibm regms ab Jove pulfm trat.

L. 1. v. cp 28. ici-

ib t'd. «

Inde diu genti manfit Saturnia nomen, DiBa quoque est Latinm terra, latente 7Jeu.

Ces courses de Saturne avant que d'arriver en Italie , ne paroissent autre chose, que le transport de son histoire fabuleuse, qui s'e st fait succcssivement de Babylone en Egypte, d'Egypte en Grece, de Grece en Italie. Les persecutions faites à Saturne par Jupiter, font les entreprises de Cham contre Noe, & contre Sem , dont Cham envahit une partie des terres , sçavoir la Palestine , 8c en bannit la veritable Religion, en y faisant entrer les Chananeens ses descendans, contre les expresses défenses de Noé, qui avoit fait jurer les trois fils de r* jamais rien entreprendre les uns sur les autres, comme S. Epiphane le raconte, dans l'endroit qui a esté cité. Distributis hunc in modum sortibu , Ntt mUl convocatis tribus filiis , sacramento illos adegit, nequis in fratrü sui sortem, invaderet, eumque injuria circumveniret. At Chanaan silius Cham alienarum rerum cupidus, Palœstinam occupavit » quœ ob id terra Chanaam appellata est. L'outrage fait à Sem rajalit sur Noé, qui faisoit ion iejour dans le partage de Sem, & y maintint toûjours la veritable Religion : & le bruit se répandit que Cham , ou Jupiter , avoit chassé Saturne c'est à dire Noé. Je ne sçay si les Descendans de Cham ne pousserent pas leurs conquestes jusques en la Chaldée, qui estoit ou le sejour, ou le voi- sinage du sejour de Noé. Au moins il est certain qu'ils occuperent toute l'Arabie , qui en dl: frontiere.

Je finirai cette remarque & je reviendrai à Ovi- de, après avoir fait encore observer , que Dieu aiant commandé à Noé au sortir de l'Arche , de peupler toute la terre , Noé ne pou voit fc dit- penser de faire le mesme commandement à ses en- sans, & leur en faciliter l'exécution, en leur partageant

ttirefi 66.

1'1, 84.

tageant les terres , & leur défendant d'entrer dans les partages les uns des autres.

V. Au reste si ce que nous avons dit de Janus, revient à l'histoire de Saturne, & nous jette prêtque dans la necessité de les confondre; voici d'au- tres circonstances , qui ne nous y. engagent pas moins. Car qui ne croira que c' est plûtost Satur- ne , que Janus qui parle dans les vers suivans du siecle d'or & de justice fous fbn Regne.

Tune ego regnitbam) patiens cum terra Deorum Effet, & hwnûnis numina miftll locis.

Non dam justis iam facinus mort aie fugarat > Vltima de SRperû ilia reliquit humum.

Ce mesme Poète conte ailleurs comme selon la fable Saturne devoroit tous ses enfans, jusqu'à ce que Jupiter fût preservé de ce mal-heur. Il est visible que c'est le deluge de Noé, qui consuma tous les autres hommes, à la reserve de Cham, qui est Jupiter & <3e ses deux freres.

VI. Virgile semble favoriser les reflexions que nous avons faites, en ces vers, qui rapportent les premiers Roys d'Italie ;

ltalufque. paterque Sabintis Vitifator. curvam servans sub imagine falcern, Saturnu rque senex, Ifr'' o.

Saturmfqut senex, Janiqtte bifrontis imago.

Il en visible que cette faulx, & la gloire d avoir le premier cultivé la vigne , convient mieux à Saturne , qui pourroit bien avoir esté revestu du nom de Sabinus, la premiere fois que les Grecs le firent connoistre aux Italiens : le terme de es convenant admirablement à la pieté & à la justice de Noé, ou du regne de Saturne ; comme le nom de Janus, qui vient du vin marque l'invention de faire le vin, dont Saturne, ou Noé fut l'auteur.

Ce mesme Poëte fait ailleurs la peinture de l'âge d'or fous Saturne en Italie.

J hi. -0 M7-

1. 4- V\

2. 00,

JEneid. I 7.

PrimtoU ab athcreo venit Satumus Olympo,

Armll Jovú fugiens & regnis exutAdemprü, &e.

yc~j ~<M .f cA'M ~'c.

jiureaque ut perbibent Mo sub Rege suere Sæcula &c. Et ailleurs*

O fortunatdi G entes, Saturnia régna, Antiqui Atifonij.

VII. Heliode conte un peu autrement les choses , mais en sorte, que les mesmes rayons de la verité de l'histoire des Ecritures y éclatent tou- jours. Il dit que du Chaos nafquirent Celus & la Terre ; que Celus cachoit tous ses enfans incontinent après leur naissance; que Saturne l'un d'eux, plus rufé que ses freres , & pousse par sa mere la terre, surprit son pere pendant la nuit & le mutila avec une faulx. On ne peut douter, que toutes ces fictions ne marquent l'estat du genre humain avant le deluge, dont toute l'histoire estant perdue, on se contenta de dire , que tout estoit sorti du Chaos, que les hommes estoient enfans du ciel & de la terre , que le ciel inondant la terre d'un deluge d'eaux, cacha & ensevelit tous ses enfans; enfin. que Saturne, ou Noé fit en forte que le ciel n' entreprit plus la destruction du genre humain.

VIII. Macrobe raconte presque les mesmes choses qui ont cité dites de Janus & de Saturne ; il ajoute que Janus regna conjointement avec Camefes, originaire du pais d'Italie , en forte que la ville où ils faisoient leur sejour , porta le nom de Fanicule, à cause de Janus, & le païs fut appellé Cames*ene, du nom de l'autre Roy. Regnum Tanus obtinuit cum Camese æque indigena ; ut regio Gamesene , oppidum Tœniculum vocitaretur. Je ne ar si ces deux Princes estoient originaires d'Italie , mais leurs noms estoient certainement Pheniciens. Car Camas en Hebreu signifie cacher, & c'est le mesme que Satar. Ainsi ces trois noms

L. g.

L. h.

Z. i. c. 7.

Camefene, Saturnia terra, & Latiam ont ablolu- ment la mesme signification, & semblent nous insinuer, que ce furent des Pheniciens, qui venant peupler l'Italie , y apportèrent avec leur langue , l'histoire de Noé, &- de sa retraite préten- due , lorsque Cham , ou Chanaan le persecuta, travestie, & déguisée fous les noms de Saturne de de Jupiter, avec plusieurs circonstances ajou- tees.

IX. Macrobe dit bien au mcfme endroit, que l'Egypte ne receut le culte de Saturne, que lors que Ptolemée successeur du grand Alexandre la força d'imiter ceux d'Alexandrie. Mais tout cela fc termine à dire que les Egyptiens commencèrent feulement alors à immoler dès victimes à Saturne , sélon l'usage des autres nations, & contre l'ancienne pureté de leurs sacrifices , qui ne consistoient qu'en prieres & en encens. Ce mesme Auteur allure, que les Pheniciens representoient Janus fous la figure d'un serpent faisant un cercle & mordant sa queue ; pour signifier le monde & le temps. Ce qui convient à Saturne qui est le temps mesme , KeJycç ; 8c qui represente Noé, qui a réuni en foi la fin de l'ancien monde , & le commencement du nouveau.

X. Plutarque a fort bien remarqué, que si l'on representoit Saturne avec une faulx , ce n'estoit nullement comme Hesiode le conte , pour avoir mutilé le ciel son pere avec cette faulx , mais c'est parce que c'est de lui que les hommes apprirent la culture de la terre , des arbres, 6c de la vigne.

Quia Deptâ iUe fruéluum atque agriculture præejJe creditHf ; hoc enim faix designat ; non id quod Hefto.

dum imitât m dixit Antimachus, Genitalia Patris SAt urnus falce revellens.

Ibid, c. p.

In Qu&ft, Rem,

CHAPITRE. III.

L'histoire de Noé , mais encore plus évidemment l'histoire de Moïse , déguisée & détournée dans la fable de Bacchus.

t. Les anciens ont reconnu, que le Bacchus de là Gentilité estoit une copie de' noflre Moïse. Preuves.

II. Autres freuves. Et comment il tnvinta les arts & les sciences.

III. Comment Noé A pl, eflre le Bacchtts de tlnde, de la Chaldée & de l'Egypte.

I V. La fable de Bacchus fut encore plus une imitJItion de l'histoire de Moïse. Preuves. La naissance de Moïse prêt du Nil.

V. Son exposition, VI. Son nrln, ses deux merci.

VII. Son éducation en Arabie.

VIII. Sa fuite en Arabie, & dans les eaux de la mer rouge.

t X. tds combats en Arabie.

X. Ses tomes, il frappa le rocher.

X 1. Le serpent de bronze.

X 11. Caleb.

X 111. L'invention du vit).

X 1 V" La qualité de Legislàteur.

X V. Moise adoré comme un Dieu.

XVI N oéeft le Bacchus des Indes, Musse celui de l'Egypte.

XVII. Comment se fit ce déguisement.

XV 111. Autres rapports de Bacchus & de Moïse, tirtz, de Nonntis. La défaite des Geans. Le passage de la mer ronge, X IX. Le nom de consolateur.

X X. Le passage de la mer & du lourdain.

XXI. Les Indiens domptez.

X X II. Ses cornes. Son chien.

X X 111. Autres conformité z.

X X [V. Témoignage du Poète Denys.

X X V. Et d'Homere. XXVI. Autres rapport t.

X X V 11. X X V 111. Autres observations.

XXIX. Si Nemrod a eslé Bacchus.

XXX. Tous les noms de Bacchus tirez de la langue 914

hraïque. 1

XXXI. De silene.

XXXII. De Pan & de Faunus.

X X X 111. Des Satyres & des Bacchantes.

XXX l V. Des Thyrses, X X X V. Si Moïse et esté canonisé far les JdolAtrll.

X X X V 1. Suite du mesme [Ujlt. De Silene.

I.

Q

Uand Ovide parle de Bacchus, ec qu'il dit que ce fut lui, qui planta la pre- 1 -

miere vigne, il nous donne sujet de croire, que l'histoire de Noé avoit esté aussi en partie appliquée à Bacchus :

Lenttm geniAiis confitor UVtt.

Tzetzes fait Trismegiste, ou Mercure d'Egypte contemporain d'Osiris, de Noé & de Bacchus; & il n'est pas sans apparence , qu'il a voulu dire qu'Osiris, Noé & Bacchus n'estoit; qu'une mes- me personne, & un mesme prince, dont Mer- cure Trismegiste avoit esté Secretaire d'Etat, ou Ministre. Mecurius quidem ÆgyptillJ Trismegistus vocatur , qui contemporaneus Osiridi , Noë , Dio- nysio, W'IXeJ'¿;' îci ni yui £ wj \u> j invenit cultumque De formafque literamm, & artibrn exornavit, atque omnibus vitam. Il s'explique plus clairement ailleurs : Mercurius Termaximm, contemparant m, & consultor atque scriba fuit; in ad.

minijiratiombufque omnium negatiowm Ægyptiormn Régis K qui juxta AEgyptios Osiris nominatur, ncmpe ex illustrioribus; itirta Indos autem '])iorl)fiUJ, Rex atque princeps Nyjfœ,, Noë vero seçundum Hebraos On ne peut douter apres cela, que cet auteur, Se ceux de qui il a emprunté ce qu'il dit, n'aient estime, que Noéeftoit en me sme temps & le Bacchus des Indiens-, l'Osiris des Egyptiens ; & qu'il eut pour ministre Mercure Trismegiste, qui donna commencement aux lettres & aux arts, féIon les instructions qu'il en avoit reçues de Noé, qui avoit CQiifçxYé le depost des arts, des lettres

AI etamarp* lib. 4.

Chil. 4.

hifk. 1 -

Chil. f.

iijl. 2,6

&:. des sciences , qu'on avoit pu inventer , ou cul tiver pendant les seize ou dix & sept siecles, qui avoicnt précédé le deluge. Ce mesme auteur dit ailleurs, qu'on voioit vers les montagnes de rlnde les colomnes de Bacchus , non pas du Bacchus de Thebes en Grece , mais de celui d'Egypte , qui inventa la culture des vignes, qui porte le nom d Osiris, & n'est autre que Noé. Prope montes In - diét, columnét quædllfn confît tut a [tint, çolumns, (_Dionysij , non Thebani, sed vini inventoria, t~ omp-/iac t'upn , ÆgJp:ij, J.'ÙI, atque Osiridis , Deunyssi, Dionyfi.

II. Enfin le mesme Tzetzés dit encore ailleurs , qu'au temps de Noé, qui est le mesme que Denys, & Osiris, un Egyptien nommé Vulcain trouva le feu & inventa les arts, où le feu est emploie, qu'au reste les Poëtes Grecs aiant fait leur apprentillage dans l'Egypte , en avoient tranfpor- te dans la Grece, & avoient attribué à leur na- tion toute la gloire de ces arts. fHlcarms quidam AEgyptisus ix temporibm Noé. qui Noè DionyfÙu) at- Ne, Osiris vocatur , invemt ignem , atque artes ex igne quotquot font. Graci suum vindicant Pulcanum fit h m , cmn aliis aliquot nomimbns hominum AEgyptiorum , Deos ipsorum dixtrunt illos suissè, tanquam Grœcis poëtis in Aîgypto infiitutis , & docentibus ita fUioJ Gracia. Il faut dire de Bacchus ce que cet auteur dit de Vulcain, sçavoir que les Grecs l'avoient transporté dans leur païs, en aiant appris la vraîe histoire dans l'Egypte. Au reste si c'efl: fous le regne de Noé dans l'Egypte , que Mercure & Vu lcain inventerent les sciences, les lettres & les arts, il eH: certain que Noé fut le premier auteur de toutes ces inventions merveilleuses, aussi bien que de la culture de la vigne , quoi-que l'E criture ne parle que de celle-ci Il n'est pas mef;nç fort difficile de deviner , pourquoi Moïse n'a

Chil. 8.

/:/ ll(.

Chil-nd.

3 o 5 >j.

parlé que de l'art de cultiver la vigne & de faire du vin, laissant tous les autres arts inventez, ou renouveliez par Noé. C'est qu'il vouloit nous apprendre l'inSulte que fit Cham à son pere pendant ion ivresse, & la malédiction que Noé lança enfuite sur la posterité de Cham ôc sur les Chana- néens, qui devoient comme en execution de cette malédiction estre un jour challez de la PalestinE par les Israelites. Après tout on ne peut raifon- nablement nier, que pendant les seize fieclcs qui coulcrent entre la creation du monde & le délu- ge , les hommes n'aient inventé plusieurs arts & plusieurs sciencecs) que Noé ne pouvoit ignorer, aiant vescu six cents ans avant le deluge, & aiant emploié cent ans au bastiment de 1 Arche. Il est donc fort vrai semblable, que comme cet Auteur vient de nous dire, Mercure ne fut que Son mmiftre & l'executeur de ses preceptes dans l'invention & la culture des sciences ; & il en faut dire autant de Vulcain pour les arts.

111. Au reste si Tzetzés fait palier Noé tan- tost dans l'Inde ôc tantost dans l'Egypte , au lieu que nous avons paru le fixer dans l'A rménie LI dans la Chaldée : il n'y a en cela nulle contraricté. Car il faut considerer que Noé vefcut trois cents cinquante ans après le déluge , qu'il avoit une ardeur extreme de repeupler la terre sélon le precepte que Dieu lui en avoit fait, & qu'il

estoit soutenu pour cela d'une assistance & d'une protection toute particulière de Dieu. A peine peut-on douter, que trois cents cinquante ans de vie n'aient esté suffisans avec ce secours du ciel, pour faire ces voiages de l'Inde en Egypte, ôc pour faire un tres-long sejour vers la Chaldée. S. Epiphane dit que ce fut à Rhinocorure aux frontiè- res de l'Egypte, que Noé fit le partage du monde à ses trois enfans, factis apud Rhinocorurtim op.

II acsi 66.

n. 83.

pidum jorttbui, uti consentanea fama vulgatum ej £

cm nihil zanum subest , aut temere confictum. Le mesme S. Epiphane confesse, que ce fut dans l' Armenie, que Noé sortit de l'Arche, que ce fut 1*4 qu'il planta premièrement des vignes , & qu'il y établit ion sejour, Post diluvium cum in Ararati 71JOnt ibI1!-. Armemian inter & Cardiæos in Lubare colle Noëmi arca constitisset , illic prima hominum secundum diluvium habitatio fait ; ibidemque Noë- mm propheta vitem consevit , 0" domicilium confit tut t.

.1 V. Mais s'il y a quelques rapports entre Noé & Bacchus, il faut demeurer d'accord avec Vossius, qu'il y en a de plus grands & de plus ad mirables entre l'histoire de Moïse, & les fables de Bacchus. Voici ceux qui ont esté remarques j ar ce sçavant homme, Moïse nasquis en Egypte, & Orphée dans les hymnes qu'on lui attribuë , rend le juetmc témoignage à Liber, ou à Bacchus; le faisant fils de la Dcesse HÎs, & le faisant naistre auprés des eaux du Nil, où Moïse fut exposé.

(/U/J tuii matre P, ca IjÙfe vencranda, Ægypti apttd undam, cum ancillis nniricibîu. Ces nourrices mefnu s pourroient nous representer la sœur & la mere de Moïie , à qui la fille de Pharaon donna Moïse V, Moïse après sa naissance fut d'abord exposé sur le bord du Nil, dans un petit berceau de joncs entrelassez Pausanias aussi raconte que les Brasiaî.os dans le païs de Lacedemone en Grece , pretendoient avoit tiré leur nom , de ce que la petite nasselle ou la boëte , 011 Bacchus avoit esté enfermé ., estoit abordée sur leur coste, iantî cKptÇçxâq* ii.tod valet$Jlft maris ejici. Voici les paroles de Pau." 1 antas : IncoU tA sermombus vulgarunt, quæ neutiqnam alij Græcorum populi consitentur ; Semelem cj' de m Joz/i Liberum patrem pcperijfe ; * Cadr

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deprehensam cum puero recens nato in arcam conjeUam; eam arCAm æftu jactatam, in fines suos ejeftam.

Nous avons dit plus haut, que ceux de Lacede mone se vantoient d'être descendus d'Abraham, Ainsi l'histoire de Moïse pouvoit estre passée jusqu'a eux , & selon l'inclination generale de tous les payens , ils avoient esté bien aises de s'en faire honneur & de l'appliquer à leur païs.

VI. Le nom de Moïse vient de ce qu'il fut re- tiré des eaux. Masa, extrait Orphée dans ses Hymnes ou dans ses Mysteres donne à Bacchus le nom de Mises , l'appelle né des eaux , vS~o-/m<; j comme s'il disoit » Jvloïiè eut deux meres , l'une qui l'enfanta , l'autre qui l'adopta , & l'éleva dans le palais Royal pendant l'espace de quarante années. Et on fait les raisons pourquoi Bacchus fut appelle Bipdrwf 9 enfant de deux meres, parce que Jupiter acheva ce qui manquoit à son terme.

VII. Bacchus fut élevé dans une montagne d'Arabie, pommée Nysa. Diodore de Sicile, & plusieurs autres en font mention. Et on sçait que Moite passa quarante ans dans l'Arabie , avant que de revenir en Egypte pour y prendre la conduite & le gouvernement des Israëlites. Ainsi on a pû penser, que l'Arabie avoit esté le lieu de son education. On sçait aussi que Moïse fréquenta la montagne de Sina , qui est le mont de Nisa par une simple transposition de lettres, ce qui arrive souvent. Cette montagne avoit peut-estre ces deux noms. Aussi Vossius remarque que la Chronique d'Alexandrie parlant de douze montagnes cele- bres , use de ces termes ; i'û<sQ&, <nyx ef a©s|5/«. Nyssus, Sina in Arabia. Que lques-uns disent que Nifa estoit une ville sur le mont Meros, qui signifie en Grec la cuisse, fMçjç, & que de là vient la si- ble de la cuisse de Jupiter. D'autres pensent que

Lib. 3. & 4.

Nisa cftoit sur la cofte d'une montagne, ce que les Hebreux nomment Farkete har, crura montis.

Cette expression se trouve en effet dans l'Ecriture.

VIII. Plutarque parle de l'exil de Bacchus, & c'est apparemment la fuite de Moïse dans l'Arabie , après qu'il eut donné la mort à l'Egyptien, qui alloit ravir la vie à un Israélite innocent : Mais le Poëte Nonnus, qui a écrit avec estendue la fable de Bacchus , nous parle bien plus clairement de la fuite de Bacchus, vers les eaux & dans les eaux mesmes de la mer rouge. Trepidantibus vero pedibus fugiens incomprehensibilis viator , flcivnm si si el * , , rI' JI)tub ri Jubtit flullum maris- 7>av/.oV çpvx&Àiw; i'w.-iô^c.'h xvim Sa;\a JeIl ne se peut rien dire de plus pré- cis, ni de plus exact de l'histoire de Moïse travestie , & revestüe des déguisemens de la fable de Bacchus.

IX. Moile eut de grands combats à donner dans l'Arabie , & il y remporta de glorieuses victoires. Aussi Diodore de Sicile raconte après le Poëte Antimaque , comme Bacchus y trouva un puissant ennemi, ce fut Lycurgue Roy d'Arabie , qui avoit resolu de le perdre lui & toutes les Bacchantes , ou Menades. Nonnus en dit autant ; en voici les paroles : Arabiam ascendit , & benè odoratas ob arbores, Nysiacæ frondosum admirabatur jugum sylvæ, & urbem excelsam teliferorum nturicem.

virorum, ubi Martis sanguis , cæde pollutus habitabat vir valdè furiosus Lygurgus. Et un peu plus bas, Arabiæ Régis Driantis filio Lycurgo, L'armée de Bacchus qui traversa avec lui toute l'Arabie, estoit composee d'hommes & de femmes, selon Diodore de Sicile : Circumduxisse exercitum non virorum modò, sed mulierum. On sçait aussi que Moïse passa tous les deserts de l'Arabie avec une armée de six cens mille combattans, mais suivie d'un bien plus grand nombre de femmes de d'enfans.

Z. de Jfide,

L. 2. 0, Dionyfinc.

L. jo,

L. 5.

L, 4.

X. Orphée dans ses hymnes , Euripide dans ics Bacchantes, de Sophocle dans les vers que Strabon en rapporte, disent que Bacchus avoit sur le front les cornes d'un Taurreau. TaoeW™71'®' jw(jy.spxï, xe&cQq>oi>& , /Svx/pç. Ce qui convient admirablement avec ces cornes de lumiere, c'estdire avec ces raïons lumineux, qui sortoient selon l'Ecriture du visage de Moïse , quand il revenoit de ses entretiens avec l'oracle Divin. Le texte Hebraïque donne le nom de corne à ce raïon de lumiere , Keren, d'où est venu le xéey; des Grecs, & le Cornu des Latins. La version latine y est semblable , Oitbd cornut a esset facies Moïsis.

Moïse frappa le rocher avec sa verge, & en fit sortir une source d'eau vive. Or Euripide dans ses Bacchantes en dit autant de l'une de ces Bacchantes , qui accompagnoient Bacchus : Thyrsum autem iju.îcLim arripiens percussit petram ; aquæ processit hu- ?nor tiiide ro Cet dits.

XI. Moïse par l'ordre de Dieu fit dresser un ki pent de bronze, afin que tous ceux qui avoient esté blessez par les morsures des serpens, en fussent guéris , en arrestant leurs yeux sur celui-ci. c'é- toit peut-estre pour imiter ce prodige , que les Bacchantes se couronnoient de serpens : selon S. Clé- ment d'Alexandrie : Bacchum Mænolen célébrant Bacchæ coronatæ-angiubus. Arnobe leur en fait un reproche , Circumplicatis vos anguibus. Euripide fait mention de cette coustume dans ses Bacchantes. Et coronaverunt Draconum coronis.

XII. Un des plus fideles ministres de Moïse fut Caleb, qui donna de si illustres preuves de sa valeur & de sa fidelité, lorsqu'il alla observer & découvrir la terre promise, & en remporta avec les autres espions cette fameuse grappe de raisin.

Aussi les Poëtes ont donné un chien pour compagnon à Bacchus. Le terme Hebreu Celeb signifie

L. is-

Admonit., ad Gentil.

L, J.

un chien. Nonnus rapporte le discours de Bâcchus , quand il transporta son chien parmi les Astres, & en fit une constellation, qui s'appella M&ra, ou bien la petite Canicule ; Gratiam tibix laborum ergo, referam mutuam, post Sirium , stellam MATA , Ætheris civem ego te & stellis multis relucentem efficiam , prope canem priorem ; ttvamttt & tu maturam reddas; racemi tn ubertatem jacu- lans à te splendorem. Cette maturité que la petite Canicule donne aux raisins, ne revient pas mal à ce prodigieux raisin, que Caleb porta à Moïse & à tout le peuple, comme une marque de l'incroiable fecondité de la terre promise.

XIII, Quoique la gloire d'avoir le premier trouvé la culture des vignes & l'art de faire du vin , ne puisse estre attribuée qu'à Noé : Moïse y peut néanmoins avoir quelque part, en ce qu'il conduisit les Israëlites en un païs où croissoient de prodigieux raisins, & en une terre 1 qu'on pou- voit dire estre arrosée de ruisseaux de vin, aussi bien que de miel & de lait. Euripide dit quelque chose de semblable dans ses Bacchantes ; Fluit vers lacte terra ; fluit etiam vino, fluit & apum ne hare. Ces expressions ont esté communes entre les Poëtes. Virgile dit, Mella fluant illi. Et Ovide, F lamina jam lactis, jam flumina nectaris ibant. Et Horace, Lactis & uberes cantare riz/Qs , atque trun- cis lapfa cavis iterare mella.

- XIV. La principale qualité, & qui distingue le plus Moïse est celle de Legislateur. Orphée donne à Bacchus la mesme qualité & la, mesme fonction; il l'appelle fcwopo&r, Legiflatew , - & lui attribue mesme comme une double loi, ~<<?~c6«)c iic/uoif, comme s'il vouloit faire allusion aux deux tables de la loi de Moïse , ou au Deuteronome.

X V. Ce n'est donc pas sans raison que S. Epiphane dit, que-les Arabes adorerent Moïse com-

Dionyft. 1.

16. v. 187

Virg. Eclc.

3 OrJid. Met.

I.

H or ut. I. x, Od. 19.

me un Dieu, après lui avoit veu faire tant de prodiges, & rendirent des honneurs divins à son image. Siquidem Arabia Petran incola, quæ regio Zochem & Edom appellatur, Moyfen propter edi- ta ab eo prodigia pro Deo venerantur, & ejus im4ginem adorant ; qua efficta in errorem delapsi sunt.

XVI. Enhn Vossius remarque fort judicieusement, qu'il est absolument necessaire de distinguer le Bacchus des Indes, qui est le Noé des Ecritures , d'avec celui d'Egypte & d'Arabie, qui est Moïse ; & de reconnoistre que ce font là com- me les deux originaux, dont les Grecs ont voulu tracer une copie dans leur Bacchus de Thebes qui est beaucoup posterieur à celui d'Egypte, comme celui d'Egypte est plus jeune que celui des Indes. Ce fut la passion de toutes les nations anciennes , de vouloir s'approprier, & naturaliser dans leur pais toutes les choses merveilleuses des autres nations plus anciennes.

x VIL Il n'est pas néanmoins sans apparence , que dans les commencemens des Colonies Phenicienes , dans la Grece & dans l'Italie, la tradition estoit plus pure & plus sincere; & que les Phéniciens ne debitoient dans ces nouvelles peuplades qu'ils faisoient, que les histoires, ou les fables à peu prés au mesme estat qu'elles estoient dans la Phenicie & dans l'Egypte. Quand l'amour de la vérité ne les auroit pas portez à en user de la forte, l'interest de leur propre gloire les y auroit pouffez. Mais depuis que ces Colonies se furent puissamment établies, & qu'elles se furent mesme soustraites à l'obeïssance des Phéni- ciens , ce fut alors qu'apparemment elles firent des changemens plus considerables, pour effacer toutes les marques de leur origine, qui estoient aussi des marques de leur dépendance, ou parce que les hommes font sujets à alterer les histoires dans la fuite des temps. -

H&reî fs si

Page 40.

XVIII. Comme Nonnus a esté celui des Poëtes, qui a traité plus au long de l'histoire fabu- leuse de Bacchus; il n'y a pas de danger de re- prendre divers endroits, qui nous font échappez.

Il déclare d'abord qu'il veut representer la défaite des geans par Bacchus armé de sa verge , Fli he- deraceo thyrso dilaniavit genus giganturn. La verge de Moïse estoit l'instrument de ses victoires &: de ses miracles ; & ce furent selon l'Ecriture des geans de la race d'Enac, qu'il défit en approchant de la Palestine.

Il vient ensuite au passage de la mer , Sin vero imitando efficta suerit aqua, Dionysium canam, sinum maris subeuntem , armato Lycurgo. Il ne pouvoit parler plus clairement, quand il eût parlé de Moïse.

XIX. On sçaitque Noé dans les Ecritures porte ce nom, parce qu'il devoit estre le consolateur & faire la consolation & le repos du genre humain.

Les Interpretes sont partagez iur ce point, les uns croyent, que ce repos est la conservation & le renouvellement du genre humain par le ministere de Noé après le deluge, les autres s'imaginent que ce fut par l'invention du vin , que Noé adoucit les amertumes de la vie des hommes. Nonnus a suivi cette seconde opinion ; Vitam mortalium diversa habebat cura, incpientem labores, & non cessantem à curis. Nondum enim Partus puerperia vincula solvens, Bacchum ex fuo semore ejaculatus suerat pater ex gravido semore j humanæ requiem curæ, <t~ efJVsrcunrct jM~Mjof~. &c. vini emrn penuria erat. Ces termes , Humanæ requies euræ) conviennent trop bien au nom de Noe , pour ne pas lui approprier ce texte de Nonnus, qui n'a pas toujours distingué le Bacchus Indien d'avec l'Egyptien, ni l'histoire de Noé d'avec celle de Moïse. C'est une faute où tombent tous les an-

lib. t. pag.

307.

Ibidem.

Lib. 7, pag.

15 4-

tiens Poëtes, de confondre plusieurs personnes de mesme nom en une feule personne.

XX. Le passage de la mer rouge, & le Jourdain arresté au milieu de son cours, font évidemment exprimez dans ces vers du mesme Poëte ; Sorores vero assumens in fluctum Eoi, transiit Oceani, C" cohibebatur quidem Lydy fluxus Arundines generantis Hermi, velociter voluto profluente ventosa vi- bratione » neque fluere volveebat, ditiffirno autem flu- vio Pactolus croceus retraxit luctuosam aquam. Il ne faut pas s'estonner, si ce Poëte attribue aux fleu-

ves de la Lydie ce qui convenoit au Jourdain; & s'il dit d'une Nymphe, qu'elle passa la mer, ce qui se doit entendre de Bacchus ; ce font des licences ordinaires aux Poètes & à la fable.

XXI. Jupiter envoia Iris à Bacchus pour lui commander d'aller dompter les Indiens, & de les châtier avec sa verge de toute l'Asie. Robuste Bacche, tuus pater te jubet pietatis indocile evertere ge- mu Indorum ; sed tuis manibus pugnacem thyrsum ex-

tendens, calo digna persice. Cette nation indocile & incapable de religion yt'vQfdvç àflfxyjor, n' est autre que celle des Arabes & des Chananéens , qui estoient les descendans & les imitateurs de l'impiété de Cham , que Moïse par ordre du ciel chassa de leur païs, & les obligea en partie de traverser les mers. Au reste la lecture des anciens Hi- ftoriens, aussi-bien que des Poëtes , montre évidemment qu'on donnoit alors aussi-bien qu'à pre.

fent le nom des Indes , à tous les païs les plus éloi- gnez qu'on connût, sur tout vers l'Orient. Ainsi à l'égard des Grecs & des Egyptiens l'Arabie & l'Idumée passoient pour le païs des Indes.

XXII. Peu aprés ce Poëte dit, que les Coribantes avoient trouvé Bacchus encore enfant avec des cornes, xEejH ppÉq>@-. Nous avons déja parlé de ces cornes. Nous avons aussi parlé de Caleb, &

Lib. n. pag.

38 6.

qJ)f 104 âAeciFia.

f 15 poot «X4auoTo.

Lib. 15. pag.

J9I.

Ibid. pag* 3.9 3 L. i6. pagm 4 U-

du chien de Bacchus , que Pan lui avoit donné, & qui s'entretenoit avec lui; car il participoit aux avantages des hommes , il raisonnoit & parloit.

Diderat munus habendum canum nutritor alta cor- nua habens Pan; & ipsum tanquam sapientem & /0quentem intuens, socium aqualiter incedentem, suorum participem laborum , Bacchus amore insaniens amico rogabat sermone.

XXIII. Lycurgue ennemi declaré de Bacchus, aiant vû comme il s'estoit fauvé dans la mer, regretta son mal-heur de ne pouvoir l'y poursuivre; Horribilibus fluctibus abscondito Baccho, non cessans Lycurgus in aquas projecit -voctin ; utinam pater me docuisset post bellum opera maris ut etiam pugna- rem , etiam piscatorum in certamen, venans Bile- chum &c.

Enfin Bacchus trouvant le fleuve Hydafpes contraire à ses deHèins, & emporté contre lui, le brufla & le mit à sec. Ce qui semble nous remettre devant les yeux ce vent chaud & brûlant dont Dieu se servit pour mettre à sec la mer rou-

ge, & donner passage aux Israëlites: Cumque extendisset manum Moyses super mare, abstulit illum Dominus fiante vento vehementi, cff- urente tota nfJ" ete, & vertit in siccum. Bacchus donne la liberté de la parole à des enfans, qui estoient nez muets, & on sçait que Moïse qui avoit la langue natur- rellement un peu embarassée, fut néanmoins urt oracle vivant pour instruire les peuples. Bacchus sélon le mesme Poëte monta sur le Liban & y fit planter des vignes, ~am quidem Clivosi super Li.

bani capite figens prœclaros frufttis in terra uvam vi/ÎJ, &c. C'est reconnoistre que les conquestes de Bacchus s'estendirent jusqu'à la Palestine, aussi bien que celles de Moïse. Bacchus c'est-à-dire Moïse pria le soleil de prolonger le jour, en arrestant un peu sa course; Ducem astrorum Solem exoravit.

t. xo.pag.

440.

L. 13.

L. 14.

L. ifi. pag.

474-

Z- 41. pag.

j61.

I. 41. pag.

369.

oravit, extendere dulcem lucem , ut tardus i7i occa- sum veniret. Enfin ce n'et f pas sans faire allusion à la verge de Moïse, qui tira l'eau d'un rocher, que es mesme Poëte conte ailleurs, que Bacchus frappa la terre de son Thyrse, & fit sortir d'un rocher un torrent de vin. Neque vero latuit Bacchum in montibus currens instabilis Aura suiculosa, celeriter vero currens ad fundum petræ, Thyrso terrain percussit, divisa vero rupe (pontaneum generavit vi- num. ~&c.

XXIV. Le Poëte Denys dans la description du monde fait aussi naistre Bacchus dans l'Arabie; Revera enim in terra soluit illa Jupiter ipsum Dio- nysium bene suto à femore, proinde nato odorata nas- cebantur omnia. Il pousse ses victoires jusqu'aux Indes, où il borne ses conquestes à deux colomnes qu'il y posa ; ne faisant qu'un Bacchus de trois, du Grec, de l'Egyptien & de l'Indien.

XXV. Homere rend un témoignage plus autentique; comme estant beaucoup plus ancien , a une partie de ce qui a esté dit, sur tout comme l'armée de Bacchus estoit en partie composée de femmes, comme Lycurgue Roy d'Arabie lui fit la guerre, & comme Bacchus se sauva dans les eaux de la mer. Nam ne Dryantis quidem filius fortis Lycurgus diu vixit, qui cum Diis cælestibus contendebat; qui olim furentis Bacchi nutrices perfequebatur per sacrum Nyjfœum; illx autemn simul omnes Thyrsos in terram projecerunt. ab homicida Lycurgo verberatæ stimulo. Bacchus autem territus subiit maris undarn : ac Thetis excepit finu timentem &c.

XXVI. Nous avons déjà dit, qu'Euripide dans les Bacchantes avoit nommé Bacchus Cornigerum Deum, & qu'il l'avoit couronné de serpens; Et coronavit Draconum coronis, Il faut ajoûter encore ici que dans la mesme tragedie, les Bacchantes en

L. 48 pag.

618.

Verf. 94Q.

Verf. 116 S

lliad. I. 6*

frappant la terre & les rochers de leur thyrse, en font sortir de l' eau, du vin, du miel & du lait.

Quadam thyrso correpto percussit petram, unde roscidus aqud, prosiluit humor. Alia vero ferulam in ter..

ra solum demisit, & hac parte emisit Deus fontem vini. Quibus vero desiderium candidi potlll erat, summis digitis dividentes terram, habebant copiam lattii. Sx hederaceis vero thyrfis stillabant flavi mel- lis humores. Les combats des Menades fous la conduite de Bacchus font representez ensuite, & ils font tous entrelassez d'une infinité de miracles, elles font invulnérables, toutes les chaifnes se brisent d' elles-mesmes , & quantité d'autres merveilles imitées sur celles de Moïse.

XXVII. Le sçavant Bochart a remarqué plusieurs particularitez de la fable de Bacchus, qui semblent avoir esté imitées de divers endroits de l'Ecriture. Homere vient de nous dire, que Lycurgue frappoit les Bacchantes avec un aiguillon de bœuf, fovMy } Nonnus dit au contraire qu'elles se défendoient avec un aiguillon semblable.

C'est la feule efpcce d'armes, que Samgar l'un des Juges dans l'Ecriture , emploia contre les Philistins.

Pausanias raconte, que les Grecs trouverent à Troye une arche consacrée à Bacchus, dans laquelle estoit sa statuë. Euripide la regarda, & perdit à l'instant l'esprit. C'est comme les Bethfamites furent frappez d'une main celeste, pour avoir regardé dans l' Arche.

XXVIII. Euripide dans les Bacchantes fait dire à Cadmus, que le culte de Bacchus estoit tres-ancien. Si les autres Poëtes le font fils de Semelé, qui estoit fille, ou petite fille de Cadmus, ce n' est que pour nous insinuer, que ce fut Cadmus, qui passant de la Phenicie en Grece, y apporta l'histoire fabulcuie & le culte de Bacchus. Et com-

C banaan.

1.1. c, 18.

1.1 o-

Ittdimm.

C. 3.

f

In Achaic.

L i. Réf.

f. e.

me ce fut au temps de Josué que Cadmus chassé de la Phenicie par cet incomparable conquérant, se retira avec plusieurs autres Chananéens fugitifs, 6c porta dans la Grece les lettres & la religion; il y porta la fausse divinité de Bacchus, revestuë des circonstances merveilleuses de l'histoire de Moïse, qui estoit alors toute recente.

XXIX. Le mesme Bochart croit que c'est Nemrod le premier Roy de Babylone, dont les payens on fait leur Bacchus. Philostrate fait dire aux Indiens, qu'ils avoient receu Bacchus non de la Grece mais de l'Assyrie. Nonnus fait succeder à Bacchus , Staphylus Roy de Babylone. Je ne disconviens pas de ces preuves , mais elles me fcmblent mieux convenir à Noé, qui fut le Bacchus des Armeniens & des Assyriens, comme il a esté dit, & qui passa en fuite aux Indes.

XXX. Cet auteur croit que les noms divers de Bacchus font la pluspart les noms du vrai Dieu, que l'impieté des idolatres attribuoit à une fausse divinité. Dionysius, peut venir de Jeova nissi, DoI li-tr 1 minus, vexillum meum. Jacchus peut venir du mesme Jcova, ou de Jao, car c'est comme les Grecs prononçoient quelquefois Jeova. Adoneus vient de Adonai. Eleleus vient de El Elohim, Deus Deorum. Hyes vient de l'Hebreu Hu es, ipse ignis.

Attes vient de Atta es, Tu ignis. Car Bacchus nasquit selon la fable parmi les feux du tonnerre.

Bacchus est souvent representé par les Poëtes fous la forme d'un Taureau; Parce que Dieu eH: souvent appellé dans l'Escriture Abbir, qui signifie le fort, & un Taureau. Evoe est un terme que l'Ecriture emploie en parlant des ivrognes: Cui VA ? Cui Evoe? iis qui vino immorantur. De là vient Evius, Evan. Saboe, Sabdzjits > ~Sabasius, viennent du terme Hébraïque Saba, qui signifie s'enivrer. Bassareus vient de Batsar, qui lignifie ven-

L. 1. C. 4,

L. 18.

Pro verb. c.

13. -v. X9> 30.

Saba.

Bill! a.r,

danger. Dithyrambus vient du Syriaque dithere abhan, qui est le mesme que «fWavc^, qui a deux peres. Iacchus vient du Syriaque IAn, ou lacco, qui est le mesme que puer lactens ; & c'est comme on representoit souvent Bacchus. Aussi ces paroles de Virgile, Mystica vannus Iacchi , se peuvent entendre du Berceau de Bacchus, qui s'appelloit aussi, pour le mesme sujet Licnites , parce que ",J(V signifie un berceau , & un van. Voici les paroles d'Hesychius ; Licnites. Bacchi Epithetum, à cunis in quibus infantes dormiunt On a feint qu'il estoit né de la cuisse de Jupiter ; parce que c'est une expression des Hebreux pour exprimer la generation ordinaire. Nasci de semore patris. Si l'on a dit qu'il estoit né sur la montagne Merus , ai"t>&, c'est que ce mesme terme signifie aussi la cuisse.

Ou plûtost c'est parce que la langue Hebraïque nomme les cuisses Ierec, Iarkete des montagnes, ce que nous appellons les costes des montagnes.

Et cet usage est frequent dans l'Ecriture. Si Bacchus a esté appelle Brisæus & Bressæus, cela vient du Syriaque Bres doubjÀ, lacus mellis. Ces deux mesmes termes se lisent dans la Paraphrase Chal- daïque en la mesme signification. Or tous les anciens ont fait Bacchus l'inventeur du miel, où parce que Moïse conduisit le peuple de Dieu dans une terre , coupée de torrens de miel, ou à cause du meslange ordinaire qui se faisoit du vin & du miel, ôtropi Tertullien dit dans son Apologetique , que les Arabes adoroient le Dieu Dusares ; Suidas le nomme fevQetpvç, comme si c'cftoit tcoç apm Deus Mars. Il y a plus d'apparence que c'est un terme Arabique; aussi bien que Vrotal, qui est un des noms de Bacchus parmi les Arabes elon Herodote. Quant au nom de Liber, Bochart croit qu'il est imité sur le terme Hebraïque hur, hurim qui signifie les personnes libres & nobles ;

L. 1. Georg.

L i. Regum. c. 14.

v. x 6.

Caf. 14.

comme dans l' Ecclesiaste, où il en dit qu'un pais est heureux, quand le Roy est descendu de parcns illustres , filius hurim, comme qui diroit flitu l-Jeroum. Car il estime que les Heros de la langue Greque viennent des Hurim des Hebreux.

XXXI. Ce mesme auteur croit après S. Ju- stin, que la fable de Silene compagnon inseparable de Bacchus, n'a esté fabriquée, que par une imitation profane des Ecritures , & par une application sacrilege , qu' on a faite à Silene, de ce qui avoit esté dit du Mellie. Car dans la benediction que Jacob donna à Juda & à sa posterité , le Messie est appellé Silo, d'où les payens ont fait leur Silene ; Il y est dit de lui qu'il fera le Docteur des peuples , &: les profanes ont fait un grand Docteur de Silene ; il y est dit que l'asne fera lié à la vigne, Ligans ad vitem afellum suum , & ad generosam vitem pullum asinæ : Et c'est ce qui a fait donner un asne à Silene ; il y est dit Lavat in vino vestimentum suum , & rubent illi oculi à vino &c. Et c'est ce qui a donné occasion de feindre , que Silene fou- loit les raisins dans le pressoir, & qu'il estoit tou- jours ivre. Enfin il y est dit que ses dents font plus blanches que le lait, & c'est pour cela qu'Euripide dit que Silene se nourrit aussi de lait & de laitages.

XXXII. On donne encore le Dieu Pan pour

compagnon à Bacchus. Et il est certain, que le nom de Pan vient du terme Hebraïque Pan , qui signifie un homme étonné & surpris d'une terreur panique. Car c'estoit l'apparition de Pan , qui imprimoit les terreurs paniques. Aphuna, dans les Pseaumes , est le mesme que o bstupescam, Nous avons dit que P. & Ph. ne font qu'une mesme lettre parmi les Hebreux. Allffi Faunus est le mesme que Pan , & il vient de la mesme origine Pan, ou Phan, aphouna. Denys d'Halicarnasse dit de Faunus, que c'est un demon à qui les

C.io.v.17.

In Cyclep:beu,

Psal. 88.

v. 16.

Romains attribuent les terreurs paniques. 7'¿ Tf1!

àvcOfisCLTl 7 J CltJUOVi P"'st"'O TCt 7rcWlX.CC.

XXXIII. Bacchus est aussi accompagné de Satyres. Or le nom de Satyre vient de l'Hebreu Sair , qui signifie un bouc , & couvert de poil.

On Cait que les demons paroissoient & paroissent encore souvent fous la figure d'un bouc.

Les Bacchantes qui accompagnoient les armées de Bacchus, emprunterent leur nom du terme Hé- braïque Bac a, qui signifie pleurer & urler. Car les pleurs, les cris, & les urlemens estoient ordinaires dans les m ysteres de Bacchus. On les appelloit aussi Thyades de l'Hebreu Thllhll, c'est-à-dire errer & courir de tous costez. On les nommoit Mimallonides de l'Hebreu Memallelan c'est-à-dire causeuses & babillardes.

XXXIV. Les Thyrses qu'on donne à Bacchus & aux Bacchantes, font manifestement des bastons de Pin, qu'on appelle en Hebreu Thirza. Aussi les branches de Pins estoient les torches Sentes flambeaux des anciens ; & aux sacrifices de Bacchus on n'en allumoit point d'autres, comme on peut voir dans les Bacchantes d'Euripide. On portoit de Phalles à ces infames & detestables sacrifices, & ce mot vient du Miphlefet des Ecritures , que S. Jerôme Interprete Priape ; dont l'origine est phalats , c' est-à-dire terreur. Athenée dit que les festins de Bacchus s'appelloient uxÇonç, & Casaubon a fort bien remarqué, que Mazon en Hebreu signifioit un festin. Enfin les mysteres de Bacchus se nommoient orgia, & Bochart croit, que ce mot peut venir du Chaldaïque A?z..aia, qui a lamefme signification, & qui vient de l'Hebreu raza , ftcYUllm, XXXV. En voila assez à mon avis pour demeurer persuadez, que tout ce que les Grecs ont dit de leur Bacchus, Se, les Latins aprés eux, n'a

S ar-

Baca.

Thaha.

Memallelan,

L 3 Reg.

c. If. V. 3, L. i. parai, c. l j. v. 16.

Athtn. L 4.

esté qu'un déguisement de l'histoire de Noé, & encore plus de celle de Moyse , en y joignant plusieurs autres circonstances, tirées de quelques autres endroits de l'Ecriture. Ce n'est peut-estre pas, que les idolatres Egyptiens, ou Arabes, ou Pheniciens, aient pretendu rendre-des honneurs divins à Moyse , qu'ils avoient au contraire en detestation. Mais c' est que ne pouvant ignorer les merveilles surprenantes de l'histoire de Moyse , ils ont tâché de les dépaïser, & de les attribuer à une fausse divinité. Strabon asseure que les Arabes ne connoissoient que deux divinitez, Jupiter 6c Bacchus ; & qu'Alexandre en aiant esté informé, quoniam duos tantum Deos ab illis coli audisset, il fit resolution de les subjuguer, afin de se faire reconnoistre par eux pour une troisiéme divinité.

Il estoit assez ordinaire aux payens de devenir adorateurs de ceux qui les avoient rangez fous leur obeïssance. Ainsi on pourroit peut-estre aussi se lais• fer persuader , que ces nations firent effectivement de Moyse une de leurs divinitez, comme Alexandre se flattoit de cette esperance après les avoir domptez ; & comme il est arrivé a tant d'autres, dont il fera parlé ensuite.

XXXVI. En effet si S. Justin a creu , que du Silo de la Genese, qui est le Messie envoie du ciel, les payens ont fait leur Silene ; s'il a creu que de la prophetie de Jacob touchant le Mcfîïe ils ont forgé leur Bacchus ; pourquoi ne croirat-on pas, qu'ils ont pû transformer l'histoire de Moïse en celle du fabuleux Bacchus ? Voici les paroles de S. Justin : Moises Propheta scriptoribus omnibus fuit vetustior; ab hoc ita Prophetarum est, - Non deficiet Princeps ex Iuda , & dux è lumbis ejus, donec veniat cui repositum est ; & ipse erit expeftatin gentium ; ligans ad vitem pullurn fimm, lavans stolam suam in sanguim uvæ. Ht s verbis auditis'Da-

L i S. p/tr.

joo.

Apolog. t.

mones Dionysium lovts jihutn eJJe dixerunt, inventorem que vitis prodiderunt ,& asinum in mysteriis & arcanis ejus sacris duxerunt , & dilaniatum sum in cdurn afcendtjfè docmrunt. Ce saint Martyr en dit autant dans l'on d'alogue contre Tryphon.

J'aurois pu ajouter plusieurs observations tressçavantes , que Mr. Huet a faites sur cette mesme transformation de l'histoire de Moise en la fable de Bacchus. Mais j'ai estimé plus à propos de renvoier les lecteurs à l'ouvrage mesme de ce sçavant homme, dont ils tireront sans comparaison plus de lumiere & plus de satisfaction,

CHAPITRE IV.

L'histoire de Josué déguisée a formé la fable d'Hercule,

I. Il efloit impossible, que les grands exploits de Moise 6, de lolue" , ne fissent des tmpreffions tre<~vives dans l'eerit des lnfideles & qu'ils n'en LMJJaJJèllt des traces dans leur hiflolre.

II. Convenances entre fofaé Hercule. La guerre dis Céans.

III. La grejle de pierres envoyée du ciel.

IV. Le lieu où se donna le combat des Geans.

V. Hercule de Tyr plui ancien que celui d-s Grecs.

V I. Hercule d'Egypte , de Tyr, de Gades. C'est frjué.

VII. Preuve de à tltm l ta hem.

V 11 l- Du Chien d'Hercule , Caleb.

1 X. Autres remarques.

X. Hifiwe de fanât imitée dans Hercule.

X 1. Hifioire de samfop, contrefaite.

X 11. L'histoire des Renards de Samson representée annuellement à Rome.

I.

v

Ossius a excellemment remarqué, qu'il ne se put faire, que les victoires, &

les prodiges qui accompagnerent les victoires de Josué ne fissent des impressions aussi vives & aussi

De ldolat.

I. 1. f. 16.

fortes dans l'esprit des Pheniciens; que les merveilles de Moyse en avoient faites sur celui des Egyptiens & des Arabes. Il s' ensuit de là , que comme les uns firent leur Bacchus de Moyse , les autres reveftirent aussï leur Hercule de toutes les plus grandes actions de Josué.

II. Jupiter avec tous les Dieux & avec Hercule combatit Typhée & les autres Geans. Or l'Ecriture fait mention des Geans qui habitoient la Palestine , & dont la haute taille donna d'abord tant de frayeur aux lsraëlites. Il y en avoit mesme une partie , qui s'appelloit la terre des Geans: Cuncta JBafan vocabatur terra Gigantium. Ce pays contenon; soixante villes fortes. Nous avons dit que le Roy Og, qui dominoit dans ce pays de Geans, & qui fut défait par Josué, est le mesme que le T yphée des Grecs & des Latins ; le nom Hebreu Og. aiant la mesme signification que le terme Grec Typhon. Que si les Grecs n'ont pas conservé le nom de Og, & en ont substitué un autre, qui efi: Grec, & qui a la mesme signification : c'est qu'ils en ont usé comme à l'égard de la mer d'Idumée, qu'ils ont mieux aimé appeller Erytrée , comme les Latins l'ont appellée la mer rouge. Que si Ovide, Virgile & les autres Poëtes donnent un si vaste corps à Typhée, qu'il faut plusieurs montagnes pour l'ensevelir tout vivant; au lieu que l'Ecriture ne donne que neuf coudées au lit de Og; c'est que les Pheniciens, & peut-estre les Israèlites mesmes parlant de la victoire remportée sur les Geans, grossissoient encore les corps de ces monstres, & donnoient exemple aux Poëtes, de les grossir encore davantage.

III. Jupiter secourut Hercule contre les Geans, en faisant tomber du ciel sur eux une gre- fie de pierres. Le mal est que les anciens ont at- taché cette pluye miraculeuse de pierres à un lieu

D enter. c. J.

v. 13 v. 14.

Dtit, c j.

ou il y avoit déjà quantité de pierres comme dans la campagne de la Crau , proche d'Arles. Voici comme Pomponius Mela en parle ; Ignobile littus efis lapideum vocant ; in quo Herculem contra Albionem & Bergiona Neptuni filios dimicantem , cum tela defecissent, ab invocato love adjutum imbre lapidum serunt ; credas pluisse, adeo multi passim & lacte jacent. Or l'Ecriture assure , que lors que Josué combattoit pour la défense des Gabapnites contre les cinq Rois qui avoient conjuré leur perte , Dieu fit fondre une gresle de pierres sur ses ennemis, qui en écrasa un plus grand nombre, que la fureur du glaive n'en avoit abbatu. Dominus misit super eos lapides magnos de CAIO » & mortui funt mul- îo plures lapidibus grandinis, quàm quos gladio percusserant filii Israël.

1 V. Nous avons montré que le lieu de ce combat des geans ne peut avoir esté que sur les frontieres de l'Egypte, de l'Arabie, & de la Palestine.

Apollonius dans ses Argonautiques dit, que Typhée fut défait vers le mont de Nyffa, & qu'il fut ensuite précipité dans les eaux du marais Serbonis.

Nous avons montré que le mont Nyssa est le Sina de l'Arabie. Ptolemée place le lac Serbonis entre l'Egypte & la Palestine. Plutarque dit dans la vie de Marc Antoine , que les Egyptiens disoient que les vapeurs du lac Serbonis estoient causées par le soufle de Typhon. Serbonidis paludes Ty- phonis expirationes Egyptii vocant. Homere fait pé- rir Typhon, In Arirnis, c'est-à-dire, selon Strabon dans la Syrie, que les Ecritures & les Auteurs profanes nomment Aramée à cause de Aram.

Ce n'est donc pas dans la plaine de la Crau entre Arles , & Marseille , qu'Hercule battit les geans, assisté du ciel qui écrasa les Geans fous une gresle de pierres. Mais les premiers qui ont transplanté cette histoire de l'Arabie dans les Gau-

L. z. c. j.

f'fuï. c.ii.

L. t.

lit Ad. i.

les, y ont aussi transporté le terme de Crau , ou Craq, qui signifie une pierre en Arabe. D'où vient que Petra en Latin, & Crac en Arabe , est la ville capitale de l'Arabie Petrée. Nos Bas-Bretons appellent une pierre crayon en leur langue. Comme cette langue est celle des anciens Gaulois, il est à croire que les mesmes Pheniciens qui y répandirent ces mots, y répandirent aulli les fables d'Hercule. Justin fait venir d'Orient l'Hercu- le , qui défit Geryon en Espagne. Ce n'est pas qu'il en ion: venu , mais l'histoire ou la fable y en est venue.

V. L'Hercule de Tyr, ou de Phenicie estoit beaucoup plus ancien , que celui de Thebes en Grece. Lucien le témoigne clairement dans le discours de Dca S yda. Voici ses paroles. Herculis quidem temp'u.m il!ni quod est Tyri, non hujus Herculis quem Graci decantant ; sed quem ego dico, multo vetustior ejK & Tyrius Heros. Eusebe met aussi l'Hercule Phénicien environ le mesme temps que Moyse.

Af'yfes in Sina monte divino fruitur aspectu. Et cinq ans devant ; Hercules cognomento Desanæus, in phæ.

m ce clarus habetur. Que si Eusebe fait cet Hercule un peu plus ancien que Moyse, il ne faut pas s'en eftonner, puisqu'il ne laisse pas de les faire contemporains. Il ne faut pas esperer dans une Chronologie tres-ancienne & universelle une exactitude si precise.

V I. Pomponius Mela veut que les Tyriens aient basti dans l'lue de Gades en Espagne un temple à Hercule l'Egyptien. Templurn Ægypty Herculis cul- toribus , religione, vetustate, opibus ilitt^re Tyrij condidere. Or l'Hercule de Tyr estoit indubitablement celui, dont les Tyriens avoient lufti un Temple dans cette fameuse colonie. Appien le dit nettement en ces termes : Herculis templum quod est propè CotumnM Phænices mihi videntur extruxisse ;

L. 44. c.4.

Chronici n. 141.

n. 157 -

In- lb. rkis

quia nunc etiam Phænicio ritu colitur. Nec Theba- nus ipsis efi Deus, sed Tyriorum. Arrien en dit autant, donnant le nom de Tartessus à l'Isle de Gades : Herculem illum qui Tartessi colitur ab Iberu, ubi etiam columnæ quædam sunt Hercules. dictæ puto ego Tyrium esse Herculern ; quia Tartessus condita est à Ph&mcibHs ; & Phænicio ritu templum ibi Herculi structum est, & sacra fiunt. On ne peut donc douter, que l Hercule d'Egypte & celui de Tyr ne foit le mesme. Or on sçait que Josué estoit né dans l'Egypte, & y avoit paffé une partie considerable de sa vie. On sçait aussi que les Pheniciens prirent occasion de l'irruption de Josué & des lsraëlites 1 dans la Phenicie, pour s'enfuir, & s'en al- ler ériger plusieurs colonies sur les costes de la mer Méditerranée. Procope assure dans son histoire des Vandales , qu'on trouva dans la Province Tingitaine une colonne , où estoit cette inscription en termes Pheniciens : Nos ii surnus , qui fugerunt à facie Iofuæ , laironis filii Nave. Eusebe en dit autant dans sa Chronique Greque pag. II.

Hi fugerunt à facie filiorurn lfraëli-r & Africæ Tri- polin habitaverunt. Enfin on sçait , qu'au temps que la Chronique d'Eusebe vient de nous marquer, qui est le mesme temps de Moyse , il n'y avoit point de Conquerant, qui approchast de la valeur , de la félicité & de la gloire de Josué. Ainsi les Pheniciens le prirent pour leur Hercule , où ils reveftirent leur Hercule de ses glorieuses dépouil- les.

VII. Silius Italicus a remarqué quelques particularitez de l'Hercule de Tyr , ou de Gades, qui conviennent admirablement à nostre sujet.

Fttmineos prohibent grefJul ; ac timine CHrtnt Setigeros arcere fies &c.

Tes ntidus tonfuque comæ, caftumque cubilc, In rcftilla focis servant ait aria flAmm,

L. r. m Altxtnd.

L. 3.

Sed nulla effigies, simulacrave nota Deorum.

Toutes ces circonstances se rapportent parfaitement ou à la personne de Josué, ou aux loix & aux usages des Hebreux. Si les femmes n'entraient point dans le Temple de cet Hercule, si les Sacrificateurs devoient toûjours estre chartes , c'est que Josué ne fut jamais marié , ce qui estoit une singularité fort considerable en ce temps-là. Si l'on ne souffroit ni l'approche des pourceaux , ni des statuës , enfin si l'on entretenoit un feu eternel sur les autels , on [ait que c'estoient les loix & les usages des Juifs.

VIII. On a donné un chien à Hercule de Tyr, & c'est à ce chien qu'on a attribué l'invention de la pourpre , ou des huitres dont le fang donne cette admirable teinture. Si c'est Josué qu'on a couvert du nom d'Hercule , ce chien n'est autre que Caleb, qui fut son compagnon de milice & son plus fidele ami. Car nous avons déja dit qu'en langue Hebraïque, ou Phenicienne Caleb, ou Keleb signifie un chien. Il se peut bien faire que le hazard ait fait découvrir la couleur vive du sang de ce petit animal par la rencontre de quelque chien; & qu'on en ait fait honneur au chien d'Hercule, qui estoit le plus grand Roi de la Phenicie, & le plus digne de porter la pourpre.

IX. Enfin on ne peut douter que les |vi £ toires sa buleufes d'Hercule dans les Indes, ne soient des imitations des guerres & des victoires de Josué, dans l'Arabie, que les anciens comprennoient fous le nom des Indes.

Mr Huet estime que si les Poëtes ont feint, qu'Hercule avoit esté conceu pendant trois nuits sans l'interruption d'aucun jour ; ça esté pour contrefaire la prolongation du jour obtenuë par Josué, quand il combattoit les ennemis de Dieu. je laisse un grand nombre d'autres convenances, qu'on

peut lire dans la Demonstration Evangelique de ce sçavant homme.

1 X. Mais il faut demeurer d' accord , que Josué n'est pas le seul , dont les payens aient enlevé les ornemens, pour en parer leur Hercule. On croid avec raison, que l'histoire de Jonas lui a esté appliquée. Car on lit dans la Cassandre de Lycophron , qu'Hercule avoit esté devoré par le chien de mer , nommé Carcharias, envoié contre lui par Neptune.

Car ce grand poisson estant prest de dévorer Hesione fille de Laomedon , Hercule s'avança , le jetta dans sa gueule tout armé, & après lui avoir dechiré les entrailles, il en sortit, n'y aiant perdu que les cheveux. C'est ce qu'en dit le Scholiaste de Lycophron , qui ajoûte que de la Hercule fut nommé ~T, parce qu'il avoit demeuré trois nuits dans le ventre de ce monstre de mer. S.Cyrille a fait mention de cette fable comme d'une imitation de l'histoire de Jonas. Les Grecs en ont feint autant de leur Hercule , qu'il fut englouti par une baleine ; & en sortit, sans y avoir perdu autre chose que le poil & les cheveux. Theophylacte fait aussi mention de cette fable & de son application à Jonas.

XI. Mr. Huet croit aussi avec beaucoup d'apparence , que les payens ont encore beaucoup emprunté de Samson pour orner leur Hercule. Le Lion tué par Samson est representé par celui qu'Hercule tua à Nemée. La Dalila de Samson n'est pas mal imitée par l'Omphalé d'Hercule : Les deux colomnes de Samson à Gare, & celles d'Hercule à Gades, ont quelques ressemblances ; celles là terminèrent la vie de Samson, & celles ci bornerent la gloire d'Hercule.

XII. Il est sans doute , que le seul hazard pourroit avoir produit toutes ces convenances quand les payens n'auroient jamais eu nulle con-

Jn c. 1.

font.

F*g.JS7-

noissance de Samson. Mais on connoistra tresévidemment qu'ils en ont eu beaucoup de connoissance, par le recit que fait Ovide dans ses Fastes au mois d'Avril. Car il dit que la coustume estoit de lâcher dans le Cirque des Renards avec des torches allumées à leur dos.

Cur igitur missœ junctis ardentia tadis Terga serunt vulpes, causa docenda mihi ejî.

Ce Poëte dit qu'estant dans la petite ville de Carfeole, un vieillard du païs lui apprit l'origine de cette coustume ; sçavoir qu'un jeune homme aiant attaché à un renard des bottes de foin & de paille ,& y aiant mis le feu, le renard s'échappa, & mit le feu dans les moissons par tous les champs qu'il traversa..

- Is capit extremi vulpem convalle falitti, i/fbftulerat multas illa cohortis ave s.

Captivam flipula f£noque involvit, & ignes Admevet* mentes admovet illa mams.

Qua rugit, incendit veftitos mejfibus agros, Vamnofis vires ignibus aura dabat.

Faftum abiit, monumenta ynanent, &c:

Bochart dit fort à propos, qu'il est difficile , que pour conserver la memoire d'un pareil accident arrivé à la petite ville de Carfeole, on eût voulu à Rome reiterer tous les ans dans le Cirque cette course de Renards avec des torches. Il est donc à croire que cette ceremonie venoit de plus loin ; & ) que les Pheniciens en avoient jetté le bruit & les

semences , en divulguant l'histoire de Samion dans leurs Colonies. L'autre preuve de Bochart est encore plus forte : C'est que le mois d'Avril n'estoit nullement le temps des moissons en Italie ; mais c'estoit le temps ordinaire qu'elles se faisoient dans la Palestine. D'où vient que selon la Loi on offroit au Temple des Espis dés le lendemain de Pasque , & on y offroit des pains du blé nouveau à la Pentecoste.

Ovid. Tass.

1. 4. v. 6 8 o

CHAPITRE V.

Joseph & Nemrod, transformez en Apis, ou Se- rapis, en Mars , Bacchus & Jupiter.

I. Joseph fut re p resent ê & honor é fous la ifgure & fous cflt honoré fous tif figure & fous le nom du boeuf Apu. Preuves.

11. 111. Suitet des. Preuves.

1 V. V. Des noms d'Apis , Abrec, Serapi;o V I. ObjeElton tirée de Tacite. Réponse, VII. Sentimens contraires de Bochart & de Vossius On peut par des sens accommodez, donner jour aux ouvrages des Roëtes. en y appliquant les biftoires de l'Ecriture.

VI II. Nemrod , ou Belus fut le mesme que Mars.

Preuves.

1 X. Autres preuves.

X. Thurras Roy d'Assyrie fut aujji confondu A-VCC Mars.

X I. Nouvelles preuves, que Belus est Mars. D úÙ vunnent ces noms , Mars, Bellum, "AI1Ç.

X 11. Nouvelles preuves , que Nemrod ell Mars.

XIII. Bochart croit, que c'efi Bacchus.

XIV §l*'on ne doit pas ejlre fnrfris de ces différentes a pplications.

1.

A

Pis a esté une des plus anciennes divinitez de l'Egypte, & comme on l'ho-

noroit fous la figure d'un bœuf, plusieurs ont creu, que c'estoit Joseph mesme, qui estoit representé & honoré fous cette figure mysterieuse. Julius Firmicus Maternus qui vivoit fous l'Empire de Constantin , a creu que les Egyptiens adoroient la personne de Joseph, fous le nom d'Apis, ou de Sarapis ; dont il a pensé que le nom venoit de Sara son aycule, & que tout ce culte estoit rendu à Jo- seph , comme au conservateur de l'Egypte, pendant la grande famine de sept ans. Josepho post mortem efgyptil patr;o gentis sue, instituto templa fece- rmt y crc. KHta Sara pronepos fuerat, Sarapû di- fîus est, &c. Hic in Agypto ,o/itUY:J hic adora- tnr

Vofftus de Idolo. 1.1.

c. ip.

De errore profan. relïgi. c. 14.

sur, crc. Kuffln en dit autant dans son Histoire Ecclesiastique, Quidam in honorem nostri Joseph , forvutum perhibent simulacrum , ob divtfionem />:.<mCi:ri , qua samis tempore subvenit £ ?yptiis. Cet Historien met ensuite le sentiment des autres, qui croyoient qu'Apis estoit un Roy , ou un Seigneur, qui avoit fait, de grandes distributions de blé au peuple en un temps de famine ; & qu'aprés sa mort on lui avoit érigé un Temple , où l'on nourrissoit un bœuf, comme le Symbole vivant d'un bon laboureur. Atij repertum in historiis Gruorum vetcnha.s serunt, Apim quendam patrem familial, fat Regem in Ægypto Memphis positum, cum samis tempore frumenta apud Mexandnatn defeciffent, ex froprio affatim civibus alimenta p rdbuijîe. o de{e. -Ca m bonorem ejus inftituerint apud Memphtm '* !t/Kp!um » in quo bos quasi indicium optimi agricole mit mur » habens qu<tdam honoris insignia , qui ex nomme ejus Jyis appelletur. Le culte d'Apis estoit sans doute plus ancien que la ville d'Alexandrie, qui ne fut bastie que par Alexandre. Mais ou cil une erreur, qui ne prejudicie point au reste de l'histoire ; ou il faut entendre fous le nom d'Alexandrie , la petite ville qui estoit auparavant au mesme endroit. L' Auteur du livre De mirabili- biss Scripturæ, Des choses merveilleuses del'Ecri-

ture, qui le trouve parmi les ouvrages de S.

Augustin , assure que les'Egyptiens érigerent la figure d'un bœuf près du sepulcre de Joseph. Sui- das dit la mesme chose que Ruffin , sçavoir qu'Apis estoit le Symbole de Joseph, ou de quelque autre personne riche, qui fournit du froment aux Égyptiens pendant une grande famine ; & qu'on lui dressa un Temple après sa mort, où on nourrissoit un bœuf, comme l'image d'un laboureur; w 0/ srpgipe7o 3 c'uCcycy tptpx-v ""on';.

II. La convenance est tres-grande entre Joseph

L. i. c 25.

In v y e 1 <m$ai t{.

& ce Symbole, entre Joseph & ce Prince libera: On sçait que Joseph interpréta le songe de Pha raon avec une sagesse toute Divine , ôc qu'il pr: les bœufs gras pour les marques de la fecondit de la terre. Il estoit difficile que cette predictio miraculeuse des sept années de fecondité, & de sept autres années de sterilité, & la conservatio de l'Egypte par la sage rcferve de tant de bled ne donnassent aux Egyptiens des sentimens for vifs de reconnoissance & de veneration pour Jo feph , qui regna en quelque maniere pendant l'es pace de quatre-vingts ans dans l'Egypte , conti nuant de faire toûjours sentir à tout ce grand Eta les effets de sa bonté, de sa douceur & de sa li beralité. Il estoit mesme difficile que ces senti- mens de gratitude & de respect ne degeneration enfin en superstition dans un peuple , qui y avoit tant de penchant. Enfin nous apprendrons de Tro- gue Pompée ou de son Abbreviateur Justin, er quelle estime estoit Joseph parmi les pa yens, & combien il estoit comme inévitable , que les honneurs Divins ne lui fussent rendus , par des gens qui faisoient des Dieux, ou des demi-Dieux de tous leurs bien-faicteurs. Voici les paroles de Justin.

Nam & prodigiorum JagacijfimHs erat, & fomniorurn primus intelligentiam condidit; nihi/que Divini juris humanique ci incognitum videbatur ; adeo ut etiam flerilitatem agrorum ante multos annos provideret ; periijfetcjue ornnis Ægyptus fame , nisi monitis eiUJ Rex Ediflo fervari per multos annos fruges juffijfet. Tantaque expérimenta ejm faerunt, ut non ab hornine » fed a Deo rejponjk dari viderentur.

III, Le nom mesme que les Egyptiens donnerent à Joseph , en l'appellant selon les Ecritures, le Sauveur du monde, faitassez connoistre, combien ils estoient disposez à lui rendre toutes fortes d'honneur. Joseph n'eut pas souffert sans

L. j6.

doute de son vivant des honneurs divins. Mais com bien de fois est-il arrivé parmi les payens, que les honneurs civils se font changez avec le temps en honneurs religieux & divins ? On lit dans les Actes que S. Paul fut pris d'abord pour un Dieu en quelques rencontres , à la veûë des miracles qu'il saisoit. Or quelque furprenans que sussent ces miracles , ils n'estoient pas si capables de toucher les peuples, comme les merveilles & les bien-faits de Joseph, pendant un grand nombre d'années.

IV. Le nom d'Apis ne convient pas mal à Joseph. Car comme il ne se pou voit que la langue Egyptienne n'eust beaucoup de ressemblence avec celle des Chananéens, ou des Hebreux; Apis peut venir du terme Hebraïque Ab, qui signifie pere ; & dont nous avons fait Avus, comme de la derniere syllabe de Abba Syriaque , qui est le mesme que Ab, nous avons fait Pater. Or Joseph fut veritablement le pere de l'Egypte. Aussi Pharaon le fit proclamer par tout avec cet éloge Abrec, qui signifie Pater tener, un pere tendre; ces deux termes convenant admirablement à la [agdfe, & à la jeunesse de Joseph.

V. Quant au nom de Sarapis, il est difficile de croire qu'il vienne de Sara & de Apis, comme Julius Maternus le prétendoit ci-dessus. Il est aus11 peu probable, qu'il vienne du Grec Goojç Apis, c'est-à- dire, Loculus Apis, comme si c'estoit le tombeau, ou le bœuf Apis auroit esté embaumé après sa mort. Une origine Greque ne peut que tres-mal convenir à ce terme Egyptien. Il est donc vrai-semblable, que ce nom vient de Ofi- rapis, en retranchant la premiere lettre. Car les la ïcq ue, qti' O firis & Apis sçavans couviennent presque, qu'Osiris & Apis ne furent qu'une mesme divinité. Ou bien Sarapis vient de Sor-Apis » car Sor signifîe un bœuf ;

Ab.

Sor.

comme qui diroit le Pere de l'Egypte Joseph, Symboliquement signifié par un bœuf. Sor ou Sar signifie aussi Princeps ; Sara est le mesme que domi- nuri. Rien ne convenoit mieux à Joseph , que d'estre le Pere, le nourrissier , & le dominateur de l'Egypte.

VI. Tacite dit à la vérité que ce fut Ptolomée fils de Lagus, qui envoia querir la statue de Serapis de la ville de Synope au Pont pour la placer à Alexandrie. D'où Scaliger a conclu , que Serapis estoit un Dieu étranger en Egypte. Mais le seul récit de Tacite ne doit pas estre capable de rcnverfer dans nos esprits une vérité confiante & établie dans toute l'antiquité, du culte tresancien d'Apis & de Sera pis en Egypte. S. Clement d Alexandrie fait le mesme recit que Tacite , avec quelque changement de circonstances; mais il a joûte enfin que la statuë envoiée par ceux de Synope, fut placée par Ptolomée sur le Promontoire Racotis , où il y avoit auparavant un Temple de Serapis. Acceptam autem ftatuam constituit in promontorio, quod nune appellant Rha- cotin, ubi in honore ante à suit Templum Serapidis.

S'il y avoit auparavant en ce lieu un Temple de Sera pis, ce n'estoit donc pas là le commencement du culte qu'on lui rendit en Egypte. Tacite en convient lui-mesme rendant le mesme témoignage que Clement d'Alexandrie , qu'il y avoit déja un Temple de Serapis & d'Idis dans le mesme lieu, où l'on bastit un Temple pour la statuë nouvellement apportée. Templum pro magnitudine ttrbis extructum , loco cui nomen Rhacotis. Fuerat il- lie Sacellum Serapidi, atque Isidi ante à sacratum.

VII. Bochart a rapporté & refuté en mesme temps toutes ces raisons de Vossius, & n'a jugé nullement probable , que Joseph ait jamais esté adoré ou dcïfié après sa mort par les Egyptiens.

Sara-

l. +. Hiftqr.

In animadv. EtIfeb.n. 173c.

In Admoni.ad Gen.

tes.

L. t. de a n i », 7

c. 34.

La verité est, que ni les preuves, ni les authontez de Vossius n'ont rien d'invincible ; mais celles de Bochart font certainement encore plus foibles.

Ainsi il est d'autant plus à propos de nous tenir à celles de Vossius, que son sentiment est mieux appuyé sur nos anciens Ecrivains Ecclesiastiques, & qu'il est d'ailleurs plus favorable au dessein que nous avons de rapporter toutes les études des lettres humaines aux lettres faintes & aux divines Ecritures.. La passion que nous avons de reüssir dans ce loüable dessein, ne doit pas tellement nous prevenir, qu'elle nous sasse prendre ou le faux pour le vrai , ou l'incertain pour le certain. Mais elle peut entre les choses qui font également probables , nous determiner à celles qui ont plus de proportion, à cette alliance que nous tâchons de faire des lettres faintes avec les lettres humaines. Pourau que nous ne leur donnions pas , ni plus de probabilité , ni plus de certitude qu'elles n'en ont effectivement : il est bon de nous occuper de celle qu'elles ont, afin de nous occuper en mesme temps plus agreablement & plus long-temps des Ecritures. Quand l'opinion de Bochart feroit certaine, & que tout ce que Vossius a avancé , ne confisteroit qu'en des convenances bien imaginées : il seroit toûjours utile de remarquer ces convenances , & d'en prendre occasion de ne penser nousmesmes qu'aux Ecritures , & de ne parler que des Ecritures, lors mesme que nous lisons en particulier , ou que nous expliquons en public les Poëtes, ou les autres Auteurs des lettres humaines. Les Interpretes & les saints Peres ont souvent donné aux Ecritures Divines des sens qui est oient purement accommodez, sans avoir rien de litteral. Je ne sçai si les Auteurs mesmes Canoniques du nouveau Testament n'en ont point aussi quelquefois usé de mesme à l'égard des li-

vres du Vieux Testament. Comment pourra-t-on donc ne pas nous accorder la mesme liberté, d'appliquer les fables & toutes les lettres humaines aux histoires & aux veritez de l'Ecriture, mesme par des sens accommodez ? Mais je m'assure qu'on trouvera quelque chose de plus dans tout ce que nous avons allegué des conformitéz de Jofcph , & d'Apis.

VIII. Il faut maintenant passer à Nemrod, que Vossius estime estre le Mars des payens. Diodore de Sicile fait un tableau de Mars , qui ne convient pas mal à ce que l'Ecriture rapporte de Nemrod. Qui sabulas ad historiam referunt , hi Martem ajunt prirnum suiffe, qui universam fabricant Armaturam. ac milites armis instruxerit, Cr more m induxerit collât is signis decertandi ; omnesque qui Diis nollent credere , è medio sustulerit. A ces paroles il faut joindre celles de la Genese : Porro Chus genuit Nemrod, ipsè cepit esse potens in terra, & erat robustus senator coram Domino. Fuit autem principium regni ejus Babylon, &c. De terra illa egressus tg Assur & adisicavit Niniven. Toutes ces paroles montrent que Nemrod fut le premier auteur de la guerre, & d'un empire fondé sur la force des armes. Ainsi les chasses de Nemrod se terminoient à la guerre, & le fruit de ses chasses fut la fondation du premier empire du monde , qui commença à Babylone. La description de Nemrod est donc fort semblable à celle de Mars.

IX. Le recit que Justin fait de Belus & de Ninus, n'a pas moins de convenance avec l'Ecriture que celui de Diodore de Sicile. Ce qui fait qu'on a raison de prendre Belus pour Nemrod, & l'un & l'autre pour Mars. Principio rerum, gen- tium, nationumque Imperium penes Reges erat, quos ad sastigium hujus majestatis non ambitio popularis, sed spectara inter bonos moderatio provehebat. Fines

De Idolol.

I. 1. e. 16.

Lib-s- Bibl.

G on ef. C. 10 v. 9.

I. I.

imperij tueri magis quam proferre mos erat. Intra suam cuique patriam regna siniebantur. Primus om- nium Ninus Rex Assyriorum, veterem & quasi avi- tum gentibus morern nova imperij cupiditate muta- vit. Hic primus intulit bella ftnitimú, &c. Justin nomme Ninus au lieu de Belus son pere. Car c'est Belus selon tous les auteurs profanes qui jetta les premiers fondemens de l'empire des Assyriens ; 8c ce sut Nemrod qui les jetta selon le texte évident de la Genese : D'où il s'enfuit, que Nemrod est le mcrrnc que Belus. Enfin Mars n'estant autre selon Diodore de Sicile, que celui qui donna commencement aux guerres, & aux batailles ; il est fort probable, que Belus, ou Nemrod fut celui, que les payens honorerent fous le nom de Mars. On peut rapporter à cela, ce que dit Hyginus , que les Latins appellerent la guerre Bellum du nom de Belus. Voici ses paroles: Afri & Aegyptij pri- mum sustibus dimicaverunt. Postea Belus Neptuni silius gladio belligeratus est. Vnde bellum dictum.

X. La Chronique d'Alexandrie attribuë à Thurras fils de Ninus & petit fils de Belus , ce que nous venons d'attribuer à Belus, & d'avoir le premier porte le nom de Mars. Thurris cui pater Martis nomen addidit à planeta ejus nominis. Elle lui donne mesme le nom de Belus, ou de Baal. Cui Marti primum Assyrij columnam constituere , eumque velut Deum venerati sunt, hactenus eum voce Persica nuncupant Baalem Deum ; quod si transferatur, sue- rit Mars bellorum Deus. il est indubitable que Baal & Belus n'est qu'un mesme nom , un peu défiguré par la variété des Dialectes. Le texte & les versions Orientales de l'Ecriture emploient tantost l'un & tantost l'autre. Ainsi le Baal dont il est si souvent parlé dans l'Ecriture, & qui estoit si reveré par tous les Idolatres de la Phenicie, n'estoit que le Dieu Mars des Latins, & le A>'py, des Grecs.

- XI. L'Histoire ou la fable de Mars aiant pris son origine dans l'Assyrie, & aiant passé dans la Phenicie fous le nom de Bel, & de Baal ; elle ne tarda gueres d'estre portée dans la Grece , & enfuite dans l'Italie. S. Jerôme a reconnu que Bel & Baal estoit le mesme, & que c'estoit Ninus, qui avoit procuré les honneurs divins à son pere Belus: Idolum Baal, five Bel, & ut apertius dicam Beli » Assyriorum religio efi confecrata à Nino, Beli filio , in honorem patris. Il dit encore le mesme ailleurs , Ninus in tantam pervenit gloriam, at patrem suum Belum referret in Deum, qui Hebraice dicitur Bel.

Hunc Siaonij & Phœnices appellant Baal. Selon le cours ordinaire la fable du Dieu Mars passa de Phenicie en Grece. Et le terme Grec A"fl'Ç est le mesme que l'Hebraïque Harits, qui signific fort & robuste. Il est fort probable aussi, que le Mars des Latins, vient du Ares des Grecs. La lettre M.

est souvent ajoûtée au commencement des mots.

XII. Que si la Chronique d'Alexandrie dit, que Nemrod fondateur de la ville de Babylone, fut enfin transformé en la Constellation d'Orion; ce n' est apparemment, que parce que Orion fut autrefois chasseur, aussi bien que Nemrod. Au reste il est necessaire de repeter ici, ce qui î déja esté dit ci-dessus, qu'Eusebe nous a conservé un passage d'Eupolemus, qui raconte ce que les Babyloniens contoient de leur origine. Sçavoir que le premier & le plus ancien avoit esté Belus, c'est-à-dire Noé, que c'estoit Saturne mesme. Qu'il avoit eu deux fils, sçavoir Belus & Cham, pere de Chanaan, Sedes Chananéens, ou des Pheniciens. Ce second Belus est évidemment Nemrod, que les Babyloniens faisoient fils de Noé, au lieu qu'il n'en estoit que le petit fils. Babylonios dicere primum fuisse Belum , quem ejJè Saturnum. Ex illo autem esse Be- lum & Chamum. Hunc autem genuisse Chanaanem patrem Phétnicum.

Jn Ezech.

c. 13.

ln c - 2. - Osie.

Eufcb. pr&~ far. I. 9.

XIII. Bochart a creu, que Nemrod estoit plûtost le Bacchus des Babyloniens. Nemrod estoit fils de Chus; Bar Chus a la mesme signification de fils de Chus en Hebreu. La lettre R. est feuvent retranchée par les Hebreux du milieu des mots. Ainsi de Barchus on a fait Bacchus, comme de Darmesek on a fait Damesek. , Damo".F:tJ.

Nemrod approche fort de Aimra Chaldaïque, c'est-à-dire un Tigre. D'où vient que Bacchus estoit couvert d'une peau de Tigre , & avoit des Tigres à son chariot. Les victoires de Bacchus dans les Indes, peuvent marquer celles de Belus, ou de Nemrod & de ses successeurs dans l'Empire de Babylone dans l'Orient.

Ce mesme auteur dit ailleurs, qu'on peut appliquer à l'histoire de Nemrod la fable de Jupiter, qui se revolta contre son pere Saturne , c'est- à-dire contre Noé. Car Nimrod en Hebreu vient de Ma- rad qui signifie se revolter.

XIV. Il ne faut pas se rebuter de cette varieté d'applications d'une mesme histoire à diverses fables , ou d'une mesme fable à diverses histoires de l'Ecriture. La licence Poétique & la liberté que se donnent les faiseurs de fables, ne peut estre arrestée dans des bornes trop étroites.

Ce n'est pas dans un siecle & dans un pays de fables , qu'il faut attendre, ou exiger des regles exactes & des veritez precises. On a ajoûté aux anciennes fables de nouveaux embelissemens par de nouvelles fictions, ainsi on a appliqué plusieurs histoires les unes sur les autres. Les payens mesmes ont souvent confondu plusieurs de leurs Divinitez en une , & n'ont fait qu'un Dieu de J u piter , de Bacchus , & de Mars. Ils ont mesme quelquefois reüny tous leurs Dieux en un , comme nous le ferons voir au long dans la fuite ; la force de la verité l'emportant sur la vanité de leurs

P.':teg.

!. i. c. 7..

L. 4. C. Il..

M Arad;

1uF erstitions, & les lemences naturellement répanduës dans le fond de leurs ames, de la creance de l'unité d'un seul Dieu , ne pouvant estre entierement étouffées par tous les efforts de l'ido- latrie.

CHAPITRE VI.

Jubal, Tubalcaïn, Magog, Noëma, Javan,appliquez à Appollon, à Vulcain, à Promcthée , à Minerve, à Venus, à Janus.

1. fuirai avant le déluge invent i les inftmm ns de Musique. Entre autres le Cinyra, dont les PoÎ:t:'s O,¡t fait la fable du Ctnyra Roy de Cypre J pere d'Adonis.

1 J. lubiJl est Apollon.

III. De l'ijle de Delos J &- du mont Cinthius. Du Corbeau d'Apollon & de Noé.

1 V. Du Serpent Python.

V. Tubalcaïn est le mesme que Vulcain. Preuves.

V 1. Comment il trouva le feu.

VII. Comment l'histoire de Tubalcain fut appliquée à Vulcain Egyptien après le dcluge De Prcmethée. De Mago.

VIII. L'histoire de Tubalcaïn appliquée à fromethée sur le Caucase. Des Montagnes qui brujtent ea divers endroiss.

IX. Chanaan est Mercure. Diverses preuves.

X. Nouvelles, preuves. D'où vient le nom de Mercure.

X I. Noèma est Minerve , ou Venus.

XII. l'a-vqn fils de lllphrt. est Illnus.

XIII. Explication de la fable de Cadmus.

I.

A

Vant le Deluge entre les descendans de Caïn, il est fait mention dans la Genese

de Jubal & de Tubalcaïn. Il y est dit que Jubal inventa les instrumens de Musique ; Jubal ipft fuit pater canentium cithara & organo. Ou bien Ciny" & organo. Cinyra est le terme Hebraïque, qui fut depuis commun aux Grecs & aux Latins.

La fable fait Cinyras Roy de Cypre, & veut qu'il ait inventé cet instrument, qui porte son nom, au

Gents. 4.

ai.

Suidas in Cymra.

temps de la guerre de Troye, enhn elle veut qu'il ait disputé avec Apollon de la gloire du chant & de la ffiuÍÏque, ce qui causa sa perte. La verité de l'Ecriture & l'histoire de Jubal monstre la fausseté de cette fable, faisant remonter l'antiquité de la musique , & de l'instrument de musique , nommé Cinyra, jusqu'aux premiers siecles avant le deluge.

Laban qui estoit aussi plus ancien de plusieurs ficcles que la guerre de Troye, fait mention de ce mesme instrument dans la Genese. Les termes Latins de Iubilus, jubilare peuvent bien aussi estre venus de Jubal. La femme de Cinyra fut Myrrha, ôc le fils qu'il en eut fut Adonis. Ces deux noms Myrrha & Adonis font de la langue Hebraïque, & font connoistre l'origine de cette fable.

I I. Vossius croit que le Jubal de l'Ecriture est Apollon, à qui les payens ont donné l'invention e,, la gloire du chant & de la musique : Comme Mercure pâlie aussi pour l'inventeur de la musique ôc des instrumens, il estime aussi qu'on peut lui avoir appliqué l'histoire de Jubal. Apollon & Mercure peuvent avoir inventé divers instrumens de musique , & ainsi avoir partagé la gloire de cette invention.

III. Mais il ne faut par croire que toute la fable d'Apollon ait esté limitée à ce point, qui regarde Jubal. Bochart a remarqué que l'isle de Delos, où nâquit Apollon, prend son nom de Dahal, c'est-à-dire, Terror, Deus. Que le mont Cinthius, où Latone enfanta , prend son nom de Chanat, c'est-à-dire in lucem edere. Ainsi cette fable d'ApolIon vient originairement de l'Orient. Enfin que la fable du Corbeau, envoie par Apollon, est manifestement imitée sur l'histoire du Corbeau en- voie par Noé. Car comme le corbeau envoié par Noé,pour découvrir, si les eaux du deluge s'estoient retirées de dessus la terre , ne revint point à lui

c. 51. 17.

L. i. c. 16.

.Boch. de animal. I.

1. c. i.

dans l' Arche : aussi les Poëtes ont feint qu'Ap.

pollon aiant envoié le corbeau , pour aller querir de l'eau , cet oiseau paresseux & infidele s'arréta à un figuier, & attendit que les figues fuirent meures, pour en manger. Voici ce qu'en dit Ovide il

Jmmemor imperii fldiffe sub arbore fertur, Dum fierent tardâ dulcia poma mot a.

IV. Bochart remarque aussi avec beaucoup de vrai-semblance , que la fable du serpent Py- thon tué par Apollon, a pris son origine de la Phe- nicic. La preuve en est que le nom mesme de Python , ou Pethen , & Pheten en langue Hebraïque signifie un serpent. Apollon a esté appelle Pythius du nom de ce serpent Python. Ce mesme Auteur dit ailleurs, que Put ou Phut fils de Cham, eu: le mesme qu'Apollon Pythien : d'où vient aussi, que les anciens ont mis un Apollon en Afrique.

V. Quant Jubal-Caïn qui est aussi un des descendans de Caïn , & dont l'Ecriture dit qu'il fut le maistre & le Pere des forgerons , & de tous ceux qui travaillent au fer & à l'acier : Tubalcain fuit malleator & faber in cuncta opera ærÚ & ferri : La convenance feule du nom est capable de nous persuader que c'est Vulcain; la premiere syllabe estans retranchée, ce qui arrive souvent dans les déguisemens inévitables des noms.

Mais nous demeurerons à mon avis entierement convaincus, que le Vulcain des Payens , n'est autre que nostre Tubalcaïn: si nous faisons attention sur ce qu'en dit Diodore de Sicile, & si nous confrontons ses paroles avec celles de la Genese.

A PU/CAno fabricationem dtris, auri, ferri, argeni;, & citeront m omnium , que ignis opérât ionern recipiunt, inventum ; & universum ignis usum excogitatum i & tùm artifîcibus, tùm propterea h arum arJium

Fast. I. i.

1 animal, 1 b:, i - I y:.$

P¡).!,g.l. I.

c. i.

Gen. 4.v.

21.

L. r 3 41-

Mttgiftri vota &Jacra hmcDeo potijjimum ojferunt ; & ab his) ut ab miverfis quoque mortalibus, ignit Vaie mus vocatur , ut hoc patio beneficium communi hotninum vitæ tributum) immortali memoriæ & honon confecretur.

- - - -

V I. Le mesme Diodore avoit dit ailleurs, que Vulcain avoit esté un des anciens Roys d'Egypte, où il avoit esté honoré d'un culte divin, pour avoir trouvé le feu. Car le feu du ciel estant tombé sur un arbre, Vulcain prit plaisir de s'y chaufer, parce qu'il faisoit froid, & lors que l'arbre fut consumé, il y fit apporter de nouvelle matiere pour

l' entretenir & en conserva l'usage. Cum arbor è montibus cdo tacta , silvaque in propinquo accensa effet, acceffiffe Vulcanum : hyems tum forte erat : magnamque cepisse è calore voluptatem; & fubri.

dente flamma fabinde aliquid materiœ adjeciffe at- que igne fic confervato accitos cjJe homines alios, ut redeunte ex illo commoditate fruerentur. Voila ce que les Prestres d'Egypte racontoient, si nous en croyons Diodore de Sicile.

VII. Il se peut faire que Cham eut rapporté à ses descendans qui peuplerent l'Egypte, ce que l'Ecriture nous a appris de Tubalcain : & que les Egyptiens aient voulu approprier à leur païs & à un de leurs princes, ce qui s'estoit passé ailleurs avant le deluge. Il se peut faire aussi que les Egyptiens aient voulu suivant leur coustume ordinaire transplanter en leur païs, ce qui s'estoit originairement & long-temps auparavant paire dans l'Orient. Car Promethée fils de Japet avoit déja emprunté le feu du ciel, & dreissé des forges pour toutes fortes de metaux sur le mont Caucase.

Voici comme le Poëte Eschyle fait parler Prome- thée : Argenti , & auri, & ferri, & étris ante me métalla, quis se reperisse dixerit ? Aussi Bochart penie que le Promethee des Grecs est le Magog des

L. i-pag-ij.

Phaleg, L t.

c. 1*

Ecritures. Car Magog est aussi fils de Japhet. Le terme Hebraïque Magog, qui signifie languir St secher de douleur, convient aussi admirablement à la fable de Promethée ; que les Poètes feignent avoir eu un vautour, qui lui rongeoi t le cœur & lui dévoroit les entrailles. Ce ri eftott vrai-fem- blablement que pour representer les inquiétudes, les fatigues & les chagrins d'un forgeron appliqué à sa forge & à son ouvrage. Toute la fable du feu celeste volé, des chaînes & des supplices horribles où Jupiter condamna Promethée pour punir ce vol, ne signifient autre chose.

VIII. Jl est mesme fort vrai-semblable, que l'histoire de Tubalcaïn avant le deluge estant rapportée aux premiers habitans de l'Armenie & de la Chaldée aussi-tost apres le deluge, donna occasion à cette fable de Promethée attaché au mont Caucase. Et les Egyptiens aiant de.

puis naturalisé la mesme fable dans leur pays à l'imitation des Babyloniens : les Grecs à leur ordi- naire entreprirent aussi d'imiter, ou plutôt de voler aux Egyptiens leur Vulcain. C'est pour cela qu'ils feignirent que Vulcain estoit tombé du ciel dans l'isle de Lemnos. Ce qui les détermina à cette lsle fut une montagne qui jette du feu. D'olt vient que Lycophron dans son Alexandrea , use de ces termes : Adurens igne membra Lemnio. Et Seneque dans son Hercule du mont Oeta :

Qm tanta nubes ~?~W~~ Stcanias vomit ?

Qu Lemnos ardens ?

Les Latins consacrerent aussi à Vulcain les Isles, où il y avoit de semblables montagnes enflammées Pline parle de ces Isles qu'on appelloit VitlcAnias y Ardias, Liparias, Hephœfttœdcs. L'une d'entre elles estoit nommée Therafia, dont il dit ces mots : Therafia ante appellata , nunc Hiera, quia ftera Vulcano est, colle in ca notturnat evomente jlffmmiUe

L.yc 8 9

t X. L'application de la fable de Mercure à l'histoire de Chanaan n'a pas moins de vrai- semblance, si nous en croyons Bochart. Mercure est fils de Ju- piter ; Chanaan est fils de Cham, que nous avons montre estre Jupiter mesme. Le nom de Mercure vient de la marchandise ; & le terme de Chanaan en Hebreu signifie un marchand , comme il paroist en ce texte de Proverbes, où le terme Hébraïque est demeuré dans la version Latine, Sindonem fecit & vendidit, & cingulum tradidit Chilnanæo. Chanaan fut condamné par Noé à estre le serviteur de ses frères. Aussi les Poètes ont appliqué Mercure à des ministeres servils dans le ciel. Lucien en fait de plaisantes railleries dans le Dialogue de Mercure & de Maja ; où il rapporte les plaintes de Mercure sur les services les plus bas qu'on exige incessamment de lui. Aussi Plutarque remarque dans la vie de Numa, que quelques-uns des Grecs appelloient Mercure Camillus, à cause des services qu'il rendoit. Servius en dit autant, & ajoute, que ce terme venoit de la langue Toscane. Mercurius He- trusca lingua Camillus dicitur, quasi Minister Deofume Il ajoute encore ailleurs, que la raison de cette destination de Mercure à des offices fervils, vient de ce que les planetes de Saturne & de Mars estant mal-faifantes, celles de Jupiter & de Venus estant bien-faifantes, celle de Mercure est bien ou mal-faifante , selon l'inclination de l'autre planete, à laquelle il est joint. Cette raison a peut-estre plus d'éclat que de solidité , & celle que nous avons rapportée auparavant, est beaucoup plus vrai-semblable..

X. Mercure a esté, preposé aux chemins, ce qui convient aux Chananéens, ou aux Pheniciens, qui couroient toutes les mers & toutes les terres pour le commerce. Mercure est le maistre des vols êc des larcins, & Homere a accusé les Pheniciens

p baleg, 1. 1.

c. x.

Cainam 1.

x. c. IJ.

c. ji. 14.

rn Æneid.

1. 2..

In 1. 1.Georg.

du mesme vice , IficÎI v&ti ctnïp â^ct/vusce »fot>ç Tp*y.ii'ç. Suidas exprime ce dernier terme d'un hom- me qui tire profit de tout. Mercure est le pere des lettres , & les Chananéens , ou les Pheniciens porterent dans la Grece l'usage des lettres. Manilius fait Mercure, l'inventeur de l'Astronomie ,

TII princeps authorque sacri Cyllenie tanti, Per te jam cdttm interius, jam (ïdera nota, &c.

Strabon dit que les Pheniciens estudierent les Astres pour les navigations & enseignerent l'Astronomie aux Grecs. Mercure est leminiftre chez les Poètes des voluptez impures de Jupiter, & la maniere qu'Herodote dit qu'on le representoit, répond à cet infame ministere. C'est la juste honte qui a dcu suivre l'impudence de Chanaan , quand il tourna en ridicule la nudité de ion pere Noé. J'ai oublié d'avertir en son lieu, que le nom mesme de Mercure est Hebraïque ou Phenicien. Car Macar, Me- COÛTA est le mesme , que vendidit, commentant.

XI. Moïse a joint dans la Genes e Noéma à ju- bal, & à Tubalcain. Le nom seul y est recité entre les descendans de Lamec , sans remarquer son occupation. Cependant il est rare que les simples noms des femmes soient rapportez sans quelque raison particulière. C'est ce qui a fait conjecturer à quelques-uns , selon Genebrard dans sa Chronique, qu'elle avoit inventé l'art de siler & de faire des ouvrages de laine. Ainsi ce feroit la Minerve des payens. Mais comme le nom de Noema signifie belle, d'autres croyent que c'est Penus, dont le nom a le mesme rapport à Venustus. A cela l'on ajoute, que comme Noéma est jointe à Tubalcain dans la Genese , aussi les payens donnèrent Venus pour femme à Vulcain. Au reste il y a eu plusieurs Minerves, les Libyens ont eu la leur, dont parle Stace , Seu tu Libyco Tritone repexas /æta comas ; Les Grecs en ont eu aussi une. Les Egyptiens donnoient

Odyi. E

t. 16.

In Ellllrpe.

C. 4.

L. i. Thebaid.

notent le nom de Sais à la leur. Ciceron dit qu'il y en a eu cinq. Ainsi il est vrai-semblable , que le mesme cours de l'Orient à l'Occident, qui a entraîne les autres Dieux fabuleux, a enveloppe aussi Minerve ; & que la plus ancienne Minerve , ou Noéma , a esté à Babylone , d'où elle a pallé en 1 Egypre, puis en Grèce, en Lybie & en Italie.

XII. Nous n'avons encore rien dit de Javan, fils de Japhet, qui fut le pere des Grecs, comme Japhet le fut de tous les Européens. La meilleure partie de la Grece fut autrefois appellée Jouta , & les Grecs Jones. Ce terme, vient de Javan , dont il est parlé dans la Genese & que Vossius pretend estre le Janus des payens. lonia, & Iones, qui font 1 appeliez par Homere Jaones , vbi Boeotij & laonts longis vestibus utentes ; ces deux termes , dis-je , ont bien du rapport à Janus. Ainsi il est fort vrai-

semblable , que l'Italie aiant este peuplée par des Grecs, ellereceut d'eux le culte de Janus avec celui des autres Dieux, ou des autres Héros, & ne les receut pas feulement, mais voulut se les naturaliser , en feignant que Janus estoit un ancien Roy d'Italie , ce qu'ils seignirent aussi de Saturne.

XIII. Cadmus a esté au moins entre les Hé- ros des Grecs, dont les payens faisoient aisez fou- vent leurs Dieux. Ainsi nous pouvons parler ici de Cadmus, & dire avec Bochart, qu'il estoit ap- | paremment un de ces Cadmonéens dont parle Moyse dans la Genese ; Cedmoneos , & Hetheos.

Le nom de Cadmoneens leur fut donné, à cause t que leur sejour vers le mont Hermon, estoit le pais le plus Oriental. On peut croire que la femme de Cadmus prit son nom de Hermione , de ce mont Hermon. Et comme ces peuples estoient une partie des Heveens, on a feint que Cadmus 8c Hermioné avoient esté changez en serpens, parce que le terme Syriaque Hw&ttt signifie un serpent.

L }. de .V.it!t*A Dtl>runi.

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l. i c. 18.

L. ij. Ili/id.

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1. 1. C. 19.

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C. ij.19.

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Si la fable dit que Cadmus semant les dcns d'un serpent, il en sortit des soldats armez, qui s'entretuerent, & il n'en resta que cinq, qui fubju- guerent la Bœoce : Bochart dit fort ingenieufe- ment, que ce ne font que des allusions aux termes Pheniciens, ou Hebraïques. Les deux termes senc naai, signifient également des dens de serpent;) & des pointes d'acier. Hygin asseure que Cadmus trouva le premier de l'acier à Thebes. Aussi la pierre métallique d'où se tire l'acier, ou le cuivre, s'appelle encore Cadmia. Ces soldats armez se reduisirent enfin à cinq , parce que le mot bames signifie cinq, & il signifie aussi un soldat ceint & disposé à se battre, parce que les soldats se ceignoient sur la cinquiéme cofte.

CHAPITRE VII.

La fille de Jephté immolée , Isaac prest à estre immolé, Iphigenie , Atalante, Hefione, Polyxene, Macarie , Idomenée. Images imitées, ou contrefaites de la mort de Jesus-C hrist.

I. Rapports du (acrifice d) phigenit avec celui de la fille de Iephté dans l'Ecriture.

II. L'hifioire , ou la fable d'Andromède ) a presque Ils tnefmes rapports à la fille de Iephté.

III. De Hefione fille de Laomedon.

1 V. De Polyxene fille de Priam immolée aux Manu d'Achille.

V. Nouveaux éclaircijfemens sur le sacrifice d'Iphigenie.

Sentimens de Cic ron.

VI. Du sacrifice d'isaac dèguisê par les auteurs payens.

VI Resolutions genereuses de ces Vierges) qu'on immoloit.

VIII. Suite du mesme sujet.

IX. Réflexions generales sur ces immolations de Vierges, C31 sur leur rapport avec le Sacrifise de] esus-Christ.

Cap. 174.

1.

L

E sacrifice que fit Agamemnon de la fille lphigenie , a trop de ressemblance

Kj * 1 avec celui de la fille de Jephte, pour ne pas croire, que celui-là a esté une copie de celui-ci. Le nom mesme d'Iphigenie, semble nous inÍÎnller, que c'est la fille mesme de Jephté, comme si c'estoit Jeph- tigenie.

Mais il faut confesser que les Poètes se font donnez une autorité souveraine sur les déguisemens des histoires en fables. Ils ont confondu le sacrifice de la fille de Jephté avec celui d'Isaac, & comme Isaac fut fauve par le Dieu mesme, qui l'avoit demandé pour hostie, & un Belier fut substitué à sa place; aussi la fable porte que la vierge Iphigenie estant preste à estre immolée à la vierge Diane , cette Deesse l' enleva, & fit sacrifier une biche en sa place. Voici comme en parle Ovide,

Sanguine virgineo placandam virgims irAm ~~W~ W Z/ /~J- t~~t Esse Deæ. Poftquam pietatem publica causa, Rexque pat rem vicit, caftumque datura cruorem Flentibus ante Aram jhtit fphigeniœ min 1 fin s, ViVt.i'Dea est, nubemque oculis objecit, & inter OJpûum turbamque ficri, vocefque preçantum

Supposita fertur mutasse Mycenida cerva. En un autre endroit de ce mesme Poète , Ulysse embellit cette histoire par les longues resistances du pere & de la mere d'Iphigenie , & par les raisons & les artifices dont il falloit se servir pour convaincre le pere, & pour surprendre la mere. On sçait que c'est l'art des Poètes , d'orner l'histoire, par des circenftances feintes) mais vrai-semblables, utiles & agreables 11. Les histoires d'Andromede & de Hefione racontées par ce mesme Poète, se peuvent rapporter à la mesme fin , & à la mesme imitation d'Iphigenie. Andromede aiant esté exposée à un monstre marin, pour expier la vanité de sa mere,

Meta. I. 11.

v 3 0. 1. 13.

v. 18/.

qui avoit preferé sa beauté à celle des Nymphes ,

lilic irn méritant maternæ pendere lingH Andromedam pœnas injujtus jujferant Arnmon :

Elle en fut délivrée par Persée, qui l'épousa après avoir tué ce monstre. Ce Persée n'est autre qu'un cavalier, selon la signification du mot Hebraïque , pbaras, fqU. Le lieu où Andromede fut exposée est Joppe, ou Japha sur les costes de la Phenicie Pline l'asseure de la forte ; Foppe Phœnicum, anti(jnior terrarum inundatione ut serunt, insidet collem prœjacente saxo , in quo vinculorum Andromedœ ve- stigia ostendunt. Colitur illic fabulosa ceto. Pline dit encore ailleurs, que les os du prodigieux poisson, à qui Andromede avoit esté exposée , furent portez par Scaurus de Joppe à Rome. Belluœ, cui dice- batur ftttjfe evpofita Andromida, off" Romtl. apportata ex oppido JudtHA Joppe t ostendit Ínur reliqu4 miracula in ædilitate sua M. SCAltrUJ. Ce fut apparemment quelque balene qu'on avoit prise à Jassa, dont Scaurus fit voir le Squelete à Rome ; 8c l'on ne manqua pas d'embellir cette histoire recente de la vieille fable d'Andromede. Mais il paroist toujours, que ce fut dans la Phenicie , que se passa l'histoire , ou que fut forgée la fable d'Andromede ; qui est une imitation de la fille de Jephté. On met néanmoins assez ordinairement cette

histoire dans l'Ethiopie, Ovide la met dans les Indes. Andromedam Perseus nigris portarat ab Indis. Mais c'est encore ici une preuve, que comme nous appellons les Indes, tout ce qui est au delà de l'Océan : les Grecs appelloient les Indes tout ce qui estoit au delà de la mer Méditerranée.

Et quant au nom d'Ethiopie, il est certain que les anciens, outre celle de l'Affrique, en mettoient une autre plus Orientale vers l'Arabie. Strabon confess e que quelques-uns mettoient une

Me/sm.

1.4. v.6 70

Hifi. Natur. 1. y.

C. 13 3 1.

L 9 c.J.

VojJ 1 1.

C. JO.

L. i de (\rte amandi.

Str-fû. I 1.

I¡"!.I,.

cxmopie dans la Phenicie, & disoient, que l'histoire d' Andromede estoit arrivée à Joppe. Si Vossius a creu, que ce monstre marin auquel on exposa, & auquel Persée enleva Andromede, n'e- stoit qu'un navire, ou le Capitaine d'un navire , qui avoit ce monstre pour enseigne ; & qui pretendoit au mariage d Andromede ; on peut en demeurer d'accord sans entamer le fond de l'histoire, qui consiste à exposer la vie d'une victime innocente pour l'expiation d'un coupable.

III Ovide parle ailleurs de Hefione fille de Laomedon Roi de Troye, qui fut - aussi exposée à un monstre marin, pour appaiser Neptune irrité de l'infidélité de Laomedon, qui refusoit de lui payer l'or qu'il avoit promis pour la construction des murailles de Troye. Hercule délivra He- sione de ce danger, & la donna en mariage à Telamon, son compagnon de milice.

Régis quoque filia monfiro Pofèitur æquoreo ; quant dura ad faxa revincUvn , Vendicat Alcides.

IV. Ces trois exemples tiennent quelque cho- e de l'un & de l'autre sacrifice de l'Ecriture, je veux dire de celui de la fille de Jephté, puisque ce font des Vierges prestes à immoler, & de celui d'Isaac, puisqu'elles font soustraites à une mort violente. Mais l' exemple de Polyxene fille de Priam, qui fut effectivement immolée pour appaiser les Manes d'Achille , approche en ce point beaucoup plus du sacrifice de la fille de Jephté.

Pausanias dit de fort bonne grace , qu'Homere a affecté de ne point parler d'une adtion si tragique, & l'a condamnee par son silence : Ad Achillis tumulum ducitur mactanda Polyxena ; quod conflIt..

ro tAnquam immane facinus prætermisisse videtur Homerus. V. La maniere dont Ciceron rapporte le vœu

Meta m.

1.11. il i io.

I.!.r~

d'Agamemnon, & le sacrifice d'Iphigenie a beaucoup plus de rapport à l'histoire de Jephté, qu'en la maniere ordinaire qu'on la raconte. Car il dit que ce Roi voiia inconsiderément d'immoler à Diane, ce qui naistroit de plus beau cette annee, ce qui l'obligea d'immoler sa fille, au moins il crut y estre obligé. Car Ciceron plus éclairé que ce Roi, décide nettement, qu'il y a moins de mal à ne pas tenir ces promesses , qu'à les tenir. Quid Agamemnon ? Cutn devovisset Dianæ quod in suo Kegno pulcherrimum natum esset illo anno, immolavit Iphigeniam , quâ nihil erat eo quidem anno natum pu lchrius. Promissum potius non faciendum , quam tam tetrum facinus admittendum fuit. Ces paroles font connoistre , que Ciceron ne doutoit pas qu'Iphigenie n'eust esté actuellement immolée, aussibien que la fille de Jephté ; & que ce ne soient les Poëtes , lesquels plus fages qu'Agamemnon , 6c plus humains que leurs Dieux mesmes, ont substitué une biche pour estre immolée à sa place. Homere a teu selon Pausanias le sacrifice de Pol yxene, & les autres Poëtes ont déguisé celui d'Iphi- genie peut-estre par un mesme principe de detester tous ces sacrifices inhumains ; & ils en ont usé de la forte , parce qu'ils avoient plus de lumière en leur siecle, qu'on n'en avoit eu au siecle que ces histoires se passoient. Car on ne peut douter qu'autrefois pendant les premiers siecles de Barbarie on n'ait immolé des hommes en plusieurs pays , sur tout des étrangers. Nous en parlerons ailleurs. Herodote dit que les Scythes immoloient tous les Grecs, qui abordoient à leurs costes, ou qui y faisoient naufrage ; & qu'ils appelloient Iphigenie le demon auquel il les immoloient. Dæmonem cui immolant ipsi Tauri, a)unt effi Iphigeniam Agamemnonis filiam. Les Grecs seignirClit, qu'Iphigenie enlevéee par Diane , a prés

Ic Officiû t. 5.

c T oz 105.

qu'une biche eut este immolée au lieu d'elle, fut portée dans la province Taurique en Scythie, où estant Prestresse de Diane , elle lui immoloit les étrangers. Il y a encore plus d'impiété à lui faire immoler tous les étrangers , qu'à la laisser immoler elle-mesme. Mais la Morale des Poëtes n'est pas toujours aussi ferme & aussi constante qu'il seroit à souhaiter dans ses bonnes maximes.

Revenons à Ciceron pour dire, que son sentiment sur le sacrifice d'Iphigenie est le mesme que celui des Peres sur l'immolation de la fille de Jephté.

Il y a eu de l'imprudence à faire des vœux incertains , qui pouvoient avoir des évenemens funestes ; pour punir cette temerité Dieu a permis, que l'objet du vœu se foit rencontré le pluscon- traire du monde aux intentions de l'auteur du vœu; enfin quelque pressante que soit l'obligation d'accomplir un vœu , ou un serment, elle ne l'est ja- mais jusqu'au point, de sacrifier des hommes.

V I. Eusebe rapporte un paisage de Sanchun- jathon ,qui jette encore bien plus de confusion dans l'histoire du sacrifice d'Isaac par Abraham.

Nous ne laisserons pas d'en tirer quelque utilité pour l'eclaircissement de la matiere que nous traittons. Voici les paroles de cet auteur : Saturnus igi-

tur, qnem P hœnices Israël nominant, quemquc poss obitum in astrum ejusdem nominis confecramnt ; cum ti6 in locts regnaret, ac iflium unigcnam ex NJmpha quadam indigenanonitne Andobret, haberet ; quêta propterek Jeoud dixere, vocibulo bodtecjue unigenam notante lingua Phœnicia. Cùmqne in gravissimum belli pertculum Regio incidijfet, tllmn tpfum Regio ornatum habita » in ara ad hoc exfirutîa irnmolavit.

Voilà le sacrifice d'Abraham, qui est appellé Israël, du nom commun à ses descendans depuis Jacob : il est appelle Saturne comme le premier pere d'une tres-nombreuse posterité ; son fils uni-

Eufeb. préparât. E t.

I. l.

que Isaac est ici nommé Jeoud , parce que Jechid signifie effectivement parmi les Hebreux un fils unique. Mais l'occasion d'immoler ion fils pour prévenir l'extrême danger de la ruine de l'Etat, est une imitation d'un autre endroit de l'Ecriture , où le Roi d'Edom immole son fils sur les murailles de sa ville assiegée par trois Rois , & les porte par cette horrible entreprise à lever le siege. Si lors que les historiens profanes rapportoient les histoires de l'Ecriture, ils y mestoient tant d'alterations, que devons-nous penser des Poëtes qui font consister une partie de la beauté de leurs ouvrages a feindre agreablement ? Ne soions donc pas surpris des déguisemens du saoctifice de la fille de Jephté.

Il faut néanmoins confesser, que c'est avec beaucoup de probabilité, que Marsham a estimé , qu'avant le temps d'Abraham les Pheniciens immoloient déja leurs enfans à Moloch ou à Saturne , qui avoit lui-mesme immolé son fils au ciel son pere en un temps de peste & de famine. C'est ce qu'en dit rhilondc Biblos, sur la foi de Sanchun- J athon : Gr j{a,¡te fame & pestilentia Saturns unicum filium suum cœlopatri in holocaustum obtulit. Ainsi dans le partage precedent au lieu de Israël il faudroit lire //, qui est le nom que Sanchunjathon donne à Satur1 1 l, ne : l -.o\ K,7 Q ti e l qu'un aura pu prendre Il pour un abregé d'Israël. Au reste Porphyre rend le mesme témoignage : Phænices in ma- g;lls périculis ex bello. fame, pestilentia , charissimof,i,n aliqHcm ad id si:jfragtts publicis delectum saifiji'cabMt Stttnrno G' victimarum talium plena est S a nch unj at bonis hijloria Phæniciè scripta, quant Phylo Byblius Græcè interpretatus cjf libris osto. Si ces immolations d'hommes estoient plus anciennes qu' A braham , il faut croire, que Dieu ne lesautpriiapasj quand il commanda à Abraham de lui

Chronicus C sinon, pxg. 76.

Eufeb. pr& Eu. L i.

c, lo. pag.

i 8.

Pag. 3 6.

De abstin.

i.

sacrifier ion fils; mais qu'il les condamna , quand il lui défendit ensuite de le faire. Car Dieu fit voir par cet exemple, qu'un Pere doit toûjours estre prest d'immoler son fils à Dieu, & de s'immoler lui-mesme , si Dieu le lui commandoit ; mais qu'il ne doit jamais le faire, parce que Dieu bien loin de demander ces sacrifices, les défend & les condamne absolument.

VII. Je reviendrai à Iphigenie, a près avoir touché en un mot le sacrifice que fit Idomenée de son fils, lors qu'après le siege de Troye estant agité d'une horrible tempeste, il voiia à Neptune de lui sacrifier tout ce qui se presenterois. le premier à lui en abordant à terre. Son fils se presenta à lui, & il crût qu'il le devoit immoler. Voilà le propre vœu de Jephté, d'immoler ce qui se rencontreroit le premier.

VIII. Les Poëtes semblent avoir voulu imiter le courage & la noble resolution de la fille de Jephte , quand elle encourageoit son pere à accomplir Con vœu, & qu'elle sembloit aller au devant de la mort. Euripide dans son Hecube fait mourir Polyxene avec une confiance admirable : Volens moriar, ne quis attingat corpus meum, præbebo enim cervicem forti pectore. Le mesme Poëte dans son Iphigenie d'Aulis, fait tenir à cette Princesse destinée à la mort les mesmes discours que pouvoit tenir la fille de Jephté, lors qu'elle pleuroit sa virginité sur les moiitagnes, Hets mihi mater, non amplius mihi lucem , neque solis hunc splendorem! heu heu nivofa frigum nemora, & montes ¡dit. Mais aprés ces larmes données à la nature, cette genereuse fille dit une partie de ce que pou'-"Ott dire de plus grand , de plus religieux & de plus saint la fille de Jephté, s'immolant volon- tairement pour le salut de (a patrie, dans la pen- sée qu'elle estoit née bien plus pour la patrie 1,

Strviut m 1. lncid.

que pour elle-mesme; enhn ne penlant pas cju il soit jamais permis de s'opposer à la volonté de Dieu. Hæc) omnia mea morte redirnam , & mea gloria erit bea/A, quod ego liberaverim Græciam.

Etenim non valdè opUJ efi mihi amare vitam. Pe- peristi enim me communem omnibus GræcÍ!) non tibi foli, &c. Si Diana voluit accipere corptu meum, an egl) sum mortalis , obsistam De<t ? Ce Poëte re-

presente comme enfin Diane substitua une biche pour le sacrifice, & comme Iphigenie fut enlevée au ciel : F iitA tHa palam ad Deos avolavit. Ain- si j'ai pu mettre la fille de Jephté immolée , entre les personnes dont les pa yens ont fait des fausses Divinitez. Nous avons déja dit aussi, que les Scythes lui sacrifioient les hostes. Euripide fait aussi mention du vœu d'Agamemnon, d'immoler ce qui naistroit de plus beau la mesme année. Il n' y dissimule pas mesme, que si ceux de la Cherfonefe Taurique immoloient les étrangers à Diane, ce n'é- toit pas qu'une Déesse pust se répaistre de sang humain ; mais ces nations barbares & sanguinaires avoient voulu rejetter sur les Dieux , & autoriser par leurs commandemens les cruelles executions qu'ils faisoient de leurs hostes. Hujus regionis incolas, quod fuâ nllturâ sint homicide, in Deum calpam transtulisse puto. Neminem enim Deorum malum eJTe censeo.

IX. Dans les Heraclides d'Euripide, Cerés promet une victoire certaine aux Atheniens, si on lui immole une vierge noble. Demophon prince des Atheniens y consent, mais il ne peut se resoudre , ni de donner sa fille , ni de forcer qui que ce soit à donner la sienne. Enfin Macarie l'une des filles d'Hercule s'offre volontairement à la mort, & ne veut pas mesme souffrir, qu'on jette au fort, si ce fera elle, ou une de ses sœurs, qui sera la victi- me ; elle veut seule remporter la gloire , de sauver

PrnJogn Iplcgen. in T auris.

les autres par sa propre mort. Nam ista anima præsto est volens, & non invita; & profiteor me mori pro fratribus bis ut pro meipsa. COl'ljilium et enim hoc ego vitæ minime capida inveni pulcherrimum , ut gloriose vitam relinquam. C'estoit estre née du fang d'Hercule, & estre animée de son mesme esprit, pour courir tous les plus grands dangers, afin d'en affranchir les autres nommes. Mentis divinæ semen ex illo Hercule nata es, &c.

X. Aristote nous a appris ci-dessus, que le caractere de la Poësie estoit l'imitation, & qu'elle estoit tres-propre à charmer nos esprits à cause de la passion naturelle que nous avons à imiter & à contrefaire. L'analogie & la comparaison de la chose imitée avec celle qui imite, donne un plaisir & un divertissement nom pareil à nostre curiosité. Ce plaisir se doit redoubler, si ceux qui liront les endroits des Poëtes, où il est parlé d'Iphigenie, de Hesione , de Polyxcne , de Macarie, d'Idomenée, d'Andromède & de quelques autres semblables: ne s'arrestent pas seulement à considerer la naïveté & l'élegance, avec laquelle le Poëte imite la chose qu'il répresente : mais aussi l'analogie & la ressemblance de cette representation fabuleuse avec la véritable histoire de la fille de Jephté. Mais le plaisir & l'utilité monteront à un bien plus haut point, si l'on confidere que dans tous ces exemples que nous venons d'alleguer, on a naïvement répresenté, ou contrefait le sacrifice adorable de JESUS-CHRIST.

Car on peut rémarquer dans les sacrifices de la hlle de Jephté, & d'Isaac qui en estoient des figures, & dans ceux de ces Vierges payennes, qui en estoient des images contrefaites, on peut , dis- je, rémarquer ces veritez importantes du sacrifice de JE SU S-C H R I S T , de la creance duquel Dieu vouloit répandre des semences dans le monde: t)

Qu,il est utile & quelquefois necessaire, qu'un innocent meure pour des coupables, 2° Que c'est le comble du bonheur & de la gloire, d'estre la victime du salut public. 3 9 Que chaque particulier doit estre prest de se sacrifier pour la conservation de sa patrie. 4°. Que la volonté de Dieu doit faire toute nostre joie & nostre force, quand il nous ordonne de mourir. 5° Que l'on ne meurt que pour revivre , quand on meurt pour la cause de Dieu. 6°. Que JSSUS-C HRIST est mort & est demeuré immortel, en distinguant sa double nature, répresentée par Isaac , & par le Belier, contrefaite par Iphigenie & la biche. Que ces hosties doivent estre virginales & tres-pures.

Qu'elles doivent estre très- volontaires.

CHAPITRE VIII.

Des Divinitez fabuleuses, avec allusion aux termes Pheniciens, ou Hebraïques.

J. Plufteurs fables portent les car altères de la langue Phénicienne , ou Hebraïque. Ainsi ou elles ont eslé forgées par V ail»fi on des termes Pheniciens , ou mesme ¡'ont eslé les Pheniçiens qui en ont eslé les auteurs.

J 1. D'isis changée en Hirondelle.

III. D'Anubis , a la tesse de chien.

1 V. La transformation des Dieux en befles durant la guêtre des Geans.

V. D'Arachné changée en araignée.

V 1. D'Esculape nourri par une Chienne.

VIl. De persée. Pegale, & Bellorophon.

VIII. Des Sirenes.

IX. De Scylla & de CharybdU.

X. De Celmu.

X I. Du Roy Niftti.

X l I. D'jlithyia.

XI II. D'Aphrodite, D'Alfartl.

I.

c

OMME nous avons dit dans le Chapitre precedent , que le nom mesme ,

d'Iphigenie pouvoit estre tiré de celui de Jephté, comme qui diroit Jephtigenie , ou fille de Jephté; il y a aussi beaucoup d'autres allusions , ou ethymologies des termes Hebraïques ou Pheniciens, qu'on peut remarquer dans les divinitezde la fable.

On pourra conclure de là que l'origine en est venue de la Phenicie.

II. Plutarque raconte, que la tradition portoit, qu'Isis avoit elle transformée en hirondelle.

Eam autem hirundinem fatlaw ajunt circa columnam volasse & luxisse. Or en langue Hebraïque sis signifie une hirondelle. Bochart qui fait cette remarque, ajoûte qu'en quelques endroits de l'Italie l'hirondelle est appellée Zi la.

III. Le Dieu Anubis en Egypte estoit peint avec une teste de chien, parce qu'en Hebreu Nobeach signifie aboyer. Le Roy Apis estoit honoré fous la figure d'un bœuf, parce que Abir signifie un bœuf.

IV. Et quand les Dieux se transformèrent en bestes, lors de la guerre contre les Geans, selon qu'Ovide le conte dans ses Metamorphoses,

Duxqtte gregts, dixit ,fis Jupiter j unde rccurvis NnncquoqHc formatas Libtis ejicum cornibns Hammon; Delius in corvo , frôles Semeleia capro, Fele soror Phltbi, nivea Saturnia vaCCA, -

PiJèe J'enus latuit; Cyllenius Ibidis alis ; Ce ne furent en partie que les allusions aux noms Pheniciens, ou Hebraïques , qui donnerent occasion à ces fables. Car El est un nom de Dieu , qui signifie fort & puissant; & il signifie aussi un belier.

Bacchus est le mesme que l'Osiris des Egyptiens; comme nous l'avons dit. Or le nom d'osiris , ou Siris, vient de Sehir, qui signifie un bouc. Diane

In ifide.

De animal, par.x. l.io.

L. S. v. j:t (>.

s'appelloit Bubastis dans l'Egypte , & ce mesme terme en langue Egyptienne signifie un chat. He- rodote parle en ces termes , Ægyptiace Apollo est Horus , Ceres Ijis, Diana Bubaftis. Et Estienne, Ægyptij felem Bubastin vocant. Junon fut changée en vache, parce qu'elle est la mesme qu Astarte, qui vient de l'Hebreu Astaroth, qui signifie des troupeaux, soit de moutons soit de vaches. Enfin Venus se cacha fous la figure d'un poisson, selon quelques- uns , parce qu'elle est la mesme que Atergatis , dont le nom vient de Dag, qui signifie un poisson.

V. Il faut donc confesser que la langue Hé- braïque , ou Phenicienne, & par consequent la nation Phenicienne a eu beaucoup de part à la fabrication des fables. La fable d'Arachné changée en araignée , vient manifestement de l'Hebreu arag, que l'Ecriture emploie pour les toiles mesmes que les araignées filent. Car arag c'est filer.

V I. Esculape emprunte apparemment son nom de la mesme langue Hebraïque ; aussi SanchunJathon dit , que c'estoit un des Dieux des Phé- niciens. Is Calibi en Hebreu est le mesme que Vir caninuss. De là vient le nom Grec à.a":'tUl,

& le Latin rffeutapius, Lactance raconte sur la foy d'un vieil auteur, que c'estoit un enfant illegitime, qui fut exposé, trouvé par des chasseurs, & nourri du lait d'une chienne. Hunc Tarquitius de illustribus viris disserent, ait, incertis parenti- bus natum , expositum & à venatoribus inventum, canino lacte nutritum G"'c. Fuisse Messenium , sed Epidauri moratum. Si ceux de Messene dans le Pelo- ponese se l'attribuerent, ce ne fut qu'après l'avoir emprunté des Pheniciens, comme ceux d'Epidaure l'emprunterent des Messeniens, & les Romains enfin l'em prunterent d'Epidaure. C'est le cours eternel des histoires &: des fables, d'Orient en Occident.

Herodottu.

I i. c.i$6.

Stephanus in voce Bula st ut.

Bochart de animal.p.j l. i. c. j;.

Laftan. 1.1 De fal sa Relis. C. 10

VII. Nous avons déja dit, que Persée tiroit son origine de pharsim, ou parasim , qui signifie des cavaliers en langue Hebraïque. Le Cheval Pegase vient de pag ou pega, qui signifie une bride , & sus un cheval. Pour Bellophoron c'est manifestemènt Baal Harouim , c'est-à-dire Magister Iaculatomm. Enfin le monstre qu'on nomma Chimere , qui estoit composé d'un monstreux meslange de trois fortes d'animaux , d'un Lion, d'une Chevre & d'un Dragon ; Ante Leo , retroque Dra60 , Medioque Capella , c'est la description qu'en fait Hesiode : ce monstre, dis-je, n'est qu'un jeu de paroles. Car ce furent trois Capitaines que Bellopho- ron défit, Aryus, Arzalus, & Tosibis, dont les noms signifient ces trois especes d'animaux. Aryus vient de Ari, qui signifie un Lion. Arzalus, vient de -4rzal, qui est une espece de chevreüil. Tosibin, ou Trosibis, signifie la teste d'un serpent, Ros hivija. Je ne m'arresterai pas à rapporter , ce que Strabon, Herodote & Diodore de Sicile ont écrit, de Persée & de Pegase.

VIII. Les Sirenes font aussi manifestement de l'invention des Pheniciens. C' estoient trois Musiciennes, moitié oiseaux, & moitié filles dont Servius fait cette description : Sirenes secundum fa- butam tres , in parte virgines fuerunt, in parte volucres; Asheloi fluminis & Calliopes jnttft filiœ.

Haru,,, una VICe, altera tibiis , altera lyrâ canebat. Et primo juxta Pelorum, post in Capreis insula habitarunt. Prés de l'Isle de Capri estoient les Isles qu'on appelloit Sirenufes, la ville & le promontoire de Sorrento, où estoit un Temple dedié aux Sirenes , selon Strabon ; enfin la ville de Naples , estoit le monument de Parthenope , l'une des Sirenes. Or quoique les Sirenes semblent attachées par ces autoritez & par plusieurs témoignages des Poëtes, ou à la Sicile, ou aux costes

Bochart.

De animal.

I. i. c. 6.

Et Cainan.

I. i. c. 6.

In l. y.

JEinetch

L. i.

d'Italie : il est néanmoins tres-certain, que leur nom est Hebraïque , Sir, Sirim, Canticum , Can- tica, & que ce sont les Pheniciens, qui peuplant ces Isles & ces costes , y répandirent ces traces de leur langue, & apparemment aussi de leur histoire, & de leur religion.

IX. Il en faut dire autant de Scylla & Charybdis, dont la fable a fait deux monstres effroya- bles de la mer, qui engloutissoient les vaisseaux.

L'origine Hebraïque de ces deux noms fait alïex connoistre quels en ont esté les auteurs. Cas Scylla vient de secos, qui signifie exitium ; & Charybdis vient de Chor-obdam. foramen perditionis.

Strabon donne aussi le nom de Charybdis à un lieu de Syrie entre Apamée & Antioch e , où l'Oronte se cache en terre, pour n'en sortir qu'à quarante stades de là.

X. Le Celmis, ou Celmes d'Ovide dans ses Metamorphoses, qui fut transformé en diamant, vient tres-certainement de chalamis en Hebreu, qui signifie une pierre tres-dure. - -f

Te qttoqlle, nunc Adamts b qmddam pdijfime parvo Celmi Iovi.

XI. La fable de Nisus Roy de Megare, qui avoit un cheveux sur la teste de couleur de pourpre , auquel estoit attaché le destin de la durée de son regne, est une imitation assez évidente de la chevelure de Samson. Cui spendidus oftro3 Inter honoratos medio de vertice canos Crinis inhœrebat, magni fiducia regni. La fille de ce Roy nommée Scylla , aiant conceu de h.

passion pour le Roy Minos, pendant qu'il affiegoit Megare, trahit son pere & lui coupa ce cheveux fatal; la ville fut prise , Nisus fut changé en un Aigle de mer , & Scylla rebutée par Minos fut transformée en un oiseau nommé Ciris.

IlttIJ

L. 6.

lAttXm.l.jf.

v. 180.

Metllm.l.8.

v. s-

Iam penaebat in auras, Et modo fatttts erat fulvis habyaetos alis , &c.

Plumis in avetn mutât a > vocatur ClrÍs. C7" à tonfo efi hoc mrnen adepta capillo.

C'est une double Etymologie, l'une Greque, l'au- tre Hebraïque. Car comme Ovide mesme l'infinllê, le nom de Ciris , vient de xai-nr, tondere; & CclLli de Nisus vient de l'Hebreu Nets, qui signifie un Eprevier. Ces fortes differentes d' oiseaux >de proye , font si semblables, qu'on a pu facile- ment prendre l'une pour l'autre. ,

X II. Ce rh et me Poëte fait invoquer Ilithyia aux femmes qui accouchent. Tune cu?n mAturA vocabis prœpositam timidis parientibus Ilithyiam. C'est Diane , qu'elles invoquoient , & cest inutilement qu'on s'est mis en peine de tirer l'origine de ce lui m du Grec ;M:tb ; comme si cette Deesse venoit au secours. Nous ferons voir ci-dessous que la veritable origine de ce mot est Hebraïque. Ialad, gemiit-, Ielid, natus; Leda, parius ; Mejaledeth, cfjhtr/x.

Platon a donné plusieurs Etymologies Greques des noms qu'on donne aux Divinitez de la fa- ble. Elles font presque toutes forcées & tirées de loin. Nous en donnerons plusieurs dans la fuite de cet ouvrage , qui paroistront beaucoup plus iiittirelles , & qui feront tirées de la langue des Pheniciens, ou des Hebreux.

, J' eusse pu a joûter encore d'autres fables, dont Dn prouve que l'origine est Phenicienne, parce que les termes le font. Cinyras Roy de Cypre , &. sa fille Myrrha eurent un fils nommé Adonis.

Ces trois noms propres font Pheniciens, & la me- tamorphose de Myrrha en un arbre de mesme nom , n'est apparemment que la description poëtique de la liqueur ou de la gomme odoriferante qui porte ce nom, & qui semble estre destinée aux

Mctam l.y.

v. 180.

In Cr.r. lo.

Ovid. Metttm. io. v 300.

delices des amans, dans les idées des Poëtes. Hecube fut changée en chien 3 & keleb en Hébreu signifie un chien. L'histoire fabuleuse du Phenix n'est vrai-semblablement fondée, que sur la nature du Palmier, que les auteurs appellent du mesme nom à cause de la Phenicie , où ils font frequens , & qui est un arbre de si longue vie, qu'il semble estre immortel.

Il y auroit peut-estre quelque fondement de distinguer une partie des fables Pheniciennes, ou Allyricnncs d'origine d'avec les Greques par cette marque de l'Etymologie des noms. Car quoique les Grecs aient souvent changé les'noms, comme quand ils ont donné le nom d'Erythrée à la mer d'Idumée, qui est la mer rouge ; ils ne l'ont pourtant pas toujours fait. Il faut raisonner de la mesme maniere des fables Latines , pour les distinguer d'avec les Greques. I.es noms y font purement Latins. Ainsi à peine peut-on douter, --que les fables de Daphné, de Phaethon, des Heliades, de Delos, des Mirmydons, de Galantis, des Alcyons, d'Hyacinthe , de Cygnus , ne soient d'origine Greque.

Au contraire celles de Ganens, d'Anna Perenna, de Lara & Muta de quelques autres dans les Fastes & dans les Metamorphoses d Ovide , font manifestement latines.

XIII. Il ne faut pas omettre la pensée du sçavant Grotius, qui croit que le nom de Venus , est Phenicien , & que c'est comme si l'on disoit Apheorith, qui vient de P heor,ou phegor, qui est le mesme que Beelphegor, un Dieu infame parmi les Moabites, selon nos Ecritures. Ce mesme Auteur fait venir le nom d'Astarte, qui est ou la Terre , ou Diane , du terme Hebraïque, qui est frequent dans l'Ecriture , Asarim , Asaroth, & qui signifie les bois, l'Ecriture mesme témoigne que les Temples estoient souvent situez, &

L. i$. il.

568. L. ij. v, 394.

Num.xy.}.

fid. c. i.

v fRirim y

1

où Diane estoit honorée. Hesychius dit que les Pheniciens appelloient les pleurs & les lamentations Bacchus. Bacchum Phænices pro fletu dicunt.

Mcivîixlt 90iVix.es. C'estoient les urlemens des Bacchantes.

CHAPITRE IX.

Des Dieux qui furent appellez par les Payens Cabiri 3 Palici , Pataici, Addires.

7. Ce que Sanchunjathon dit des Dieux Cabires , 8111 (S thraces, Dioscures, Grands & puissans.

II. Comment Cambyses traita les Dieux Cabire* d'Egypte.

III. Combien il y avoit de Cabires.

1 V. Leurs noms.

V. Explication de leurs noms.

VI. De Camillua , qui estoit Mercure, leur f'erv;tl'ur.

VII. Tous ces noms estoient Pheniciens, ou Hebraïques.

V l 11. En quelle veneratim estoient ces D:eux Samotbraces.

IX. Des Curetes & des Coribantes. eu'il n'y eut que trois Cabires anciens.

X. Comment on les a Attribuez, à l'ijle de Crète.

X 1. Si les Dieux Penates d'Enée , furent les Cabires , ou les Samothraces.

X 11. Des Dieux Pataïques. Leur figure.

X Ill. L'Origine de ce tom.

X 1 V. Des Dieux Paliques.

X V. XVI. Etymologte de ce nom.

XVII. De ceux qu'on nommoit Addires.

I.

L

E Fragment de Sanchon-J athon cité par Eusebe, nous apprend , qu'on honoroit

à Berith en Phenicie, les Dieux qui estoient ap- pellez Cabires ; du mot Hebraïque & frequent dans l'Ecriture, Cabir qui signifie grand & puissant. Interea Saturnus Biblum quidem urbern Deoe Baaltidi, qua & Dione » dono dedit ; Berytum au-

L.I. Pr&Pat.

p..g.36.

tem Neptuno & Caberis. On apprend de ce mel rnr- fragment, que les Dieux Cabires estoient fils de Jupiter, & qu'on les appelloit Dioscures, c' est-àdire enfans de Jupiter; Samothraces , parce qu'ils estoient honorez dans l'isle qui porte ce nom ; ÔC Corybantes. Voici les termes de cet auteur tresancien : Ex Sydyk Dioscuri , seu Cabiri, feu Cory- bantes, seu Samothraces. Sydyk est sans doute le mesme que Jupiter, puisque les enfans de Sydyk, font aussi enfans de Jupiter. Mais comme le nom de Cabiri signifie grand & puissant, les Dieux Cabires selon Varron furent appeliez par les Grecs furctrci, & par les Latins Potes. In Augnrum Ii.

bris Divi Potes sunt , in Samothrace Gfoi JvtctTo).

II. Herodote dit que Cambyses estant en Egyp- te , & traitant avec mépris & avec outrages tout ce que les Egyptiens avoient de plus saint, il entra dans le Temple des Cabires , où les seuls Prê- tres entroient, il en tourna en ridicule les idoles qu'il y trouva & les brûla. Qu'au reste ces idoles estoient semblables à celles de Vulcain. In Tem- plum quoque Cabirorum , inaccessum alteri quant Sacerdoti, ingressus est ; & qllæ illic erant simulachra, multis in ea jocatus verbis, concremavit. Sunt enim & luc illis Vulcani similia. Cette coustume de ne laitier entrer que les Prestres dans le Temple, estoit une imitation du Temple de Jerusalem, & du Tabernacle qui l'avoit précedé. Car ce n'estoient aussi que les Prestres qui y entroient.

III. Les autres nations du monde imiterent les Egyptiens , & eurent aussi-bien qu'eux leurs Cabires, & leurs Temples des Cabires, comme nous dirons dans la fuite. Mais les Egyptiens furent apparemment les premiers imitateurs du Temple de Jerusalem , quoi-qu'avec un mélange horrible de profanations. Le mesme Sanchonjathon qui a esté cité ci-dessus, dit que Sydec eut

De lingutl Latin* l 4.

L. 3. c. 37.

E"ttr b prsf.

Evan, 1. 1.

lMg. 3 fJ.

sept fils, qui furent les Cabires, & que le huitiè- me fut Esculape leur frere. Atque hæc Principes om- inurn Cabiri septem liberi Sydec , cum Æfèulllpio fra- tre octavo &c. Il ne faut donc pas s'etonner si les autres images des Cabires estoient semblables à celle de Vulcain, puifqu'il estoit lui-mesme un des huit Cabires. Mais Herodote a peut-estre parlé de la forte, parce que les images de Vulcain estoient devenues plus communes & plus connuës du monde.

IV. Le Scholiaste d'Apollonius de Rhodes dit, qu'il y avoit eu premierement deux Cabires, Jupiter, & Bacchus. Quidam serunt Cabiros priùs fuisse duos, seniorem quidem Jovem, dr Bacchum juniorem. Il en nomme après d'autres, Axieros, quae efl Ceres ; Axiokersa , Proserpina ; Axiokersos » Pluto ; additus est & quartus Casmillus qui est Mercurius ; ut refert Dionysiodorus.

V. Quant à ces noms, Bochart les a tresingenieusement derivez de la langue Hebraïque.

Axieros, est le mesme que Achasi-erets, c'est-àd lrc, Possessio mea terra Ainsi ce ne peut estre que C res. Axiokersos Axioerjà, font les mesmes que Achasi Kerets, c'est-à-dire, Possessio mea excidium & mors. Ainsi ce font indubitablement Pluton & Prolerpine.

V 1. Pour Camillus , ou Casmillus , c'estoit plûtost le serviteur des Dieux Cabires , que l'un d'eux. Aussi Plutarque dit que les Romains & les Grecs donnoient ce nom au jeune ministre du Tem- ple de Jupiter, comme les Grecs le donnoient à Mercure. Ministrantem in æde Jovis puerum in flore ætatis dici Camillum ; ut & Mercurium Græcorum nonnulli Camillum à ministerio appellavere, Denys d'Halicarnasse en dit autant : Serviebant Sacerdotibus, qui à Romanis nunc Camilli dicuntur. Varron veut que ce nom vienne des mysteres des Sa-

L. 1. pag, 917.

Phgleg. l, 1.

C. 12..

In Numa.

L. 1.

Lin. Lat.

L 4.

mothraces : Cajmillus nominatur in Samothraces mysteriis , Deus quidam administer Dits magnis.

Festus fait la proposition generale, Antiqui mi- nistros Camillos dicebant. Macrobe semble reserver ces Camilles aux Prestres , Romani quoque pueros puellasve nobiles & investes , Camillos Ó. Camillos appellant, Flaminicarum & Flaminnm proeministros.

Servius dit qu'en langue Toscane Mercure estoit appellé Camille, comme estant Ministre des Dieux.

Mercurius Hetrusca lingua Camillus dicitur , quasi minister Deorum. Cette déduction fait voir , que ce terme avoit pris cours parmi les Toscans, les Romains , les Grecs, les Samothraces & les Egyptiens; & il resulte selon le cours ordinaire des choses, des sciences & des langues mesmes, que le terme de Cadmille , ou Camille avoit paire de l'Orient à l'Occident , aussi bien que les autres noms des Cabires, & le mot general mesme de Cabires. Bochart croit que ce mot peut venir de l'Arabe Chadama, ministrare. On sçait que l'Arabe a beaucoup de rapport au Phenicien & à 1 Hebreu.

Grotius veut que Camillus vienne du Chamarim des Ecritures, où ce terme signifie les Pre,(I":--'s, .ou les Augures.

VII. Il remarque encore aprés Hesychius, que le Prestre des Cabires s'appelloit Coées, vç; or il est évident que ce terme est le mesme que celui des Hebreux Kohen, qui signifie un Prestre.

Après cela il faut confesser , que Diodore de Sicile a eu raison de dire , que les Samothraces ont eu autrefois un langage tout particulier. Habuerunt autem Indigenæ linguam veterem sibi propriam cujpu in sacrificiis hodieque multa servantur.

Cette ancienne langue ne pouvoit estre autre que celle des Pheniciens, qui peuplerent les premiers cette Isle, & lui communiquerent ces noms que nous venons d'expliquer.

saturnal.

1. j.

'n ÆTJeiJ.

l. n.

L. 4. Rig.

0. ij. & Soph. 1. 4.

Grat. in 1. 4 Reg. c. 1 J.

VIII. Et c'est sans doute cette grande anti- quité qui donna tant de reputation aux Dieux & aux Mysteres des Samothraces , comme les premiers émanez des Pheniciens : en sorte que Jason , Hercule , Castor, Agamemnon , Ulysse , Pollux, Philippe pere du Grand Alexandre voulurent y estre receus ; le bruit commun estant , que ceux qui estoient participans de ces mysteres, estoient plus religieux & ptus justes que les autres hommes, & plus protegez du Ciel , sur tout contre les naufrages. Ce font le termes de Diodore de Sicile. Initiati credebamstr Deos habere in periculis præfèntt:tJimas t & ipsos sieri fanÏÏiores & justiores. Idco lie.

roes veteres & femidti Uluflrijjimi ritibus issis imbuti sunt, Jason, Castor , &c.

1 X. Strabon rapporte les différentes opinions de ceux, qui confondoient les Curetes, les Corybantes, & les Cabires; qui leur donnoient pour pere les uns Jupiter, les autres le Soleil ; qui met- toient aussi des Nymphes Cabires; enfin qui éta- blilssoient leur culte non feulement en Samothrace, mais aussi dans les Isles de Lemnos, & d'Imbros, &: aux environs de Troye. Cc qui nous fait voir que la propagation qui se fit du culte des Cabires , ou des grands Dieux hors de la Phenicie; de l'Egypte , & de la Samothrace, donna lieu à une infi- nité de nouvelles fables qu'on y ajoûta.

Strabon touche l'opinion de ceux, qui tenoient r .qu'il n'y avoit que trois Cabires , Cabiros tres : & trois Nymphes Cabires , & tres Cabiridas Nymphas. Mais ce n'estoit que l'effet de l'imagination des anciens , qui donnoient tantost un sexe à leurs Divinitez, & tantost l'autre comme nous dirons ci-dessous. Ainsi ces six Cabires, n'en faisoient effectivement que trois; & il y a de l'apparence, qu'il n'y eut d'abord que trois Cabires, com- me Tertullien le dit expressément dans son livre

L. s. fag.

214.

L. 10.

des fpedtacles : Très aræ trinis Viit parent, magnis^ potentibus. Eosdem Samothracat extfiimant. S'il estoit permis de pouffer plus loin nos con- jectures , nous pourrions penler , que le culte d'un fcul vrai Dieu , qui estoit surnommé Ctbir, c'est-à-dire Grand & Puissant, fut premièrement al téré par la jonction qu'on y fit du culte de Jupiter & de Bacchus, c'est-à-dire de Cham & de Moïse, ou de Chapi & de Nemrod : que nous avons fait voir estre Jupiter & Bacchus. Ainsi il y eut trois Cabires ; comme Tertullien vient de le' marquer, & comme il est insinué dans le Scholiaste d'Apollonius Rhodien , dont les paroles ont este rapportées : quand il dit, que félon quelques-uns il n'y avoit eu d'abord que deux Cabires, Jupiter, &: Bacchus. Il falloit bien fous-entendre le troi- siéme , ou pliitoft le premier , qui estoit le pere des Cabires , nommé Sydec par Sanchon- J athon j peut-estre du nom de Dieu Sadic dans les Ecritures , c'cft-à-dire juste. Après cette addition faite , il ne se put faire , qu'il ne s'en fit d'autres avec le temps en tant de difïerens païs.

X. Que û les Curetes& les Coribantes, & par confcquent les Cabires ont cité regardez, comme propres à l'Isle de Crete ; ce ii'est que parce que ce culte pana de cette Isle au reste de la Grece , & de la Grece dans l'Italie. Ce qui n'empêche pas qu'il n'eût pâlie de la Phcnicie en Egypte, en Phrygie, & en Samothrace & de là à Crete, d'où il fut enfin communiqué aux Grecs. Pausanias parledes Cabires de la Grece; Qjti vero sint Cabiri > & quo ritu ipjîs & Magm Matri sacra fiant, reticenti mihi esso venia ; mais il n'en parle que pour exeufer le lilencc auquel il est obligé sur de il hauts myfieres. Il en fait Reine Ceres, qui est la Grand e Mere. Il prouve par plusieurs exemples que le T :mple des Cabires ne fut jamais impunément vio-

Lé. Enfin il attribue le nom de Cabires, aux hommes mesmes , qui estoient attachez à ce culte , comme le nom de Curetes & de Coribantes fut auill communiqué aux nfmiftresdu culte des Dieux qui portpient ce mesme nom.

X I. Je finirai ce discours des Cabires par les d'Q h' , , , 1 ¡ 1 vers d'Orphée, *v/>mt £ ç , x.o/>u £ ccvTfç, àvkv.lof'tt, ,<*/ u7' , Il' & d.

vcûol n, ev cxjuoQ&éxri œmx.Tiç Se par cette derniere reflexion de Macrobe , qui croit que les Dieux Penates, qui furent portez par EnéedeTroye en Italie, estoient ces Dieux Cabires. C'eftpour cela, que Virgile les appelle les grands Dieux: Cum focus n a toque, Penatibus & Magnis 'j)iú! Il donne ailleurs le nom de grande à Junon, & celui de puillante à Vesta, c'estoient les noms propres des Cabires, d'estre appeliez les Dieux grands & puissans ; & c'estoit mcfme la lignification du nom Hebraïque de Cabire.

Ittnoms Magna primum prece nurhen adora, érc.

Sic ait, & manibus vitas Veftamque patentent Aiternumque adytii effert penetralibm ignern.

Denys d Hahcarnalle rapporte fort au long sur la foi de Calliftratus l'histoire des Grands Dieux, que Dardinus transporta d'Arcadie en l'Isle de Samothrace , & de là à Ilium , où il les déposa avec le Palladium. Il ajoute qu'Enée les transporta en- fuite en Italie. Herodote donne le nom de Cabires1 aux Dieux de Samothrace , 8c dit que ce furent les Pelasges meslez avec les Atheniens) qui les avoient portez en Samothrace ; enfin qu'en- tic ces Dieux si refpettez de Samothrace eftoitla ftltuë de Mercure representée avec la mesme turpitude que Priape , ce qui estoit de l'invention de Pelasges.

XII. PaiTons des Cabires aux Pataiques. Hé- rodote en a traité dans le mesme endroit, & nous a appris qu'ils avoient beaucoup de ressemblance

L. 3. Satum, c. 4.

Lib. 1. pag.

JJ.

L. i. c. s r.

les uns avec les autres, au moins quant à leurs

figures j car c'estoient comme de petites images de Pygmécs,dont les Pheniciens ornoient les proües de leurs vaisseaux: Aussi Cambyses estant entré dans le Temple de ces Dieux en Egypte , il en

fit de sanglantes railleries. Etiarn Templum Fulca- ni adiens , multo derifu simulacrum illius cavillatus est. Si quidern fiatua fulcani fimillima est iis Dits » cjHos Pataicos vocant phænices , quos in triremium proris phænices circumferunt, quos qui non vidit, ego fie ei indicabo, esse illos PygmÚ viri imagine.

In Templum quoque Cabirorllm ingressus est. Hesychius en dit autant 7TXTIX.IX.OI 3 Patæçi , Dii P hæni- ,um ) quos ftlltuunt ad puppes navium. Et Suidas aussi Patæci Di, Patdci Phnicq in puppibus collocati.

Hérodote s'et f peut-estre trompé quand il a mis ces Dieux sur la proiie :< les autres les mettent sur la pouppe des vaiÍfeaux; & Pcrfc dit que c'estos t la coustume Ingentes è puppe Dij.

XIII. L'origine de ce mot est évidemment Hebraïque félon Scaliger. Car Patach en Hebreu est le mesme que Insculpere ; pitochim, fculpturæ.

Ce font des termes tres-frequens dans l'Ecriture.

Bochart croit qu'on peut dériver cc mot du terme Hebraïque Batac , qui signifie confiderc. Car ces idolatres mettoient leur confiance en ces Dieux ;

& le changement des lettres P & B est fort ordinaire. Selden a traitté au long de ces Dieux Pataïques, 8c a cru, que tous les Dieux des Pheni ciens portoient le mesme nom.

XIV. Passons aux Dieux Paliques, celebrcs dans la Sicile. Diodore de Sicile, dit que le Tem- ple de ces Dieux y estoit tres-refpedé & tresancicn : Fanum hoc tum antiquitate ; tum religiosis veneratione , quod multa in eo rara & stupenda eve- niant, Cdtteris longè præferendlrn cffe diilitanf. Il y avoit dans ce temple deux badins d'eau bouillante

L. 3. c. 37.

Sat. 6.

Syntagmatei. c. 16.

Lib.u. p*g67.

& enfouffrée très-profonds, toujours pleins fan jamais déborder. On faisoit dans ce Temple de iermens solennels , & les parjures y estoient fui le champ punis de quelque peine redoutable ; quelques-uns y perdoient la veûe. Sanllijfima il- lic juramenta pr&ftantur, & repentina pejerantibus vinditta, numinis incumbit. Nonnulli oculis capti delubro excédant. Aînsi ces sermens terminoient les causes les plus embarrallees. Ce Temple servoit auili d'Asyle aux esclaves opprimez par leurs maistres ; les maistres n'aiant jamais osé violer le ferment qu'on leur faisoit faire dans ce Temple , de les traiter plus doucement.

X V. Silius Italicus a exprimé en un vers , ce que Diodore vient de dire

Et qui prœfenti domitant perjura Palici

Peftora fùpplicio. Virgile en a aussi parlé Syme tia circum Flumina, pinçuis ubi & placabilis dra Palici.

Macrobe remarque fort bien , que le fleuve Symetus estant en Sicile, le'T emple des Paliques y estoit aussi felon Virgile. Il a joute que le premier des Poètes qui en ait parlé , est Esquise qui estoit Sicilien. Il rapporte la fable qu'Esquise en a contée , d'une Nymphe que Jupiter avoit forcée, Ôc qui de crainte de Junon s'e ftoit abyfmée dansla terre, au terme de l'enfantement elle mit au monde deux freres qu'on appella Palici » TV -TTCLMV i'l.SS. comme estant entrez dans la terre , & en estant fortis. On peut mettre cet exemple dans la foule de ceux qui montrent, que les fables n'ont esté souvent fondées, que sur les allusions & les etymologies des noms.

XVI. Mais le mal-heur est que chaque nation aiant voulu donner à son païs tout ce qui lui estoit venu d'ailleurs , il çft souvent arrivé ,

L.14.

JEnesJ. I.

9Saturnal.

1. 5. C. 1.9.

que les Grecs ont forgé des étymologies Greques pour des noms, qui estoient purement Pheniciens, ou Hebraïques. C'en est ici un exemple. Car ce terme de Palici ) vient du mot Hebraïque, Palichin, qui signifie Venerabiles, colendos. Et il vient de Pelach, Colere, venerari. Esquise mesme semble l'insinuer en ces termes, Summus Palicos Ju- piter venerabiles voluit vocari, 7ra> i x-vç "ù, ip¡f"«1 «.]..Ély. Hesychius dit que le pere des deux freres Paliques fut Adranus. Le nom Adranus vient du mot Hebraïque Adir , Addir , qui est un des eloges de Dieu , qui signifie glorieux & illustre.

On appellait Delli les deux bassins, où se faisaient les sermens, & où la vengeance divine éclattait sur les parjures. Voici ce qu'en dit Macrobe après Callias. Nec longè indè lacus breves sunt , qUOi in- colœ Crateres vocant , & nomine Dellos appellant, fratrefque eos Palicorum Animant, Or ce mot est Arabique, & était apparemment Phenicien. Car Val/a Arabe signifie indicare. Peut-être pourroit- il venir du mot Hebraïque Daal, haurire, exhaurire ; Car Aristote assure que celui qui jurait, écrivoit son ferment sur un billet qu'il jettoit dans l'eau. Le billet surnageoit si le jurement estoit veritable ; à moins de cela, il disparaissait. Qui/qui s aliquid jurat, id tabellœ inscriptum in aquam immittit ; quòd si bona fide juret , tabella innatat ; si verò pejeraverit, tabella evanescit. Apollonius Thianeus parle d'une fonteine assez semblable à Tyane en Cappadoce, dans sa vie écrite par Philostrate. Finissons par Ovide, qui a fait la description naturelle de ces deux lacs.

Perque lacus altos & olentia sulphure fertur Stagna palicorum, ruptâ ferventia terrâ: Je ne doute pas qu'il ne tombe dans la pensée des lecteurs, que ce mystere des jurements & de la punition des parjures était une imitation de

L, i c. 4.

Metam.l.fV. 4qf.

ce qui est écrit dans le livre des Nombres touchant les épreuves de l'eau, qu'on faisait boire aux femmes adulteres.

XVII. Il ne nous reste plus qu'à dire un mot des Dieux qu'on appelloit Addires, Abaddires, & leurs Prêtres Eucaddires. S. Augustin écrivant à Maxime de Madaure , dit que les Carthaginois avoient In Sacerdotibus Euccaddires , & in Numinibus Abaddires. Dans l'Ecriture le nom de Addir, MA.

gnificus est souvent donné à Dieu. Les Philistins mêmes lui donnerent ce nom, pour avoir frappé l'Egypte de tant de playes. Ab-Addir, est le mesme c que Pater Magnificus. Ainsi les Dieux Abaddires des Carthaginois , estoient sans doute ceux que les Grecs & les Latins nommerent MAgnOJ, potentes, selectos.

Pour le nom des Prêtres Euccaddires, Bochart croit qu'il vient de l'Hebreu Enuc Addir, initia- tus Addiro.

CHAPITRE X.

Des Dieux profanes dont il est parlé dans les Ecri- turcs du Vieux Testament. Et premièrement de ceux dont il est parlé dans le Pentateuque.

I. Si Lia à la naissance de Gad, invoqua la Fortune; on un bon Astre.

II. Sentimens de S. Augustin sur cela.

III. Si Cad estoit la Fortune, ou la Lune, ou un Démon.

1 V. Suite du mesme sujet.

V. Preuves que c'estoit la Lune, la Fortune, 6, laReyne du Ciel.

V 1. Vil. De Beelphegor. Si c estoit Priape, ou Saturne.

VIII. De Chamos. Si c'estoit Priape, IX. De Moloc.

X. Preuves que c'estoit Saturne.

C. S. il.

Epist. 44.

1. Reg.4.8.

X il estoit IIUJ/i honoré à Cartbage.

X 11. Des Veaux d'Or , imitez sur Apis & Mnevu.

X 111 Preuves de cela.

X > V Dés le temps de Moise les Egyptiens adoroient les Animaux.

X V. ils ne les honoroient que par rapport aux Astres, dont ils eftotent les Symboles.

X V 1. Les veaux tÙr d'JÍ"roï ne furent point imitez sur les Chérubins de l'Arche XV II. Ci la fer oit plus vrai-ftmblable de ceux de jéroboam. Genebrard a Cyeu, qte lerobum fat plùtop fchtfjpatique, qu'herettque , ou Idolâtre.

X V 11 l. Suite des Millier/s.

I.

L

E CRITURE Sainte du Vieux Testament , & sur tout le Pentateuque de

Moïse, étant le plus ancien livre que nous aions au monde; nous y apprendrons ce qu'on peut ravoir de plus ancien de l'Idolatrie, des fausses Divinitez & des fables, qui y font condamnées. La parole que dit Lia , lorsque Zelpha sa servante lui donna un fils, a paru à quelques-uns tenir de l'idolatrie. Elle dit Ba-Gad, & elle donna ensuite le nom de Gad à ce fils. Selden qui a fait un traité fort sçavant De Diis Syrts", dit que les Hebreux interpretent ce terme Syriaque Ba-Gad, par celui de Mazal Tob. c'est-à-dire un astre favorable ; & que Gad en Arabe signifie la bonne fortune, un astre benin Jupiter. Aussi les Septante ont traduit 7 x. Dans les traitez publics les Grecs pour bon augure mettoient ces paroles, à.1".r 7V X)1.

II. S. Augustin ne s'éloigne pas extremement de croire, que Lia parla à la maniere des payens dans cette rencontre, & qu'elle regarda r afire fa- vorable , qui serait comme la bonne fortune de fou fils. Voici comme ce Saint parle. Quod Latini ha- bent, nato filio Liœ de Zelfa, quod dixerit, BeAtA fatia , vel, Felix facta sum : Gr&çi habent év7v%n,

GmefJo, n.

In Genefq.

<>i..94.

quod magu bonam Jortunam Jigniftct. Vnde videtltr occasio non benè intelligentibus dari , tanquam il h hommes fortunam coluerint. Sed fortuna inteliigenda est pro his rébus , quœ fortuit u videmur accidere, non quia numen altquodfit ; cum h&c ipsa tamen qu £ fortuita videntur, causis occultis divinitm denrur) &c. Aut certè Lta.proptcrea fie locuta cft, quoi adhuc Gentilitatis consuétudinem retinebat.

Non enirn hoc Jacob dixit, ut ex hoc data huic verbo putetur authoritas. Et un peu plus bas, Quod Laban dicit. quare sur-rtm es Deos meos ; hinc efi illttd foYtaJfe, quod Ó. augurari se dixerat & ejus filia bonam fortunam nominaverat. Et notandum.

quod à principio libri nunc primum invenimus Deos Gentium. Superioribas quippe Scriptura locis 'Deum ■ nominabant.

III. Ce n'est donc pas sans raison, que nous avons commencé par cet endroit le recit des fausses Divinitez dont il est parlé dans l'Ecriture ; puisque S.

Augustin remarque, que c'est ici le premier endroit , où il commence à être parlé de faux Dieux.

Le mesme terme de Gad se trouve dans Isaïe, & la Vulgate le traduit fortuna. Qui ponitis fortune mensam. Les Septante ont tourné Jetll.dvIOV, qui elt un terme general, qui peut signifier tous les faux Dieux. D'autres ont expliqué Gad d'une troupe , & c'est apparemment la Milice du Ciel, dont les Syriens, aussi bien que les Chaldéens ont été adorateurs. Car il est tres-vrai-semblable , que l'idolâtrie a commencé par le culte des astres. L'Ecriture l'insinue, & la raison en est évidente. Job pour se mettre à couvert du crime de l'idolatrie , dit feulement, qu'il n'a jamais adoré ni le soleil, ni la Lune , ce qui feroit ravir à Dieu les honneurs, qui ne font deus qu'à lui. Si vidi Solem, cum fulgeret j e?- Lunam incedentem clare ; & lœtatum est in abscondito cor meum , & osculatus fum manum meam

C. 6f. io.

G'.JI. v.té.

cre tlJeo) jus est iniquitas maxima, & negatio con- tra Deum altissimum. Moïse proscrivant l'idolatrie , ne parle non plus que des astres, Cllrn re~ perti fuerint apud te qui faciant malum in conspectu Domini, & transgrediantur paBum il luit, ut vadant & serviant 'J)Ùs alienis, & ~adorent eos, Solem & Lunam & omnem militiam cœli , qtut non prœcepi, &c. La raison n'en est pas moins claire : Car si l'homme poussé par son instinct naturel à reconnoistre un Dieu, & abbatu par ses crimes fous la servitude des sens, & dans une extrême difficulté de concevoir autre chose , que des objects sensibles, a commencé de chercher son Dieu dans les choses sensibles, il n'y a pas lieu de douter, qu'il ne se foit tourné vers le Soleil & les astres.

1 V. Prenant ce parti, nous accorderons tou- tes les opinions differentes, qui ont été touchées sur ces deux endroits de l'Ecriture. Car Gad sera un astre favorable , foit Venus , ou Jupiter , & par consequent une partie de la milice du ciel, & la bonne fortune; & neanmoins le culte qui lui sera rendu, fera rendu au demon, puisque c'est un culte impie & superstitieux. Macrobe dit que les Egyptiens faisoient presider quatre Dieux à la naissance des hommes , le demon , la fortune, l'amour & la necessité ; ils disoient que le de- mon était le Soleil , & que la fortune estoit la lune. Ægyptij protendunt Deos prœstites homini nascenti quatuor adesse , 7UXllV, , CtV"ï'Xy,v, & duo priores Solem & Lunam intelligi volunt. Les Syriens au temps de Laban & de Lia pouvoient bien avoir les mêmes idées : puisque le terme de Gad est expliqué par les Septante tantôt du demon , tantôt de la fortune , c'est-à-dire selon Macrobe , d'une heureuse estoile , tel qu'est le Soleil, ou la Lune.

V. Il est bon de remarquer encore, qu'Isaïe immedia-

Deuter. t.

17. 3.

Saturnal. î.

l, t. J.

immédiatement aprés les paroles, qui ont esté rap- portées, f2.!:!i ponitÙ ipsi Gad menjxtn, a joûte celles-ci, Et tZllplctis. ipfl Meni libamen. Or il est extremement probable, que ce terme Meni signifie la lune. Car il vient de Mana, qui signifie nu- merare, nombrer, compter. Ainsi c'et f la mesme chose que Gad, & il se prend pour les troupes de la milice du ciel, ou des astres. Le terme Grec | I , la lune , Luna, en vient, & le nom Latin des mois, Menses, en vient aussi, parce que les mois font lunaires. Les Ephemerides populaires des astres sont aussi communément nommées Almanach, du mesme terme Mana, qui signifie compter & calculer. Enfin on pourra encore donner quelque jour à ce qui a esté dit, par les paroles de Philaftrius Evesque dans son traité des Heresies ; où il dit , qu'il y en avoit parmy les Juifs, qui. adoroient la Reine , ou la fortune du cicl, qui est la mesme, que la Deesse celeste des Africains, Alia est hæresis "n qttæ R egh7tlm, quam & Fortunam cœli nuncupant, quam & Coellc- tem vocant in Africa, eÙjue fltcriflàa offerre non daeitant. Il ajoûte que c'et f de cette fortune, ou de cette- Reine du ciel, que Jeremie parle, quand il dit que les Juifs rebelles & insensez lui repon- dirent insolemment, qu'ils avoient toujours cfté accablez de maux , depuis qu'ils avoient cessé de lui offrir leurs sacrifices.

VI. Il est parlé dans l'Exode de Beelzepbon.

mais c' estoit un lieu , & non une divinité. On ne, peut pas dire la mesme chose de Beelphegor, puisqu'il est dit dans les Nombres, qu'une partie des Israëlites s'abandonna au culte impur & execrable de cette fausse divinité. Dieu en fit aussi une effroyable vengeance : Initiatusque, est IfdJI Beelphegor : Occidat unusquisque proximos suos qui wi-.

tiati sunt Reelphegor. Il y a de l'apparence que cV-

c. i r-

C. 14.

C zj,

stoit le Dieu qui estoit honoré sur le mont Phegor ou Phogor , dont il avoit esté parlé peu aupara vant dans le mesme endroit des Nombres ; & ci Balaam estoit monté pour considerer de là les lirac lites. Car Baalphegor, ou Beelphcgor n'est aun chose que le Dieu qui domine sur le mont Phe gor. C'est le sentiment de Theodorct ; Beelphego ej} simulacrum ab dlis cultum ; & phegor ttldcrl jimH/ttfri locus vocabatur, Beel verò Idolum.

VIT. Thcodorct ne laisse pas de conjecturer que ce Dieu , qui estoit adoré sur cette montagne estoit Saturne. Hunc autem âicunt Satirrrinm h;-: gua Gï:-Ci ni.'hiirpi'.n. Nous parlerons ci-dessous d< B.(tl , & nous CXJlllmCrons il c'est Saturne. Mai: Origene remarque fort bien , que Balac lui van - Il conseil de Balaam aiant prostitué les filles des Ma- dianites aux Israëlites , & les aiant par là engagez à sacrifier au Dieu des Madianites ; il est for apparent, que c'cftoit plûtost un Dieu d'impureté, que de cruauté. Consacrentur prius Beelphegor cjtiod cfi Idolum titrfitudims. S. Jerôme est entre dans la mesme pensée, & a creu que Beelphegot estoit le Dieu Priape. Fornicati sunt cum Madia nitis, & ingressi sunt ad Beelphegor Idolum Aîoubitarum, quem nos Priapum possumus appel lare, Denique interpretatur Beelpbegor Idolum tentiginis, habens in ore , id est in fummitate pellem, ut turpuudinem membri virilis ostenderet. Je ne sçai si l'on demeurera d'accord de cette étymologie du nom de Beelphegor ; mais il est évident que l'application de Beelphegor à Priape, ni esté faite par S.

Jerôme , qu'avec beaucoup de vrai-semblance.

Aussi dit-il encore la mesme chose écrivant contre Jovinien ; Phegor quod interpretatur içnominia.

Propriè quippe Phegor lingua Hebrta Priapus al pelitltNf". S. Isidore de Seville en dit autant, Brclphegor interpréteur fimulacrhin ignominià. Idohvj

C. 14.

In Psal.

îv-;. v. 28

Hom. to tu 1\ os.

np. 9.

Osée.

L.i f il.

1 Orig;1J ,,1.

S e 11.

rnim jfitt Moab cognomento BtlAl, Japcr mortetu Phegor, que m Llltinf Priapftm vacant > Deum hortoYutn.

VIII. Chamos estoit le Dieu des Moabites, !&: il droit honoré sur le mont Nebo , selon le mesme S. Jerôme, qui croit aussi que c'estoit le mesme que Priape. In Nabo erat Chamos Idolum consècratum , cjuod alto nomine appellatur Beelphegor. Philon tire l'étymologie de ce nom de l'He- breu Mefch , Centrectatio ; ce qui tend encore à l'impureté. d encore à

IX. Moloch estoit le Dieu des Ammonites. Et c'cft à Moloch, qu'ils sacrifioient leurs propres enfans dans la vallée Tophet, qui signifie un tambour) tympanum , parce qu'ils faisoient joüer du tambour , afin qu'on n'entendit pas les cris des enfans , i qu'on jettoit dans le feu. Cette vallée s'appelloit aussi , Ge-ben-Ennon & plK abbreviation Geennon , de Ge, qui signifie une vallée, Ennon » qui vient de Naham, qui signifie gemir. Ce Dieu s'appelle aussi. Melchom dans les Ecritures.

Et l'un & l'autre nom vient de Melec » qui signifie un R. oy.

X. S. Athanase dit que les Phéniciens immoloient leurs enfans à Saturne, x.?Iú,). Les Moabites habitoient dans la Phenicie. Ainsi Moloch seroit le mesme que Saturne. Les fables de Sàttir.

ne donnent aussi assez de lieu à cette cruauté effroyable. Les Carthaginois qui estoient descendus des T yriens, ou des Pheniciens immoloient aussi des enfans à Saturne, & se servoient de tambours, pour empécher qu'on n'entendit leurs cris. ta.

stance le rapporte d'un ancien auteur, auquel on pourroit en joindre un grand nombre d'autres : Pefccmvu Festus in libris historiarum per satyram rel fcr:, Carthaginenses Saturno humnas hostias solitos t/n nolate : & cum victi essent ab Agathocle Revu

In ifai'am 1. j.

Philo 1. t A lie gor.

Orat. cont.

Gentil.

L. t c* iî.

Siculorum » tratum Jwt Deurn putavijjc. Itaque u JiligcntiHÂ piaculum folverentJ dacentos nobiliHffî si lios imtnolcffe. ,

XI. Selden de qui tout ceci est em prunté, re- marque après Athenagore, que les Carthaginois adoroient Amilc&n » qui est le mesme que M cicom. Leur grande Deelle estoit la Reyne du ciel ou la celeftc. On sçait que Melee , signifie Ii Roy, & Malca la Reine : Limhk&t haja'tnatm Reginæ cœli dans Jercmie. Milicus > Amilcar Imilco, lmilce, estoient des noms ordinaires parmi les Carthaginois, & ils viennent tous de Mtuc ou Moloc. Nous avons déja rapporté le passage d( Porphyre tiré d'Eusebe, il dit que les Phéni- ciens adoroient Saturne & lui immoloient leurs enfans. Ainsi on ne peut pas presque plus douter que Moloc ne soit Saturne. Que si Pline a dii que les Carthaginois immoloient des hommes Hercule, c'est b peut-estre parce que selon Hefy- c hius on appelloit aussi Hercule Matica. Enfir comme Baal ou Betl & Moloc , ou Melec ont la mesme signification , ce n''eÍt peut-estre pas aussi sans raison , que Theodoret disoit plus haut, que le Dieu Beclphegor estoit le mesme que Saturne.

XII- Il ne nous reste plus qu'à dire un mot du veau d'Or, que les Israelites adorerent dans le desert, imitant ou le bœuf qu'ils avoient vC .dans l'Egypte proche du tombeau de Joseph, qu estoit honoré lous ce Symbole : où le boetifapis, qui estoit le Dieu des Egyptiens : où les images des Cherubins , qui avoient paru soûtenir le trône de Dieu, & qui avoient des testes de bœuf dans la representation mesme qui en fut faite dans le Tabernacle & dans le Temple.

XIII. Lactance dit que ce bcciTf qt^Aaron for- ma , estoit une imitation d'Apis & de Mnevis,

L.16.C. j.

L de ver 6(tp c iO'

qui estoient les deux bœufs qu'on honoroit en diffe.

rences contrées de l'Egypte. In idololatriam prolapsi, ad profanos AEgyptiorum ritus animos transtulerunt.

I Ckm enim Moisis dux eorum afcendiffet in montem , atque ibidem quadraginta diebus moraretur; aureum caput bovis , quem vocant Apin, quod eis signo prc- cederet, ifgurarunt. S. Jerôme est de mesme avis, & il ajoute que les veaux d'Or de Jeroboam estoient la mesme chose. Car l'Ecriture nous apprend, que Jeroboam se retira en Egypte & y demeura jusqu'au temps de la mort de Salomon, qui le perfecutoit. Il rémarqua les deux bœufs Apis êc Mnevis qui estoient honorez en divers endroits de l'Egypte , & aiant depuis esté éle1 v. sur le trône des dix Tribus des Israëlites, il imita ce qu'il avoit vû dans l'Egypte, & plaça deux veaux d'Or aux deux extremitez de son Etat, pour y arrester ses sujets , & les détourner du vOlge de Jerusalem & du culte qu'on y rendoit à Dieu. Voilà à mou avis le sens des paroles de saint Jerôme. Videtur autem mihi idcirco, & po- pulus Israèl in folimdine fecisse sibi caput vituli » gtiod coleret; & Hieroboam filius Nabat vitulos aureos fabricatus , ut quod in Ægypto didicerant, àW k, wiiutY , qui sub figura boum coluntur, effe 7Jcos; lioc in P4 fervarene.

XIV. On ne peut douter que des le temps de McûTe les Egyptiens n' adoraient leurs Dieux fous la figure des animaux; puifqueMoyferépon- dit lui-mcfme, que les Israelites ne pouvoient faire un sacrifice solemnel en Egypte, à moins que de s exposer à estre lapidez par les Egyptiens , donc ils auroient immole les Dieux au vrai Dieu yîbuminationes enim /Egypticmm iwmolabimus DoI mina Deo nostro. Quod si mactaverimm ca at/æ- co-

lu nt I lunt eis , lapidibus nos obntent. La défenfe^Râé^ph^SÉt par la bouche de Moyfc à

L f. Reg.

c. II.

In Oj ée. c.

4. V. IJ.

Exo, 8. -5.

G iii

son peuple dans le Deuteronome , montre aum qu'on adoroit déja par le monde des images, ou des statuës de toutes fortes d'animaux, aussi-bien que le Soleil , la Lune & les astres. Non vidiftis aliquam similitudinem in die qua locutus est vobis Dominus in Horeb in medio ignÙ, ne forte deception faciatis vobis sculptam similitudinem aut imaginem masculi vel faminœ, similitudinem omnium jumenro- rum , qut font super terram , vel avium sub celo vo- lantinm II/que reptilium qua nioventw in terra, sive piscium , qui sub terra moventur in aquis ; ne forte elevatis oculis ad calum, videas solem , & lunam , & omnia astra cs.lt , & errore deceptus adores eA, & colas (:,,""c. Cette défense n'auroit pas esté faite, si ces cultes superstitieux & impies 11 eu lient dé- 1a eu cours dans le monde , & sur tout dans rEgypte, qui estoit la plus fameuse & la plus voiline de toutes les Provinces , dont le peuple do Dieu devoit éviter le commerce contagieux, XV. Or tout ce que Moyse vient de nous apprendre , n'a rien de contraire à ce que nous avions dit, que la premiere illusion des idobtres a commencé par le Soleil , ôc les autres astres.

Car les Caldéens & les Egyptiens aiant esté les premiers & les plus celebres Astronomes de la terre , il n'est pas croiable qu'ils aient pû d'abord preferer la beauté de quelque autre corps , à celle du Soleil & des astres. Et d'ailleurs aiant con- sacré chaque espece d'animaux à quelque astre ou à quelque constellation ; aiant mesme distingué les constellations les unes des autres par quelque ombre de ressemblance avec les differentes elpeces d'animaux : il est probable qu'ils n'adorerent ces animaux que comme des Symboles des astres ; de mesme que quand l'usage des images ou des statues fut introduit, ils ne les adorerent que par rapport aux animaux, ou aux astres qu'elles répre-

Veut. c. 4.

sentoient. La sable mesme qui transforme les Dieux d'Egypte en animaux pendant la guerre des geans, n' est qu'une déclaration manifeste que ces animaux estoient regardez, comme les Symboles de ces Divinitez , qui estoient la plufparc des astres, ou des constellations.

XVI. Mais comme Moyse vient de dire aux liraélites , que lors que Dieu leur avoit apparu dans le feu , ils n'avoient vû ny l'image , ny la reilem blance de quoi que ce foit : Non vidistis alictuœm similitudinem ; Ce peu de paroles nous fuf- tit pour rejetter l'opinion de ceux qui ont crû , que la telle de bœuf, ou de veau, qui fut fabriquée par Aaron, n'estoit qu'une répresentation de la celle des Cherubins, que Moïse, Aaron, Nadab, Abiu, & soixante-dix vieillards avoient vû porter le trône de Dieu. Il est certain au contraire par l'endroit mesme où cette histoire est rapportée qu'ils ne virent aucun Chérubin. Viderunt j)'¡1rn Ifïïàl, & sub p'dibus ejtts quasi opus Upidis Saphirini, & quaji cælum cum ferenum est.

XVII. Il y auroit bien plusde vrai-fem blance dans les veaux d'Or de Jeroboam ; car le Tcmple estoit alors orné en dedans de plusieurs testes de Cherubins, & ces testes estoient des telles de boeuf. Ainsi ce Prince auroit eu un peu plus de rai son , qu'Aaron, s'il eût dit que ce n'estoit qu'une imitation des figures qui estoient dans le Temple du vrai Dieu à Jerusalem ; & que ce n'estoit qu'un SY mbole qu'il proposoit, pour faire adorer le vrai Dieu dans ces deux autres endroits, où il avoit placé ces deux testes d'or. Aussi Genebrad a dit dans sa Chronologie , que Jeroboam fut plûtost heretique, ou schismatique, qu'Apostat ou idolatre, aiant feulement dressé d'autres Temples oc d autres Autels que ceux de Jerusalem, & aiant substitué des veaux d'or aux Cherubins du Tem

Exo 1410.

ple Son intereit ne demandoit que cette lepara.

tion de Temple, & non une renonciation entierc au culte du vrai Dieu. En effet Elie &: Elisée, frequenterent la Cour des Rois d'israël, & Elie ne s'emporta extraordinairement que contre lt culte de Baal , quand le Roi Achab s'y fut abandonne : Zelo z..,e!atu.! fum pro Domino Deo exercitaum. quia dereliquerunt pactum inum flii Israël.

altaria tua de struxerunt , er Prophetas oceidevunt Dieu le consola en lui disant que tous n'avoient pas fléchi le genouil devant Baal : Rchqut mihi septem millia viromrn, quorum genua non funt cirva.

ta antè Baal. Et quand ce Prophète eut fait mou- rir tous les Prêtres de Baal, il dit aux Israëlites ; vsque quo claadicatis in daas partes ? Si seova eji Deus ^fecjttimini eum : si autem Baal, Jequimtni illum. Ce qui semble faire éOllnoiftre, que ce Prophete ne trou voit à redire, qu'au culte seul de Baal. Car pourquoi ne les eut-il pas exhortez à quitter aussi bien les veaux d'or ? Enfin quand les dix Tribus eurent esté transportées dans l'Assyrie, & qu'on eut envoie en leurs païs des Af synens Idolitres pour le peupler , Dieu envoia des lions pour chastier ces idolâtres. Voilà une partie de ce que Monccjus a avancé pour cette opinion, plus curieule peut-estre que solide. Aul- si ne nous y arresterons-nous pas davantage , & nous nous tiendrons à l'Ecriture qui traitte tou- jours le culte des veaux d'or , comme un culte d'idolâtrie. f1 .'j( ; v*. V 1 XVIII. Il faudroit maintenant passer aux fausses Divinitez , dont il est parlé dans les livres de l'Ecriture, qui suivent le Pentateuque. Mais comme il est parlé dans le Pentateuque des Theraphins, il fera bon d'en faire ici un chapitre, & d'y joindre quelque choie des Idoles en générai «

T. y Reg.

CIS.l,-

,¡!"n purent us , feu ùe vitulo aurea.

CHAPITRE XI.

Des Theraphins des Ecritures, & des Idoles des Payens.

1. Ce que c'efoient fj"e les 7 beraphms. Explication des fals.tges (J.', t::.critM, on il cr. cfi p.'tris.

1 j. Lvll.bim le culte des idoles cfi ancien danr l'Orient.

I ! f. Lfs Pe-/es n eurent ni Temples , ni S t.:t:,i::r.

I V. Du Temple de Babylone sans Statues.

V C'tjhu l'image contrefaite du Timpie de afufilent.

V I. Lis Egyptiens avaient ejU autrefois fins Statues. J ml.

t.;tio;; Je; ,fr..ducs.

VI 1. Suite du ï/nf-ne [ajet.

V { ¡ 1. Les Scythes firent Au/fi sans Statuts. Excepté IE t>éi- , (rH reprejtntoit Mars.

I X. Les pvenuerts Statues des autres nations fwent les p.'n cs mj ormes. Sfl?ttiès des lautrcs i;-t~,t les X XI. Suite du mef/he - ujtt.

X 11. X 11 f. Sentiment de SP'abon & de Lucien , sur le cuite divin sans Statuts.

X I V. Les Astres estam toújcul's prcf-is, ci- trss v;¡;:'J, ,¡m les boiiurx long-temys sans en f :-c de.' ônruê's.

X V X V I. Selon Plntavq~ie (j> - anoa les SLcmalm fu~ ),.. ile deux cents arts sans Statues

I.

L

ORS que Jacob se retira avec sa famille pour retourner vers Isaac ion pere en

Palestine , Rachel enleva fecrettement les Idoles de son Pere Laban; Rachel surata cff Idola patris fili. Le texte Hebraïque porte Theraphim au lieu de Idola. Laban poursuivit Jacob , & se plaignit du vol qu'on lui avoit fait de ses Dieux : Cur fitrattis es Deos meos ? Etb Elobai. Cen "eil donc pas ians raison que la Vulgate & les Septante ont pris Theraphm pour les Idoles de Laban , puifqu'il en convenoit iui-mesime. Rachel cacha ces Moles dans le bagage & s'assit dellus. Quand Mi- chol eut sait sauver David qu'on pouriuivoit, elle

Gcnef. c - j 1.

r..R.eg. 1'.

J.

mit des Theraphins en la place dans le lit , pour amuser ceux qui le cherchoient. C'estoit donc dm statuës, qu'on appelloit de ce nom. Aussï la mere de Micha aiant fait à son fils un petit Temple, une robe (acerdotale &: un Thcraphim, voici comme l'Ecriture en parle : Ducentos argenteos dédit argentario , ut faceret ex eis sculpttle at que censtatile, quod fuit tn domo Mich Qui & diculam qnoque in ca Deo fepa'avit ,& fecit Epbod & Theraphim » id ejlz'cjlem sacerdotalem & idola. On ne peut douter après cela , que ces Theraphins ne sussent de véritables Idoles d une sausse Divinite. Et quand Osée dit que les enfans d'israel feront pendant une longue captivité, sans Autel, sans sacrifice, sans Ephod & sans Theraphim : Sine sacrinfico sine altari sine Ephod & fine Tbcraphim : Il parle des dix Tribus, qui n'auroient pas mefines leurs Idoles dans leur captivité pour peine de les avoir autrefois honorées d'un culte superstitieux. Si dans Ezechiel le Roi de Babylone con fulte ses T heraphins, Divinationem quarens, commiscens fjgittas* intemrrogavit idola, Theraphin, exta consuiuit ; ce n'estoient non plus que des idoles, qui furent alors consultées pour apprendre d'elles l'avenir. Si de ce seul endroit on veut tirer une proposition generale , que les Idoles qui portoient ce nom iervoient à la divination , & Il on veut mesme croire que Rachel avoit emporté les Theraphins de son perc , afin qu'il ne pût sç avoir la route que Jacob prenoit pour sa suite, comme S. Augultin semble l'avoir conjecturé ; nous ne devons pas à mon avis nous opposer à cette prétention , pourvu qu'on demeure d'accord , que ce n'est qu'une conjectu- re , '& qu'il n'y a rien en tout cela de fort certain. Grotius allure que S. Jctoine a crû, que ces Theraphins avoient la forme des Chérubins , c'està-dire qu'ils avoient une telle de bœuf, comme

îmi. 17 f.

J.-mtc, 18.

17.

C. 3. J.

C. 11 ii,

1 <:.!. d:C.i-lU L I 6

nous l'avons justincpar le texte d'Ezechiel, dans la description de ces animaux myilerieux.

II. Ce qu'il y a d'indubitable, est que le culte des Idoles est tres-ancien , au moins dans l'Oricnt ; comme il a déja paru dans le texte du Deu- teronome que nous avons rapporte dans le chapitre precedent. Le precepte du Decalogue qui regarde la défenfc des idoles en est encore une pre uve.

III. Mais si nous sortons de la Phenicie , de la Syrie , & de l'Egypte, nous trou verons un grand nombre d'autres nations sans Idoles. Hérodote die que les Perses n'avoient ni Temples , ni Autels, ni Idoles, qu'ils se rioient des Grecs , qui avoient fait leurs Dieux des hommes , & qu'ils adoroient Jupiter sur les plus hautes montagnes, donnant le nom de Jupiter au ciel & à toute la nature. Ritus quibus persæ untantur, tales esse com-

pen. Ne que fat 11 as ^rteque templa, nrptt ara* extrue.

re coriptetudo est; quin Ùnà hoc facientibus irtfani A tribh'cre ; ob id, ut mea fert opinio, cptod non qttemadmodum Gr&ci > fentinnt Deoj ex hominibus effe or.

tof. A4 on s habent editiffimis qutbufque umJèenft.t mont ih us fovi hoftias tmmoUre : omnem gy.ru m c&li jovem appeilantes. Soh Lun&cpu afcrificant, çr tel*luri, i gni, ac¡u , "tqlsc vetttis ; hifqtte jolis sacra faci tint jatn indè ab initia.

IV. Cet historien dit ailleurs que dans le Temple fameux de Bel à Babylone il y avoit deux cha.

pelles distinguées, l'une la plus basse, on il y avoit une fort grande statue d'or de Jupiter, Sacellum in- ftnhs magnam habet jovis flatnain, eameque auream.

Mais que dans la chapelle qui estoit au plus haut de la tour, il n'y avoit nulle statuë, quoi qu'il y clit un lit & une table d'or , où les Prestres aG leuroient que ce Dieu descendoit pendant la nuit.

la postrema turri sessum tflllhtfd, iti qUM Utfw est

L. 1. c. IJI.

lbid. c 184.

splendide ftrtttUJ & mensa aurea, statua autem tnhoe Sacello nulla cst, &c. Narrant Deum ipsum ingrédient templum, in hoc lecto conquiescere, perinde atque Thebis Ægyptiacis ut serunt Ægyptij. Il n'y avoit donc non plus aucune tfatue dans ce Temple de Thebes en Egypte; & comme nous avons dit ci-dessus , que les payens croyoient que pendant la nuit les Dieux descendoient sur la terre; aussi. croyoient-ils, qu'ils entroient alors dans ces Temples , où ils n'y avoit nulles Idoles.

V. Il est maniseste que ces Temples estoient des copies du Tabernacle ou du Temple des Hébreux; non feulement à cause qu'il n'y avoit point d'Ido- le , ou à cause de cette table d'or, mais par la diftinébon des deux Autels que le mcfme Historien.

met enluite, l'un d'or pour les parfums, & l'au-..

tre pour les victimes fanglances , l'un & l'autre hors le sanctuaire. Extra Sacellum altare est, & ipsum aureum : at que prêter hoc aliud altare invens, in quo ÍJtltcgræ Atatis bostiœ immolant un quandoqui dern supra anreum illud non licet hostiai madare prêterquarn [attentes. Insuper hoc mlljuftu/o atari Chaldæi quotannis centum milita talentorum libanoti adolent, quando huic Deo suo sacra saciunt. Je voi bien que j'ai exprimé la chose un peu autrement qu'Hérodote, mais je me désierois volontiers qu'il eut lui-mesme bien compris la chose. Car quelle apparence d'égorger des victimes sur un Autel d'or , & de bruller de l'encens sur l'Autel, où l'on égorge les plus grandes victimes & en plus grand nombre ? *

VI. Hérodote dit ailleurs qu'il avoit appris en Egypte, que les Egyptiens avoient est les premiers, qui avoient drellé des Autels, des statuës & des Temples aux Dieux, & qui avoient formé sur des pierres la figure des animaux. Item primos '.fjiis & ar) & fimulacr* , & delubra statuisse ; Diis ar-m fiînti t icra

Jhid. e. 183.

cjutn etiam Animalia in saxis sculpsisse Ces paroles d'Herodote nous donnent quelque sujet de croire, que si l'usage des Idoles commença en Egypte, en Phenicie & en Syrie , ce fut parce que la iculpture ôc les autres arts semblables eurent aussi leur naissance & leurs premiers progrés dans ces mesmes païs. Nous avons déjà dit ci-dessus, que les Grecs voient assu appris des Egyptiens les noms des Dieux , les aiant auparavant honorez sans leur donner des noms particuliers. Ce font autant de nouvelles preuves, que toutes les Religions du monde estoient des images de celle du peuple de Dieu & des Ecritures , mais des images qui se ternissoient & qui se défiguroient toûjours de plus en plus : comme toute s les choses se corrompent aussi davantage , à proportion qu'elles s'éloignent de leur source. Car la Religion du peuple de Dieu n'eut aussi d'abord ni des Temples, ni des Autels stables, ni des statuës, ni des noms particuliers de la Divinité, ou de ses Ministres. Moïse commença à dresser un pavillon , Salomon bastit le premier un Temple & des Autels stables & permanEns. Il y mit aussi diverses representations de boellfs , & de cherubins, qui avoient la teste de bœuf. Les premieres figures que les Egyptiens firent furent aussi celles des animaux. Moïle dé- fendant le culte des statuës , dans le passage du Deuteronome, qui a esté rapporté ci-dessus , n'y parle , ce semble, que des representations des animaux ; & non de celles des hommes. Aaron fit l'image d'un veau. Jeroboam fut son imitateur.

Voila les anciennes Idoles.

VII. Ce mesme Historien rapportant ailleurs ce qu'il avoit appris des Prefixes Egyptiens, dit iur leur rapport , que pendant l'espace de dix mille trois cents & quarante ans aucun Dieu n'avoit eu la forme d'un homme , sans en excepter

L. 1.c. 4. (

ibtd. c fi-

mesme les Roys d'Egypte, Ita intra decem milltA g-recentoîque ô- qutdragt'nta annos, negabant ullum Deum forma hHlRAnA extitisse : ac ne in Regibus cpiiâtm zAïgypti , qui aut prius, aut posterius extiterint, aliquid tale dicebant suisse. Ce qui nous confirme dans la pen fée, qu'on passa du culte du vrai Dieu à celui des astres & de la nature , comme paroissant ses plus parfaites imges; puis on vint au culte des animaux comme êstant des symboles des astres ; quand la Sculpture eut esté inventée , on substitua les figures des animaux aux animaux me fines ; 8c on ne vint au culte des hommes 8c de leurs st atuës, que fort tard.

VIII. Enfin Herodote parlant de la religion des Scythes , après avoir nommé la Terre, Ju- piter, Venus, Apollon, Mars 8c quelques au- tres ; il ajoûte que ce culte n'avoit ni Autels, ni Temples , ni fiatuès, si ce n'est qu'on dressoit: une espece de statuë à Mars , qui n'estoit autre chose qu'une épée d'acier. Simulacra , & aras, er delubra facienda non putant praterquam Aiartt, &g.

Qnoiannis comportant centum quinquaginta plaftflra sarmentorum. Sub hac congerie ferreus Acinacis , qui singulis vet ustus cft flatumtr Idque Martis efi Jimulacrum, eni Annuas hojlnu ffènmt. Voila la radn pourquoi les Scythes avoient une Idole de Mars & n'en avoient point des - autres Dieux. L'Idole de Mars n'estoit qu'une épée ; & cette nation guerriere n'ignoroit pas l'art de faire des épées.

Mais comme elle estoit barbare, elle ne sçavoit pas faire de vraies statuës. Justin dit que l'anti- quité adora des lances , au lieu de statuës : & qu'en memoire de cet usage, les statuës des Dieux avoient toûjours des lances : Ab origine rerum pra Diis immortalibus veteres hastas coluerunt. Ob cujus religionis memoriam adhuc Deorum simulacris ha/ltt ttddmtnr..

L. 1.141.

L. 4. c. s?.

f;.

Justin 1. 4J.

c. J.

IX. Comme les Scythes prirent une épée pour representer Mars, les autres nations prirent ordinairement des pierres, pour representer leurs Dieux. Pausanias dit qu'en un lieu de la Grece, auprés d'une stàtuë de Mercure il y avoit trente pierres quarrées, ausquelles on donnoit les noms de divers Dieux. Propè ipsum Dei signum lapides ferè triginta erecti suere quadrata figura; singulos certis Deorum nominibus appellantes venerantur. Cet auteur dit ensuite , qu'autrefois tous les Grecs n) avoient que des pierres informes , pour leur k rvir de statuës. Et sane Gracis olirn omnibus patrium fuit, lapides pro diis perinde ac simulacra tpfii colere. Ce mesme auteur dit plus bas, qu'il n'a garde de croire, comme on le disoit, qu'Ulysse eut dedié une statuë de bronze ; l'art de fondre le cuivre n'aiant esté trouvé que long-temps après.

Non possum adduci , ut illud assentiar, signum ex are ab PlyJTe dicatum, cum nondum illis temporibus traditum fuisset signa ex are facere, &c. Primi as constare & cudere docuerunt Rhœcus philÚ, & Te- lectis silius Theodorus » ambo Samij. La fonte des metaux estoit bien plus ancienne parmi les Hebreux, comme il paroist par le veau d'or d'Aaron , & par le Tabernacle de Moïse. Mais cet art ne passa que plusieurs siecles après aux Grecs .c aux autres nations éloignées. Ainsi on commença l'usage des Idoles par des pierres sans figure, puis on figura les pierres , enfin on trou- va l'art de fondre les métaux, & on en fit des statues.

X. Comme le bois estoit aussi plus aisé à travailler & à figurer, que les metaux, les anciennes statuës furent aussi fort communément de bois.

Temoin le mesme Pau fanias. Prisci lignea signa Dedala vocitabant. Nous en trouverons d'autres exemples. Mais ce mesme auteur parlant encore

L. 7. Pll[.

4+1.

L. 8. PA.

478-

L. 9 pag.

S 46.

des simulacres informes de pierre , dit que le Payens les faisoient quelquefois descendre du Ciel pour suppléer par cette fable au défaut de la beau té, que l'art n'avoit encore pu leur donner. A(;;, Orcbomenios faxa precipua colunt veneratione y H excepisse Eteoclem è ciIIÚ delapsa feram. Nam qu.

expolita fabricata sunt FIGNA > ~& ipsis è lapide, AI ru mea dedicata suere.

X I. Enfin cet Auteur nous apprend que ceur de Cheronée avoicnt une veneeration, toute parti.

culiere pour un sceptre , ou une lance , que Vul cain avoit fabriquée pour Jupiter au recit d'Ho mere. Dcorum crtmtutn maxime colunt Cht£rorlCn[c.

sceptrum illud, quod Jovi fabricasse Vulcanum ceci ¡;iI H(J!iuræ ; à sove acceptum Adercunum dediff, Petopi, Pelopem Aireo, Atreum Agamemnoni. Ce sceptre, on cette lance estoit apparemment toute semblable à l'épéc des Scythes dont nous venons de parler, qui tenoit lieu de la statuë de Mars, Ce sceptre aussi estoit ou la statuë, ou plûtost le Symbole de Jupiter, pour le répresenter au lieu d'une statuè , lors que l'art de faire des statuës estoit encore inconnu, ou fort rare. Et quand Pau sanias ajoûte que bien que cette representation de Jupiter par un sceptre fut plus reipeccce que tous les autres Dieux , on ne lui avoit pourtant dedié aucun Temple. Templum et nullum est publice dedicatum : N'est-ce pas une marque de l'antiqui- téde cet usage, de n'avoir ni statuës, ni Temples?

XII. Strabon dit que Moyse improuva la coûtume des Egyptiens , qui répresentoient leurs Dieux fous la figure des bestes , &: condamna les Grecs qui leur attribuoient celle des hommes ; montrant que la nature Divine ne pouvoit estre réprefcntée par des images corporelles, mais qu'il falloit lui dresser un Temple sans Idoles. Affirmabat da- ceèaïquc iEg)'plios non reste fsntir* , qui bcfiianw, ar.

Pag. 600

Tag. 606.

607-

L.ié.psg.

)23.

ar pecorum imagines lieo tribuerunt ; t'emquc Affros & Græcos, qui Diis hominum figuram affingerent Uc.

Voilà ce que nous avons dit, que les Egyptiens commencerent à répresenter leurs Dieux fous des figures sensibles, mais que les premieres figures ne répresenterent que des animaux, comme Symboles de leurs Divinitez ; les Grecs aiant esté les premiers qui aient donné à leurs Dieux la figure des hommes.

XIII. L'Auteur du traité de la Déesse de Syrie nous fortifiera encore dans les mesmes sentimens. Car il dit nettement que les anciens Temples des Egyptiens estoient sans statuës ; que les premieres statuës avoient esté ensuite de leur invention; & qu'ils avoient communiqué toute cette police superstitieuse aux Syriens & aux Grecs.

Primi hominum quos nos scimus Ægyptii; dicuntur G Deorum notitiam percepisse, & Templa ~constiiuis- se, lucosque & conventus solemnes edidisse. Prirni AU.

tan & nomina sacra intellexerum, & sermones sacros docuerunt. Deindè verò non multo post tempore ab Ægyptiis Assyrii doctrinam de Diis acceperunt „ C Sacra , templaque erexerunt , in qmbtts & simulacra poJùerunt. & ftà'urlJ dedicarunt. Antiquitùs Ilutcm etiam apud Ægyptios absque simulacris & statuis templa erantW faut nous remettre devant les yeux ce qui a esté dit ci-dessus, que sous le nom ( d 'Egyptiens, les anciens auteurs ont souvent confondu les Pheniciens & les Hebreux. Ainsi on jaura moins de peine à croire , que la source de la Religion a esté dans le païs des Hebreux & tL<:; Pheniciens , d'où elle a passé premierement iclii Egypte, puis de l'Egypte aux autres païs. Ce îcuke fut d'abord dans le païs de son origine sans MatLiës,sàns Temples & sans Autels qui fussent staililes. Depuis on y ajoûta des Temples, & des sta~tuës. Ce qui de là se répandit dans les autres païs.

ir Ir on *

L. de De* Syri.!. pag.

10 j 7, 1071.

Ce meime auteur parlant plus bas du T emple f meux de la Déesse de Syrie, dit qu'il y avoit ur des plus remarquables statuës, qui n'avoit point nom, & on ne sçavoit de quel Dieu elle estoit ; ensi il dit que le soleil & la lune estoient les seul Divinitez , dont ils ne vouloient point souffr qu'on fist de statuë, parce qu'on peut toûjours II voir dans l'éclat de leur propre lumiere. Cæter 'J)i is fat cfft aiunt simulacra fieri, neque enim illoru species aut formas manifestas omnibus apparere. S lem autem & lunam omnibus esse manifestos , neq quemquam illos non videre.

XIV. Comme cette raison estoit évident & palpable, ce fut aussi l'usage qui dura plus lon temps parmi les Perses , & parmi toutes les nr tions voisines, qui adoroient le soleil & les astres de ne leur dresser ni Temples, ni statuës ; mais leur sacrifier sur les plus hautes montagnes. X nophon dit que Cyrus en usa de la forte , Sacr ficavit Jovi Patri, & Soli, & aliis Diis in su mitate montium >ifcut Perft, sacrificant. Appien e dit autant de Mitridate, Sacrificavit belli-poten Jovi patrio, in excelso monte. On sçait combie il fut ordinaire aux Hebreux suivant le récit d Ecritures, de choisir les lieux les plus élevez, E ccsa, pour sacrifier au vrai Dieu, ou aux fauss Divinitez; je dis pour y sacrifier mesme au vr Dieu, aprés que le Tabernacle & le Temple e rent esté dressez. Les plus pieux des Rois de J da se renfermerent dans les sacrifices qui se sa soient au Temple. Mais il y en eut aussi de fo pieux , & dont l'Ecriture mesme fait l'eloge, q continuerent de facrificr à Dieu sur ces lieux él vez. Le Temple mesme de Salomon estoit st une montagne , & quand Dieu commanda Abraham de lui sacrifier son fils, ce fut sur ur montagne, qu'il lui ordonna de faire ce sacrific

t. 8. Cyrot.

Super unum montium , quem moiïflravero tibi.

X V. Mais voici bien d'autres preuves de ce ni a esté avancé. Plutarque asseure que Numa rcla la Religion de Rome sur les mesmes maximes, qui furent depuis publiées par Pythagore , que Dieu estoit invisible & sans corps , & qu'il ne pouvoit estre representé par aucune image; d'où vient qu'à Rome les Temples furent plus de cent soixante ans sans statuës. Iam hujus de statuis scita Itndequaque Pythagore placitorum sunt germana. Neue enim ille sensui, aut ulli colori expositum rerum principium esse , sed invisibile , incorruptum, fol a mente £ftirnvit appri henjibi/e. Hic ~veiuit Roma- nis horninis, vel bestia formam tribuere Deo : neque ; it ulla apud eos antè vl picta, vel ficta imago Dei ; fed primos centum sexaginta annos templa ex- truxerunt & cellas Diis : simulacra per id temporis nulla habuerunt; nefas putantes augustiora ex- rimcye humilioribus ; neque afpirari aliter ad Deum, quam mente posse.

-. -- - -- .-

1 AVI. Varron le plus sçavant des Romains avoit rendu le mesme témoignage selon S. AugulJ\:in , que les Romains avoient esté sans Idoles pendant les cent soixante-dix premieres années ; fôc que le culte divin auroit esté plus pur, si cet toiage avoit continué; que le peuple Juif en pouvoit servir de preuve; enfin que les Idoles dimimuoient la crainte qu'on devoit avoir clés Dieux e< augmentoient la superstition. Voici les paroles de S. Augustin : Dicit etiam Varro antiquos Ronanos plusquam annos centum & septuaginta Deos rvïne simulacro coluisse. Quod si adhuc inquit man!)ftiîlt , cassius Dij obsevarentur. Cujus fententu fk<t lue/hm adhibet inter catera etiam Gentern Iudaam : Wtec dubitat eum locum ita concludere, ut dicat, Qui primi simulacra 1)eorJtln populis posuerunt, eos civi- tatibus suis & metum dempsisse & errorem addi-

In Huma.

C'vA 4.

t-31 •& 9.

diJlè : prudenter exijiimans Deos facile posse in Jîmtt lacrorum ftoliditate contemni.

CHAPITRE XII.

Suite du mesme sujet des commencemens de l'Ido- latrie & des Idoles.

qw

I. Si l'Idelatrie a commencé au temps d'Enos.

II. Si elle a commencé au temps de Serug.

III. Pourquoi on appella Betylia, les premier es Idoles De la pierre que facob érigea après la vision de l'échelle myfteriCilfc, 1 V. Les predeccjjeurs d'Aùraham furent Idolâtres.

V. Les Ùhaldéens furent les premiers idolâtres, les Egyptiens suivirent de prés.

VI. Ils n'adorèrent ni les Animaux, ni les Satures qu'avec quelque rapport à la vraie Divinité.

VII, Preuve de cela mesme.

VIII. Les images qu'on fit en mémoire des morts donnerent un grand accroissement à l'idolairic.

IX. L'art, la beauté 3 les richesses des Statues impoferetit avx hommes.

X. Ce n'avoit eslé que faute de cet art, qu'on avoit honoré auparavant des matieres informes.

XI. Il y eut des Idolâtres sans idoles.

XII. Des idoles informes. Quelles furent les premiers.

Statues qu'on adora.

XII I. Sentimens contraires de Tertuliien & de S. Clement d'Alexandrie.

XIV. Comment les plus spirituels d'entre les idolâtres, tâchaient de juflifier le culte des idoles.

X V. Ils les regardaient comme des symboles de la Di.

vinité.

XVI. Différentes mapieres d'abhorrer les Idoles.

XV II. Comment l'idolâtrie commenfa par les Aflres, Ô> se précipita jttfqu'aux idoles.

X V 111. Qui fut Sanchun-fathon.

XIX. Ses sentimens sur le progrés de l'Idolâtrie.

XX. Reflexions sur la dottrine de Sanchun-Iathon 3 & de philon de ;!;los son interprete.

1.

1

L y en a qui ont pris les commencemens de l'Idolâtrie , de bien plus haut que

nous. Moïse dit qu'Enos commença à invoquer le nom de Dieu : Iste cæpit invocare nomen Domini.

Une autre version porte, Tune profanatum est in iflvocando no mine Domini. La différence vient de la double signification du terme Hebraïque Chalal, inciptre, profanare. Les Rabbins suivent cette derniere interpretation, & ils ont esté suivis par Selden.

II. S. Epiphane met le commencement de l'Idolatrie au temps de Serug. Rehu gemtit Serug , M.

piîcjue inter hornines Idololatria atque Hellenrfmus.

Ce Pere dit que les images peintes precederent les {b.tuë's, comme estant plus faciles ; Nondum vero lin fîmuUcris &Jignis f.ulp'iltbus de lapide, vel li-

Cf/a) vel argenta, vel auro, vel aliâ materiâ factis ; jtd tantum per colores & imagines. Il ajoûte que ce fut Thara fils de Nachor, qui fit les premieres statués, qu'on commença alors à adorer. Nachor genuit Tharam. Tunc fimulacra ficta sunt figlino opere ex argilla.

III. Sanchun- J athon dit que les premieres statues de pierre, qu'on commença à adorer, n'e- stoient que des pierres brutes & informes , qu'il appelle Buylia. Ce terme vient apparemment de Bethel, qui est le nom que Jacob donna à la t. pierre , sur laquelle pendant la nuit il avoit reposé sa teste ; qu'il dressa le matin en forme de statue , & qu'il consacra à Dieu en y versant de l'huile, ou quelque parfum précieux, en mé- moire de la vision qu'il avoit eue d'une échelle mysterieuse. Surgens Jacob manc , tulit lapidem, cjtiem fnppofuerat capiti filo , QT erexit in tïtuhim » fundens oleum desuper. Appellavitcpte nomen wbis Bethel. Aussi Dieu lui dit en une autre rencontre , Ego sum Deus Bethel , ubi unxisti lapidem,

Genes. 4.

v. ult.

L. i. n. 6.

Gen. 19. et, î1-

& votum vovisti mibi. Cette action de Jacob eut des imitateurs, & il suivoit apparemment lui-mesme l'exemple de ceux qui l'avoient precedé. Ainsi il ne faut pas s'étonner, si les premieres statuës des idolâtres ne furent que des colomnes ou des pierres sans figures. Pausanias outre les exemples que nous avons rapportez, parle des statuës d Hercule & de Cupidon, qui n'estoient que des pierres brutes. S. Clement d'Alexandrie en fait une proportion générale, qu'avant que la sculpture fût trouvée, les Idoles n'estoient que des colorn-* nes. Antequarn fiâtua ejfdtit affabrè formata , vtteres erexernnt columnas » eafque colebant , tanquam Dei ifmulacra. Après le temps mesme que la sculp- ture eut esté portée au point de sa perfection , on revera encore de vieilles statuês , qui n estoient que des pierres brutes. Le Dieu d'Heliogabale , qui estoit vrai-semblablement le soleil , n' estoit qu'une grande pierre ronde, large par le bas , 6c se terminant en cône. Lapis est maximus ab imo rotundus fenjim fllftigiaJus, C'est la description qu'en fait Herodien.

1 V, Il faut revenir au progrés de l'idolâtrie.

On ne peut douter que les predecesseurs d'Abra- ham n'aient esté idolâtres. Josué le dit manifestement aux Ifradites 5 Patres nofiri ab initio habitavtrunt trans- stuvinm , Thara Pater Abraham , 6- pater Nachor yfervtrimitqm Dits alienis, &c. Auferte Deos quibus ferveriunt patres vefiri in Adefopotamia.

L'histoire en est rapportée au long dans le livre de Judith : Populus tfie ex progenie Cha/dtæorum est. Hic pninum in Adefiopotamia habitavit. Quontatn nolue- flint sequi Deos patrum fromm qui erant in terra Chaldxorlirn. Défirent es itaqtte ceremoniaspatrflm Juonm, erant in mttltitudine Deorum ttnum De a m cali coluerunt » qui & pracepit eis , ut exirent ;Uf¡U & babitarçfft in Chffrtn, Ce ne sont plus là

i 9 pag.

J77- JSl-

St/(nn 1. 1.

L. f.

jof'tï.C .14.

v. X. 14.

Clip. I.

des conjectures , c'est une verité confiante que l'idolâtrie domina dans la Chaldée, & que les anceth es mesmes d'Abraham y furent engagez. Ainsi l'idolatrie ne tarda guere après les deluge.

V. Apres ridolacne des Chaldéens, qui semble avoir esté la plus ancienne, celle des Egyptiens éclata davantage. Ils adoroient & les animaux & leurs images. Voici ce qu'en dit Mela , Colunt essigies multorum animalium , atque ipsa magis animalia ; sed alij alia, ~&c. Juvenal y a trouve une matiere propre à la Satyre :

Qjus nesc't qualia demens ÆgyptUi port enta colit ? Crocodilort adorat pan h te, tlla pavet faturum ferpentilibus Ibin: Effigies sacri nitet aurea Cercopuheci: Illîc ccriileas, hic pifcm fluminis) illic Oppida tota canem vencrantur.

Ils adoroient mesme selon ce Poëte les plantes de leur jardin: Porrùm & cape nefas violare, aut rodere TlJOi"ji4. O Sanclas Gentes, quibus hec nafeuntur in bortis numina.

V I. Il n'est presque pas possible , que les premiers adorateurs de ces animaux & de ces plantes, n'aient eu quelque retour à la véritable Diviiittt": dont eux & leurs ancestres avoient eu connoissance, dont le fond de leur conscience leur rendoit un témoignage si convaincant, & dont ces créa- tures mesmes déraisonnables leur annonçoient la sagesse, la puissance, & la bonté. Car enfin il effc indubitable que les hommes font tombez de la veritable religion dans la fausse, & il leur a esté impossible, qu'ils aient effacé dans la fausse mesme toutes les traces de la veritable. Ciceron dit que les Egyptiens mesmes, quelques ridicules qu'ils paroissent estre , n'ont reveré toutes ces bcstes, que pour quelque utilité , qu'ils en recevoient.

IPl" qui irndentnr Ægyptii) mllam bel/Ham, mfi.o9

L. I. C. 9.

Saty. if. ]

L. i D jSlfit. Di or.

aliquam utilitatem, quam ex ea caperent, confecra.

runt. Mais n'est-il pas ou ridicule, ou pitoïable de rendre un culte Divin à tout ce qui nous est utile , de quelque nature qu'il soit ? Confessons donc qu'à moins d'estre infenfez, ils ne pouvoient regarder ces choses inanimées, ou destituées de raison, qu'avec un secret retour , vers celui qui les avoit produites pqur leur utilité. Porphyre le dit clairement, tispernomortim fttoytim animait* venerabantur Dei inres omnes potestatem. Aussi on demeure d'accord, que la plus profonde igno:, rance n'a jamais pû éteindre dans les hommes toutes les lumières de la raison, & de la nature, qui a écrit dans nos cœurs la connoissance du vrai Dieu. Mais le crime & le mal-heur non seule- ment des Philosophes, mais à proportion de tous les hommes a esie que connoissant Dieu, ils ne l'ont pas glorifié.

Vil. Quelque déraisonnables que sussent les Idolâtres, il estoit tres-difficile, que l'absurdité de leurs idoles ne leur sautast aux yeux, & qu'ils ne fissent la mesme reflexion d'Horace , sur une statuë de bois de Priape :

Olirn trnncus eram ficu/mu, inutile lignum.

Cum suber inctrtus ,fcamnnw , faceretne Priapmn, Maluit tiJe Deum. Drus inde ego ft*rn » furnm aviufôque JMaxima formido.

C'est ce que Lactance oppose aux Idolâtres, ausquels il déclaré aussi ailleurs, que les Poëtes avoient feint que Promethée avoit formé les corps des hommes , parce qu'il en avoit fait les premieres statues d'argille au temps de Jupiter. Qnia Poè'tas dixe- ram, non omnino mentiri solere ) fed figuris invol- vere Cr obscurare qtit dicunt : non dico esse mentilOS, sed primum hominum s Prometheum simulacrum hominÙ formasse de pingui ~& "molli turf) , ab coc^rn

7 ^.Deabfltn.

L. i ferm.

Sut. S.

L. 2. r. 4.

L. 1. c. Io,

natam primo arrem > & fiât nos & ftrnulacra fin- gcndi. Si cjuidem lavis temporibm fuit, y m bus prÙttltrn templA confinait , & novi Deorum cuit us «jfe C £ pernnt.

V III. Minutius Felix découvre encore une source feconde d'égaremens & d'impietez dans les images qu'on fit pour conserver la memoire des morts, foit que ce fussent des Rois, ou des amis & des bien-faicteurs, ou des proches parens; on rendit enfin à ces tristes monumens de la mortalité des hommes , les honneurs qui ne font dus, qu'au Dieu seul vraiement immortel. Simi- li ter e'g1 Deos quoque majores nosrti improvidi, creduli, rudi simplicitate crediderunt ; dum Reges [nos colunt religiose, dum defunctos eos de siderant in imaginibus videre, dum gestiunt eorum memorias instantius detinere, sacra facta funt , quœ fuerant assumpta solatia. Cette espèce d'Idolatrie fut la derniere qui parut au monde , après que la peinture & la sculpture furent montées au plus haut point de leur perfection. Aussi dans le livre de la Sa- ge lie la premiere Idolatrie est marquée celle des anrc's , & de la nature ; Aut ignem , aut gyrum stellarum , Rectores orbis terrarum Deos putaverunt.

On y vient après aux ouvrages de la main des hommes, & il semble que ce ne font encore, que les images des autres creatures, que les hommes adorerent , comme il a esté rcmarqué ci-dessus : Quoniam creature Dei in o dium factœ sunt, & in tentationem animabus hominum, &c. Mais aprés cela on vient au culte rendu aux hommes mesmes, mais à leurs images premierement, soit que ce fussent des personnes mortes , ou des princes a bsens, dont on voulut conserver le souvenir ; la beauté de ces statuës imposa enfin aux hommes, les porta à d'étranges superstitions, Acerbo enim luerH dolens pater, çito fibi rapti silis fecit imagi-

in ott*.

Cap. ij.

cap. ï4-

nem i & illum qlli tune qtlafi homo mortuus fuerat , nunc tanquarn Deum colere cæpit t &c. Invalefcente iniqua consuetudine, tyrannorum imperio colebantur ftgmenta; Et hos qttos in palam homines honorare non poterant, propter loc quod longe essent, è Ionginqtto ifgura eorurn allata , evidentem imaginem Régis t quem honorare volebant fecétant > ut illum qui aberat) tanmam prœfcntem colerent.

- 1 X. C'estoit un horrible renversement d'esprit, & dont neanmoins tout le genre humain a esté capable pendant plusieurs siecles, de reverer plûtost les bestes, & les images des bestes , que les hommes; plûtost les statuës des hommes, que les hommes mesmes ; plûtost les absens, que les presens; plûtost les morts que les vivans. L'art & la beauté des statuës y contribua beaucoup, provexit autem ad horum culturam ( £ * hos qui ignorabant aY- tificis eximia diligentia, &c. Multitudo hominum abducta per speciem operis , eum qui ante tempus tanquam homo honoratus fuerat; nunc Deum astima-

uerunt. Arnobe dit que les payens melmes le cou- vroient de ce pretexte trompeur, qu'ils ornoient les statuës d'or & d'argent, pour persuader au peuple grossier, qu'il y a voit fous cet éclat apparent, une celeste & divine lumiere. Nec propter aliam causam venerabiles formas auro eis argentoque qUttsitas , nisi ut adesse vis quœdam ipjts in fulgoribus crederetur; quœ non oculorum tantùm pestringeret finsum , verum etiam augustssimœ lucis irradiationibus mentes ipsas territaret.

X. Ce n'estoit effectivement que par le défaut de pouvoir encore fournir aucune representation par- faite, ou mesme tolerable; que tant de nations rendoient autrefois les honneurs divins à des pierres informes , à des colonnes, à des lances, & à plusieurs objects semblables , dont le mesme Ar-.

nobe a fait une allez curieuse recherche : Ridetis

ibidem.

L.6 Adver.

ticntis.

ttmporibus prifcis Pcrfa; flavios ColHiJfe, informem Arabas lapidem, Actnacem Scythzæ nationc.', Ra- mum progne¡ Thefpios , L:gnum Carios pro Diana mdolatum , Pejfmunnos Siiicem pro 'Deûm maire, pro Marte Romanos Hafiam , Patron û ut indieant Aiufit y atque ut Ethedius memorat, ante usùm difciplinamque fittorum. Ptircum Sarnios pro Innove : & abfitnetis à rlJû) cum pro Dus tmmortalibus, figil- liolts hominum formis fuppltcaits humants ?

XI. Tertullien raconte aussi comme il y avoit autrefois des idolatres sans Idoles, & comme on voioit encore en son temps des Temples sans Idoles où on ne laissoit pas d adorer de fausses Divinitez : Idol/trn aliquandiù retro non erat , priusquam hujus morijln artifices ebullissent, sola templa & vacua œdes erant, sicut in hodiernum quibusdam locis vetuf/tltis vestigia permanent. Tamen idololatria agebarur, non in isto numine, sed in isto opere. Nam & hodiè ex- tra templum, & sine Idolo agi potest. At ubi artifices statuarum & imaginum r9- omnis generis simulacrorum diabolus sœculo intulit, rude illud negotium hu- manœ calamitatis , .& nomen de Idolis consecutum (si & prosectum. Où il faut remarquer que bien que l'idolatrie ait precedé les Idoles, parce qu'elle a precedé la peinture & la sculpture ; elle a pris neanmoins de grands accroissemens depuis que ces arts ont esté cultivez , & ont fourni à la vanité des hommes des objets si achevez & si propres à les amuser & à les séduire. Ce Pere rémar- que encore ailleurs , qu'au temps de Numa , il n'y eust à Rome ni Temples ni Idoles , mais des Autels de terre , qu'on dressoit sur le champ, comme nous lisons que l'usage estoit dans les Ecritures avant le temps de Moyse. Nam, et si à Nu.

ma concepta est curiositas superstitiosa, nondùm tamen ¿fi,: simulachris aut templis res divina apud Romanos coxjeftabat ; frugi ttligio, &panperes mm >& nul-

ibidem.

L. de idot.

In Apclog,

la Capitolia certantia cdto, sed temeraria de cespite altaria & vasa adhuc samia , & nidor ex illis & fJ)eus ipse nusquam. Nondùm enim tunc ingenia Gr.J.corwm atque Thuscorum fingendis simulachris urbem inundaverant. Ergo non ante religiosi, quam magni ; ideoque non ob hoc magni , quia religiosi.

Silius Italicus parle en ces termes de Jupiter Ammon :

Inreflintta focis servant ait aria flarnmæ.

Sed nulla effigies , fimulacrave nota Deomm.

Majeflate locurn & sacro implevere tirnore.

C'est-à-dire que le Temple de Jupiter Hammon estoit sans Idoles, & il en estoit d'autant plus venerable, le feu eternel y representant beaucoup mieux la Divinité.

XII. Entre les Grecs S. Clement d' Alexand rie dit la mesme chose qu'Arnobe, touchant les ma- tieres informes qu'on adora, avant l'art des repre- sensations parfaites , qui precipita les hommes dans un nouvel abîme d'erreurs. Ac Scythœ quidem an- tiquitus adorabant Acinaces, Arabes autem Lapi- dem, Persœ vero fluvium ; & ex aliis hominibus ij qui erant adhuc antiquiores , ligna erigebant insignia, & columnas ponebant ex lapidibus ; quæ etiam app,IlAbanturÓCGI'a., eo quod eraderentur, & expolirentur ex materia. In Icaro certè imago Dianœ li- gnum erat non laboratum ; & Cithœroniœ lunonis Thefpitt tntncm excisus ; & Samiœ Iunonis, ut ait ÆthÜr-u, priùs quidem erat tabula, postea autem Archonte Procleo in formam statuœ efficta est. Romœ autem antiquitus ftatuamMaffis fuisse bastam ait Varro, cum nondùm pervenissent artifices ad hunc fpeciofum quidem, fed improbum artificium. Postquam autem ars floruit, auflus est error. Il dit plus bas , que ce n' est plus reverer ni les Dieux, ni les Demons , mais l'art & la matiere , c'est-à-dire l'Idole : Adorant autem ij qui Deos faciunt, non

Admonit.

ad Gentls.

pag. 11.

if. 3t.

Deos & Dœmones me a, quidem sententia, sed terram & artem , hoc est imagines. Il asseure encore plus bas, que ce fut selon Berose Artaxerxes fils de Darius, fils d'Ochus, qui proposa le premier l'image de Venus a adorer : Multis annorum curri- culis eos imagines hominum formœ coluisse ostendes Berosus, in tertio Chaldaïcorum ; cum hoc Artaxerxes Darij , silis Ochi, qui cum primus Veneris Tanaïdis imaginem erexisset Babylone, & Snjis , & Ecbatanis, & Persis & BaUris & Damasco, & Sardibus eam ostendit efTc colendam. Si cela est ainsi, il faut croire, que l'attentat de Nabuchodonosor, qui entreprit de faire adorer sa statuë, fut bien plus ancien , mais il n' eut pas de fuite, aiant lui-mesme enfin condamné sa vanité.

XIII. Il y a un point où Clement d'Alexandrie ne s'accorde pas avec Tertullien. Car il pretend que si Numa enseigna à adorer Dieu lans Idole & sans image , c'est parce qu'il apprit aux Romains que la nature Divine estoit purement intellectuelle. D'où il s'en suit que les Romains furent cent soixante-dix ans sans Idoles, & sans idolatres. Numa Rex Romanorum erat quidem Pythagorœus : ex iis autem quœ à Moise tradita funt adjutus, prohibuit Romanis, ne homini, aut animali similem Dei facerent imaginem. Cùm ita- que centum & septuaginta primis annis templa œdificarent, nullam imaginem nec affictam, nec depictam fecere. Occultè enim iis indicarat Numa , quòd id quod est optimum, non alia ratione quàm sola mente ulli licet attingere. Tertullien vient de dire aucontraire , que l'idolatrie subsistoit sans idoles pendant les premiers temps de Rome. Il se peut faire que les Romains aient profité des instructions de Numa , & aient honoré le Dieu souverain Seigneur de l'Univers pendant un fort long-temps sans en faire aucune image ; quoi-qu'en mesme

Stroma.

1. 1. pllt, 12. 3.

temps ils fussent idolatres, d'un grand nombre de moindres Divinitez, dont ils avoient quelque representations imparfaites. Car on ne peut douter que les nations les plus addonnées à l'idolatrie, n'aient toûjours conservé une connoissance secrette du veritable Dieu.

XIV. S. Athanase témoigne que les plus spirituels d'entre les idolatres , ne nioient pas que les Idoles ne fussent les images des hommes & des bennes; mais ils pretendoient que les Dieux se faisoient voir & entendre par le moien de ces figu- res , ne pouvant autrement estre vus, ni entendus , parce qu'ils font invisibles. D'autres disoient, que les Idoles servoient à évoquer les Anges, qui ve- noient nous instruire des grandeurs de la verita- ble Divinité. Hic cum malè andiunt Ethnicorum Philosophi, virique eruditi, non inficias eunt, eas Deoium species hominum & brutorum simulacra esse ; sed ideò id in usu haberi, ut Dij sub istis itnagtnïbus oracula promant & sese extendant : alioquin eum qui invisibilis est, ntji per istiusmodi simulachra & cœremonias cognosci non pnfTe. Alii porro quasi majori Pbilosophiâ instructi, ac proindè se altiora existimantes, ajunt ista instituta cJTc & effigiata, ad evocationem adventumque Angelorum altarumque potestatum conciliandam, ut quum illi ita se prœsentes obtulerint, C2" apparuerint, Numinis notitiam mortales doceant ; ac proindè istiusmodi simulachra pro elementis litterarum humano generi esse, quœ dHm legunt, Dei notitiam condiscere possunt. Ce Pere ajoûte : Ita illi nv^o"Y"V, J <$> ôfOAo7*<w. Voilà la Theologie fabuleuse des plus habiles payens,qui regardoient les Idoles, comme des figures d'hommes, ou de bestes animées en quelque maniere par des demons, qui se montroient éc parloient par elles, pour instruire les hommes de la verité de la Divinité souveraine. Les moins spirituels confondoient ces images avec ces esprits,

CDntrA Cent. pag.

17•

& ne les distinguoient pas assez de la Divinité veritable, qwe leur nature estant raisonnable , ne pouvoit, ce semble , entierement ignorer. Diogene Laërce dit, que le Philosophe Stilpon, aiant prouvé que la Minerve de Phidias , c'est-à-dire , sa statuë, n'estoit pas Dieu, puisqu'elle n'estoit pas fille de Jupiter : fut déferé à l'Areopage , où il usa de cette défaite , qu'il avoit dit qu'elle n'estoit pas Dieu, parce que c'estoit une Déesse. Il ne laissa pas d'estre banni de la ville.

XV. Au reste il n'est pas eftonnant après cela, qu'on ait autrefois commencé en Egypte par repre- senter les Divinitez sous la figure des bestes, plû-

toit que tous celle des hommes. uisqu'on ne regardoit ces figures , que comme des Symboles, fous lesquels ces moindres divinitez se cachoient, comme autrefois le Demon s'estoit montré & avoit parlé à Eve, fous l'image d'un serpent. A prés tout si l'on considere, que n'aiant adoré les Divinitez pendant quelque temps , que fous des images grossieres, d'un tronc, d'une planche, d'une lance, d'une épée, d'une pierre brute, & de plusieurs autres choses semblables , qui ne pouvoient estre que des Symboles fort imparfaits de ces Divinitez : on se porta à leur preferer les figures des ani| maux , comme des Symboles plus parfaits, dés que l'art des peintres, ou des statuaires eut poussé ses efforts jusqu'à representer les animaux.

XVI. Origene dit, que si les Chrestiens ont cela de commun avec les anciens Perfes , les Scythes, & quelques autres nations, qu'ils detestent les Idoles; ils le font par un principe bien different. Licet Scythœ Afrique Numidœ, & impij Seres , aliœque gentes, ut Celsus ait, tam religione ca- rentes, quam legibus , atque etiam Persœ, averfentur templa , aras , statuat, non eandem aversandi causam esse ac nobis. Ces nations ne vouloient point

D:og. Latrt.

1. z.

L. 7. Con.

Cessum.

d'Idoles, parce qu'elles adoroient le soleil & IftS astres, que nous regardons aussi comme des images de la veritable divinité , tres-indignes du culte qui n'est deu, qu'à elle feule. Perrò de Persis supertus diximus, simulacrœ quidem non colentibus , solem vero & Dei creaturas adoramibus, quod mbis interdictum est, &c.

XVII. Eusebe asseure, que les Pheniciens & les Egyptiens furent les premiers maistres de l'Idolatrie, & qu'ils commencerent par les honneurs divins, qu'ils rendirent au soleil , à la lune & aux astres ; qu'au reste après avoir abandonné la veritable Divinité, pour s'attacher à des corps, qui quelques éclatans qu'ils fussent , n'estoient toûjours que des corps, il fut impossible, que l'on ne tombaft dans une longue fuite d égaremens, tous les corps animez aiant sans doute un plus grand merite, que les corps lumineux : & les natures raisonnables estant sans comparaison preserables, à tous les corps simplement allilnez. Phœnices q.Ú.

dem & Ægyptios omnium principes Soli, Lunœ, ac Stellis Divinitatem tribuisse , vulgatum cft, iisque solis remrn omnium ortu interitusque causam adj.

gnasse ; deinde verò que pajfirn & ubique jaftantw/ Deorum tam molitiants, ejn.im proereationes in beminum genus invexisse. Ces dernieres paroles nous font connoistre, que les Pheniciens & les Egyptiens communiquerent aux autres nations non seulement le culte des astres, mais aussi celui des autres Dieux, qui ne furent d'abord que des Symboles des astres sous la figure des animaux, comme il paroist dans les constellations ; puis ce furent les animaux mesmes, comme Symboles vivans des astres ; d'où il fut facile de venir au culte des hommes & de leurs images, plusieurs d'entre eux aiant aussi esté revestus du nom des astres èc des constellations. Eusebe rapporte pour cela un peu plus bas l'autorité de- Platon

PrApar.

Èvan.l.i, c. 6.

it/id,, c 9.

Platon : Plata tpje in Cratylo de Graecis sic disputat.

Mihi quidem illi bomines videntur, qui primi Gra- ciam tenuerunt, eos tantum Deos censuisse, quos witnc Barbarorum plerique colunt, Solem nimirum, jAinxm, Ter nm » A ftr". Cœlum; que cum ipjî vidrent ont m a continenti cursa ferri , eadem ab illa rS b~.<, hoc cft currendi natura, G! ç, Deos nominarunt. Eusebe a joute , qu'il n'y avoit alors , ni T emples, ni statuës, puisqu'on n'avoit pas mesme encore des maisons, & qu'on n'avoit pas encore inventé les arts , qui fournirent tous ces ouvrages. Ac primos iilos quidem & vetustissimos ho- mnes, nibil vel in templis extruendis, vel in erifimulachns opéra ac studij posuissê, cum necdurn i ftæ pi "gend;, calandi , statuas efficiendi ac ne ttoraos quidem tectaque adificandi artes invenu, ac constitutæ essent &c.

XVIII. Eusebe tâche de fortifier ce qu'il a avan- e, par le témoignage de Sanchonjathon , qui écrivit l'histoire des Pheniciens a vanr le siege de Troye, p: dont les ouvrages furent traduits du Phenicien sen Grec par Philon; non pas Philon le Juif, mais Philon de Biblos. Ce--Phîlon raconte, que Sanchonjathon estoit de Beryt, qu'il avoit écrit l'histoire sur le recit de Hierobal Prestre du Dieu Fepo, qu'il avoit dédié son ouvrage à Abibal Roi dc Beryt; que non feulement il avoit vécu & écrit avant le siege de Troye, mais peu de temps après Moyse , comme on pouvoit le justifier par la suis des Rois de Phenicie ; enfin qu'il avoit compi- son histoire, ou des actes des villes , où des momens des Temples. Voilà ce qu'Eusebe nous pprend de Sanchonjathon Phenicien, par le témoignage de son Interprete Grec, Philon de Biplos. Il a esté bon de donner ici une legere connoissance de cet Auteur , puisque nous en ayons déja parlé plusieurs fois dans cet ouvrage.

XIX. L'Interprete Philon rapporté par Eu sebe dans le mesme endroit, nous expose en pei de mots la naissance & le progrés de diverses for tes d'idolâtrie, dont il a esté parlé ci-dessus. Voi ci ses paroles : Jam vero quo illustrior habeatur ma gisque distincta rei totius intelligentia, hoc etiam an te omnia oportet nos ponere; Barbarorum antiquissimo pkœnices in primis ac Ægyptios, à quibus cæteri dein ceps populi morem il htm accepere, in maximorum Deo- rum loco omnes illos habuisse, qui res ad vitam agen dam necessarias invenissent, quique beneficium aliquo in genus humanum contulissent. Eos nimirum , quo sibi plurimorum authores bonorum esse persuaderent divinis coluere honoribus ; ac templorum usu, que jar antè constructa fuerant, hoc ad munus officiumque tra ducto, columnas insuper statuasque ligneas ipsorum no mine consecrarunt ; easque pracipuo religionis cuit, prosecuti phœnices , festos illis quoque dies longe ce leberrimos dedicarunt. In quo quidem eximium illu, fuit, quod Regum suorum nomina universi hu]m eh mentis ac quibusdam eorum quibus divinitatem ipJ tribuebant , imponerent. Naturales porro Deos , St lem, Lunam, reliquasque jhllas inerrantes , cnm elt mentis ac cæteris cum iisdem affinitate conjunctis ,si jtos ex omnibus agnoscebant ; ut mortales quidem alios alios immortales Deos haberent.

X X. Il me paroist estre d'une grande confe quence, de bien remarquer ce que 1 cet Interprete de Sanchon jathon nous apprend ici, que la COli tume des Pheniciens estoit de donner aux élemen & aux plus nobles parties du monde le nom d leurs Rois. Car comme les Pheniciens ont est imitez de toutes les autres nations, il est arriv de la, 1°. Que les élemens & les astres mesmes on esté revestus des noms des hommes : La terre esté nommée Ceres , la mer Neptune, l'air Ju non , le ciel Jupiter , le feu Vulcain, enfin le

planetes Se les autres astres ont eu d'autres noms semblables. 29. Que comme l'on honoroit d'un culte Divin les astres & les élemens dans tous ces païs, on s'est laisse aller à rendre les mesmes honneurs aux Princes , dont on avoit communiqué les noms à ces mesmes astres, ou aux élemens. Mais cet auteur remarque fort bien la différence qu'on mettoit entre ces Dieux, les uns immortels , & les autres mortels. Et on peut facilement se persuader, que ce fut là une des manicres, dont s'introduisit le culte des hommes & de leurs statuës,

CHAPITRE XIII.

Des fausses Divinitez dont il est parle dans les Ecritures depuis le Pentateuque.

1. De Baal, ou Bel.

] 1. III. Si c'est Saturne , ou le Soleil. Du Dieu HAiogabale.

IV. V. VI. D'autres le font Iupiter. On confondoit quelquefois Silturne. Jupiter & le Soleil.

V.H. De Beelzebub.

VIII. IX. X. X I. XII. Diverses remarques sur le Dieu Mouche, ou le Dieu des mouches, ou le Dieu qui chassoït les mouches en divers fats.

X I 11 D'Aflarte.

X I V. X y. XVI. Si c'est la lune, ou Venus j ou lunon. S'il y en a plusieurs; si c'est un Dieu, ou une Deesse.

XVII. De Rempham ou Kiun J ou Saturne, X V 111. XIX. Suite du mesme sujet. si c'et f Venus , ou .1 Deesse Celeste X X. Les payens confondaient souvent plusieurs Divinitez.

n une.

XXI. De Dagon. Si c'et f le Dieu dv poissons, ou du * Froment.

XXII. De Thammut. C'est le mesme qu'Adonis , ÓOsiris.

X X 111. De Succot Benoth. si c'et f Venus.

X XI V - Des autres Divinitez que les jîffyriens adorsrtnu

dans le pais de Samarie, quand ils y eurent esle tran portez..

X X V. Du Dieu Neho, & Miphletzctb ou Priape.

XXVI. De Nanea.

X X V 11, De Mao^im.

I. Baal, ou Bel est le plus souvent nom me dans les Ecritures , entre les fausse Divinitez. Ce terme Hebraïque ou Phenicien signifie Seigneur. }1 estoit commun aux Affricair de Carthage, comme descendus de Tyr en Phe nicie. Servius expliquant ces paroles de Virgile Implevitquc mero Pilurarn. quam Belus (y omnes Bclo fohtt, use de ces paroles : Lingua Punica Bt Deus dicitur, apud yjjjyrios autem Bel dicitur, Sa turnus & Sol, Tous ces noms propres soit Affri cains, soit Assyriens en venoient: Annibal, Afdrtt bal, Adherbal, Balthasar, Baladan , S. Augustin attribue aussi ce nom à la langue Punique Baa Punici videntur dicers Dominum. Vnde Baalfamen Vominum cæli videntur dicere, II. Servius n'a pas esté le seul qui ait cru que Baal estoit Saturne. Eusebe en dit autant dans sa Chronique Tharœ anno x XIX. Assyriorum Rei primus Belus mortuns est, quem jîffyttjDeum nomi naverunt, alii dicunt Saturnum. Theophile Ar- chevesque d'Antioche dit aussi, que les Orientaux reverolent Chronus ou Saturne, Be/ru) ou Bal.

III. Si au contraire Servius dit que Bal est le soleil, il y a eu des défenseurs,de son mesme sentiment ; Hesychius dit, ~BfÀCt, id est, & }3,0w r, Phrygiorum lingua Rex. Ce mesme Auteur dit qu'en Crete le soleil estoit adoré & nommé Abelius. L'Empereur Heliogabale semble avoir réuni les noms du soleil, ij',\{@) , & de Bal ou Bel. Sel- den de qui ceci est tiré, dit que le nom d'Heliogibale vient d'Hagol-Baal , id est, rotundus Deus. Ce qui convient à sa statuë, qui estoit félon1

VEnt'd. 1.1.

In Indic.

q- 16.

L. s - ad Au toi »

Herodien une pierre ronde & aboutissante en cone.

Eusebe est de mesme avis, au moins il rapporte que c'estoit l'avis de Sanchun- Jathon, qui disoit que le Soleil estoit celui à qui on avoit donné le nom de Beelfamen, c'est-à-dire de Roy du Ciel.

Cumsjue siccitas obtigisset, sustulisse manus in Cœlum ad Solem. Hune enim solum Denrn existimabant, enm vocantes Cœli dorninum, Beelfamen. On sçait que Samen, ou Samaym signifie le Ciel.

IV. Et il ne faut pas apprehender, qu'il y ait de la contrariété entre ces deux sentimens. Car les Pheniciens prennoient Saturne pour le Soleil.

Scrvius le dit formellement au mesme endroit : .AJ[Yf'ios constat Saturnum, quem eundem - Solem dicunt, Funonemque coluisse. Damascius en dit au1 tant dans la vie d'Isidore rapporté par Photius; yPbxraces & Syri Saturnum K&tov vocant El, Bel, &~ Bolathen. Il est presque indubitable , que ce nom El, ~, signifie le Soleil. Aussi Servius parlant de ce Belus dont Didon estoit descenduë, parle de la forte : Omnes in illis partibus Solem co- lunt. qui ipsorum lingua Hel dicitur, unde &

V. Si Saturne passoit pour le Soleil, on peut bien en croire autant de Jupiter. Aussi Sanchunjathon ou Philon son Interprete, dit que Beelfamen est aussi Jupiter : Greca autem lingua est I;C;.

five Jupiter. Ce qui se peut confirmer par Xiphilin dans la vie de Caracalla. Voici ses paroles : lupiter Belus difluJ, & in Apamea Syri<& CUltllS.

V I. Il resulte de ce qui a esté dit , 1 Q. Que le culte des Astres a esté le plus ancien , qui ait succedé au culte du vrai Dieu. i". Que Belus & quelques autres Rois ont eu part aussi aux honneurs Divins, depuis que leurs noms eurent esté communiquez aux Astres. 50. Que les anciens Pheniciens confondoient souvent les Astres les uns avec les autres, prenant quelquefois Saturne pour

PtApar.

E'Ung.l. x.

c. 7.

Coi. 141.

Jupiter, & l'un & l'autre pour le Soleil. Nous avons dit aussi dans un des Chapitres precedens, que le nom de Belus avoit esté donné à Mars.

Au reste il ne faut pas oublier ce que Grotius a fort bien rémarqué , que les Hebreux éviterent de donner au vrai Dieu le nom de Baal, qui signifie simplement Seigneur , parce que les idolatres avoient déja profané ce nom , en l'appliquant à des Idoles. De mesme que des Chrestiens n'ont pas voulu donner le nom de demons aux bons Anges.

V II. Beelzebub estoit le Dieu des Accaronites.

Ce terme signifie le Dieu des mouches, ou le Dieu Mouche. Les Septante l'ont traduit le Dieu Mouche, & Joseph les a suivis : tsV'ax*apa>r Bïok f(ù,cU.

On doute , dit Selden , si c'estoit le nom que les Accaronites donnoient à leur Dieu ou si c'estoient les Juifs , qui par derision le nommoient de la forte.

Scaliger croit, que les Accaronites le nommoient B"III-z..ebahÙn, c'est-à-dire le Dieu des sacrifices : & que les Hebreux le nommoient par moquerie Baal-zebubim , le Dieu des mouches, à cause de la multitude des mouches, qui incommodoient leurs sacrificateurs & leurs sacrifices, au lieu que le Temple de Jerusalem en estoit entièrement exempt.VIII. Pline asseure que ceux de Cyrenes sacrifioient au Dieu Achor, pour estre affranchis des mouches, qui causoient quelquefois la peste à leur païs. Cyrenaici Achorem Dcttm invocant. muscarum multitudine pestilentiam afferente, qutl protinus in- tereunt, poftquAM libatum est illi Deo. Ce nom du Dieu Achor approche bien de celui des Accaronites. S. Gregoire de Nazianze donne aussi à ce Dieu le nom de Dieu Mouche. Et Theodoret expli- quant le texte du Livre des Roys où il en est par-* 1) asseure que ce Dieu estoit doré sous la figure

L 4. Reg.

c. 1.

jfofeph. I. 9, C. 1. 1

Zip. c.t%.

d'une mouche. Qjtod odiosius musca ? Tamen ejus trn<i0i £ m Deum esse pronunciaverunt, &c. Quetn.

vivam muscariis abigunt, eJIU figuram Deum appel- Lruermt. Philastrius est de mesme avis dans fort Catalogue des heresies, Muscaccaronita, qui muscarn colunt in civitate Accaron.

1 X. S. Augustin croit que Beelzebub se doit interpreter, non le Dieu Mouche, mais le Prince des mouches. Beelzebub interpretatum dicitur princeps muscarum. S. Jerôme est de mesme avis , Ab hi-S muscis etiam princeps appellatus est Dtt,noniorum Beelzebub, qui interpretatur, aut Idolum muscarnm, aut vir muscarum, - aut babens mufeas.

X. Les pa yens des autres regions du monde eurent aussi un Dieu semblable, qu'ils appellerent 1 1 & J'Il. à d' * 1 [ fiutdjvr, ftuzyçjt, gt C est- d ire, qui c hasse les mouches; soit que ce fut Jupiter ou Hercule. Pausanias parlant d'une foire qui se tenoit à Alipheres , dit que les mouches n'y paroissoient plus , dés qu'on avoit sacrifié à ce Dieu : In illis nundinis uni antè omnes Myiagro rem divinam faciunt , Heroemque super hostiis precati, & Myiagri nomine implorato, postquam ~hœc ~præstiterunt , ~muscæ illis non sunt amplius molestæ. Il dit ailleurs qu'Hercule sacrifia à Jupiter pour estre délivré de l'incommodité de ces petits animaux, de

que le nom en demeura à Jupiter. Ajunt etiam Herculi Alcmenes silio, CUTIt Olympia sacrificaret.

maximam muscas exhiburjfe molestiam. Eum itaque vel propriò inventu, vel monitu alieno sacra fecisse Iovi ~, atque ita m a si ai trans Alpheum sa'jfe profligatas. Ac proinde dicuntur Elei fJ.JH¡J Iovi fie y a facere » qui ex Olympia Etidú mufeas abigat.

Elien parle en divers endroits du mesme sujet.

X I. S. Clement d'Alexandrie dit que ceux d'Elis sacrifioient à Jupiter & les Romains à Hercule , leur donnant à l'un & à l'autre la mesme

Trxft. i.

In Joan.

In Hcelefiaften c.

I0-

In ArcA.i.

In Eliaeu fl tOi tOyte- (

L. y. c. 17.

L. 11. c. 8.

ln prDtrept.

qualité. Iovi "ùnpuia sacrificant Elienses, Romani autem Herculi ¡J.jlf' Solin dit que les mouches & les chiens n'entroient jamais dans le Temple d'Hercule à Rome : Divinitùs illo neque canibus neque muftis ingressus est; etenim cum viscefationem sacrificolis daret, Myiagrum Deum dicitur imprecatus.

XII. - Pline dit qu'aux jeux Olympiques dés

qu'on avoit sacrifié au Dieu Myodes, on voyoit un nuage de mouches, qui sortoit hors du territoire. :

Nullum animal minùs docile existimatur, minorisve intellectus. Eo mirabilius est , Olympio sacro certa- -1 mine » nubes earum , immolato tauro Deo, quem Jliyiodem vocant, extra territorittm id abire. Si tous ces faits font veritables, il faut confesser, que c'é-

toient des illusions & des impostures dont le de.: mon se servoit pour amuser les idolatres, &: les attacher toûjours plus étroitement à leurs ridicu- les & impies superstitions. {

XIII. La Déesse Astarte est nommée dans l'Ecriture Astaroth, qui signifie des brebis ou des trou peaux. Scaliger croit, qu 'on lui donna ce nom à cause de la multitude des victimes. Astarthe Dea Sidoniorum. Il est au singulier dans cet endroit des « Ecritures. Il se trouve ailleurs au plurier : Servien- tes Baal & Astaroth. Mais on [ait allez que les noms de Dieu se prononcent quelquefois au fin- gulier , ou au plurier fort indisseremment, parce que le mesme estoit reveré en plusieurs Temples, comme saint Augustin le remarquera plus bas.

Astaroth se trouve aussi quelquefois masculin ,

quelquefois feminin; 8c il faut encore faire ici la mesme remarque ,que plusieurs Divinitez se met- toient tantost dans l'un , 3c tantost dans l'autre sexe. Voici ce que dit Spartien de la Lune, qu'on 1 prenoit indifferemment pour Deus Lmns > ou Dea Luna. Sçiendum daÏÏtjfimis. qnibuf^ue id memoria j

1Cap. i.

L. 1.9. c 6.

i. J. Reg.

c. II. v. j.

H.

ltJjcum.

f. i v. ij.

In Car* calla. 1

traditum , atque ita nunc quoque a Carrenis préci- pué haberi, ut qui Lunam fœmineo nomine ac sexu putavent nuncupandam , is addictus mulieribus semper illfèrvÎltt. At vero qui marem Deum esse credi- derit, is dorninetur uxori , neque ullas patiatur mu- liebres insidias. Vndè quamvis Græei vel Ægypti de genere, quo faminam hominem, etiam Lunam Deam dicant : mysticè tamen Deum dicunt.

XIV. Sanchon-jathon dit que la Déesse Aftarte avoit une teste de taureau pour marque de la souveraineté. Caput tauri pro regni insignibus.

C'est ce qui fait croire à Bochart, que c'est la Déesse Jo des Grecs, qui fut transformée en bœuf. Il est bien plus probable , que c'est Venus, qui donne la secondité à tous les animaux. Ciceron le dit fort nettement, en distinguant plusieurs Venus, & disant que celle de Syrie , ou de Tyr est Astarte. Quarto. Venin Syria Tyroque concepta, qùe Aft arte vocatur, quam Adonidi nupfijfe traditum est. Suidas en dit autant, Astarte, qltæ à Græcis Aphrodite dicitur. Herodien la nomme Aftroarchen, mais puis- qu'il parle de l'Uranie des Pheniciens, on ne peut douter, que ce ne soit Venus, & que cet Historien n'ait déguisé le nom Phenicien Astarte, en une terminaison Greque , comme il arrive fouvent.

XV. S. Augustin croit au contraire, qu' Astartc est Junon, ce qu'il prouve par le Sentiment de ceux de Carthage, qui ne pouvoient ignorer la religion des Pheniciens. Et servierunt Baal & Aftartibui. Ce font les paroles de l'Ecriture dans leliM'e des Juges, & voici comme ce Pere les explique : Solet dici Baal nomen esse apud gentes illarum lim Jovis. Astarte autem Iunonis, quod lingua Punica putatur ostendere. Nam Baal Punici videntur dicere Dominum. f/ndè Baalsemen , quasi Domi- Uitm Cœli intelligutur dicere : Samen quippe apud

L. i. de Na titra Deofum.

In 1. ludic.

q- 16.

tos C&li appellantur. luno autem fine dubitattone AJmr-

te ab illis vocatur, & quoniam ifiæ linguât, non mul- * tum inter se differunt ,merito creditur de fîliis Ifra è'l hoc dicere Scriptura, quod Baalfervierynt & Aftar- tibusyquia Iovi er [unonibus. Nec movere debet, 1 quod non dixit Aftrti. id ejjt Iunonifed fanquam multA sint Iunones pluraliter hoc nomen posuit, Ad ifmulachrorum enim mtiltitudinem referri uoluit in' telleRum, quoniam unnm quodque Iunonis Jimulachrum luno vocabatur. Ac per hoc tot Iunones » quot font jimulacbra , intelligi voluir. i

XVI. Lucien dit au contraire, qu'Astarté est la Lune, quoiqu'il raconte que les Pheniciens la faisoient passer pour Europa fille du Roy Agenor, qui fut enlevée en Candie par Jupiter transfiguré en Taureau. Est autem & aliud templum in Ph&- nicia magnum, quod Sidonij celebrant, Astarta, ut quidem ipsi dicunt. Astartem autem ego puto Lu- nam esse. Cæterum ut quidam ex sacerdotibus mihi narravit Europe illud efi Cadmi sororis. Hanc au- tem suisse serunt Agenoris Régis filiam, & postquam, ampliùs non comparuit, Phanices ipsam templo ho- norarunt , & sermonem de ea sacrum evulgarunt ; quod videlicet pulchra cum effet, Jupiter amore ejus captus fuerit, & mutata in taurum forma, rapuerit, tam, & in Cretam inde abiens deportarit. Atque bac quidem etiam à cateris Phœmicibus audivi : & nomisma quoque quo Sidonij utuntur , Europam ha- bet insidentem tauro, Iovi videlicet. Caterum ipsam I-iem non omnes constentur Europe esse. Il y a quelque sujet de conjecturer, que c'est ici un exemple de la coustume des Pheniciens, dont nous avons esté déja informez par Philon interprete de Sanchun- Jathon. Sçavoir qu'ils donnoient aux Astres les noms de leur Roys, & ainsi ils leur rendoient un culte religieux aussi bien qu'aux astres. Ils pouvoient donc attribuer à la fille du Roy Agenor

De Dta S y ri a.

le Temple basti en l'honneur d'Astarte, c'est-àdire selon Lucien, en l'honneur de la Lune. Jofqlh parle de la construction du Temple d'Her- cule, & de celui d'Astarte à Tyr , & il nomme en- suite plusieurs Roys de Tyr, dont les noms venoient manifestement de cette divinité : Astartus, Beleastartus, c'est-à-dire , Belus-Astarrus, Abda- startus , c'est-à-dire, serviteur d'A starte.

XVII. Rempham. C'est un f passage d'Amos, oit cette fausse divinité est touchée : Et portastis ta- bernaculum Moloch vestro, C-; imaginem Idolorum vestrorum, Sidus Dei veifr;, qUtf fecistis nobis. Ce texte est rapporté dans les Actes, dans un difeours de S. Estienne , & il y est rapporté avec quelque dif- serence. Et suscepistis tabernaculum Moloch, & Si- dm Dei vestri Rempham, figuras qutU fecistis, adorare CIU. Le texte Hebraïque d'Amos porte Cocab elohechem, Sidm Deorum vestrorum. Mais la version des Septante porte, to as-epe ~tv 6E17 t' P«I'P':)Y. Sidus Dei vestri Rhæpham. Il est aisé de voir que S.

Estienne a suivi les Septante. Mais il n'est pas fa- cile de deviner la cause de ce changement & de cette diversité entre le texte Hebraïque & la ver- sion Greque.

VIII. Entre plusieurs explications de cette difficulté, celle que les sçavans approuvent le plus à present, est que le terme Hébraïque Chiuv s ou Kiun, que la Vulgate a traduit Imaginem, a esié traduite par les Septante par le mot de Rempham.

0: que ce terme signifie l'étoile de Saturne. Il a esté facile, par les changemens qui se sont imperceptiblement aux noms , de faire de Kiun Kevian, & par le changement de deux lettres tres-semblables Rcs & Caph de faire Reviam de Kevian, Car après cela rien n'est plus aisé, que de faire Repham de Revian.

Or que Kiun foit l'étoile de Saturne, on le ju-

L. t. Con; Ap. pllg.

104)-

C. f. v. xê*

ftihe par le livre des étymologies Turques & Persanes. Car Kaivan y signifie Saturne. Et en Arabe Kionn, un homme austere. On peut mesme rapporter à cela ce que nous lisons dans le IV. Livre des Roys, ou Naaman parle du Temple de Remmon, où les Roys de Syrie sacrifioient. Quando ingredietur dominus mens templum Remmon, ut ado- ret. Il n'est rien de plus probable, que d'expliquer ce nom par l'étymologie Hebraïque ou Phenicienne. Car Ram signifie haut & élevé. Ce qui convient à Saturne qui est le plus élevé des pla- netes. Nous rapporterons dans un des Chapitres suivans un passage de Plutarque, où Saturne est appelle wom ; ce qui peut servir à confirmer ce nom à Saturne , mais par des raisons bien differentes.

Au reste si ce Prophete a joint Moloc avec l'astre de Saturne, c'est conformément à la maxime que nous avons déja plusieurs fois rémarquée qu on unissoit le nom des Rois à ceux des Astres ; car Moloc ou Melec, signifie le Roi.

XIX. S. Jerôme n'est pas de cet avis. Car il estime que cette étoile , Sidus Dei vestri, c' est celle de Venus que les Sarrasins ont toûjours honorée , aussi lui ont-ils donné le nom de cobar, c'est-à-dire de grande. Sidus Dei vestri quod Hebraicè dicitur Cocab t id est Luciferi, qùem Sarraceni, nunc usque venerantur. Ainsi plusieurs après ce Pere croient que le Prophete parle du culte de Venus d'Assyrie , qu'on appelloit aussi Uranie.

D'autres veulent que ce soit la Lune. Car He- rodote dit, que les Africains ne rendent honneur qu'au Soleil & à la Lune : Tantùmmodo Soli cr Lunæ sacrificant, & quidem Afri universi. Or on sçait que les Africains, & sur tout les Carthaginois estoient fort attachez à la Deesse Celeste. Herodien dit que les Carthaginois avoient appris de

£ .4. Rc«.

C. J. V. 18.

C. 7. U 43.

L.i. in C. S.

Ames.

L. 4.

L. j.

Didon le culte d'Uranie, qu'on l'appelloit Astroarche, & qu'on croioit que c'estoit la Lune. Ce recit montre qu'Astroarche estoit l'Astarte des Tyriens, & que les Grecs avoient changé ce nom en Astroarche, pour désigner la Lune, qui est comme la Reine des Astres, qui ne se font voir que la nuit. Tertullien dit dans son Apologetique, que la Déesse des Syriens est Astarte, & il fcmL ble que c'est elle aussi qu'il appelle la Vierge celette, qui donne, ou qui promet la pluye : Cd*- stem Virginem~ pluviarum pollicitatricem. Ce qui convient tres-bien à la Lune.

X X. Toutes ces differentes interprétations ne paroistront pas surprenantes , à ceux qui sçauront que les anciens payens confondoient souvent plusieurs Divinitez en une, & prenoient Venus, la Lune , Astarte , Uranie, & Junon pour la mesme.

S. Ambroise le dit clairement, qu'une mesme Divinité avoit plusieurs noms, dans sa lettre qui sert de réponse à la relation de Symmaque. Pnde Phrygij vates , & semper Romanis invisa non æquæ Carthaginis numina, quam cælestem Afri, Mitram Persæ, plerique Venerem colunt, pro diversitate nominis, non pro numinis varietate. Macrobe dit encore plus clairement, que la Lune & Venus estoit la mes- me, & que Venus passoit quelquefois pour un Dieu , aussi-bien que Lunus, selon l'avis de quelques sçavans. Apud Calvum Asterianus affirmat legendum , pollentemque Deum Venerem ; non Deam.

Signum etiarn eim est Cypri barbatum, sed veste ?lJUliebri, cum Sceptro ac statura virili ; & put ant eandon marem -& fxrninani esse. L&vinus etiam fiç ait ; Venerem igitur almum adorans, sive fœmina sive mas 4f, ita uti alma Noctiluca est.

XXI. Dagon, dont il est parlé dans les livres des Rois. Quelques-uns prétendent qu'il avoit la partie fu^irieure <Ju corps d'un homme, 8c l'infe-

L'3.Saturn.

c. 8.

L, i. c. Sr

rieure d' un poisson. Le terme Hebreu Dag signifie un poisson. Aussi le confond-on avec Atergatis qu'on croit tirer Ton nom de Adir-Gad, cest-à dire un grand Poisson. De là vient que S. Cle- ment d'Alexandrie dit , que les Syriens dans 1; Phenicie adoroient les poissons : Non minori cultu pisces venerantur, quam Elei lovem. Ciceron en dit autant , Piscem Syri venerantur, La fable disoit que Venus craignant & suïant Typhon, s'estoit jettée dans la mer , & s'y estoit transformée en poisson, au moins qu'elle s'estoit sauvée sur le dos d'un poisson. D'où vient que les Syriens ite mangeoient point de poisson, comme Ovide l'assure,

Inde nef As ducunt genus hec imponere mensîs, Ne violent timidi pifetbus ora Syri.

Derce, Derceto, & Atergatis, estoit cette mesme DecLIè, moitié homme & moitié poisson. Diodore de Sicile le dit clairement de Derceto d'Ascalone , Hjtc quidem vultum habet jasmins. , reliquum IImetn corpus omne piscis. Lucien partage un peu autrement son corps ; en voici la description.

D eu et m ame?n imaginem in Phænicia vidi jpeUACu.

Imn plane peregrinum, altera quidem parte mulie- rem ; altera verò, quantum à femoribus ad imos pe- des protenditur, in piscis caudam desinentem. Pline asseure que Derceto Se Atergatis est la mesme : Ibi prodigiosa Atergatis, Grœcis autem Derceto dicta co- litur. Strabon dit aussi que Athargata, Athara, & Derceto cil: la mesme. Enfin on a remarqué que les poissons du Zodiaque viennent de Dagon , & d'Atergatis, & que Venus, qui est Atergatis mesme, y a son exaltation. Grotius ajoûte qu'on disoit Derceto, au lieu. de Dageto , & que tels estoient les Sirenes , les Tritons , & autres poissons , dont on fit des Dieux.

Il faut neanmoins confesser, que '])11'- peut

In protrept.

l..J.de Nat.

Ltir.

1.1 Tasso.

L..

De Dea SJtia.pltg.

1061.

1-S'C. 13.

venir aussi de Dagan qui signifie du Froment. Aussi Philon dans Eusebe a traduit Dagon par ~, Frumentum, ou Frumenti pr¡ffi/.

Mais après tout les auteurs de la premiere opinion , ont certainement beaucoup plus de preuves pour eux. Car rien n'est plus celebre dans la fable, que la transformation de Derceto mere de Semiramis en poisson. Ovide en parle dans ses Metamorphoses,

Et dubia efl de te Babylonia narret, Derceti. quarn versa squamis velantibus art us, Stagna Paleftini credunt colttijfe figura.

Rien n'est plus attesté, que l'abstinence du poisson , à laquelle les Syrïens estoient attachez par cette folle superstition. Xenophon en parle, en parlant du fleuve Chalus, Plenum magnis & man- suetis fifetbm » quos Syri pro Düs habebant, neque Jædi patiebantur. Porphyre prouve par les vers de Menandre Comique, que les Syriens s'abstinrent de poisson, jusqu'au temps de Menandre mesme.

Toutes ces authoritez rendent beaucoup plus probable cette explication du Dieu Dagon.

Athenée fait une histoire bien differente, de la Reine Atergatis, qu'il pretend avoir tant aimé le poisson, qu'elle défendit à ses sujets d'en manger, afin qu'on pût lui en apporter en plus grande quantité. D'où on l'appella Ater-Gatidos, c'est-à-dire sans poisson. Aussi lui en offroit on en sacrifice après sa mort.

XXII. Thammus. Il en est parlé dans Ezechiel : Et ecce ibi mulieres fedebant, plangentes Adonidem.

C'est Thammus, qui a esté traduit Adonis. Les Septante ont confervé le terme Hebraïque , dans leur version Greque. Mais S. Jerôme expliquant ce mesme chapitre d'Ezechiel rend compte de sa version, & dit, que comme les Grecs & les Latins celebroient la feltc d'Adonis au mois de Juin , y

L. 16.

l. 4.

In Exped.

Cyri.

L. 4. De abflment.

L. 8.

C. S.u 14.

pleurant d abord la mort d Adonis, favori de Ve- nus , & puis se réjoui (Tant de sa refurredion : les Chaldéens avoient aussï leur mois de T hammus qui est le mesme que nostre mois de Juin, & y pleuroient audi la mort du melrae favori de Venus,.

ce qui n'estoit qu'une superstition impie des fem- mes impudiques, qui réprefcntoient dans cette exe- crable ceremonie leur tristesse extrême, quand el- les font privées des objets de leurs infâmes vo- luptez, & leur joie impure , quand elles en recouvrent la jouissance. Vnde quia juxta Gentilem fabulam in mense Iunio Iunio arnajim v en cris & pulcherri- mm juvenis occisus » & deinceps revivixtffe narrassir ; tundem himum merifern todelll appellant notni ne {Syri,) & anniverfiiriam et célébrant folennita- tem, in qua plangttur à rnultenbus m or unis, & pofiea revivifeens canitur atque laudatur, O'c, A//ilierum vitia defcribttntur, quit plangunt, amatorum focietate privât A : & exultant, si tos potuerint ob- tinere. Voilà la justification de cette traduction des termes Originaux de l'Ecriture. Elle est solide, , digne de S. Jerôme, & incomparablement préférable à tout ce que les Rabbins ont dit sur ce sujet. Si quelques-uns ont eu peine à s'y rendre , ce n'a esté que parce qu'ils n'ont pas elle bien persuadez , quoi-qu'ils deussent l' estre , que toutes les fables ont passé de la Syrie dans la Grece. Celle d'Adonis en est elle-mesme une preuve, puisque le nom d'Adonis est Phenicien, ou Hebraïque , comme Hesychius, le remarque. La célébrité d'Olï- ris en Egypte estoit toute semblable, on pleuroit sa perte , puis on le réjoiiilFoit de son recouvrement.

S. Cyrille Archevesque d'Alexandrie raconte au long dans ses Commentaires sur lfaïe l'hifloire, ou la fable des PÛsses Grecs sur ce sujet. Comme Cinyras passionné de la beauté de sa fille Myrrha, en

f n eue un hls d une beauté extraordinaire nommé Adonis, dont l'impudique Venus estant devenue amoureuse, Mars qui en fut jaloux, se transforma enlanglier, & tua Adonis à la chasse. Venus des- cendit aux enfers pour l'en retirer, mais Profer- pme ne voulant pas le « relâcher , enfin elles convinrent , qu'elles l^poiïederoient alternativement, chacune la moitié de l'année. Voilà le sujet des pleurs Se de la joie qui fuit les pleurs de cette felle des Grecs. Itaqne Græci hine taie feflwn excogitarunt, ut se CUIn Penere propter morttm Adonidis m- fia conâokre & Ingère : redeuriti autem ex orco, c7 inventum effe dicenti qùcm qut gratulari & un a ex ni tare fimularent. Et ad noftratn usque Atatem in Alexandrinis delubris hoc Indicrum peragebatur.

Ce Pere a joute que c'est de cette impieté, que les Juifs imitoient, que parle Ezechiel, quand ttl dit que les femmes pleuroient Thammus , parce que T hammus est Adonis. Aieminit hujus etiarn Ez..e- hiel. Dixit enim fie : Et vidi, & ecce mulieres si.

dentes, lugentes Thammus. Exponiturautem Tham- mui Adonis. Enfin S. Cyrille croit que ces lettres 8c ces meflagersdont parle Isaïe dans ces paroles, Qui mittit in mare Legatos. & in vasis papyri super aquas ; ite angeli veloces, &c. Ne font autres, que les lettres & les messagers, que les villes d'Egypte 8$ le Phenicie s'entr' envoioient les unes aux autres, pour se faire sçavoir, qu'Adonis estoit retrouvé.

Quod ubi il/If fœminæ Veneris amicif una cum Epiïïola accepiffent, perindè ac si repertus fuisset a Fe- ucre Adonis, liïclitrn ponebant.

Il est visible par ce qui a esté dit, que le Tham- rcus d Ezechiei, l'Osiris des Egyptiens, & l'Ado~Dis des Grecs estoit le mesme j & que la mort, ou l abience, suivie de la tristesse , & la renaissance du le recouvrement de l'un & de l'autre, suivi de joie nettoient aussi qu'une mesme chose. Aussi.

L. i. 7 0 J.

in If nia m.

piJJ.2.5.

C-is. v. z.

Estienne a joint Oliris & Adonis en UM : toqmb* jhnt urbs Cypri verustissima, in qua colebatur Ado- nis Osiris ; quem ut pote wfe$l,%m Cyprii dc Pbfr niccs Jtbi t/indicant. I Platon parle d'un Roi d'Egypte nommé Tha- mus, qu'il dit estre le mesme qu'Hammon : Erai tttnc tonus jÇgyptij JtexThayyts in mllgnll fuperjor Rgionis urbe, quartz Gr&ci vocint Thebas Âgyptiat, spfumqHe appellent DlHm Ammonem. Ce Roi pourvoit bien avoir donné son nom au mois Thammus je Osiris Roi d'Egypte pourroit bien aussi avoit pofce le mesme nom. f

,- Si les Egyptiens ont dit ensuite qu'Adonis estois le Soleil .,oont Venus est comme iiifeparablei & que cette abfcnce & ce retour d' Adonis, n'est qu< X eioiçnement du Soleil pendant les six mois d'hy ver? & Ton retour pendant les autres six moi: d'été z cet accommodement de la fable à la nature, n'a cité qu'une fuite du Principe general , que les idolâtres travestissoient en Astres tous leun Princes & tous leurs Rois, pour les rcycftir d< quelques rayons de leurs Diviiitez. 4 XXIII. Succoth Benoth. Les Assyriens que Salmanailar envoia pour habiter le pays de Sama- xie, y apportèrent leurs Dieux entre lesquels nous lisons celui-ci. Ces deux termes Hebraïques , & apparemment aussi Assyriens signifient, Tabemacu- la filiantin. Selden croit que c'estoit le Temple de Vernis Babylonienne , où les filles attendoieni qne les passans vinssent les acheter à prix d'argent, comme on peut voir dans Herodote & dans Stra- bon. Tereœie parle de cette coutume dans la lettre qu'il écrivit enBabylone, Mulkres circumdtte fit.

nibw inwkfedentifttccexdcxtesojfa olrvarum. cim RUtlm afiqua ex ipsis attratta, ab aliquo tranfeunte, .,;"p- .*r» te, proxim* fatt^prebrat , quod M nnfJt digtDA habita.' Seldca dit aulli que de Eenvth - t

&t,pbAnUl 4".

in 1.' h.dr,.

L. 4. Reg.

c.i 7.V.JO.

, Herod. l.i.

c.i pi.

Str#bo.l.\6.

Bariiié. e - 6.

v. 4J.

pourrait eitre venu le nom de Venus. Car ces deux lettres Thau & Sin ont esté souvent prises 1 une pour l'autre en differens dialectes. Il y avoit en Afrique une ville nommée Siccœ r<weria. Ce nom a bien du rapport avec Succoth Benoth. .- Valere Maxime parle de cette ville, & du culte de en us, qui y éstoit honorée par une honteuse & infâme proftitutioimicctfiimtmcjtreneris ,i» auod mm Yj 'n& confercbant, tqlle indè procedentes ad cpujturn , dotes corporis injuria contrahebant, ~hom- ijra nimi"ltm tam inhonefto vinculo conjugia juncturœ.

On peut lire dans Bochart les extravagances des R.lb:ns sur cet endroit de l'Ecriture , que nous ve-

mons d expliquer.

x X 1 V. Au mesme endroit du IV. livre des Rois il est dit que les Cuthéens transportez en Sam a ne par Salmanassar , y transporterent leur Dieu Nergal; & les autres nations Assyriennes y portèrent aussî chacune leur superstition particulie- c. Viri Babiloni f:cemr,t ~Soccothbenoth ; ytn auem Chutœi fecerunt Nergel ; & viri de Emath fece- nlnt Porrò Hevlf; fecerunt Nabahas , & Tnarthac. Hi autem qui erant de Sepharevaiin, comiHrcbant Jiltos fiun igni Adramelec Dus Sepharvaim.

_f nihtlorntnus colebant Dominum. Il n'est pas fa- 11 de dire au vrai quels estoient tous ces phanoimcs de la superstition Orientale

Ne rgal ftgnific une fontaine de feu ; & c'eftoft rparemmcnt les Tt/ £ *9««,ôu , c'est-à-dire es feux éternels, que les Perses entretenoient, & [u ils adoroient. Il est quelquefois parlé dans l'Ecriture des Chammanin , c'est-à-dire, des statuës lu Soleil Car les Hebreux appellent le Soleil Cham- 4. Le feu estoit le Symbole du Soleil, & ces LJiammanio rcftoient peut-estre les lieux où ce ~jeu sacré estoit entretenu. ,.

Josias abolit l'impie superstition d'offrir au Soir ; i

r. i. c 6.

n. i S.

De Animal pur. t.

(■ C.lo ,, y

L. 4. Fg7.

C-1 7- T-.JO-

Parai. 1. 1.

C. 3 4 v. 6,

l.. -i-. Rg, c- 2J ln, Ir,

leil des chevaux, des chariots & des Autels ~fil le toit des maisons. Abstulit quoque equos , quos ~di ~cr~~f « /M ~f7/?&// D<w~ devant Rcges jnda Soh , in intreitu templi ~Dornin ~&c. Currlts autem Solis combu/Jit igni. Alt aria que que quœ ~crant super rcÛA c&ntcuU Achas, ~6 c. ~Ca les impies adoroient tous les feux éternels du Ciel Et delevit eos qui adolebant incensum BtMI;. 0:'" ~Su li & Luntt , & duodecim jigAl , & omni rnilitn cœli: Tout ce culte venoit de l'Oriciit , ot'l le feu estoit honoré comme le Symbole des Astres. Herodote & Xcnophon disent, que les Perses ~conia croient au Soleil des chariots & des chevaux.

Quant aux autres Divinitez Asima , Nibchas , Tarthac* Adr<i<> elec , & AlImclcc, C'dl le plus court de dire qu'on n'en a aucune connoissance, & que ce ne sont que des extravagances, que les Rabins en ont avancées. Adramelec & Aname- lec pourroient avoir quelque rapport à ~Moloc Dieu des Ammonites. Grotius dit fort bien , que Adramelec vient de Adiï. Melee) potens Rex^tïc Anamelec de Anan-Melec nubes Regis, Comme donnant protection contre Moloc. Il croit aussi qu'Ahma estoit un Dieu en forme de Bouc C'est une allusion au terme Hebraïque.

Il en faut dire autant de Nisroch Dieu des Assyriens , que les Septante ont traduit Mesorach , & Asarach. Nous n'en avons nulle connoissance, non plus que de Rirnmon si ce n' dl: que Rimmon signifiant une Grenade , quelques- uns en ont conjecturé que c'estoit la Déesse Venus.

XXV Nebo dans Isaie est une Divinité , qui preside à la Prophetie selon S. Jerôme , qui n'en a point d'autre preuve que la signification de ce nom. Les vestiges du nom de ce Dieu paroissent dans Nabuchodonosor , Nabuzardan, Nabonitus, Nabonassar. Les Chaldéens estoient fort addonnez à la divination ; & Grotius dit avec assez d'ap-

flelifid.

sEthio. I.

10.

Xenoph.

cyrop. 1. S.

Grot. in l 4. Rej.

c. 17.

L. 4. Reg.

(.19.

lfti.C.tf.

L. 4.Rcg.

e - 15.

C. 48.

Grst. h If/ii. c- 48

carence, que c'estoit quelque ucvm, ou quelque Athologuedont ils avoient fait un Dieu.

Ahphlez,etb est le seul qui nous reste, & que S, Tcromc a traduit dans la Vulgate prillPIU. Les Septante ont traduit ,J/QJ> ®-, qui signifie une con.

jonction impure, &: xa/a/finç, qui signifie un lieu dcltiné à l'impudicité. Le nom Hebraïque de ce idemon vient de Phalats, d'où vient peut-estre le P h ail m & Itiphallus des Grecs & des Latins, dont l,i signification cft la mesme, que de Priapu. Ce terme Phalats signifie la terreur. Aussi Horace parlant de Priape, lui fait dire ces paroles: Deus inde ego, furum aviumque maxima formido.

XXVI. L'Auteur du II. Livre des Macchabées, pule du Temple de la Déesse Nanœa dans la Perse, ou le Roy Antiochus, qui y estoit venu pour le Iiller , fut mis a mort par les Prestres. Grotius re- marque, que S. Jerôme a dit, que c'estoit le Tem) le de Diane à Elymais, que ce Roy avoit voulu iller, se fondant sur Polybe & sur Diodore. Ta- scite a fait mention de la Diane des Perses dans ses Pumales. Joseph déclare que c'est la mesme qu'Artcmis, Cc Grotius ajoûte, que dans l'ancienne langue des Perses, qui n'avoit encore rien de comnun avec celle des Scythes, comme elle a prefencmcnt, d'où vient qu'elle approche si fort de la ~langue Allemande : Grotius , dis-je, ajoûte , que 1 is l'ancienne langue des Perfes , Nana signifie pere, & Nanaja mere. Or c'est la Terre que plusieurs nations ont appellé la mere commune.

infi Artemis , ou Diane seroit la mesme que la Terre, ce qui fera éclairci dans le livre mivant.

XXVII. Daniel fait mention du Dieu Maofeyn , que le Roy Antiochus fit honorer, quoi|c]U5il eût esté inconnu à ses Ancestres. Deum au- rem Maozim in loco fuo venerabitur ; Deum quem

Uj ; 11,

J. ;. Rtl.

C. IJ. V. IJ.

L. i. p"rlf,(.

C. Ji. v. 16.

C. I. ». I}.

In l.j.M/tci cub. c. 6.

r

L. 3.

C.ii. <y.j8.

3?-

ignoravermt patres ejus colet. C'estoit le Dieu de la guerre parmi les Pheniciens , & ce terme vient du mot Hebraïque uizaz., fortis, va/idm, fort & puissant. Grotius estime que c'est le Dieu Mars, que les Juifs appellent encore aujourd hui Modim , en prononçant le hayn, comme l'o , & changeant le xairt en dalcth , ce qui estoit ordinaire aux Chaldeens,

LIVRE SECOND DES DIEUX NATURELS ET des Dieux Historiques, ou Fabuleux, dont il est parlé dans l'Ecriture ôc dans les Poëtes.

Il a assez paru dans les livres precedens, que le premier détour qu'on donna au culte du vrai Dieu , fut en (c tournant vers les Astres , & vers les élemens , ou vers les plus grandes parties de la terre, comme les fleuves & les montagnes. On passa ensuite au culte des animaux, comme aux Symboles des Astres & des Constellations. Enfin on en vint au culte des hommes, dont on donna le nom aux Astres, pour faire aussi rejallir sur eux le culte qu'on rendoit à ces corps éclattans. Nous observerons dans ce livre la mesme fuite, & nous examinerons premierement les Dieux naturels, puis nous viendrons aux autres que la ~fable choisit entre les animaux, ou entre les hommes.

CHAPITRE I.

Le culte de la Nature & du Monde, ou de l'Ame du Monde, a esté le premier degré de l'Idolatrie par lequel on y est descendu, & le dernier par lequel on en est revenu.

1. L' homme efiant rxifonnable par sa naturo. 6- a/firvi aux feus par le pechi a necejfatpemtnt reconnu un vrai Vi'lI , sa l'A revefttt du torpi de ee monde , pour fo U remtire sensible. Ce fut le premier & le dernier degré de Cldtlatrie. Preuves tiréet de Virgile.

II. Autres preuves de varroit.

Ill. Nouvelles preuves de Virgile , qui fait Dieu l Ame & la vie untverfelle du monde.

1 V. Les Poètes niant fait de Dieu l'ame universelle du monde, ils ont fait des Anges les ames particulières du parties du monde. Preuves des Poètes.

V. VI. V 11. Nouvelles preuves des Poëtes.

V Hl. Combien ce fenttment approchoit de la erité.

Nouvelles preuves des Poëtes.

1 X. Combien il estoit aist de revenir à la verité, en nr donnant ni noms , ni figures à ces Genies, ©* d,rml qu'ils meuvent 6 gouvernent les parties dtverfes dit monde sans les animer.

X. Strabon veut que Jupiter fait Famé du monde.

X 1. Denys J' H lllicArnafft! veut , que ce foit Saturne.

XII. Macrobe veut que ce frnt le Soleil.

XI.1 J. X i V. Plut arque veut que ce foit isis , eu çer(!, X V. Apulée veut que ce foit la Lune.

XVI. D'autres Pan.

XVII. D'autres le Soleil XVIII. Ou plûtofi Jupiter.

XIX. Les Stoïciens croioient que Dieu est l'ame dt* Monde.

XX. Les juremtns solennels par tout les Dieux tenaoimt et me/me fin.

XXI. Combien il eût esté facile aux Gentils, de concevoir que Dieu gouvernoit ce monde, sans l'animer.

I.

N

OSTRE nature après le peché estant demeurée & raisonnable d'un costé, & de l'autre esclave des sens ; elle n'a pû ni se dépouiller de la creance

d'un premier principe, & d'une supreme Loi de verité & de justice , parce qu'elle est demeurée raisonnable : ni se degager si bien de la servitude des sens , qu'elle s'attachast à ce souverain Maistre de l'Univers , sans meslange d'aucune image corporelle. Pour s'accomoder à ses deux inclinations, elle s'est portée à regarder Dieu comme l'auteur, & en mesme temps comme l'ame de ce grand monde , afin de réunir en lui toutes les beautez intellectuelles, dont l'ame raisonnable ne pouvoit se passer & toutes Ieî beau*

tez corporelles, dont l'ame devenue charnelle par le peché, ne pouvait se détacher entièrement.

Lactance dit qu'Orphée le plus ancien des Poëtes a reconnu que Dieu estoit l'auteur de tout ce monde, composé des Dieux qui l'habitent, &des corps , qui sont leurs palais; quoi-qu'il se trompe en ce qu'il dit que ce mesme Dieu est le fils de l'Air. Cette erreur ne venoit, que de la d:fliLtJté de concevoir un pur cfprit sans corps. Cujus origimm atque naturam , quia concipere animo non pote- 'Y;?Í, ex i ère immenfo natum esse dixit ; vpu>lo7ov(& tpaéiuv '!'G'EIf"wu@- :ep@- vioç, III enim amplius quod diceret non hqbebtlt. Hune ait esse omnium Dea.

vurn parentem, quorum causa cœlum condidcrit, li- ber if que profpexerit , ut haberent habitaculum 3 sedemque communem. entetr aSa*aTo/ç êifjw èlfincv.

Voilà le premier dégré de la plus ancienne idolatrie , &c la plus pardonnable , s'il pouvoit y en avoir de pardonnable ; de revestir la Divinité supréme d'un corps, & du corps de ce monde. On ne tombe que par degrez. On ne se releve aussi que par degrez. Virgile pourra servir d'exemple, comme il est ensuite rapporté par Lactance, du mesme dégré d'idolâtrie , comme du dernier , par lequel on releva » & on revint à la connoissance du vrai Dieu. Nostrorum primus Maro non longe fuit à veritate, cujus de summo Deo , quem Spiriturn & Mentem nominavit , haec verba funt :

Principio Cœlum ac Terras çampofque liquentes Lucentemque glebum Lund , Tttaniaque afira Spiritns m tus alit, totamque infusa per artus r Mens agitat mot em f!¡"" magno se corpore misees.

Ac ne quis forte ignoret, quifnaht effet ille SpiJ-itus.

qm tantum haberet potejiatts t declaravit alto leco 4*cens : 7)eum narnque ire per omnes » traUufque rnrù # cmiumque profundiirn

L. 1. c. f.

ibïct.

Æneid: 1.6.

Hinc pecudes, arment a, viros 3 genia omne ferllrNIII.

Quemcjue fibi tenues nascentern arcessere vitas.

Quand Virgile parloit de la forte de la Divinité, & qu'il la consideroit, comme un Esprit & une Intelligence, Spirtttu , mens, qui penerroit & animoit tout le corps de ce grand Univers, il n'estoit pas loin de la verité, comme parle sagement La- ctance, non longe suit à veritate. Car il n'est pas vrai que Dieu soit l'ame de monde, quoi-qu'il en soit le createur, le moteur, & le maistre. Mais il est vrai que la premiere démarche qu'on faisoit en s'éloignant du vrai culte de Dieu, & la dernière avant que d'y r'entrer , estoit de croire qu'il en fut l'ame ; faute de pouvoir encore ou croire, ou comprendre un Esprit pur, & une intelligence sans corps motrice des corps. Ce que La chance dit en- core ailleurs excellemment bien, au sujet des mesmes vers de Virgile : CUjHS vim majtftAtemqu, qttoniam intelligere non potuerunt, mifeuerunt film rnundo , id est, operi suo. Vnde est illud Virgilianum,

Tétanique infHflt per 47tus Mens agitdt rnolem , & mctgno se eorpore tnifeet.

II. S. Augustin a parlé d'une maniere fort ap- prochante de Varron, qui condamnoit les Idoles, & estimoit que les Juifs avoient pris le meilleur parti, de les interdire absolument, puisqu'on ne peut raisonnablement mieux concevoir, ou rêve- rer la Divinité , qu'en la regardant comme l'ame du monde : Quapropter cum solos dicat animadvertisse quid eJlèt Deus, qui eurn crederent animam nlllndum gubernantem ; caftiufque existimat fine fimulacbris obfervari Religionem i quis non vi- deat , quantum propinquavetit veritati ? C'est s'ap- procher de la verité, mais ce n'est pas l'attein- dre, de dire qu'il est l'ame du monde : parce qu'il est le Créateur de l'ame, & non lame. D'HI vtrut

L. 7. c. 3.

De ira Dei.

c.) 1,

Civ. I. 4.

C.) 1.

non amma Jjed anima cfuoqm ejt effector C conditor.

III. Revenons à Virgile, & disons que c'est comme il faut entendre ce qu'il dit encore ailleurs en termes un peu plus couverts , en parlant de la secondité, que le Ciel donne à la terre par les rosées & les pluies,

Tum Pater Omnipotens f&cundk imbribus <ether, Conjugis in gremium laæ defiendtt, & omnes Magnus lit, magno commistus corpore , fœtus.

Car cc Ciel, ce Pere tout-puissant, cet auteur de la secondité de la nature qu'il penetre toute entiere, est ce mesme Esprit, qui est l'ame du monde , & la vie , qui donne la vie à tous les animaux. C'est ce qu'il vouloit dire dans ces paroles déja rapportées.

Hinc pecttJu) arment*, viros, genus omneferarum, Quemque fibi tenries nafeentem arcejfere vit as:

Sçavoir que la vie & l'ame de tous les animaux estoit une émanation de la vie Divine & de l'ame

universelle de ce monde , comme il avoit dit un peu auparavant des abeilles,

Effe api bus partem divina mentis , & haufius Æt hereoJ dixere

D'où enfin il conclut que toutes ces petites vies après la mort de ces animaux , se réplongeoient dans ce vaste Océan de vie d'où elles estoient sorties.

Scilicet hue veddi deirtdè rac resol ut a referri Omni a, nec morti effe locum , fed viva volare Sideris in numerum, atque alto succedere cédo.

Ce qu'il ne faut pas entendre dans les formalitez de l'Ecole , mais d'une maniere moins gesnée & plus libre, sans pousser la chose plus loin que ce qui a esté dit, que toutes ces vies font des écou- lemens & des participations de la vie Divine d'où elles émanent , & où elles rentrent , parce qu'elle est la, vie creatrice de toutes les vies ; com-

Georg. 1. i.

Georg. I. 4.

me Virgile l'a reconnu au mesme livre , faifanc Jupiter createur de toutes choses ,

iVunc age, naturas ajibus quas Jupiter tpje _slddidit, expediam.

IV. Les Poëtes principaux aiant une fois pen- sé que Dieu estoit lui-mesme l'ame du monde ; ils le sont ensuite facilement persuadez, que les Anges tutelaires de toutes les parties considerables du monde, en estoient aussi comme les ames. De- la vient que Virgile dit qu'Enée aiant vû le prodige d'une plante, dont le sang diftiloit, adreila.

sa priere aux Nymphes,

Aîulta tnovens animo, Nympbaé venerabar agreflu;

Et en un autre endroit Enéc aiant vû le lieu, ou Alphée & Arethuse se joignent, Narnina magni loci justi veneramur.* Et ailleurs aiant vû un serpent miraculeux , il douta si ce n'estoit point le Génie du lieu, ôc il lui facriha, Incertus Geniumne loci , ~&c. esse putet, C£dit quinaf de more bibentes. Et quand il revera tous les Genies de l'Italie , où il se reconnut enfin arrivé par les foins de la providence 6c du destin

Geniumque loci, prtmamque 'T>eorum Tellurern, Nymphafque , & adhuc ignota prccatur Flumina, turn noftem, notlifaite Orient ta jignx.

Et quand il confirma son traitté avec Turnus par un serment solennel,

E fio nunc Sol teflis , & bac mihi Terra precanti 3 Et Pater Omnipotent & tu Saturnia Juno, Fontefque , fluviofiJuc voco, quæq"c Atheris alti - Religio; & quæ Ctfruleo funt nzrnina ponto.

il est visible que ces manières generales d'invoquer les Dieux supposent qu' on estoit persuadé, que toutes ces parties de l'Univers estoient animées de ces genies , ou de ces intelligences, qui participoient toutes de la Divinité, & estoient en parfai-

JE/iept. l.

Lj-

L 7.

t 11.

ce correspondance entre elles, & avec ce premier &. louverain Dieu, qui est l'ame universelle du monde, l'Ame des Ames & des Esprits : V. Horace promet un sacrifice à une belle sontaine , c'est-à-dire , au génie garde de la fontaine, O fons Blandufiæ, splendidior vitro, Cras donaberis hado.

Il consacre ailleurs un Pin à Diane , comme à la Déesse tutclaire des bois & des montagnes: Montium euftos > netnomrncjue Virgo. Martial dédie un de ses livres à la Nymphe Reine d'un lac : Nympha sacri Regina lacus. On pourroit entasser un grand nombre d'autres exemples semblables. Mais en voilà assez pour faire comprendre, que comme Ladance & S. Augustin ont dit, que bien que ce ne fut pas atteindre tout-à-fait la vérité, c'é- toit pourtant en approcher beaucoup, de dire que Dieu estoit l' Ame de ce grand monde : on peut dire aussi que c'est beaucoup avoir approché de la verité de la nature des Anges, de reconnoistre que ce font les genies & comme les Ames des natures particulières , qui composent ce grand monde. Ce feroit avoir découvert la vérité , de dire, que ce sont les administrateurs & les moleurs de ces parties illustres de l'Univers, quoi- qu'ils n'en soient pas les Ames : mais c'est un dé- gré de connoissance digne de quelque admirarion, d'avoir consideré tout ce monde comme gou- verné, non feulement par une Divinité fouverai- ne, mais par une infinité d'intelligences inférieu[CS, qui font que tout ce monde corporel est encore plus rempli & plus noblement peuplé d'intelligences, que de corps. C'est un sujet digne de quelque admiration , que si les hommes ont rendu honneur aux natures corporelles, ç'a esté par rapport aux natures intelligentes , qui en estoient les Rei- nes. Le crime inexcusable a esie d'avoir sacrifié

L.)-Ode. 13.

1 bide tu.

Odt. ix,

L.$. E}t £ r.

59-

à ces intelligences inferieures pour ne les avoir p.

allez distinguées de l'intelligence supréme.

V I. Homere estoit dans ces mesmes sentimens, puisqu'il nous fait voir Agamemnon baiser la terre, des cjil il fut de retour en sa patrie ; Gaudens conscendit in ftatiutm terram, Gr osoulabatur ait tu* gens fitam patriam. Ulysse en fit autant abordant à Ithaque, mais en baisant la terre , il ne voir par la priere qu'il fit aux Nymphes, qu'il la regarçioic comme jointe à une l'intelligence quila gou- vernoit Gandens osculatus est VLysses almum tellurem, sfatim autem Nymphis supplicavit manibus sublatis, pjympba Naïades filiæ jovis , nunquam ego videre vos dicebam: nunc vocibus lætis salvete , v:'" dontt dabimus &c.

Et ailleurs encore : NJmphlf fontanæ, silis lovis.

Ce Jupiter est l'Ame du grand monde , ses filles font ces intelligences qui gouvernent fous ces Astres ces belles parties du monde VII. Dans la Medée d'Euripide, Medée fait jurer Egée par la Terre , par le Soleil, ôc par tous les Dieux : Furo terram, G7* splendidum lu- men Salis, & omnes T)for. Et elle mesme un peu plus bas, 0 Jupiter, vindiiia Jovis , & Lumen Salis, c.. Fo terra, & omnia illustrans radius So- Lü, aspicite, videte, &c. Et ailleurs le mesme Euripide, O Ccres , tutelaris Dea terra hujus Eleusinis.

Eschyle a fait de semblables prieres : Ego vero re- gionis patronis Diis, Paganisque & fori speculatoribus » Dircæque fantibus noveo Tauros, ~&c. Et plus bas, Deûç Vf notes , E.;ç ynezûrti invocat patrid terrœ. La mer n'estait pas moins peuplée de ces Divinisez subalternes que la terre , selon qu'Euripido nous en represente la multitude dans cette priere :

Et adQYl&viÎ intMfnJ) O marin a Leucothoa fili, na'liium euftos s 0 Domine PaUmon , fis pobis prapitins, Jivt in Linore efdetis, vos Gemini ; fivt Nerei

adyff. 1. 4.

ib. 1. jj.

1.17

Suppliees: Septem ad ThrblU.

Iphil. in Tauris.

çhara propago, qui generosum lenuit quinquaginta Nereidum chorum.

VIII. C'est donc une verité constante parmi la plusupart des Poëtes Grecs & Latins , que les anciennes Divinitez de la fable , n'ont esté que f l'Ame universelle du monde, qui estoit le Grand Dieu , & les Ames particulieres) ou les genies des grandes parties du monde, qui estoient com- r me les ministres de l'Ame universelle , en quoi il y a peut-estre quelque-sujet d'admirer , qu'ils ¡. aient tant approché de la vérité, & il y a à deplorer, qu'ils se soient si étrangement éloignez de la ju- Itice, en ne distinguant pas assez la souveraine Di- ; vinité, à laquelle feule le sacrifice est deu; d'avec les Divinitez inferieures, à qui on ne peut rendre que de moindres honneurs. Je finirai par Ovide t qui a heureusement exprimé, comme ce ! culte des creatures corporelles, ne regardoit en J elles , que les natures intelligentes , qu'on y i croioit attachées, & qu'on pouvoit croire en estre } les reines, les directrices, les motrices & les tu- 11 telaires. Parlant du fleuve Penée,

I Ha domm, hd sedes, hdcfmt pénétrait* magm I jirnnû jn hoc residens fitfto de cautibm antro, i Yndis jura dabat, Nymphifque colentibus un dos.

Et ailleurs , Planxen Sorores i JSIaidejy & sectos fratri posuere capillos.

| Planxere & Dryades. Et encore ailleurs, i' Naiadum » Forunine foret tamen ara, rogabam, 1. Undigenœ ne Dei. Et encore ailleurs,

r Rege sub bac Pomona fuit, qua nnila Latinas S Intcr Hamadriadas coluit folertius hortol.

l. Nec fuit arborei fiudiofîor altéra fœtus »

Fhdt tfllet xomen. Voilà pour les Dieux tuteIiirts des eaux, des jardins, des fruits , & des arbres; En voici d'autres pour les montagnes 2c les forêts ;

Metam.l.'!.

-y sis-

L.). v.fej.

L é. v'3'-S.

L. r.¡.,"'II.

6x3.

Fe !!Jjd non & Satyri faltatibxs apt* juvcxtuS Fecere, c;,- pinu pmcinUi cornua Panes, SilvAHHfque futé semper juvenihor mmú,

Qui que Dem sur es, vel falçe ^vsL inguine terrer Et dans les Faftcs, Tum Ntttna, Dij nemorurn faElis ignofiite nostris Si (j"c. Q^natiens cornua Fauns ait, Magna petis, net: quæ monine ttbi difcere nejho F as fit, habent fines Nuni in a nojira suor.

fDÏ) fiitnm agrejles , & qui domitumur in aiiis Mont ib us, arbitrium eg in fna tela lovi. Et

encore ailleurs parlant des genies, gardes & tutelaires des fleurs, des vents, des heures & des graces,

Choril tram, qtie Flora vocor, ccrrupta Latin9 Notninis eïl ntïiri litttra GrJcca fono.

Ver erat, errllbam, Zephyrus confpexit, &c.

Et el ede rat f e.tri jBoreas jus omne rlptf1æ. &c.

Conveniunt pillis tncinlla vefiibw Horœ Inque lèves calatbos rnunera no/ha Legunt.

Frottntts arripiunt Chantes , nelluntque coronas, Sertaque cale (les implicitura comas.

IX. Avant que de passer plus outre , il sera bon de remarquer ici deux fautes principales qu'on fit dans la fuite des temps, en consequence de la premiere qu'on avoit faite, en prenant Dieu & ses Anges pour les ames de l'Univers & de ses parties. La premiere fut de donner des noms particuliers à ces Genies, l'autre fut de leur attri- buer une figure, des Symboles, & des Idoles.

Nous avons vu, que le premier usage avoit esté de reverer les Dieux, ou les Anges, sans aucune distinction de noms, les Egyptiens aiant les premiers inventé ces noms divers & les aiant communiquez aux autres nations. Ils formèrent aussi les premiers des Symboles & des images, ou des statues conformes à ces Symboles, ce qui acheva

J~.T;.

L j. v. 310.

1.1. v 15;.

de jetter les hommes dans l'Idolatrie; dans laquelle on estoit bien moins engagé, quand on respectoit en general les genies conservateurs S< -adminiar:lteu:s des parties diverses de ce monde, ions les ordres d'une souveraine providence, sans leur donner ni des noms propres, ni des figures sensibles. C'est comme l'Ecriture divine en usa, nous representant tout ce monde corporel rempli & gouverné par des natures Angeliques sans leur donner ni des noms , ni des figures corporelles. Ces noms & ces figures qui ont esté en usage entre les payens 3 aiant eu necessairement beaucoup de rapport avec les natures corporelles , ont enfin jetté les hommes grossiers dans cette extremité de folie , de confondre les genies avec les corps, & kie rendre les honneurs divins à ces corps, qui pftoient soûmis à leur gouvernement.

X. Je passerai aux historiens après avoir rapporté ces vers de Manilius sur ce mesme sujet,

I Fivere munâum , Et rtttionis agi motu , cum Spiritus nnui Ver cuntlas habitet partes, atque irriget orbem Omnia pervolitans, corpujque animale figurer.-

C'estoit évidemment le sentiment des Perses, & ies nations voisines; qui les imitoient, & qui ivoient peu de communication avec les Egyptiens.

IVoici ce que Strabon dit des Perses après Herodote: Vœlum Joverrt putant. Colunt Solem * quem Mitram ocant. Item Lunam ,& Venerem; & Ignem & Wellurem , & Ventos & Aquam. Comme s'il disoit, qu'ils adoroient toute la nature en général, tous le nom de Jupiter, & toutes les parties de la kature en particulier fous divers noms, ou sans jioms particuliers.

tXl. Denys d'Halicarnasse parlant de l'Italie, It ce qui se peut appliquer à la plus part des étions du monde ancien : Nil igitur mirfJln) se

Ajl y on. L. 1.

L.

antiqui Saturno sacram putaverunt hanc terram, num hoc rati ornnem homimbus felicitatem plenè largir sive is Chronus est, ut Græci, five Cronus ut Roma volunt; totam certè mundi naturam complexus, tttr cunque eum nomines vocabulo. Videntesque régione hanc resertam esse omni opulentia & gratia, eu] studiosum est gtntti humanum : & æquum jitdtcam divino & mortali generi, qux cuique convenient iss ma essent loca, osserri , ac dedicari : montes (:;!,., ?> mora Pani, Nymphis prata cy loca virentia, lit~ f*T in fui as marinis Numimbm, & in c£terÙ ~itt quidqutd cuique familiare est, vel Dea, vel Dæmv; On ne pouvoit rien dire de plus juste , sur tout ce qui regarde Saturne , dont le nom Grec mser signifie le temps, & toutes les natures tem pore les, ainsi c'est comme l'amc du monde, qui re £ tous ses mouvemens, dont l'étenduë &c la mclu est le temps mesme.

XII. Macrobe n'est pas tout-à-fait de l'avis cet historien , pour le nom Grec de Saturn mais quant au sujet que nous traitons, il est a solument dans les mesmes sentimens, ~confonds Saturne avec le Soleil, avec le temps, & ~a\

toute la nature. Saturnus ipse qui author est temi rum , 6"" Idco à Grttcù immutata litera K c-d , qu xd.'o; vocatur, quid aliud nisi Sol intelligendus ej Cum tradatur ordo elementorum, temporum ~numt fitate distinctus, luce patefastus , nexns æternit cenduBus , vifione discretus, quI. ornnia actum ~Si ostendunt.

XIII. Ceres parmi les Grecs, & Isis par les Egyptiens, n'estoit autre chose que la nati Universelle du Monde. S. Clement ~d'Alexand parlant des Mysteres de Ceres, ou ~d'Eleuiir

Myfteria verfantur circa univcrjum. Non ampl éifiwdum est t fed infPiciend" & animo compreb denda est natura : Et Seneque, Eleusis ifrvat y qt

Lib. I. pAge 30.

xvj''sx çjm.

L.1. Satur.

c. it-

strom. 1 s.

fîendœt rcvtjenttbus. Rerum natura sacra sua non Jenel tradit. Et ailleurs, Hæc: ejus mitiamenta fitnt, et qitt non municipale sa cru m , fed ingens omnium Dcorum tcrnplttm, Alundus ijie référâtur.

XIV. Pour liis Plutarque déclaré fort au long que ce n' estoit que la vertu seconde & comme ma ternelle de la nature. Est enim Isis naturœ pars ca, r sf, qttaJi fcevnnea,, & susceptrix omnis generationis, Te. Fade a Tlritom vocatur nutrix, & omnium Xïnm fufceprnx , & à plerisque mille habens nomina, Iocl a sarbo fht Ratione versa, omnes formas suscinar e" fpcciss.

X V. Apulée fait parler la Lune en telle sore, qu'elle se dit estre non feulement Isis, Ceres, Minerve, Cybele, Venus, mais aussi la nature universelle qui renferme en elle feule toutes ces Divinitez, qui n'en font plus qu'une. En adsum

n is commota, Luci, prccibm, rentrn natura parais, lementorum domina omnium, sæculorum pregenies nilialis , summa numinum, Regina Marium, primæ dhtum , Deorum Dearumque facies uniformis ; cjHd æli luminosa culmina, maris salubria stamina, tn:erortt?n déplorât a f'entia nutibus meis dispenso. Cum mt'<ncn unicitrn multifo 'mi specie 5 rituvario, nomine multijugo totus veneratur Orbis. Me primige.

ij Phryges Pessinuntiam Deûm matrem nominant.

Hinc autochtbones AtÚcÍ Cecropiam Minervam. Il- inc stuctuantes Cypri Paphiam Venerem : Cretes fait tiferi Dictynnam Dianam : Siculi trilingues Sty- tam Proserpinam : Eleusini vetuStam Deum Cererem : unonem alij, alij Bellonam, alij Hecatem, Rham- 'ji(ITn alij. Et qui nascentis Dei Solis ineboantibus a dus illustrantur Æthiopes, ceremoniis me prorsus ropms percolentes , appellant verò nomine Reginam ':::iem. Il ne se peut rien dire, ni de plus évident, 1 de plus formel, pour faire connoistre, que tou- E £ ces diverses Divinitez , n'estoient differentes

X.iti-ra't. 7.

f. J !.

Epi si 9.

L. de \fiii.

flOQiâtV Uui.

Metamcr.

t. 11.

que de nom , qu'au tond elles n'en faisoient qu'un dans l'esprit des plus sçavans, & que c'estoit tou- te la nature qui estoit cette Déesse unique, à qu on donnoit tous ces noms differens, selon ses diverses parties, & sélon ses diverfesfonctions. Cai comme tout ce monde n'est qu'un, quoi-qu'il loii com posé de pluficurs grand es parties, dont cha- cune peut palier pour un monde entier, il en estois de meime des ames & des Divinitez , qui ani- moient & qui gouvernoient toutes ces grandes parties de l'univers.

XVI. On en peut dire autant de Pan, dont le nom mclme signifie l'univers. Aussi Denys d Ha licarnafle dit, que c'estoit félon l'opinion des Arendiens le premier & le plus ancien des Dieux.

yjrcadibus Deowm antiquijjimum & præJlantiffimtlrn Pana. C'cft aussi l'avis de Cornutus, ou Phurnu- tus ; Talem & cffe Pana. Siqnidcm idem est ac uni.

versum.

XVII. On en peut dire autant du Soleil, fous le nom duquel on reveroit tous les autres Dieux & toute la nature , félon Macrobe , qui cite pour cela Orphée :

Inclyte Jupiter "ht on y fit, pater maris, pater terrtt i Sol omnium genitor, omnivarie , aura radians. *

Ovide fait une defeription de Janus, qui peut le faire palier pour toute la nature. - 1

Quidquid u bique vides :coelurn mare, nubila, terras^ 01tJni funt noflrâ cl au sa patentque manu. i Me penes cft unum vafti euflodia mundi. J

X VIII. 1 Le mesme Cornutus, ou Phurnu- tus disoit nettement, que Jupiter estoit l'Ame du monde : Quemadrnodum nos per animam sumus, quòd sumus ; ita & mundus animarn se continentem habet, & hdlC VOCAtwl Jupiter. Mais Soranus disoit la cho- se bien plus fortement, & Varron entroit dans sa pensée selon S. Augustin, dont voici les termes : -' t - ,t

"1(<<,.

9

L. x.

saturn. I.i.

L, zj.

Ttft.l. i.

Voss. I. 7.

c S-

n banc sententiam etiam qttofdam verjus raient Soam exponit idem Varro, in eo libro y quem feorfam 1 pfi fui h b ijtis de cultu'DcoTdh'i scripsit. Quiverfus hi fùnt > Jupiter ornnipo'ens > Regurn , rerumque Deumque .t,urn , reritm q tte Dett.,i: q ue VrogenitaY,geniirixqiie Deum-''Deusmus & Olnnu.

ïxpanuntur autem in codem libro, ita ut eum rnarem xi ilirnatet, qui [eh un c mit ter et ,fœm inamque qua acci<i y ci : Jove?uque esse rnundmn ; & eum omnia fermntt x se emittere , 0 in se recipere. Quâ causâ , inquit o,amt.r , Jupiter p agcnitor , genitrixque. nec minus mil c au fit nnum 6" idem omnia esse. Alundus enim mus , £ 7 in co wûo omnia ifunt.

XIX. C' estoit au fond la Philosophie des Stoï;iens, dont Ciceron a exprimé les sentimens en ces termes : Nec m agis app obabitnnnc lucere, quam

yioniam Stoicus cft, hunc mundum esse sapientem, ■jubere mentem >qu £ Cï" se & ipsum fabricata Jtt 3 & ?/ti'Jia moderetur > moveat , regat. Erit persuasum t i.w'J Solem, Lunam , Stellas omnès, terram, mar , Deos effe, qu'ad quœdam animalis intelligentia per omnia capermeet , & transeat. C'est-à-dire , qu'au- Mnt que les hommes sont persuadez qu'il est jour ^uand le Soleil éclaire , autant les Stoïciens 1 é:oient, que le monde a une ame pleine de sagesse qui l'a L;¡: & qui le gouverne ; & que les Astres 5c les élemens sont penetrez de cette mesme Ame.

Dio^cne Laêrce dit que Zenon enseignoit, que

Ictte Ame universelle s'appelloit Sioç, parce que l'eit par elle que tout se fait: J'i'a, J'/o'v ni -ni-™.

ll' elle s'appelloit Ç>r. parce qu'elle donne vie à lltes choses ; ï'»/ï parce que son Empire s'étend ;,l1S les Cieux qu'on appelle Æthcr.., ou Ju- non , parce qu'il s'étend dans l'air ; Jiyais-fy 3 ou Wvlcain j -n-c^Wwx, ou Neptune, &: £ *(**}ejt, ou la terre parce qu' el le remplit l'air , la mer & la erre.

X X. C'est enfin en ce sens qu'il faut enten-

Civit. L 7.

c 9.

Acad.

qu&Jt. I. 4.

L. 7.

dre le serment, que fit Annibal pour confirmer le traitté qu'il faisoit avec l'Ambassadeur de Philippe Roi de Macedoine. Ce ne feroit à moins de cela qu'un galimathias , mais c'est veritablement un formulaire concerté sur cette idée de la Divinité , comme d'une ame répanduë dans toute la nature , & dans toutes ses parties, gardant par tout la majesté d'une nature intelligente & Divivine. Et est afdits hoc ictum coram love & Iumne, atque Appolline ; coram Dea Carthaginensium , Hercule & JOIAO } item coram Marte, Tritone. Neptuno ; coram Diis expeditionis comitibus; Sole etiam, Lu na & tellure, coram lfavis , pratis , aquis ; coram omnibus Diis , qui Carthaginem imperio tenent ; co ram DiÙ univèrJÙ qui Macedoniam Gr reliquam terram Græciam imperto fm obtinent; coram Ùiis omni- bus prœsidibus rei beltlcæ 3 qui huic sanciendo fœderi presentes interveniunt.

XXI. Nous finirons en disant que toute cette doctrine des Payens tk des Poëtes, 'cllt pû non feulement approcher de la verité, mais lui estre- entierement conforme, s'ils eussent voulu confi- erer, que comme ces Genies presidoient aux ex- peditions militaires & aux traitez de paix, par une simple assistance exterieure : ils pouvoient aussi presider à toutes les diverses parties de la nature l sans les animer; & que la supréme Divinité devoit estre encore bien plus incapable de cette fer:: vitude , que l'Ame ne peut éviter à l'égard du corps qu'elle anime.

Tolybim.

I. 7.

CHAPITRE II.

Du culte du Ciel , de Saturne , & de Jupiter.

Ce n'estoit que le culte de la nature, fous divers noms.

T. Som le nom du Ciel on honoroit tout le monde visible.

Pvient le nom de ';e:)LIo;.

1 1. D'ou vient le n-om de Æthrr. C'ejl le mesme que fyC;.

t'ejlo't le culte de Itpittr.

III. -Explication pbyfiqtie de toute la fable de Saturne, "'NJi':ée ait Ciel, ientimins de Macrobe.

1 V. Et de V.irron rapporté par S. Augustin.

Y. S. Augiiftin ne réfuté ces explications, que parce qu'on f.irrefloit à des corps.

VI. Preuves que l'Idolâtrie commença par la culte des '/■ : rs Laci iv.ee. les atitres ffa- , VII. s. Auguflin cor.feffe} que Varron 6a les autres ffabÍH de la gemunê confineraient principalement les intelli\.-:ces immot telles , q:ù gouvernent ce monde, fous Us OrteVe; de la fnprêzve intelligence.

I VIII. Preuves de cela tirées de S. Attguflin, de Varron 3 c" de Soranv.i.

IX. C omÍ.Jlei il cfi aisé de ramener ce sentiment à la !liCi'!te, ueritez im p ortantes , qu'on peut r X. Ablrcçï de plupcurs veritez importantes , qu'on peut tirer de ce qui a essé dit sur ce sujet.

I.

L

E Ciel, Cœ[uJ) ou Cœlum , que les Grecs ont appelle , ou de ôséw , video

voir : ou de THebreu Or, iucere , luire *, ou de Dur, tirere, brusler , enHammer, d'où les Latins ont fait aussi Aurora: le Ciel, dis-je a esté un des premiers objets du faux culte, & on le frenoit pour toute la nature , qu'il contient, d'ou vient Iqu on lui donnoitaufll le nom de Jupiter : comme lfi Jupiter eût esté l'âme , & le Ciel le corps de ce (grand Univers. C'estoit la pensée d'Ennius, quand Million, Afpice hoc /Ùblirne cmdens, quem invo-

In Thytfle.

cant omnes lovem. Phurnutus fait venir !!'y;ç dl veeç , c'est-à-dire garde & conservateur, parci que les Cieux& les Astres furent les premiers fau: Dieux qu'on honora , comme les conservateur du monde. Aussi cet auteur dit qu'on les appell.

6e;ç , à cause de leur iîtuation dans le Ciel. îàreT*< htetuç. Le nom Grec d'Astres, lignifie aussi, qu'il: ne s'arrestent jamais. 4 X I. Axber a la mefmc lignification, &c vient de àihyuroy ainsi ç'est le mesme que Uranus., f1 Uranus vient de Chaldaïque ur, tgnis. C'd1: peut- cftre pour cela qu'on lènommoit aussi fyk* Jupi- ter, parce que (ek , vient aussi de re«, efrveo : Or Virgile nous a déja appris dans le Chapitre précédant , que ce qu'on nommoit Altber» ou le Ciel, estoit le Pere, & l'Ame de toute la nature.

Tum Pater omnipot ens afcundis imbribuô Æthcr, Conjups in gnmiUrn Ut a defeendit > & ornnef Magnw alit magno commiflw corpore fdtm. -

Ces idées & ces expressions de Virgile sont fort probablement empruntées d'Euripide & d'Eschyle, dont Athcnéc rapporte ces paroles , qui expriment excellemment les amours du Ciel & de la terre ; cette fécondité venant du Ciel par les pluies à l'instigation de Venus, c'est-à-dire de cet amour, qui elt répandu dans toute la nature, & qui en fait' naistre çant d'admirables productions. Voici les termes d'Euripide : Amat imbrem telhts » cttrn humus arida ,JijHaloreqHe frertlis kumore indiget. Cœ- lurn autem venerandum fatiatum plu via , Venere il- Uftum , labi i11 terrain cupit. In unttm vero ambo envi permifeentux, nobtt gencrant simul & nutriunt ornnia, qui bu s viget & vivit humamim genus. Ff- chyle fait parler Venus mesme, & lui fait avancer le mesme sentiment : Terram penetrare liquidam Cælum peroptat , &- terra frui illú nuptiis. !

puro Cælo lœpfa phtyja terram fMandat, ut pariai

G cor g. I. i

uiiben. l.jy c. j.

jnoYfAÎibw pecudum pafccntium Cereales [rllges.

Humidis ht s tpfts nuptiis pulchritudo arborant per- ficitur. Homm omnium ego causa & anthor film..

b Nous avons dit aussi dans le Chapitre prece- [ dent, que les Persans nommoient le Ciel Jupiter, felon Herodote , Omnern CæLi gyrum vocantes lo- vem : & félon Strabon , Cælum exiftimrtmes Iovem.

Diodore de Sicile dit aussi que les Ethiopiens de l'Orient, ad oroieii t le Ciel, &: tout ce qu'il contient, le Soleil & tous les Astres : Pro Div colttnt primo Cælum, quod omnia continet; deinde Solem & cun- aa denique cæ/eftia. Phurnutus tire le nom de fÇ) JI;C;, de oIu', qui signifie arroser. Ce qui peut convenir au Ciel ce à l'ame du monde.

1 111. Il n' est pas difficile de deviner , pourquoi on dit que le Ciel estoit le pere de Saturne, ou de Chronos ; puifqu'il est évident que ce font les mouvemens celestes qui font & mesurent la durée des temps. Que h l'on dit que Saturne a fini la fécondité de Ion pere Celus, c'est parce qu'avec le temp s la fécondité du Cid a celle de produire de nouveaux estres ; laiilant à Venus la propagation & la multiplication des animaux une fois formez; étuffi feint-on que Venus est née de la mutilation du Ciel. Macrobe a exposé toutes ces raisons dans un seul endroit, que j'ay creu ne devoir pas obmettre , pour faire voir les interprétations physiques des fables des Poètes. Est porr'o - idem ;l..e9' x..e9¡{'. Saturnnm enim in quantum Mythici ftûionibus dtjlrahunt , in tantum physici in ejuandam verijimi/itltdinrm revocant. HUilc ainnt abcidijfe Cæli patris pudenda ; quibus in mare P,.ojfUis. Venerem procréâtam } quœ à [puma undc coilluit, m nomen accepit. Ex quo intelligi io- /,unt, cum Chaos effet, tempora non fiÚjJe. Siquidcm ternpus est certa dimensio , cptx ex cæLi conveïfionc ColUgitur, t ernpus capit inde. Ah ipso natus put mur k ittly, teîn p t

L. i.

L. 16.

L. J. p;Jg 141.

Sattlrn.l.1.; c. 8.

xr/¡.S'y, qui ut diximus, ¡¿y, est. CumquefeminA n'rum omnium posi c&lum gignendarum de cæ/o jlue- r,'nt'; & elementa univerfa, qltæ mundo plenitudmtm facennt, ex illis fcmintbus funderentur; ubi mundus Qm 'm bus fuu part t bus membrtfque perfcctus efi, certo jam icmpore finis sa [tu s efi procedçndi de cdo fe- mina ad elementorum conceptionem. Quippe qru, jam plena fuerant procréa ta. Ad animalium vero œternam propagarionem , ad Venerem generandi facultés ex hnmore tran fia ta efi, ut per coitum maris ftminæque cuntï-1 deinccps gignrrentur. Propter abctjjionis pu- dexdorurn fabutain', etiam nofin eum Satumum voçitaria.t ; -2-¿;' TÙ., OaTllV , CJuæ membrum virile declarat, veluti Sathymnum , unde ctiam Satyros veluti SatymnoJ, quod Jint in libidinem proni, appcllatos op in an tur. Falcem ei quidem putant atiriA bittam , quod tempUJ omnia mutet, exfècet CY incidat. Hune aittnt filios suos folitum devorarc , eof- demque rursus cvomere, per quod si militer figmfcatur eum tempus effe t a quo vicibus cunila gignan- tur , abjùrnanturque, & ex eo denuo renàfcantur.

Eundemque k filio pulsum quid ahud cft, quam tem.

pora fenrftentia, ab his qllæ posi funt nata depclli i finttum autem > quod certa lege nature conncxa sint tempora; vel quod omnes fruges quibusdam vmculu nodifque alternentur, Nam & falcem volunt fabula in Siciliam cecidijfe, quod fit terra isia vel maximi fertilis. On n'a pas crû devoir omettre une expli- cation de toute la fable de Saturne , si digne d'un aussi sçavant homme, & d'un aulIi grand philosophe qu'estoit Macrobe.

IV. Varron que S. Auguflin confère avoir esté consommé en toutes fortes de fcienccs humaines, donnoit à peu prés les mesmes explication; à toute l'histoire de Saturne. Voici ce que S. Augustin mefmc en rapporte : Satumum, inquit, di xerunt, qu £ nata ex eu tjfcgt foliium devorare ; quoâ to flrtlitl" un de nafèçrçntltr. redirent. Et quod M

pro love gleba objecta est devoranda significat , inquit.

manibus humanis obrui cæptas serendo [ruges, an- tequam militas arandi effet inventa. & c. Falcem habet , inquit, propter agriculturam. Ó. c. Deindè ideo dicit à quibusdam pueros ei solitos immolari, fient a Penis : & à quibusdam etiam majores sicut à Gallis , quia omnium semiman optimum est genus h te i.,j a num. Qund C&lttrn > inquit, patn?n Satraits castrasse in febulis dicitur, boc significat, pe- nes StfltUrmlm, non penes C æ/um semen esse divinum ; hoc proptereà quantum intelligi datur, quia nihil in Calo de deminibus nascitur. Voilà les sentimens & les explications du plus docte des Romains sur la fable de Saturne.

V. S. Augustin après en avoir fait le recit l'avoit refutéc, parce qu'il écrivoit en un temps, où les Payens estoient encore attachez au culte im- pie de ces Divinitez fabuleuses. Ainsi il falloit tout mettre en oeavre , pour les convaincre & les détromper. Mais l'état des choses est presentement bien différent, la presence de la verité incarnée aiant dissipé tous ces phantosmes de l'idolatrie, & ne nous aiant Iaissé , que la satisfaction de considerer les vains amusemens, dont les plus doctes se repaissoient autrefois. Car comme S.

Augustin remarque au mesme endroit, d'exposer de la sorte, ou l'histoire naturelle , ou la fable, de Saturne , c'estoit toûjours s'arrester à des créa- tures passageres & changeantes , au lieu de tendre à un bien souverain, éternel, & immuable. Hoc potins advertamus atqitc teneamus » has interpretationes non referri ad verum Deam , vivam, incorporearn, immut abilemque naturam ; à quo vit a in Aternnm beata poscenda est ; fed earum esse fines in rebus corpo.

ralibus, temporalibru, mutabilibns > atque mortalibus.

VI Mais quant à l'autre reflexion , que saint Augustin fait au mesme endroit, sçavoir que quel-

Ctv. 1.7.

c. 1*.

que sçavant & ingénieux que fut Varron, il 111 pû donner de sages explications à des fables si extravagantes ; Sed quid faciant homines , qui cum res stultas interpretamur, non inveniunt quid sapienter dicant ? Il ne faut pas croire que ce Pere soit contraire à lui-mesme , ni qu'il prétende nier, que le culte profane des fausses Divinitez n'ait commencé par la nature & par les, Astres. Il l'a confessé lui-mesme , & c'est le sentiment commun des autres Peres, aussi-bien que des Ecrivains pro- à fanes. Lactance nous l'a déjà dit, & il le dit encore plus clairement ailleurs , quand il parle de Cham & de Chanaan qui furent maudits par Noé : & n'aiant pas appris de lui la veritable Religion, donnerent commencement à l'idolatrie. Hæc fuit prima gens que Deum ignoravit; quoniam Princeps ejus & conditor cultum Tyù à Patre non accepit, maledictus ab eo, atque ignorantiam Divinitatis minoribus suis reliquit. Cham habita dans l'Egypte, & ce furent les Egyptiens qui s'appliquèrent fortement à la connoissance des Astres - parce que le Ciel est toûjours ferain en Egypte, & que dans ces premiers commencemens, n aiant point encore de maisons, on avoit une plus grande liberté de contempler les Cieux. Ce furent aussi les Egyp- tiens qui donnèrent le plus de cours à l'adoration des Astres , en quoi ils furent suivis par les autres nations. Sed omnium primi, qui Ægyptum oc- cupaverunt, cælestia suspicere , atque adorare cœperunt.

Et quia nequt domiciliis tegebantur,propter aëris qua- litatem nec ullis in ea Regione nubibus subtexitur Cœlum, cursus syderum & defectus notaverunt, dum ea (æpè venerantes, curiosiùs atque liberiùs intueren- tur. Posteà deindè portentificas animalium figuras quat colerent commenti sunt, quibusdam prodigiis indutli.

quorum mox autbores aperiemus. Cæteri autem q11' per terram dispersi suerunt, admirantes elementa mon-

1.1. ç. 13.

i , Cœlum » Solem, terram , mare fine ullis ima- jk till'brU ac templis venerabantur, & his sacrificia in perto celebrabant i donec processu temporum poren.

ifimis Regibus templa simulacbra secerunt, eaque victimis & odoribus colere instituerunt.

VII. Voilà le progrés de l'idolatrie. Elle 2 ommencé par les Cieux & les Astres. Elle est ensuite descenduë au culte des animaux. Enfin elle est portée à reverer les Rois, comme des Dieux.

1 ne faut donc pas trop décrier le foin que les çavans ont pris, de ramener les fables à l histoire le la nature ; puisqu'il est certain , que c'est par a contem plation & le culte des Cieux, des Astres, es Elemens & de toute la nature, que les homnes ont commencé de donner cours & à l'idola- ric, tk à la fable. On n'est pas monté des fables nx Astres, mais on est descendu des Astres aux a bles. S. Augustin reconnoît lui-mesme, que les a yens un peu éclairez consideroient bien moins es corps celestes , ou les elemens, que les intelli- gences & les ames, dont toutes les parties du nonde sont remplies. Dicit Varro Deum se arbi- rari animam mundi, & hune ipsum mundum esse Deum. Summum esse athera, secundum aéra, tertiam quam, insîmam terram. Quas omnes quatuor partes animarum esse plenas ; in athere & aëre immortahiim, in aqua & terra monalium. A summo autem circuitu cæli usque ad circulum Lunæ æthereas animas tjfe Astra, ac Stellas, eosque cælestes Deos, non mo- do intelligi esse , sed etiam videri. Inter Lund?, verò gyrum & nimborum & ventorum cacumina aëreas tjfe animas , sed eas omnino non oculis videri, & vocari Heroes, & Lares, & Genios. Voilà comme dans les corps de la nature , on consideroit priii- cipalement les ames & les intelligences immortelles , & au dessus d'elles l'Ame universelle du mon- c. qu'on croyoit estre la supreme divinité; & à

Civ. I. 7.

c. 6.

qui on donnoit aussi quelquefois le nom, ou du Ciel, ou de Saturne, ou de Jupiter. Nous avon allez parlé du Ciel & de Saturne , il est temps de venir à Jupiter.

VIII.S. Augustin rapporte lui-mesme le seni ciment de Varron , qui faisoit de Jupiter le Grand Dieu, le seul Dieu, & celui qui renfermoit dans son sein tous les autres Dieux. Scd quid de hoc lo- ve plura , ad qllcm fortasse cCteri referrendi fmt, 1 m inanis reinancat Deorum opinio plurimorum , cùu hic ipse fit ornnes : five quando paries ejus * vel po testates existimantur : five tn vis anima , quam pu.

tant per cunnrichi diffufam , ex partibus mholis hujus) h quas visibilis mundus iste consugit, c£;- multiplia adrntmftratione natur& , quasi plurium deorum nomina accipit ? Qjuid est enim Satumus ? Vnus in- quit de Principibus Deus, penes quem fationum omnium dominatus est. Nonne expositio verfuum illorum yalcrtj Serani fic se habet, lovem esse mttntÍum) & eum omnia femtna ex se emittere , & in se recipere, Ipse est igitur penes quem omnium fationum domi- tiatus est. Voilà comme S. Augustin prouve, que Jupiter & Saturne font le mesme, on peut en di..

re autant du Ciel , & du Soleil, parce que c' est la meme Divinité de l'Ame du monde , qui étale ses diverses vertus fous ces divers noms, & peutestre auss ar les diverses étoiles , qui produisent tant de divers effets par leurs influences. C'cft ainsi que comme tous les corps des Astres font autant de petits mondes , qui ne composent qu'un grand monde : aussi tous ces Dieux particuliers ne composent qu'un seul Dieu , felon l'Idée de Varron qui anime & régit tout par lui-mesme , & par tous ces Genies inférieurs. Aussi S. Augustin fait dire aussi-tost à Varron , que Dieu est le Genie universel du monde, dont les parties ont encore

leurs genies particuliers. Quid est Genius ? Peut

L. 7. c. ij.

b,?, induit » qui prapofitus est, ac vim habet omnium ïerum gignendarum. Que m alium hanc vim habee credunt, quam mundum, eut diétum est, jupiter re cre du nt, qu am * ~~K~ < est ,7Mp~~ mnnipotens genitor genitrixque ? Et cum alio loco gcnium esse dicit uniuscujusque animam rationalem, iSr ideo ciTe fingulos jtngulorum, talem atttem mundi rÚmurn Deum esse,ad hoc idem utique revocat) ut tanquam universalis Genius ipse mundi animus eiTe credatur. Hic cft igitur, quem appellant lovem.

IX. Enfin S. Augustin rapporte encore ailleurs, comme Varron faiioit briller l'ame du monde & la Divinité, non feulement dans les Astres, mais ciuili dans la Terre, ce qui fait la Déesse Tellus, ràc dans la Mer, ce qui fait la Divinité de Neptu- ne. f<Eæ anima pervernit in Astra; eam quoque aiTeif facere Deos : 6- per eam quando in terram permnmat > Deum Tellurem : quod autem inde in mare mermanat atque Oceanum , Deum cffe Neptunum.

e Pere combat vivement toute cette Theologie, arce qu'il estoit juste de combattre des Idolares , & c'estoit une idolatrie , de croire que le vrai Dieu fut composé d'une ame & du corps de ce monde. Mais comme S. Augustin confesse, que cette doctrine quoi-qu'elle ne fût pas la verité , en a pprochoit neanmoins extrêmement ; il nous donne aussi un grand fondement de la considerer à loisir , & d'en examiner toutes les beautez, quoi- qu'elles ne furent pas achevées. Car comme saint ,Augustin a dit quelque part, que le changement de quelques paroles & de quelques sentimens pou0it faire autant de Chreûiens, qu'il y avoit de Philosophes Platoniciens, Paucis mutatis verbis at- He sententis Christiani fierent, sicut plerique recen)Yum nostrorumque tempornm Platonici fecerunt : On pourrait dire aussi, qu'en faisant Dieu non pas r Ame Informante, mais assistante & mouvante du t monde, (on me pardonnera bien ces termes de

L. 7. c. ij.

De vera relig. c. 4.

l'Ecole ) on dpnneroit un bon sens à toute cet Théologie des Poètes. Il en faudroit faire autar des Anges. Car bien que plusieurs d'entre h Chrestiens , & quelques-uns mesmes d'entre Peres aient cru les Cieux ou les Astres animez, les Anges corporels : & que cette erreur ait est par consequent fort pardonnable à des payens nous ne devons pas laisser de dire, que la creanc de l'animation des Astres par les Anges est une er reur qui a esté autrefois cenfuréepar l'Eglise dans la doctrine d'Origene & des Origeniftes.

X. Après avoir pris cette précaution necessai re, il est aisé à ceux quilifent, ou qui expliquent les Poètes , de s'étendre sur les beautez, qui re flent dans cette doctrine, qui met eternellemen devant les yeux les veritez suivantes : que tout £ monde est pénétré de Dieu, qu'il en est comme l'ame, que sa presence & son impression donne à toute chose non feulement l'estre & l'action; mais une dignité & une espece de sainteté, qu doit nous les faire reverer, non comme des Dieux , mais comme les ouvrages & les Temples du vrai Dieu ; que tous ces ouvrages de Dieu font si beaux & si achevez, qu'on a pû les prendre pour des Dieux ; que tout est conduit dans ce monde avec tant d'ordre de tant de sagesse, que quel- ques-uns ont crû toutes choses animées, d'un Esprit eternel de Sagesse : que tout ce monde est rempli d'une infinité d'Ames, de Genies, d'E[pits.L d'Anges ; que tout se meut & tout se fait par leur ministere ; que ce n'est pas par une necessité violente , ou par un enchaînement de causes privées de sentiment, ou par un arrangement de machines , que toutes choses se font dans le monde , mais par une vie , une intelligence, une sagesse qui dl; par tout, & qui fait tout; & par une innombrable multitude d'intelligences, qui fous les ordres

ordres de cette sagesse eternelle meuvent, reglent , conduisent toutes choses, que toutes ces intelligences par leur parfaite concorde, & par leur entière subordination à la suprême intelligence, ne font en quelque maniere qu'une intelligence & nomme une ame, qui agite & règle toutes les parties de ce grand monde ; que dans les Ecritures mesmes les paroles & les personnes des Anges font quelquefois si peu distinguées de celles de la suprême Divinité , qu'il est difficile de les bien demesler, 5c qu'il est mesme souvent peu necessaire de les distinguer, parce que c'est toujours Dieu, qui parle 2k qui agit par les Anges; enfin que le langage fles Ecritures , & le silence mesme qu'elles ont affecté sur les noms, les distinctions & les fonctions particulieres des Anges , ont bien de l'avantage ur tout ce détail de noms & de fonctions que les Poëtes ont inventé , & par lequel ils ont donné oc:aÍÍon a l'idolatrie. Car si on en fût demeuré à Aire qu'il y a une infinité d'intelligences répanduës ar le monde , ausquelles la providence divine a ,:onhe la conduite des parties de l'Univers fous ses Ordres, sans leur donner aucun nom , & sans venir à aucun détail de leur ministere, on auroit inailliblement évité Une partie des superstitions des Divinitez fabuleuses. Mais puisqu'il faut toujours âchez de tirer avantage du mal, & de profiter des autes d'autruy , rien n' est plus raisonnable , ni f.lus utile, que de r'approcher toujours des veritez les Ecritures, tout ce que les Poëtes ont écrit des Ames, ou des Genies, ou des Anges, qui prennent part à la conduite du monde.

CHAPITRE III.

Du culte du Soleil. Et que la pluspart des Dieu font reunis dans le Soleil.

Preuves tirées de Macrobe.

I. Macrobe a renfermé tous les Dieux dans le Soleil, q est la pltu illustre portion du monde, & le plus digne fie de l'urne du monde.

II. Preuves) que le Soleil est Apollon.

III. Qj'il est le mesme que Bacchus , ou Liber.

1 V. Qu'il est le mesme que Mars.

V. Qu'il est le mesme q::e Mercure• V I. I.';l est le me [mu qu'Esculape.

fcu l a p e.

Vil. il est le mesme qu Hercule.

VIII. il est,le mesme que Serapis o™ Osiris.

IX. Il est le mesme qu Adonis. Explication Ihyfique de fable d'Adonis, - X. Explication Physique des Mysteres d'Attis & de c bele.

X 1. Explication thyfique d'osiris & d'isis.

XII. Le Soleil est le mesme que Horus.

X 111. Il est le mesme que Jupiter Hammon.

XIV. De la Decffe Nemejis.

X V. Le Soleil est Pan.

XVI. il est aussi Itspiter.

X V II. X VIII. Cette creance a plâtoft pase d'Affyr en Egypte, que d'Egypte en Assyrie.

XIX. Confirmation d'une partie de ce qui a esté di tirée de l'Empereur jhtlien l'Apostat.

1

M

ACROBE a écrit fort au long sur ce su jet, & il a tâché de faire voir, que tôt

tes les Divinitez des Poëtes n'estoient que des de guisemens du Soleil. Il en donne d'abord cest raison, que le Soleil estant le Roi & le modera teur des Astres, qui font les secondes Divinitez il doit estre lui-mesme le principal sejour de cette Ame universelle, qui gouverne la nature. Caz astimes Poetarum gregem cum de Diis fabulantun non ab adyto pierumque philosophiæ semina mutua

Saturn.

L. r. e. \7<

- am quod omnes pene Deoi duntaxat qui sub cœlo w<--it, ad Solem referunt, non vana superstitio, fed jVatio divina commendat. Si enim Sol ut veteribus vlacuit, dux & moderator est luminum reliquorum, p solus Stellis errantibus præstat ipsarum vero Stella- iîii cursus ordinem rerum humanarum, ut quibufdatn wtdetur, pro potestate gubernat ; vel ut Plotino constat ILiaaffe, figmficat necesse est ut Solem qui moderatty nuira modérantes, omnium quæ circa nos gerun- tir fiteamur auctorem. Voilà en général comme Macrobe donne aux Poëtes la gloire d'avoir estalé rt souvent les sentimens des Philosophes, sur but dans la reunion qu'ils ont faite de toutes les Divinitez au Soleil , lequel estant le dominateur les autres Astres, dont les influences agitent dans tit ce bas monde, il est par consequent le dominateur de l'univers.

II En particulier les Poëtes conviennent qu'Aollon est le Soleil. En effet le nom d'Apollon stans composé de la particule négative , & de 'TiF»Ç, MHIIMS, il a la mesme signification que Sol, ki Sohu, seul. C'est ce qu'en dit Macrobe. A quoi •1 a joute que Platon en donne une autre étymotogic Grcque, qui tend à mesme fin. Plato Solem 'úTjr-c.:jOC cognominatum serbit, -ri n jtJCT.caç, à jactu radiorum. Le mesme auteur dit que Apollon a esté appelle ¡'I!', Medicus, Medein ; c' est parce que le Soleil est le conservateur fte la fanté. Mais comme il cause aussi quelqueiq des maladies, on l'a aussi nommé 7f«.td.1' , ftftrufâeur ) î vraia* à feriendo. On l'a appelle fDcliHi, quod illuminando omnia clara J~M demon- r/ On l'a appelle q¡Oi6 ~rc tv quod avi fertur. On l'a appelle Phanettt, qcX{Y', On s'a appelle 7rtGl 'l\i irvtieiY, à cause de la coruption, qui vient toujours de la chaleur ; ou à ause du serpent Python Car la fable dit, que

Latone estant accouchée d Apollon oc de JJia Junon envoia un serpent pour les dévorer dan berceau, mais Apollon tout f ctit qu'il estoit tua à coup de. fléches. La signification nâtlll de cette fable est que le Soleil & la Lune est fortis du Chaos , la terre encore humide prod des serpens, ou plûtost des vapeurs écailles.., d Junon, c'est-à-dire l'air voulut obscurcir la miere du Soleil & de la Lune. Mais la force rayons du Soleil dissipa enfin ces broiiillars.

chllos Solem maxirna vi coloris in superna rapti &c. Terræ adhuc humidæ exhalatio instar serps mortiferi corrumpebat omnia vi putredinis, (y* lem obtegendo videbatur quodammodo Lumen ejus mere; sid divino fervore radiorum tandem vdm gittis incidentibus extenuata, exriccata, ~çneil*,, terempti Draconis ab Apolline fabulam fecit.

III. Le Soleil est aussi le mesme que Bacc ou Liber, felon le mesme Macrobe, qui dit qu' ftote mesme a donné plusieurs preuves de verité. Nam Aristoteles qui Theologumena scrip Apollinem Liberum Patrem unum eunden Deum esse, cum multis argumentis asserat, ~*c. ]

crobe rapporte encore pour cela ce vers d'E pide , /eccro'S (piwJàt'pve j 9 fcticiv , «W^ov dit, que dans les prieres mysterieuses le So estoit nommé Apollon, pendant qu'il est dans misphere fsuperieur, ou pendant le jour, & qu l'appelloit Liber Pater pendant la nuit, où il F court l'hemisphere inférieur. Orphée le nom , aussi ftorunot, I!-Ylj. Le nom de DimyJtHs vient jPioç 1 selon Macrobe, Quia solem mundi men esse dixerunt ; mundus autem vocatur cœlum, appellant Fovem. D'autres tirent ce nom 71t 1 èiJ *) ; quod circumferatur in ambiti Aussi Orphée a dit , ;/1Il@r o'y FI HUSOY ~n )t!IlI71' mW. Macrobe pretend que c'et f au Soleil,

MRCYob.

lbid. c. 18.

l'Oracle d'Apollon donna le nom de <o~, dislant que c'estoit le plus grand de tous les Dieux. ?»©*TGV ■ÏÏCL.'IWV vnraûot booy ENFLER laça. il y a bien plus d'apparence, que c'est une profanation du nom sacré de Jeova, qui est le nom le plus propre de Dieu dans les livres du Vieux Testament. Et quand Virgile a dit

- Vos o clarissima mundi Lumina, labentem coelo, quœ ducitis annum , Liber & aima Ceres , veflro si munere Te lins

Chaoniam pingui glandem mutavit arista : Il a sans doute parlé du Soleil, fous le nom de Liber.

IV. Le mesme Macrobe tâche aussi de prouver, gnc Mars est le mesme que le Soleil, parce que est le mesme principe de la chaleur martiale, & fie ce beau feu , qui enflamme les cœurs, & les Anime au combat. Fervorem quo animus excandes-:it , excitaturque alias ad iram, alias ad virtutes.

onnunquam ad temporalis furoris excessum ; per quas res etiam bella nascuntur, Martem cognominavernnt. Aussi les Romains avoient donné le nom He Pere, à Mars & à Liber, Marspiter, Liber JP'lter.

V. Mercure selon ce mesme auteur est aussi le mesme que le Soleil, ou Apollon. C'est pour cela qu'on donne des ailes à Mercure, pour montrer a course legere du Soleil. Apollon preside au chœur des Mufes, & Mercure est le pere de l' elo- quence & des belles lettres. Le Soleil cil l'esprit l'intelligence du monde, ce qui convient à Mer- Cure , qui tire son nom èpnwévw : ab intErpretANdo. Mercure est le messager des Dieux, estant souvent envoie par les Dieux du Ciel à ceux des Enfers ; parce que le Soleil passe alternativement des signes superieurs , aux inferieurs. Mercure osta la vie à Argus, quiavoit cent yeux pour veillar sur Jo transformée en vache : c'est-à-dire que

L. i. Georg.

le Soleil esteint la lumiere des Astres & des Cieu: par sa @ presence, ces Astres aiant esté comme au tant d'yeux pendant la nuit, pour veiller & pou observer la terre , que les Egyptiens reprefentoien par le Symbole d'une vache. Cœlum Argum voca\

placui a candore; & videtur terram desuper obser vare , quam Ægyptij bieroglyphicis literis ctirn si gnare volunt , ponunt bovis figuram. Is ergo ambitu cœli stellarum lumimbus ornatus > tunc œfliwatn cneftw a Mercurio , cum Sol diumo tempore effet rando sidera velut enecat , vi luminis fui cosp, ttum corum auferendo mona/ibm. Enfin le Caducé de Mercure , composé de deux serpens, noüe l'un avec l'autre & s'entre-baifans , signific le quatre Dieux qui president à la naissance des hom mes, le Soleil, la Lune , l'Amour & la Necessité les deux serpents font le Soleil & la Lune ; le nœu est la Necessité, le baiser est l' Amour. ArOvumen lum Cllducei ad genituram quoque huminum, qftæ Gt ncfts appellatur, Ægyptij protendunt, 7J{OS præjlllt bomini nafeenti quatuor adesse mern crantes ; Scty.o'ct Tuyj'iv } , «'V«'i){H : & duo priores Solem (:J' Lu nam intelligi volunt, quod Sol nuit or Spiritus ca lorú, & Inminis » humanæ vitæ gemtor & cnjlos est cf?' ideo nascents* dæmon, id est Deus creditur; Lu na quia corporum præsul est, quæ fortuit or un varietate jactantur. : amorofeulo JigmficatHr, necef fitas nodo.

VI. Le Soleil est encore le mesme qu'E culape , qui n'et f autre chose que l'influenci salutaire du corps du Soleil : Est Af¿'t!tlpi vis salubris de fubjhntia Solis ; fubveniens anirni corporibusque mortalium. De là vient qu'on le lai fils d'Apollon , perc de la Medecine & de la fanté. On met aussi au pied de ses images la si gure d'un dragon, qui rajeunit en se dépouillant de sa vieille peau ; comme le Soleil réprend tous

a g y os j ctlba.

lles ans au Printemps une vigueur & comme une îjamefiTe nouvelle. Aussi Esculape en rendant la fanté, semble rendre au corps la vigueur de ses premières années. On fait presider Esculape aux divinations , aussi-bien qu'Apollon , parce qu'il faut qu'un Medecin scache prévoir beaucoup de choses.

VII. Hercule doit aussi estre confondu avec le Soleil, non cet Hercule de T hebes, qui ne fut que le dernier , celui de Tyr aiant esté beaucoup £ >lus ancien : mais c'est l'Hercule d'Egypte ; qui est le plus ancien de tous, & qui est le Soleil mesme , à qui on doit la victoire remportée sur les Xr eans. Car ce fut le Soleil, qui est la force & la ,v, ci-uti du Ciel, qui donna enfin la mort à ces ensans de la terre revoltez contre Dieu. Nec æftimies Alcmena apud Thebas Boeotias natum solùm , vel primum Herculem nuncupatum. Imo post multos at- que postremus ille hac appellatione dignatus est, ho- woratusque hoc nomine ; quia nimiâ fortitudine meruit viomen Dei virtutem regentis. Cæterùm Deus Hercu- les religiosè quidem & apud Tyrios colitur ; verùm y¡tc rat iffimd & augustissima eum Ægyptij religione rvenerantur ,ultraque memoriam quæ apud illos retro VongiJim- est, ut carentem initio colunt. C'est-à-

ire, que l'Hercule des Grecs n'est qu'une imitaution de celui de Tyr, qui est le Josué des Hebreux, comme nous l'avons prouvé ci-dessus. Mais ces deux Hercules de l'histoire sont bien moins anciens, que celui de l'Egypte, qui est l'Hercule de la Physiologie , parce que toutes les anciennes Divinitez de l'Egypte, se réduifoient aux Astres , a la nature, & au monde : ainsi mesurant la dur ree de leurs dynasties par les Astres, ils les faisoient ) d'une antiquité incroiable.

Or l'Hercule des Egyptiens estoit la vertu du 1 Soleil, qui défit par des maladies pestilentielles les

Macc. c.

X O.

Ceans révoltez contre le Ciel, c'est-à-dire , les Athées, desquels on dit que les pieds estoient en forme de serpens, parce qu'ils estoient enfans de la terre , & que leurs desseins estoient entièrement opposez au droit & à la justice. Ipse créditr ugigantas interemisse , cum pro Cœlo pugnaret , quasi virtus Deorum. Gigantas atttem quid aliud fuisse credendam est , quàm hominum quandam impiam gentem Deos negantem, & ideo astimatam Deos pellere de Sede Cœlesti voluisse ? Horum pedes in draco num volumina definebant, quod significat nihil eos rectum , nihil superum cogitasse , torim vitæ eÓrum greffa arque processu in inferna mergente. Ab hac gente Sol debitas pœnas vi pestiferi calorts exegit Le nom mesme d Hercule convient admirable- ment au Soleil. Car Mc~x~ est comme ué:Çlç K.,.e , aëris gloria, la gloire de l'air. Or la gloire de l'air ,* c'est la lumiere du Soleil. Que porro alia aëris gloria, nisi. Solis illuminatio.

VIII. Le Soleil est aussi le Sera pis, ou Osiris des anciens Egyptiens, sur la teste duquel ils répre sentoient une teste de lion, celle d'un chien, 8c celle d'un loup, pour marquer les trois temps , le present, le passé & le futur : le lion & le loup montrant le present & le passlé à cause de leur vitesse qu'on ne peut arrester : & le chien signifiant par ses flateries les vaines esperances qu'on se forme pour l'avenir. Isis ensuite fera la terre, ou la na- ture , qui dépend entierement des influences du Soleil.

1 X. Le Soleil est encore le mesme qu' Adonis.

Le culte dadoiiis de Venus sa mere estoit tres- ancien & tres-celebre parmi les Assyriens) ou les Chaldéens, qui furent les premiers Astrologues du monde , & il passa d'eux aux Pheniciens. Or Adonis est le Soleil, lequel pendant les six signes su perieurs de l'Eftç,est avec Venus,c'est-à-dire avec

cet hemisphere de la terre que nous habitons; pendant les six autres signes inférieurs de l'Hiver, il est avec Proserpine, c'est-à-dire avec la partie incnre de la terre , habitée par nos Antipodes, Car c'est comme les anciens partageoient la terre entre Venus & Proserpine. Adonin quolite Solem esse non dubitabitur inspecta religione Assyriorum, ad quos Veneris Architidis & A doits maxima vit m veneratio viguit , quam nunc P ban.'ces tenc¡:t; iarn physici terra superius hemispharium , cujus partnn incolimus , Veneris appellatione coluerunt in- (crtïts Vira bemijpbarium terra Proserpinam zocave'rï:nt. £ ï' £ o apiid Ajfyrios , five Phanicas as lugens in- ducitur Uca; quod Sol annuo gressu per duodccim fivnomrn ordinem pergens, partern quoque hemispharij iÍlferiorÙ ingreditur : quia de duodecim figms Zo- diaci fex superi-ora & ftx inferiora cenfentur : & cum est in inferioribus, & ideo dies breviores facit, lugere creditur Dea , tanqam Sole raptu mortu rern- doralis IlmijJo, à Proserpina retento , quam numen terra inferioris circuli & antipodum dicimus. Rur- fum Adonidem redditum Veneri credi volunt ,'cnm Sol evutû sex signis inferioris ordinis, incipit nostri cir- , tnci p i irculi lustrare hemispharium , curn incremento luminis C7 dicrum.

Voila les raisons physiques du ducil & de la joye alternative de la terre , félon que le Soleil s'en retire pendant l'Hiver, comme s'il estoit tombé entre les mains de la mort, ou de Proserpine ; ou bien félon qu'il s'en r'approche pendant l'Esté , comme si Proserpine le rendoit à Venus. Si l' on a feint que c'estoit un sanglier , qui avoit donné la mort à Adonis, on a répresenté les rigueurs de l'Hiver par cet animal feroce. Ab Apro tradunt interonptum ÂdonD't > btëmts imagtmm in hoc anima- it si'igentes , quod aper hifpdus & fIfPer gaudet IVÇM barra du rj- lutofis , p/mnayte Comtil'h » pro-,

prieque hiëmali frustu pafcitur glande.

X. Ceux de Phrygie imiterent les mysteres d'Adonis & de Venus, dans leur Attis , & leur Cybele, où il y avoit aussi une alternative de pleurs & de réjouissances. Cybele la mere des Dieux est la terre, dont le char est tiré par des dragons , qui marquent les influences de la chaleur du Soleil sur la terre. Attis répresente le Soleil, aiant un baston pour marque de sa puissance, & une fleute, parce que le Soleil forme les vents. Après les pleurs la joye commençoit le premier jour après Equinoxe, qui est le premier aussi où les jours recommencent à estre plus longs que les nuits.

Quem diem Hilaria apellant , quo primmn tempore Sol notte longiorem diem protendit.

XI. C'estoit encore l'éloignement & le retour du Soleil, que les Egyptiens celebroient dans les mysteres d'Osiris &d'Isis; avec une annuelle vi- cissitude de joye & de douleur. Aussi peignoient- i g noient ils le Soleil fous la figure d'un œil soûtenu d'un sceptre, qui estoit auŒ la répresentation d'Osiris.

Idem sub diversis nominibus religionis effectus est apud Ægyptios, curn Ofurim Isis luget. Nec in oc- culto est, neque aliud eJfc Ofirim, quam Solem; nec lfin aliud esse quam terram , sicut diximus, natu- ramve rerum ; eademque ratio, qu& circa Adonin & Attinem vertitur, in Agyptia quoque religione lu- lïitm & Utitiam vicibus annua adminstrationis al- ternat. Hinc Ofirin Aigyptij, ut Solem ejJc asserant, quoties hieroglyphicis literis sitis exprimere volttnt, insculpunt sceptrum , inque eo speciem oculi expri- munt, & hoc signo Ofirim monstrant; signitcantes hunc Deura Solem esse) regalique potestate fublimem CHntta despicere : quia Solem jovis oculum appellat antiquitas.

XII. Les Egyptiens prenoient aussi Apollon & Horus pour le Soleil, d'où prenoient leurs noms

Macrobitit.

ibidem.

les vingt-quatre heures du jour, & les quatre faisons de l'année. Et quatuor tempora quibus annu m orbis impletur, boræ vocantur.

XIII. Jupiter Hammon estoit aussi pris pour le Soleil dans son couchant par ceux de Libye ; c'est jll pour cela qu'ils le répresentoient avec des cornes de belier,qui figuroient les raions du Soleil , comme faisant toute sa force. D'ou vient aussi que le belier & le taureau sont les deux premiers signes du Zodiaque, Ideo & Ammomm, :fcm, Deum Solern Occidentem Libyes existrimant, ivtuthiis cornibus pngunt ; quibus maxime id animal z, t , sucus Sol radis.

XIV. Ce que Macrobe dit de la Désse Nomefis , qui châtie les orgueilleux, est plûtost une.

ressemblance, ou une comparaison de ses vertus avec celles du Soleil, qu'une explication sincere de la nature du Soleil. Sçavoir que le Soleil fem- ble aussi punir les superbes , lors que l'éclat de ta lumière obscurcit les choses les plus éclatantes, & éclaire au contraire celles qui font obscures.

XV. Mais il n'en est pas de mesme de ce qu'il dit du Dieu Pan, ou Inuus. Car si les Arcadiens disoient, que ce Dieu est le maistre de la matiè- re , TM; i'n w-, , il ne faut pas croire qu'il foit seulement le Dieu des bois , mais de toutes les choses materieles, ou corporelles, à qui le Soleil preside. Pan ipse quem vocant inuum , sub hoc ha- bitu quo cernitur , Solem se esse prudentioribus permittit intelligi. Hune Deum Arcades colunt, tov TW'Ç u?vç yj'etty, non sylvarum Dominuru, sed univerfœ fubftanttœmœterialis dominâtoremfigmficari volentes ; cujus materia vis universorum corporum , seu illa divina seu terrena fit, componit essentiam. Ses cornes & sa longue barbe signifient la vaste étendue de sa lumiere. Sa fluste & sa houlete ont la mesme signification ) que celle d'Atis, dont nous avons

1 {ii,',m.

C- zi.

ibidem.

parle. Ses pieds de chevre marquent le dernier rang des corp s terrestres, qui font les extremitez.

de ce grand Univers , qui est Pan mesme. L'Echo son amante signifie l'harmonie Celeste, que nos sens ne peuvent atteindre. Voilà ce qu'en dit Macrob e qui a joûte, que XVI. On ne peut non plus douter que le Soleil ne soit Jupiter mesme : & que ce ne foit le ] sentiment d'Homere quand il dit, que Jupiter étoit allé chez l'Océan au païs des Ethiopiens, pour se trouver à un festin , où tous les Dieux l'avoient suivi, & qu'il devoit retourner au Ciel douze jours aprés. Car l'Océan des Ethiopiens Occidentaux est , ot't le Soleil se couche ; & où il est suivi de tous les Astres, qui s'y couchent aussi, &y trouvent l'aliment qui tempere leurs feux eternels ; ne revenant tous au lieu dont ils sont partis qu'aprés douze heures, ou qu'aprés qu'ils ont parcouru les douze maisons, ou les douze signes du Zodiaque. Jovis appellation Solem inteUigi Corni ficÍUJ fèribit, cui unda Oceani velut dapes mini- - jlrat : ideo enim Solis meatus, sicut & Possidius & Cleanthes affirmant, à plaga quæ usta dicitur, non recedit: quia jitb ipsa currit Oceanus, qui terram & ambit & dividit. ~Geoi J" '«.I,u.¡t. 7f!t.r?it; g~ofPo , sidera intelliguntur, quæ cum eo ad occasus ortusque quoti-

diano impetu cæli feruntur , eodemque aluntur hti- more Oeefç enim dicunt Sidera & Stellas isn tv , id est péXmv, quod semper in cursu sint. Platon a parlé de Jupiter presque en mesmes termes dans J son Timée.

XVII. Macrobe ajoûte encore, que les Assyriens honoroient aussi Jupiter, comme n'estant qu'un Dieu avec le Soleil, & ils l'appelloient Ju- piter Heliopolite, parce que le culte principal se rendoit dans la ville d'Heliopolis en Assyrie, qui estoit une imitation de celle de l'Egypte. Je

C. 13.

ne me rendrois pas facilement à ce que Macrobe dit, que les Assyriens avoient pris ce culte des Egyptiens, & le leur avoient dépuis rendu , en sorte que dans l'Egypte mesme ce Jupiter de Helio- polis estoit honoré avec des ceremonies Assyrienncs. Nous avons déja plusieurs fois remarqué , que chaque nation, estoit passionnée pour la gloire de l'antiquité , & s'attribuoit volontiers à elle-mesme tout ce qu' elle avoit emprunté d'ailleurs. Les Egyptiens & les Grecs se signalerent encore plus que les autres dans cette vaine affectation d'antiquité. Ainsi il est fort probable, que Macrobe n'a parlé de la forte , que sur le recit qu'en faisoient en leur faveur les Egyptiens, & qu'au fond cette religion de Jupiter Heliopolitain estoit originaire de l'Assyrie , d'où elle avoit passé en Egypte.

XV 111. Enfin Macrobe dit, que les Assyriens honoroient le Soleil, comme le seul & le souverain Dieu, d'où vient qu'ils le nommoient Adad , c'essà dire unique. Ils lui joignoient la Déesse Adargatis , qui estoit la terre. Adad estoit répresenté avec des raions qui descendoient de haut en bas, & au contraire Adargatis avec des raions renversez , dont la pointe la regardoit elle-mesme, pour faire connoistre , que tout se fait par les influences que le Soleil envoie à la terre, & que la terre reçoit du Soleil. Assyrii Deo quem summum mAximumque venerantur, Adad nomen dederunt. Ejus mominis interpretatio significat Vnus. Hune ergo ut potentissimum adorant Deum. Sed subjungunt ei Deam , nomine Adargatin, Omnemque potestatem Xcmïkarum rerum his duobus attribuunt, Solem, ter- ramque intelligentes. Simulachrum Adad insigne cernitur radiis inclinatis quibus monstratur vim Cœli in radiis esse 'Solis, qui demittuntur in terram.

Adargatis simulachrum sursum versus reclinatis ra- diis insigne est , monstrando radiorum vi superne

mtjjorum ettafet quscurnque terra progcncrdt.

XIX. Julien l'Apostat remarque, que ceux de l'Isle de Cypre dressoient des Autels au Soleil, & à Jupiter, prétendant que c'estoit un mesme Dieu, que le Dieu Souverain de l'Univers a preposé au gouvernement de ce monde visible: V'mn tnter Deos intellectuales Solis , Jovisque Principatum. Il ajoûte qu'Homere & Hesiode ont esté dans cette pensée, quand ils ont fait le Soleil fils d'Hyperion & de Thea : car ces deux noms expriment évidemment le Dieu supréme. Il semble dire que Bacchus, Apollon , Musagete & Esculape , ne font que les émanations ou les vertus diverses du Soleil. Il semble mesme vouloir confond re toutes les autres Divinitez avec le Soleil : Quid hic ho- rum commemorem, aliave Deorum nomma , quæ in Solem universa conveniunt. Il ajoûte apres Jambliq, que les Pheniciens d'Edesse joignoient Monimus & Azizus au Soleil : donnant le nom de Monimus à Mercure , & celui d'Azizus à Mars.

-

CHAPITRE IV.

Suite du mesme sujet, que le Soleil est lui seul tous les Dieux de l'antiquité. Preuves tirées des autres Auteurs.

7. Le Soleil estoit adoré en Syrie, fou* le nom d'Adad, c est-à-dire seul. Les Rois prenoient le mesme nom. "1 l. C'est oit le mesme Dieu que Afars. Origine des noms de Mars.

III. Suite du mesme sujet.

1 V. Antiquité dit culte du Soleil par les Ecritures.

V. Baal, ou Bel estoit le mesme que le Soleil.

VI. El est oit le triefme , d'où vient le nom Grec du Soleil.

YI!. Adonis est atifft le nom du Soleil.

V 111. Aujft bien que le Denys, ou Vrotalt des Arala-

Orat. 4.

P*g */4•

1

Pa ?. iCo.

170.178.

P. iSi.

D'oi', vient ce nom & celui de Altlat.

IX. Le Mithras des Perfes efi aujft le Soleil 1 X. Le Mit hra-s des Perfes est aussi le Soleil.

X. XI. Aujft bien que Ofirvs & Ortw des Egyptiens.

X 11. De Mars.

XIII. De Pan, ç £ » Sylvain.

XIV. Mercure efi le mesme que le Soleil.

X V. XVI. Aussi bien que Baccbus & Hercule.

XVII. XVIII. fanm & Belenus font le mesme que le [Soleil.

XIX. De Faune.

X X. XXI. On prouve ce qui a esié dit ) par le témoignage des Historiens.

XXII. Combien il efi oit difficile que l'esprit des Gentils adurant le Soleil, ne s'élevafl à un Soleil de sagesse, de raiIon, de vie , de juflice, qui fût au dessus de leur esprit, de lietir raijon , & de leur sagesse.

XXIII. Aujft felon Plutarque ils ne regardaient le corps du Soleil, que comme le corps dit Soleil eternel de vie, d'in\ttlligencc, de Sagesse & de luflice } qu'ils croyoient en estre i'aîne.

XXIV. Pourquoi felon Eusebe Dieu avoit distribué les Afires à diverses Nations.

XXV. Des Dieux des Villes, des Legislateurs & des Poë, ter, qui furent au commencement les mesmes. que les Dieux des Philosophes, eu les Dieux naturels.

I.

L

A matiere, que nous avons traitée dans le Chapitre precedant par le simple recit

de ce que Macrobe en avoit dit, est encore assez riche, pour fournir à ce Chapitre. Philon de Biblos expliquant la Theologie de Sanchon- Jathon, dit que Adod est le Roi des Dieux. ~"AJWcç GIMVÇ Keiïv. Les Rois de Syrie en avoient apparemment ■ pris leur nom , comme c'estoit autrefois l'usage rdinaire. Joseph rapporte les paroles de l'histoen Nicolas Damascene, où il est parlé de Adad Roi de Syrie & de Damas. C'est le mesme que Adadeser, qui fut vaincu par David sur l'Euphrate.

Le nom de Benadad peut encore venir de ce mesme Dieu, comme si l'on disoit Fils du Soleil.

Joseph dit que Adad Roi de Syrie & Hazael son fils receurent des honneurs Divins, pour avoir ena-

Eufeb .pr æp.' l.I.P¿tg.38.

Antiq. I. 7, c. 6.

L. i. Reg.

c. 8.

belli de Temples magnifiques la Ville de Damas Vsqne in prœsens tam Adad, quam H.zael ejus successor, divinis honoribus coluntur tum cb aliam be- neficentiam, tum quia templis extructis urbem Dimascenorum oratiorem reddiderunt. Joseph dit qu'il n' y avoit pas encore onze cents ans que ces Rois estoient morts , ainsi ceux qui les honoroient comme des Dieux, faisoient peu de reflexion sur l'anti- qUlte.

II. Mais cet usage sacrilege de s'attribuer le nom.

des Dieux ffiefmes, pouvoit bien avoir facilité l'apotheose de ces Rois. Car le culte qu'on rendoit à Adad , c'est-à-dire au Soleil, passoit facilement à Adad Roi d'un puissant royaume , de fondateur de plusieurs Temples dédiez au Soleil. Il n'est pas sans quelque apparence , que Hazael mesme fils de Adad, portoit aussi le nom de Mai s j & qu'il receut les honneurs Divins fous le nom de Mars.

Car Hazael signifie en langue Phenicienne le Dieu fort. Voici cc que nous lisons dans les Oraisons de Julien Apostat. Mars Azizus dictus à Syris, qui Edessam habitant, Solis est anteambulo. "Apl:ç }¡Aë,:çç wotiîi-cç, Et un peu aprés témoignant parler selon la Theologie des Pheniciens, Qui Edessam habitant, locum ab œterno Soli sacrum, Momimum & Azizum Soli A Jlèffircs faciunt. Quod Famblichus sic interpretatur, ut Momimus quidem fit Mer euYius, Azizos autem Mars. Comme le terme Hebraïque Hezuz. signifie robustus, robur, d'où vient Azizus, Mars; Aussi Moum, signifie Macula, d'où vient peut-estre Momimus, parce qu'on void souvent Mercure comme une tache au milieu du corp s du Soleil.

III. Mais ce qu'il y a de plus certain est , que ni Mars , ni Mercure n'estoient honorez à Edesse, ou en Syrie , que par rapport au Soleil; & quj le culte rendu originairement aux Astres estoit dans

Antiq. I. p.

c 1. PIg.

306.

Orat. 4. De Sole. page 1S8.

dans la fuite des siecles transferé à des Rois, qui avoient pris le mesme nom.

Il y en a qui croient, que le Prophete Isaïe a bar du culte du Soleil, fous le nom de Adad , Foji Achad. Car le terme Hebraïque Achad est e mesme que le Chaldaïque Adad , & il signifie aussi Vnus Vnce , qui convient tres-proprement au Soleil, qui porte ce nom comme estant seul, So/su.

IV. Nous avons déjà montre que Job , qui vivoit ou au temps de Moïse, ou avant lui, avoit condamné le culte du Soleil, comme trop commun en son temps. Et que Moïse dans le Deuteronome le condamna aussi. Ne fortè eleves oculos tues in Cfglos, <#* videas Solem & Lunam , atque jhllai, en m universo exercitu cœlorum, & irtiyiilfus ado- res , at que colas ea. C'estoit aussi la superstition à laquelle les Israëlites s'abandonnoient le plus ordinairement , quand ils se laissoient aller à l'ido- tatrie. D\ni vient que Josias osta les chevaux, & brûla les chariots qu'on avoit consacrez au Soleil, V. Il est mesme fort vrai-semblable , que le culte de Baal , qui estoit si répandu dans la Phenicie & dans la Syrie, ou Assyrie, estoit le culte mesme du Soleil. Servius le dit clairement, Apud Assyrios autem Bel dicitur, quadam sacrorum vatione , & Saturnus, & Sol. Damascius dans la vie du Philosophe Isidore dit, que les Syriens & les Pheniciens donnoient à Saturne le nom de El, de pel ôc de Bolachen. PhænÍt'es & Syri Saturnum voant Et, Bel, & Bolathen, Je ne sçai si au lieu de Boathen il ne faudroit point lire Bahalim,qui est si freuent dans l'Ecriture, & qui est le pluriel de Baal ; oit qu'on mit au pluriel le nom d'un Dieu par respect, comme il arrivoit souvent dés lors, & comme on voit dans le nom Elohim; ou qu'on eut égard à divers Temples de Baal en diverses nations.

VI. Mais ce nom El, que cet Auteur dit estre

C.66,v jj.

C. v.

i6. 17.

C - 4. 1.9.

L. 4. Reg.

c. H. 11. u.

In 1.1.

Ænci.

Photij Bi! l.

CjU. 14%.

Je meime que Bel , a manifestement QOIIMC IW.Isancc au terme Grec iuio;, qui est le nom du Soleil.

Servius le dit en parlant de Belus ayeul de Didon : Omnes in illis partibus Solem colunt , qui if forum lingua Hel dicitur, undè & ))?-IGÇ. Et quand Sanchon- jathon dit dans Eusebe, que les Pheniciens n'adorent que le Soleil , le nommant Beelsamen, c'est-à-dire le Roi des Cieux: ne nous montret-il sa", que Beel estoit le nom du Soleil ?

VII. Comme le nom d'Adonis avoit la mesme signification dans la langue Phenicienne , que Baal , il n'est pas difficile 1 d'en conclure, que c'estoit aussi le Soleil. Ausone semble le dire dans l'Epigramme suivante , qui semble avoir esté, traduite du Grec, & où ce Poëte veut confondre tous les Dieux en un :

Ogygia me Bacchum vocat, Ofirin Ugyptus ptf/at, Mysi Phanacem nominant.

Dionyfion Indi exiflimant, Romana Sacra Liberum, Arabica gens Adoneum, Lucaniacus Pantheum.

C'est-à-dire que par tout ailleurs bacchus ne paisant que pour un Dieu particulier fous divers noms : dans la maison de campagne d'Ausone , dont le nom estoit Lucaniacus , & qui estoit la retraite des belles sciences, il passoit pour estre lui fcul tous les Dieux. Le nom que les Myfiens lui donnoient, n'estoit peut-estre pas Phanaces , mais phanctes , qui estoit un des noms du Soleil, expliqué par Macrobe dans le chapitre precedent.

Au reste si Ammien Marcellin a dit, que les mysteres d'Adonis répresentoient le froment, qui est caché six mois en terre, avant que le temps de la moisson approche : Vt lachrimari cultrices Vtmru sœpe spectantur, in solemnibus Adonidis sa-

fyigr. 30.

L. ig.

cris, quod simulacrum aliquod esse frugum adultarum religiones mysticœ, docent : Ce n'est que parce qu'il a transferé les mysteres du Soleil, au froment, qui en est le Symbole , comme il estoit assez ordinaire de répresenter les Divinitez par leurs Symboles, d où on a souvent passé au culte des Symboles mesmes.

VIII. Herodote dit que les Arabes ne reve- roient point d'autre Divinité, que Bacchus & Uranie, c' est-à-dire le Soleil & la Lune , & qu'ils donnoient à Bacchus le nom de Vrotalt, & à U ranie celui de ylliUt. Solos pro Diis habent Dionyfittm & Vraniam. Ac Dionyfîwn quidem Vrotalt, Frantam vero Alitat appellant. Origene en dit autant. Arabes Vraniam tantum & Liberum colunt.

Le terme de Urotalt vient de Tal Vroth , Ros lu- cis. Quant au nom de Alilat, il vient manifesteorient de Lilit , nox. Ce qui fait connoistre que c'est la Lune, comme la Reine de la nuit. Tertullien donne encore aux Arabes le Dieu D~asres, qui est aussi le Soleil, comme faisant toute la joie jple la terre : Duts arets, Gaudium terræ..

IX. Rien n'en: plus fameux que le Mithras des Perses, & il est aussi tres-constant, que c'estoit le Soleil. Nous avons déja rapporté les paroles d'He..

rodote & de Strabon, qui disent, que les Perfes n' adoroient que le Soleil. Justin en dit autant : So- ient nuitm Dturn Persœ esse credunt; & equos eidem 1 Co sacratos serunt. Hesychius dit que Mithras est e Soleil. ntÇ&cç ô ymcç lv 7rtpQcciç. Le nom de Mihridate en vient. Strabon dit formellement que c Mithras des Perses est le Soleil. Colunt Solem, quem Mitbram putant. Pline & Solin disent qu'une pierre precieuse tres-éclatante en empruntoit son nom. Mithrax , Mithridax à Persis accepta est ex Rubri Maris montibus , multicolor, contra Solem varie refulgens. On dit qu'en langue Persane Myther signifie grand.

iis L. j. c. 8.

L. f. Con.

CelJ.

Apolog.

c. 2. f.

L. I,

S!r.llolJ}.

pag. 5 u 3.

L. 57. f. 7.

X. Il ne paroist pas moins certain que l'Osiris des Egyptiens estoit le Soleil. Outre ce qui en a esté dit, on peut ajouster ce que Sanchon- Jathon en raconte dans Eusebe, VJirin) his Serapin, illis Liherum ) nonnullis Plutona, aliquibus Ammonem, cjutbufdtm Fovern, aliis vero Pana existimari. Cet Ammon est le Soleil, comme le nom mesme le marque, & comme nous l'avons déja remarqué ailleurs. C'est le nom mesme de Cham, qui fut le premier Roy d'Egypte. Aussi Diodore de Sicile rapporté par Eusebe, asseure que le premier Roy d'Egypte avoit le mesme nom , que le Soleil. So- lem primo imperasse Ægyptiis, cognorninem Astro quod in Cœlis est. Or Osiris fut le premier Roy d'Egypte , & ce mesme nom signifioit le Soleil.

C'est le sentiment de Stace ,

Seu te rofenm Titana vocari.

Gentu * rim. feu pr&jlat OJirtm Centu 4ch arnent & ritu feu praflat Ofirim Fruri ferum.

XI. Horus n'estoit pas moins certainement le Soleil, & le nom Hebraïque cheres, Sol y revient parfaitement; d'où vient aussi selon quelques-uns le terme Latin coruscare. On pourroit aussi le de-* river de Our, Lux.

XII. Nous avons déja parlé de Mars , dont Varron tire le nom, quod maribus prœsit ; d'autres l'appellent Mavors, ù magnis vertendis, d'autres tirent ce nom du Grec cÎpç. C'est le plus probable, mais apnç vient apparemment de l'Hebreu haras, perdere. destruere. Meharets, disperdans. C'est revenir à la signification d'Apollon, MUCIJY; parce que l'ardeur du Soleil deffeiche & brusle.

XIII. Nous avons aussi parlé de Pan,& il faut y joindre Sylvain, qui est le mesme que Pan, & qui porte ce nom , non qu'il ne préside qu'aux bois & aux forêts, mais parce qu'il est le maistre 8c le dominateur de toutes les choses materielles. Voici

L. x.

4. j. p*f.

C. J.

ce qu'en dit Servius sur ces paroles de l'Eneïde. Sylvarum pecorisque Deo. Publica ceremoniarum opinio habet, pecorum & agrorum Deum esse Sylvanum.

Prudentiores ~tamen dicunt eum esse VMHO* 6sj\ , hoc ell Deum TMÇ MÇ. Hyle autem est fax omnium elemen- torum. Quam VI;MV Latini materiam dicunt. Sylva- nus igitur 0sèç i^aîoçj qui ~& Pan.

XIV. Nous avons aussi parlé de Mercure, qu'il est difficile de distinguer d'Apollon , dans la surintendance qu'il a sur les lettres , d'où vient qu'Horace appelle les gens de lettres Mercuriales, disant que Faune est Mercriialium Custos ~viror im, Et quand ce mesme Poète dit de Mercure , qu'il est Superis Deorum grllwJ, & imis : Et quand Claudien dit aussi de luy ,

zAtlantis Tege&ét, nepos, commune profmdis Et fuperis numen, qui fas per limen utrumque Stlus habes , geminoque facil commercia mundo :

Ce sont des discours qui conviennent aussi bien au Soleil selon l'intelligence de la nature, qu'à Mercure selon la fable.

XV. Nous avons aussi parlé de Bacchus & de Jacchus, dont parle Virgile, Et mystica vœnnus Facchi. A quoy il faut ajoûter l'explication de Servius, & l'application qu'il en fait à Osiris qui

est le Soleil. Mystica Facchi ideo ait, quod Liberi Patris sacra ~ad purgationem animœ pertinebant; & sic homines ejus mysteriis purgabantur, sicut vannis * frumenta purgantur. Hinc est quod dicitur Osiridis membra à Typhone dilaniata Isis cribro superposuisse.

'! Nam idem efi Liber Pater, in cujus mysteriis vannus est, quia ut diximus animas purgat. Vnde Liber , ab eo quod liberet, dictus.

XVI. La fable d'Hercule approche aussi beaucoup de l'Histoire naturelle du Soleil. On distingue plusieurs Hercules. Ciceron en compte six, on dit que Varron en comptoit quarante-trois. Il

In 1. S.

JEnet,

L. i. Od.

17L.i.Od.i o

In /• 1.

Georg.

elt à croire que le plus ancien estoit le Soleil mesme. Macrobe dit que les Chaldéens donnoicnt à la pianete de Mars le nom de l'étoile d'Hercule.

Chaldœi stellam Herculis vocant, quam reliqui om- nes Martis appellant. Les douze travaux d'Hercule font les douze maisons du Soleil. L'Hydre effc la plus basse partie de la matiere que le Soleil desseche. Les pommes d'or des Hesperides font les Astres de la nuit , que le Soleil fait disparoistre.

XVII. Arnobe a reconnu qu'on confondoit quelquefois Janus avec le Soleil. Incipiamus à Iano patre , quem quidam ex vobis mundum , annum alii , SpIc", etiam prodidere nonnulli.

XVIII. Capitolin & Herodien parlant des Empereurs Maximins disent, que le Dieu Belenus estoit révéré à Aquilée & dans les païs voisins. Tertullien en parle ainsi dans son Apologetique. Il est difficile de ne pas faire remonter l'origine de ce nom jusqu à Baal , Bel.

XIX. Je n'ai rien dit du Dieu Faune, parce qu'il est le mesme que Pan. Le nom vient du mesme terme Hebraïque dont la premiere lettre se prononce diversement comme un P. ou comme Ph.

Aurelius Victor parlant de l'origine des Romains, dit en termes formels, que ces quatre noms Faune , Sylvain , Pan , & Inuus font les noms d'un mesme Dieu. Hunc Faunum plerique eundem Sylvanum , à sytvis, & Inmm Deum, quidam etiam Pana esse di- xerunt, XX. Nous pourrions soûtenir ce que nous avons dit par une partie des Historiens profanes.

Le discours en seroit peut-estre trop long si nous voulions nous y étendre. Il faudra donc se contenter d'en toucher legerement quelques - uns.

Jule Cesar en parlant des Allemans dit qu'ils honoroient le Soleil, la Lune & Vulcain , comme les Dieux , dont l'utilité est la plus palpable. Deamm

Satin k. l.l.

C. IL.

1. 3,

C.1p.14.

numéro eos solos ducunt, quorum opibus apertè juvan~Htr, Soient & Fulcanum & Lunam. Diodore de Side en dit autant du Soleil & de la Lune , qu'il asin-e estre les mesmes qu'Osiris & Iris. Homines an- ~upujfimos mundum supra se contemplatos, nec Absque ~iipore admirœtos universi naturam, existimasse ejJè Deos œternos , ac primos Solem & Lunam quorum il- um Osirim, ~banc ljim dixere. Ce qu'il justifie par quelques Poëtes. Il dit peu après, que le premier JRoi d'Egypte fut celui qui portoit le mesme nom que le Soleil ; quoi-que d'autres pretendent que c'est Vulcain qui en fut le premier Roi. Solem in •A-.gypto régna fie prirnum-, eodem Astri cœlestis nomine ,i:'IJlgncm. Sunt tamen inter Sacerdotes, qui Vulcanum pnmum Regem dictitant. Cette contrariété n' est pas difficile à accorder. Car le Soleil est le veritable & le plus grand feu de la nature, ainsi il a bien pu passer pour Vulcain.

XXI. Herodote outre ce qui en a déja esté dit, asfure, que les Scythes & les Massagetes n'adoroient que le Soleil, & lui sacrifioient un cheval, estimant qu'il estoit juste de consacrer au plus leger des Dieux le plus leger des animaux. Ex ViiI unum Solem venerantur , cui equos immolant. Hic autem eis mos sacrificandi , ut Deorum pernicissimo pernicif~finnm ex animalibus mactent. Ces peuples pretendoient apparemment honorer tous les Astres , en honorant celui qui en estoit comme le Roi; & ils agissoient par un instinct naturel, qui nous porte à re- connoistre l'unité du vrai Dieu. Mais ils laissoient détourner leur instinct , qui les élevoit à un Soleil d'intelligence , de sagesse de de justice, par des attaches criminelles à leurs sens & aux creatures corporelles, ce qui faisoit qu'ils s'arrétoient à l'image visible au lieu de monter jusqu'à l'original d'une beauté celeste & invisible.

XXII. Et c'est la reflexion qu'il faut faire sur

L i.pag.io, n 15.

L i.c. 116,

tout ce qui a esté dit dans ces deux chapitires du cul- te du Soleil, & de la reünion de toutes les autres Divinitez dans la feule Divinité du Soleil. Un in- stinct de sagesse , & une heureuse necessité porte tous les hommes à chercher un premier principe dans une parfaite unité, & d'une souveraine beauté. Si l'homme s'élevoit à ce qu'il a de plus élevé en lui-mesme qui est un esprit capable de sagesse , de justice & de toutes les plus grandes vertus, il verroit tres-clairement que ce premier principe doit estre un Soleil de sagesse & de justice , invisible & imperceptible aux sens corporels, puisque son esprit mesme leur est imperceptible. Maisaiant rabaissé & comme noyé son esprit dans son corps, & n'aimant & ne considerant plus que des corps , sans vouloir jamais se faire un peu de violence pour considerer son propre esprit sans le mélange des corps : quand il cherche ce premier principe dont il ne peut se passer , il croit l'avoir trouvé quand il a trouvé le plus beau & le plus lumineux de tous les corps.

Mais il n'a pû encore dans cette extréme obscurcissement mesme, fermer les yeux à tous les raions de la verité. Il a esté forcé de se forger cent autres Divinitez , toutes spirituelles & intelligentes, Se de les confondre ensuite avec le Soleil. Car Saturne , Jupiter, Mars, Apollon, Bacchus, Osiris, & tous les autres dont nous avons parlé, ne font pas des corps de lumiere, destituez d'ame & d'intelligence ; ce font des natures vivantes & intelligentes. Il est donc vrai qu'en les reünissant au Soleil, on lui a donné la vie & l'intelligence , & on a fait voir, qu'il estoit impossible que le dernier aveuglement mesme fist embrasser à une affie v ivante & raisonnable , des Divinitez , qui n'eussent ni vie, ni raison. En voilà assez si les hommes eussent vot%e lu y penser , pour les convaincre, que la souverai-

ne beauté du premier principe devoit estre un So, Icil de justice & de sagesse, à quoy la nature du corps, & la lumiere corporelle mesme ne contri- buoit rien.

Cette reflexion ne servira pas feulement à ju- stisier la longueur avec laquelle nous traittons ce point de nostre matiere : mais elle pourra fournir aussi une occasion favorable de s'étendre en expliquant les Poëtes, sur des veritez, im portantes de la veritable Religion & du salut. Le mesme Herodote dit ailleurs, que les Libyens sacrisioient au Soleil & à la Lune feulement. Solis autem omnium Deorurn immolant Soli & Lune ; & bis quidem umveri fLibyes facrificant. Mais comme il est notoire, & que les plus ignorans mesme ne peuvent ignorer, que toute la lumiere de la Lune

est empruntée du Soleil : il est visible que les honneurs qu'on rendoit au Soleil & à la Lune, estoient rendus à la feule lumiere du Soleil, ou comme elle est en luy-mesme , ou comme elle est repanduë sur le corps de la Lune. Ainsi ces honneurs estoient rendus uniquement au Soleil, & c'estoit toujours un effet de l'instinct naturel & du penchant que nous avons pour l'unité d'un seul souverain principe. Il en faut dire autant des autres Planetes, dont la lumiere n'est qu'une reflexion decelle du Soleil. Enfin eoit que les étoiles fixes a yent leur lumiere propre, comme il est plus probable, ou qu'elles l'empruntent du Soleil, ceux qui les ont honorées avec le Soleil, ont toujours regardé le Soleil comme leur Monarque, & comme la plus a bondante source de lumiere qu'il y ait dans la nature. Ce qui suffit pour reduire encore ce culte à l'unité. Le malheur estoit, que tous ces adorateurs du Soleil ne faisoient pas reflexion à une verité qu'ils ne pouvoient ignorer, sçavoir que toute cette lumiere corporelle du Soleil M'ce que

L. 4-C. 188"

tenebres, au prix de la lumiere de l'intelligence & de la sagesse : & qu'ils n'eunent pas voulu eux- • mesmes estre metamorphosez en Astres, ou de- venir le corps ôc la lumiere mesme du Soleil, en perdant en mesme temps la vie , le sentiment ôc la raison. Que s'ils donnoient au Soleil une plenitude & une Souveraineté de lumiere intellectuelle & de sagesse , aussi bien que de lumiere corporelle, ils devoient considerer que c'est par cette lumiere intellectuelle & par cette sagesse suprême & fontale, qu'il meritoit d' estre adoré comme Dieu, & non par la lumière corporelle, qui n'a ny vie, ny sentiment, ny raison; & qui est par consequent bien au dessous de ses aveugles adorateurs , ôc ne peut estre Dieu.

Ces veritez sont si claires qu'il est très- diffici- le que les Payens mesmes n'en fussent convaincus au fond de leur conscience. Mais l'épanchement de leur ame, de leurs pensées & de toutes leurs affections sur les choses sensibles, les empeschoit de rentrer jamais dans eux-mesmes, & de consi- derer que leur esprit propre & leur volonté estoit une lumiere d'une nature incomparablement su- perieure à celle du Soleil : & que s'ils avoient en- core besoin de recourir à une source & à un principe de lumiere superieure à la leur ; c'estoit une lumiere d'esprit & de volonté, de sagesse & de juf- tice , superieure à tous les estres corporels , qu'ils devoient chercher. Quand Xerxes fit au Soleil levant cette priere solennelle , qu'Herodote rapporte , pour luy demander la conqueste de l'Europe, esperoit - il ces victoires d'un corps lumineux , mais sans ame, sans vie & sans raison ? & Vil les esperoit d'un estre vivant, intelligént & souverainement puissant, n'est-il pas visible que ces divines & admirables qualitez n'ont rien de commun avec la lumiere corporelle : puisque nous

J. 7-t si-

voyons tous les corps lumineux destituez de vie Se de raison, & que nous voyons aussi tous les estres vivans & rai sonnables, destituez de lumiere corporelle ?

XXIII. Les Payens mesmes ne pouvoient gnorer ces veritez, & quand Xerxez demandoit iu Soleil laconqueste de l'Europe, il est impossiole, à moins qu'il fût absolument insensé , qu'il ne comprît que ce ne seroit pas par sa lumiere corporelle en l'éclairant & en l'échaufant, que le Soleil le rendroit viaorieux, mais par une intelligence & une sagesse toute-puissante. Le desordre conliÙcit en ce qu'il vouloit que cette sagesse suprême & toute-puissante fût l'ame du corps lumineux du Soleil; ce qui estoit selon saint Augustin oc Lactance approcher de la vérité, mais estre encore dans l'égarement & dans le mensonge. Plutarque nous rend cette doctrine encore plus sensible quand il dit que Jupiter & Junon, le Soleil & la Lune font les mesmes Dieux, mais les deux premiers font les ames & les intelligences, & les deux derniers font leurs corps. Cur annum ]Dvi ) menQs funont confecrant ? An quod in Deos invifibiles & joli inîelligentidt notos regnum obtinent Jupiter & luno ; in eos qui confpettui patent Sol & Luna ? Effi- rit autem Sol annum, Luna menses. Neque simpliviter censendum est hos istorum eJTe imagines , sed ipsum in materia Iovem esse Solem, ipsanque in rn*teria Iunonem eJle Lunam.

Strabon nous a déja dit que les Massagetes n'adoroient que le Soleil, auquel ils sacrisioient un cheval. Solem unicum Deum agnoscunt, tique equum sacrificant. Les Albaniens adoroient le Soleil & la Lune, sur tout la Lune : Deos colunt Solem, Iovem* Lunam. Atque hanc p'ræcipué. Il ne faut pas croire qu'ils preferassent la Lune au Soleil, ou à Jupi- ïcr, mais après ce qui a esté déja dit plusieur-

In qui-Jf.

Roman,

L. 11. pllg.

313.3+6.

fois, il faut supposer qu'ils confondoient Jupiter & le Soleil en un, Jupiter estant l'intelligence le Soleil en estant le corps : & qu'ils ne reveroient la Lune que comme une participation des rayons du Soleil, mais plus proportionnée à la foiblesse de nos yeux. Strabon parle ailleurs de la ville de Cabire en Armenie, où il dit qu'estoit le Temple du Mois , qu'on appelloit Pharnace , ~S jMM/~

«ctpaxa HctM/xevor. Il semble qu'il dise que c'estoit le mesme Temple de la Lune , est autem hoc templum quoque Lune. C'est la Lune qui fait les mois le nom des mois en vient aussi, !J.l', m Il faut se ressouvenir de ce que nous avons dit du Me des Ecritures, qui semble aussï estre la Lune ; oP la Fortune. Strabon dans ce mesme endroit joint aussi la Fortune & le Mois du Roy Pharnace : car Pharnace estoit un nom des Rois d'Armenie. Regis Fortunam & mensem Phamaci, XXIV. Eusebe a traitté au long cette matie re, & il a fait voir que bien que Platon ait recon na que Dieu estoit le createur de tout ce monde corporel : il a neanmoins esté d'avis qu'il falloit ren dre un culte divin au Soleil & aux Astres, comme estant animez de la vie des Intelligences éternelles Il dit ailleurs que si l'Ecriture défendoit aux lfrae lites d'adorer les Astres, parce que Dieu les avoi distribuez aux Gentils, au lieu qu'il s'estoit refer vé luy-mesme pour les Israelites : c'est parce qu'i estoit bien moins dangereux aux Gentils d'adore les Astres, qui font des images visibles de l'invisi ble majesté de leur createur, que s'ils se sussen laissez surprendre par les demons, dont tout l'ai) dans lequel nous vivons , est remply. Aussî le Prophete Ezechiel fait la description de la cheut du premier Ange, fous la figure d'une étoile bril.lante; afin de donner encore plus d'aversion dii culte des demons, que de celuy des Astres. Je laisse:

4, H- pllÇ' 3 j..

Pr&pxr. Ev.

~.j~.c.iS'

Demonli.

Ev.l.. c.8.

nu Letteur la liberté de juger comme il luy plaira c ce sentiment d'Eusebe. Mais on ne peut nier u il ne fût moins dangereux de reverer le Soleil ic les Astres, comme animez de la vie de Dieu & e ses Anges, que d'adorer les demons ; & que ce e fût comme dit S. Augustin, se moins éloigner e la verité.

XXV. Il faut finir ce Chapitre en remarquant ue les Dieux les plus anciens des Gentils, des Ules, des Legislateurs, & des poëtes, estoient es mesmes. Ainsi la distinction qu'on en a faite, .efi: pas des premiers temps, lorsque l'on n'ado- foit que les Dieux naturels; mais des derniers, Juand les Dieux historiques eurent esté ajoûtez (ux Dieux naturels, & eurent enfin pris leur plaie. De quoy nous parlerons encore plus bas.

C H A P I T R E V.

Due les Divinitez du sexe feminin se reduifoient à la Lune.

7. La Lune efi la mesme que Cerés félon Virgile.

1I. La mesme que Diane- Lucine & lltthya felon Horace.

Il J. 1 V. D'où vient cette prérogative de la Lune. C'est « Soleil de la nuit.

V. La Lune est la mesme que Venus Vranie.

V I. Et A si art é.

V Il. Etlunon, car Iunonefioit aufft Afiartè.

VIII. Le terme Grec & Latin d'Afire vient de là.

I X - X 1. C efi aujft la mesme que Mylitta& Anaitis.

"est la mesme que Mithras.

X 11. C'est aussi Jfîs.

XIII. Et Minerve. C'est la DéeJlè Celefie 3 la Fortune, renm.

XIV. C'est lana, ou Diane.

XV. XVI. XVII. c'est Iunon, llithya, Levana.

XVIII. s ervtm dit que les Stoïciens réunifiaient tn mt toutes ces Divmitez.

X l X Lm f tuf Us le faifoitnt aussi qmlquefçit.

XX. Elle efï la mesme que Libttma.

X XI. Et Proserpine.

XXII. La mesme que Hecate.

X X 1 11. Imaginations de Plutarque sur la Lune.

XXIV. Sentimens plut ràisonnables de ce Philosophe fut le Def/in, ou la Parque, qui efi la Lune mesme.

X X V. Sentiment de Varron sur lt n;lfr'le sujet.

XXVI. Sentiment de Tertulhen expliquez. Les fondant des Anges.

XXVII. XXVIII. Des Parques.

I.

c

Ette matiere a esté déja ébauchée en pKi^| sieurs endroits des Chapitres precedens.

Nous ajoûterons icy ce qui nous en reste à dire, Virgile a manifestement confondu la Lune ave Cerés, quand il a dit au commencement de feb Georgiques,

Vol o clarissima mttndi Luminfa labentem cœlo, quæ ducitù annum, Liber & aima Ceres.

Ce Poëte ingenieux interesse ces deux grands Astre à favoriser îon dessein par des noms qui leur con viennent & qui ont du rapport à son ouvrage. Ca les noms de Bacchus & de Cerés ont bien plus d proportion aux Georgiques que les noms de Solei & de Lune.

II. Horace a aussi confondu la Lune avec Dia ne , avec Lucine, & Ilithya. -- -

phœbe ,fylvarumque potens DianA, Lucidum cœli decus, o colendi Semper, & culti, &c.

Alme Sot curru nitido diem qui Tromis & eelas, &c.

Lents Ilitbyia tuere matres, Sive tu Lucina probas vocari, Seu (Jenitalis Diva , prodttcai fobolern. - - -

Reconnoissons donc que les Dieux des Poëtes ont esté les mesmes que ceux des Philosophes, peu

Carmen suul.

feulement dans les premiers temps, quand il n'y avoit pas d'autres Philosophes que les Poëtes, mais Hill dans les derniers, au temps de Virgile 6c l'Horace.

III. Comme la Lune est, pour ainsi dire, le Socil de la nuit, d'où vient qu'Apulée l'appelle Lu- am Solùîmulam, noctis decus, & qu'elle luit au milieu des Astres comme leur Reine, d'où vient u'Horace dit, Siderum regina bicornis ; & ailleurs, dut inter ignes Luna minores. Enfin puisque l'Ecriture mesme dit que Dieu a fait deux grands flambeaux & deux grands Luminaires, l'un pour premier au jour , l'autre pour presider à la nuit, ut h-ærJTct nocti : il ne faut pas s'étonner aprés cela si.

a Lune a partagé avec le Soleil l'empire du monle, l'admiration & le culte des hommes , qui voient fait leur Dieu non feulement de leur ven'" re , comme dit l'Apostre , quorum De m venter est, nais de tous leurs sens exterieurs, & de tous les bjets sensibles qui pouvoient le plus charmer eur sensualité.

IV. Aristote dit que les Nations respectoient Lune comme un autre Soleil, parce qu'elle en articipe & en approche le plus : Propter Solis soietatem , receptumque lucis ; est enim quasi alter Sol ninoY. ùo'msp Ixm a. H'l\t:f!;- jAarTwr, Pline dit qu'Endyion passa une partie de sa vie à observer cet stre, d'où prit naissance la fable , qu'il en estoit evenu amoureux : Qut singula in ea deprehendit inum prirmus Endymion; & ob id amore ejus capu fama traditur.

Ciceron semble dire qu'elle s'appelle Luna Hafi luce lucens aliena. Ex quibus erat ea minima, ma ultima cœlo, citima terris, luce lucebat aliena.

atulle en dit autant,

Tu potens Trivia, & notho es DiÛa lumim Luna.

L. deDeo S ocrât*

Carm. Sic..

l. 2.. od.n.

Dégénérât, animal.

L. 4. c. ult.

L. i. hist.

nat. c. 9.

In somm.

Scipi.

Carm. jji

Seneque est de meime sentiment; Cum Pbœbe solitum lumine non suo .1 Orbem , circuitis cornib uf alligat. J En voilà assez pour verifier ce que nous avohs dit, que reconnoissant que la lumiere & la beauté de la Lune n'estoit qu'une reflexion de celle du Soleil , on ne pouvoit la reverer que conjointement avec le Soleil, & avec une conviction interieure l que c'estoit pllltofl: le Soleil qu'on respectoit en elle. D'où il s'enfuit que tout le culte divin revenoit à l'unité.

V. Vossius montre fort au long que la Lune est la mesme que Venus Uranie ou Celeste, qui fut premierement celebre parm y les Assyriens, puis le culte en passa en Phenicie & en Chypre, d'où il passa encore en Grece, en Afrique, en Italie, & jusqu'aux Nations les plus reculées de l'Europe: Voicy ce que Pausanias en écrit : Non longè abefl C&lefris Veneris delubrum , quam primi bominum Asfyrij coluere; à quibus Paphij in Cypro acceptum facrorum ritum, cum Phœnicibus qui in Palestina fiA calonem civitatem incolunt, Phœnices cum Cytheriis communicarunt. Athenis verò eam religionem indu* xit /hgeiu , &c. I VII. Le nom de Celeste est Latin, celuy d U ranie éft Grec, les Assyriens honoroient apparem- ment cette Déesse fous le nom d'Astarté, que qel ques-uns ont traduit Astroarche ) ce qui conviendroit avec le nom de Celeste ou d'Uranie. San"; chunjathon & Philo Biblius son interprete font témoins de cette verité, dans les fragmens qu' E usebe nous a conservez de leurs ouvrages, jlfiartem Phœnices f/enerem esse prœdicant. Ils disent aussi qu'elle a une teste de Taureau sur la teste, ce qui convient au Croissant de la Lune. Dans les livres des Rois les Septante ont interprété Astaroth par -ni ~, lucor. Ce qui est propre à Diane, qui ai esté *• m*

Mt4. Àtt. 1.

He Idol. i.

t, c. 11.

In AtticU.

Il I. c, 7.

si. 3.

esté appellée ci-dessus par Horace Sylvarttmcjue poens Dea. Or Diane est la mesme que la Lune. Lllien dit nettement parlant du Temple d'Astarte en > henicie, qu'il croit que c'est la Lune. Astarten autfr, ego put 0 Lunam e.Dè.

VII. Astarte n'estoit pas feulement la Lune & Venus, c'estoit aussi Junon Plutarque l'assure ans la vie de Crassus en parlant de Venus Assyrienc ou Orientale. Primum verò omen ei offeriur ab ac Dea, quam Venerem aliqui, Junonem alii, alij utem Deam, initia, & semina omnibus ex hue. ido Vôibentcrn existimant. Ce texte de Plutarque me aroist fort important, parce qu'il nous découvre a raison fondamentale de reünir tous les Dieux au oleil seul, & toutes les Déesses à la Lune feule.

ar comme ce font des causes naturelles à qui on a ttri bué une Divinité, ces causes naturelles se reuisent toutes à ces deux fortes d'influences, ou ar la chaleur, ce qui convient au Soleil, & à tous s Dieux celestes , ou par l'humidité, ce qui est prore à la Lune & à toutes les autres Divinitez du sexe

iniinm. Ainsi Junon , Venus, Diane, Lucine, lithyie, la Lune, ne font qu'une espece de prinpc naturel ,qlti est la source de l'humidité. Apu- e dit allffi que Junon est la mesme que Lucine: agntJ J ovis germana, quam ornms Oriens Zygiam , omnis Occidens Lucinam appellat.

VIII. Mais il faut confesser qu'A starte estoit roprement ou la Lune , ou Venus, parce qu'elle oit nommée vrai-semblablement des Astres; uoique nous en aions rapporté ci-dessus une autre ymologie. Suidas dit qu'Astarte tire sa dénomiation des Astres. ctçf.% au-. Ce qui donP un juste sujet de croire, que leterme d'Astre est riginairement, non feulement Latin & Grec , ais Assyrien, comme il paroist dans ces noms ropres, Esther, Zoroaster.

£ • de Ia Sjria.

L. 6. Met llÎJ.

I X. Herodote dit qu on appenoit aum v er Assyrienne Mylitta. Venerem enim vacant Assy Mylittam. Ce terme est manifestement Phenicie ou Hebraïque , Moledeth, nativitas, progenies.

A peine peut-on douter aussi que ce ne soit fameuse Anaitis des Perses & des nations voisme dont Strabon parle de la forte. Omnia Persarum cra, & Medi, & Armenij; religiosè colunt ;præ ci ris vero Anaitidem Armenij, cui ~& alibi templa suerunt, ~& in Acilisena. Ibi servos servasque et cor crant, quod sanè mirurn non est Sed & iilttflnjJ.

ejUJ 1Mtiollis fit/as filM Virgines ei dedicant; ~& lo ut longo tempore apud Deam construpratæ, deinde n trui dentur; nemine talis mulitris conjugium dedigne te. Cette prostitutioninfame *' de filles dans le Te ple d'Anaitis, montre que c'estoit Venus. Pau

nias dit que c'estoit Diane : Lydis esse Diana ii; tidos templum. Plutarque en dit autant dans la d'Artaxerxes , Dianæ in Ecbatanis cultæ quam A.

tim vocant. Diane est constamment la Lune, a Anaitis, Diane, Venus, & la Lune se trouv reunies en une.

X. Herodote confond Venus avec Mylit Alitta, & avec Mithras mesme en parlant des P ses; & reconnoissant que c'est Venus Uranie. V niæ quoque facrificant ab Assyriis Arabibusque ~t tii. Vocant autem Assyrij Fencrem Uylittaln ..;.

bes. eandem Alittam appellant, Persæ Metram.

nom d'Alitta est le mesme que Mylitta , & vi de la mesme racine Phenicienne Falad gen De là on a fait Alitta Ilithya, Mylitta. C'est aussi Alilath des Arabes , dont le mesme He dote parle ailleurs. Dionysum quem Vroutat ap leint & Vraniam quam Alilath vocant, solos 2.

esse arbitrantur. Il ne faut pas se donner beauc de peine pour deviner, pourquoi les Perses ont d né le mesme nom de Mithras à la Lune & au Sol puisque ce n'est qu'une feule lumiere, propre

L. ii.

ln Laconic.

L. i-c. JI.

L. 3. c. 8.

empruntée, oc que ce sont les deux Soleils, l'un lu jour, l'autre de la nuit : enfin que ce n'est qu'une neime ame & une mesme vie universelle, qui initie dans tout le monde par ces deux grands orgales. Car il ne faut pas douter que ces adorateurs h fc Soleil de la Lune, ne fussent secretement de avis de Zenon, que la Lune estoit un corps plein te lumière, de sagesse & d'intelligence. Voici ce [u en dit Stobée, Zeno Lunam aiebat sidus elfe intel- igens t ac prodenr. Comment des hommes vivans 'z raisonnables eussent-ils pû adorer des Dieux 'ils ne les eussent crû vivans & raisonnables? Ils le se fussent pas mépris, s'ils eussent connu, que es Intelligences celestes mouvoient ces corps sans es animer , & nedevoient point estre honorées du lelme culte, que la suprême Divinité.

XI. Plutarque expliquant un songe de Sylla , arle de la Déesse qui lui apparut, & qui lui mit en foudre en main. Le culte de cette Déesse estoit originairement venu à Rome de Cappadoce , & on e sçavoit si c'estoit Bellone, ou Minerve, ou la -une. Il y a bien de l'apparence que c'estoit Anai.s , ou Uranie, si respectée dans l'Orient, & toute ~a mesme que la Lune. £ >icitnr etitm ipsi Syllæ in rmntsje obtuhjfe Dea, yuan ex dtfciplint Cappadoum Romam CfJ/unt, five ca Luna, five Minerva, ve Bellonasit, hæc Syllæ visa est assistere) & Jfulmtn s tradere ~&c.

XII. Diodore de Sicile témoigne , que le nom yfis en langue Egyptienne signifie ancienne. Ce qui est fort convenable à la Lune aussi-bien que ce qu'il joi\te , que fous le nom d'Isis, on a entendu tout equd y avoit de matériel & d'humide dans le nonde. Ainsi Isis estoit le principe maternel de outes choses, commeOfiris estoit le principe pacrnd,ceA-a-dire, que celle-là estoit la Lune, & celui-ci le Soleil. Aussi Plutarque dit , que ls

Voss. i.c.

lO,

L. i.

Egyptiens nommoient la Lune Mouth, et efi:--d: re Mere. D'où vient peut estre que les Persans l'ap- peloient aussi Mithras ; & d'où vient peut-estre le nom Grec & Latin wvp, Mater.XIII. Plutarque auure aussï que la Lune esto Minerve, Apud Saitas simulacrum Minerve , qt & Ifu existimatur &c. Isin sæpè MineYVrt, ~nomi significant. Or nous avons fait voir qu'Isis n'esso autre que la Lune. Cet Auteur parle encore pluclairement ailleurs, Nisi dicere velimus, quomod Achillem Minerva nutrimentum respuentem, necta & ambrosia instlillatis alluit: ita Lunam quoque, ~t q!tæ Minerva dicitur atque est, ambrofiam exhibendo istos homines nutrire.

Tertullien a parle de la Déesse Celeste d'Afri que , Vnicuique Provinciæ ~& civitati suus Deus efl ut AfrictI, Cælestis. Philaftrius nous a déjà dit, qu c'estoit celle que les Juifs nommoient la Reine di Ciel, ou la fortune du Ciel, quin'estoit autre qu la Lune. Alia hæresis in Jud&is quA Reginam ,quan & fotunam Cœli nuncupant; quarn & cœlestem vocan in Africa. Saint Ambroise dit aussi que c'est Venu & Mitras des Perses, Vnde & Phrig Vates, ~& sem per Romanis invifa non æquæ Carthaginis Numina quam Cœlestem Afri, Mitram Persæ ,plerique ~Vt nerem colunt» pro diverjîtate nominis, non pro-Numi nis varietate. «

XIV. Diane n'est pas moins clairement la Lu- ne. Le nom de Diana remble venir de Diva Iana Car comme on appelloit le Soleil Ianus, la Lune estoit aussi appellée lana. Varron donne ce nom à la Lune: Nunquam audistirure, Octavo Ianam Lunam ~&c. Et tamen qutl.dam meliùs fieri post octavarn la nam Lunam. On a donné à Diane l'intendence de la châtie , parce que c'estoit la nuit qu'on chassoit à la faveur des raions de la Lune. C'est pour la mesme raifen qu'on l'appelle la Reine des bois & d.': !

ln lfide,

De facic in r{¡' Lun A.

In Apolog.

1fl Catal.

htrtf, c.ij.

rpift. cont.

izelat. Syw.

X.i -c'57.37.

montagnes , Montium Custos nemorumque Virgo.

Saine Jérôme, dit que Diane d'Ephese estoit repretencée avec plusieurs mammelles, ce qui est propre à la Lune : comme à la nourrice commune de tous les animaux. Erat Ephesi templum Diane , & lufdern in ipso multimainmia, id estmultarum main.

nallTfl, effigies; qua cultores ejus decepti , putabant tam omnium viventium nutricem. Diane presidoit tux enfantemens , parce que c'est la Lune qui forc les mois , & regle les termes des accoucheitnens. Voici ce qu'en dit Ciceron ; Adhibetur ad fartas quod ii maturescunt ,aut septem nonnunqium, plerumque novern Lzmæ cursibus. C'est pour cela PPuili que les nouvelles mariées lui consacroient leur ceinture ; ce que Catulle a ainsi exprimé , Ti- èi Virgines Zonula solvunt sinus.

f XV. C'est en partie pour cette mesme raison , Iqu'il faut dire, que la Lune estoit la mesme qu'on pappelloit Junon. Si Jupiter est Cham, ou Ham- Imon, ou le Soleil ?EÇ, tous ces noms; aiant la imefme signification, c'est une fuite naturelle , que Junon soit la Lune. Junon est appellée Hrlpw , parce qu'elle domine sur l'air ; c'est le mesme Empire id e la Lune. Junon presidoit aux accouchemcns fous le nom de Lucine , & Lucine estoit la mesme ique la Lune, ou que Diane. Aussi l'appelloit-on JLucina ou Lucifera à lucendo, comme peut-estre Iufti. Diana à Die. Voici ce qu'en dit Ciceron Lua à lucendo nominata. Eadem enim Lucina. Itaque t apud Græcos Dianam eamque Luciferam ; sic apud nO-ros Iunonem Lucinam in pariendo invocant. Et Jculle. Tu Lucina dolentibus , luno dittapuevperis.

Y, VI. De là vient qu'on donnoit à Junon & à Dîme le nom d'Ilithyia qui presidoit aux accou- chées. Denys d' Halicarnasse en parle en ces termes : Iiltthyam Romani vocant Iunonem Luciferam. Voilà pour Junon. voici pour Diane, Orphée en parle

In Epist. ad Ephes.

r,. i,. de Natura Deomm.

Epigr. 61.

L. z.de N" tura Deor.

la nupti as 1 ulÎA & ManliiL. 4.

ainsi dans les hymnes, Diana Ilithyia, & casta ta* dem Prothurea. Or Plutarque dit clairement que c'est la Lune. Vnde censeo etiarn Dianam Lochiam, fsve partûs pr<cfîd?m , & Ilithyiam, ut quA non ait A sit à LHnA) esse nominatam. Outre l'étymologie que nous avons donnée de Ilithyia, qui est la veritable , il y en à qui font venir ce nom du Grec , te,, t to é^ctv, comme quelques Grammairiens font venir Venta à veniendo.

XVII. Saint Augustin dit que Junon portoit aussi quelquefois le nom de Mena, qui signifie la Lune, à cause qu'elle arreste le fang ou les mois des accouchées: Hanc providentiam fluorum men- struorum ïh hbro Seleïiorum Deorum ipsi Iunoni Varfo' tdîfgnat, cjnn in Diis Selectis etiam Regina est : & hic tanquam Iuno Lucina cum eadem Mena, privigna [ua, eidem cruori praesidet. Cet office estoit donc attribué & à Junon & à Mena fille de Jupiter. Mais; ces Genealogies Poétiques ne doivent pas estre examinées avec rigueur. Homere met plusieurs 111thyies, & les fait toutes filles de Junon. Les autres Poëtes en parlent un peu autrement, & il ne faut pas attendre de la poësie & de la fable une exacti- tude fort scrupuleuse.

Les Romains avoient encore leur Déesse Levana , dont parle saint Augustin, comme si sa fonction eut elle de lever les enfans de terre : Levet de.- terra ,& vocetur Dea Levana. Il y a bien plus d'ap- parence que ce nom de Levana, dont on fit Luna, vient du terme Hebraïque Lebana, alba. D oiu font aussi venus les noms des Alpes , du mont Liban & d'Albion,à cause de la blancheur des neiges.

XVIII. Servius a joint en un autre endroit: plusieurs de ces Divinitez que nous venons de parcourir, & les a toutes réunies en une, protestant que c'estoit le fentimcnt des Stoïciens. Vos ô clarissima mundi lumina. Stoici dictait non esse nisi unuin

L. 3. Sym~; p obl. i,

Civit. 1. y.

c. i.

Civit.l. 4.

c. II.

In L. I.

Gearg.

Peu m, & unllm eandem ejJe potefiatem y que pro ratione officiomm nojîrorum variis nominibas appellatur. Vndt eundem Solem , eundem Liberum , eundem Apollwem vacant. Item Lumm, eandem Dianam, eandem Cererem, tandem Junonem, eandem Pro ferpiilam dtcunt. Secundùm quos pro Sole & Luna, Liberam & Cererem invocavit Virgilins. -

XIX. Ce n'estoient pas feulement les Philosophes qui réunissoient les Divinitez, mais les peuples aussi, comme il paroist par ce que dit Pausanias, quand il parle des Lacedemoniens, & qu'il dit qu'ils avoient dedié une figure de bois à Venus-Junon, comme ne faisant qu'une feule personne : Operis antiqui signum ligneum Veneris- Ju- nonis appelant, cui pro filiarum nuptiis sacra facere matres est solemne. Les Romains ne receurent peutestre d'abord Venus qu'en lamesme maniere. Car Varron témoigne que pendant qu'il y eut des Rois à Rome , Venus n y fut point connuë, & elle n'y fut nommée d'aucun nom , soit Grec, soit Latin.

Voicy ce qu'en dit Macrobe, Cincio etiam Varro consentit, affirmant nomen Veneris ne sub Regibus quidem apud Romanos vel Latinum, vel Græcum nomen ptijjt. Comme Denys d'Halicarnasse assure que Romulus & Numa ne voulurent point souffrir qu'on parlast à Rome de ces Divinitez impudiques des Grecs, ou des mariages des mortels avec les immortels ; il est probable que Venus y fut long-temps inconnue, Junon faisant toutes les honnestes fonctions de cette forte.

XX. La Déesse qui presidoit aux funérailles, estoit nommée Libitina ; quelques-uns la confondent avec Proserpine, d'autres avec Venus ; la Lune aussi bien que le Soleil presidant à la naissance & aux funerailles, comme la cause generale d e la génération & de la corruption de toutes choses , reçoit également en elle feule tous ces noms 8c

SIWlrn. L\.

c. II.

L. i. Annq.

toutes ces fonctions. Voicy ce qu'en dit Plutarque dans la vie de Numa. Præcipuè illam nomine Libitinarn, Deam prœsidem eorum quoe defunctis justa fiunt; sive ea Proserpina est, sive ut Romanorum eruditissimi arbitrantur, Venus fît ; haud male uni Numinis vir- tuti, ea quoe ad ortum & finem pertinent, adscribentes.

XXI. Proserpine dont le nom vient selon Varron à proferpendo, Quod ut serpens, modo in dexte- ram partem, modo fîniftram latè vagetur : & en- core plus apparemment selon Ciceron du Grec Ùc^epo'y» ; c'est aussi manifestement la Lune, selon le mesme Varron ; mais sur tout quand la Lune est fous la terre, & qu'elle éclaire l'hemisphere opposé au nostre. Hine Lunam Epicharmus Emu Proserpinam quoejue appellat , quod solet esse sub terra.

Servius dit que Proserpine est la mesme que Diane & Junon, que nous avons déja confonduës avec la Lune. Hæc namque est Diana, Juno, Proserpina. Julius Firmius parle encore plus clairement, Liberum ad Solem volunt referre commenta G'&comm ; Proferpinarn vero Liberarn dicentes , Lu- nam esse consingunt. Si l'on fait Proserpine fille de Ceres, que nous avons dit estre aussi la Lune , il faut se ressouvenir que c'est une genealogie poëtique , & qu'elle signifie feulement que la Lune est Cerés entant qu'elle nous éclaire ,& elle est Proserpine entant qu'elle éclaire nos Antipodes.

Le nom Grec de Persephone vient apparemment de ce que la Lune soûtient & détruit toutes choses , donnant la vie & la mort par la generation 6c la corruption. C'est le sens de ces vers d'O nomacritus, qu'on croit estre l'auteur des Hymnes attribuez à Orphée.

l , E -,. , r 7/j'H k. C'àr«r@., (*.4■ v r/ 'oïç aroWifM'xvott; PpOq;OVElCt; QffCiç ?«/>, a<ï (t 'lUctvëà çoisvxç.

Vit a & mors sola mort ait bat calamttofis Proferptna y fc; s tiJ'im semper ô- - omnia cçcidû*

T 4 de!..L.

7-l denat;:r. Deor.

/Ensid. 1. j.

L. de eyror.

rel.

Elle estoit aussi appellée Libera, comme on nommoit le Soleil Liber. Ainsi ce nom revenoit à la Lune. Minutius Felix conte la fable de Proserpine en ces termes ; Ceres facibus accensis & serpente circumdata , fubreptam Itberarn nxia & sollicita .veJf(gat.

XXII. Celle qu'on appella Hecate, est aussi la mesme que Proserpine & que la Lune. Appulée en parle de la sorte ; Sive tu Ceres, seu Phœbi ror, sèts nocturnis ululatibus horrenda Proserpina, tri- orrai" f icie larvales impetus comprimens , &c. Cutius Numtn unicum multiformi specie, nomine multijltgo orbis moderatur. Attici Minervam, Eleusiny ! Cererem, aly Hecatem. C'est pour cela qu'on l'apIPcI1 oit Trivia, lewJïTit, parce que son image se mettoit aux Carrefours, soit à cause du bruit qu'on !y faisoit la nuit pour imiter les hurlemens de Ceres en cherchant Proserpine , foit à cause qu'elle estoit & la Lune dans le Ciel, & Diane sur la terre , & Proserpine ou Hecaté dans les enfers. Le Scholiaste d'Aristophane : Hecaten antiquitus couere in Triviis, propterea quod eandem & Lunam & Dianam & Hecaten vocarent.

f Servius en dit autant, quand il explique ce vers l de Virgile: Nocturnisque Hecate triviis ululata per urbes.

l y observe la ressemblance de cette ceremonie avec celle d'Osiris en Egypte. Ainsi comme nous avons déjà montré que la mort & le retour d'Osiris n'estoit que l'éloignement & le retour annuel du Soleil ; l' enlevement & le recouvrement de Proserpine ne signifie aussi autre chose que l'absence de la Lune & son retour alternativement.

Voicy les paroles de Servius : Proserpinam raptam à Dite Patre cum Ceres incensis faculis per orbem ter- rarum requirent , pertrivia earn vel quadrivia voca- bat clll11lQribm, Vnde permansit in ejus fteris ut cer-

rn Oftavio.

L. u.

In Phitum.

L. 4 ,&nei.

tis diebus per compita exerceatur ululatus ; sicut in Isidis sacris, ubi efi imitatio inventi OJîridts.

Ce mesme Commentateur de Virgile donne encore une autre explication de ces trois visages de Hecaté ; sçavoir qu' entant que Lucine elle donnoit la naissance, entant que Diane elle donnoit la santé & les forces; enfin elle donnoit la mort entant que Hecaté. Nonnulli eandem Lucinam, Dianam, Hecaten appellant , ideo quia uni Deæ tres assignAnt porcftarcs, nafèendi, valendi, moriendi. Et quidem nascendi Lucinam Deam cjJe dicunt, valen- di Dianam , moriendi Hecaten: ob quam triplicem potestatem) triformem eam triplicemque finxerunt ; ciiim in triviü templa ideo firuxerunt.

X XIII. Je ne m'arresteray pas à ce que Plutarque conte de la Lune , quand il dit que les Champs Elysiens estoient la partie superieure de la Lune, qui ne nous regarde jamais ; que l'endroit de la Lune qui est tourné vers la terre, s'appelle Proserpine & Antichthon ; que les Genies & les demons habitent dans la Lune , & en descendent pour rendre des Oracles , ou pour assister aux jours de festes : que si dans ces fondions ils agissent contre la justice, ils en font punis, estant re- plongez dans les corps terrestres ; que la Lune ne tourne sans celle pour se rejoindre au Soleil, que par un mouvement d'amour pour ce Pere commun de la lumière ; que les ames pures en sortant de leur corps s'envolent vers le globe de la Lune, qui est la mesme que Lucine & Diane. Ce tissu de rêveries ne nous empêchera pas de croire que Plutarque ait esté un des plus sçavans hommes de l'antiquité, & un des plus grands Philosophies que l'école de Platon ait jamais produit. Mais il nous fera voir de quelles extravagances font capables les plus grands hommes & les plus sçavans , quand ils n'ont que leur raison pour guide, ou plûtost

ibidem.

De ffleie in orbe Lune.

quand estant destituez de la lumiere de la vraye Religion & de la regle des divines Ecritures, en croyant suivre la raison , ils se laissent aller à des imaginations absolument déraisonnables.

XXIV. Ce que Plutarque ajoûte des Parques, n'est peut-estre pas si mal fondé. Car il y a un destin que les Anciens ont mis dans les Astres, & qui peut avoir un bon sens puis qu'on ne peut douter que toutes les causes naturelles ne fassent un enchaînement, dont les suites & les effets font necessaires & inévitables. On ne peut pas noe plus hesiter que le Soleil & la Lune ne tiennent le premier rang dans cet entrelassement des causes naturelles. Plutarque dit que de trois Parques il y en a une qui est attachée au Soleil, & qui donne naissance aux choses ; que la seconde suit la Lune , & c'est elle qui lie & qui soûtient les productions de la premiere ; enfin la troisiéme approche le plus de la terre, & c'est aussi celle qui est la plus mêlée avec la fortune. Saint Clement d'Alexandrie dit qu'il y en avoit qui avoient tellement attaché le destin à la Lune , qu'ils disoient que s'il y avoit trois Parques , c'estoit à cause des trois jours les plus remarquables de la Lune.

Parcas allegorice dici partes Lunæ , trigseimam , quintam decimam , & novam Lunam ; ideo & Candidatas dici ab Orpheo quòd sint partes Incis.

XXV. Varron dit , & il faut l'en croire, qu'au lieu de Parca , on disoit autrefois parta. Ce terme répondoit au terme Grec oTese , & venoit à partiendo , ftpEJV partager; parce que c'est le destin qui fait le partage & le fort de chaque particulier. Or dans cette chaîne uni verfelle de toutes les causes naturelles qui produisent tous les effets sensibles, & qui tonc,ponr ainsi dire, le destin de nostre corps, la Lune est sans doute l'une des plus considerables & des plus efficaces, comme elle est aussi la plus pro-

L.j.Strem.

che de toutes. Quelques-uns ont pris Parta pour partua ou partula, qui preside aux enfantemens, & est la mesme que Lucine, ou la Lune. Tertullien en parle. Et partulam que partum gubernet, & Lu- cinam quæ producat in lucem. Il est peu probable que cette Déesse Partula fût la mesme que Parta, ou la Parque ; quoy que l'une & l'autre fonction de presider à l'enfantement, &de faire le partage des bonnes & des mauvaises qualitez du corps de l' enfant, fût propre à la Lune.

XXVI. - Que si Tertullien dit dans ce mesme endroit, que c est la providence divine qui dispose de tout, qui forme tous les avantages, ou les desavantages de nostre fort & de nostre naissance; & que c'est inutilement que les Romains ont destiné à cela tant de Divinitez particulieres, parce que toutes ces fonctions subalternes doivent estre attribuées aux Anges, qui font les ministres de la Providence : il ne faut pas croire que ce Pere s'oppose aux influences des Astres sur nos corps. Mais il ne veut pas souffrir qu'on en fasse des Divinitez, parce que les Intelligences dont les Payens faisoient les ames de ces Astres , & leurs fausses Divinitez , ne font nullement les ames de ces corps celestes, mais des substances Angeliques qui meuvent tous les corps & les gouvernent sans les animer. Voicy le passage tout entier. Omnem autem hominis in ute- ro serendi, struendi, fingendi paraturam aliqua uti- qllc potestas divinæ voluntatis minstra modulatur, quamcunque illam rationem agitare sortita. Hæc affcmando etiam superstitio Romana Deam fiixit, Alemo- nam alendi in utero foetta. Et Nonam & Decimam à sollicitioribus menisbus & Partulam, qUit partum gubernet, & Lucinam quæ producat in lucem. Nos officia divina Angelos credimus. C'est à dire que félon Tertullien les Anges font préposez à tous ces offices: ce qui n'empesche pas que l'on ne pût

L,de anima f.37.

croire que les Astres influent, & que la Lune a pû estre considerée mesme à cause du neuvième & du dixième mois , qui font comme ordinaires pour accoucher, & on sçait que la Lune regle les moisi c' est pourquoy il y a apparence que c'est elle qu'on appelloit Nona & Decimai aussi-bien que Lucina.

XXVII. Revenons à la Parque & à la Lune, qui estoit une des Parques, au moins dans l'esprit de ceux qui donnoient cette qualité à Ilithyia, qu'on sçait estre la Lune & presider à la naissance.

On est ordinairement prevenu de cette pensée, que la destinée est reglée au moment de la naissance. Voicy ce que Pausanias dit sur ce sujet. Ly- cius patria Delim hymvts & in alios, & in Ilit hydn conscriptis, Eulinon eam sive lanificam appellat , eandem innuens esse ac Pepromenem, sive fatum, & Sa- turno antiquiorem.

Ce mesme auteur dit ailleurs qu'on estimoit que Venus Uranie, que nous avons fait voir estre la Lune, estoit aussi l'une des Parques, & mesme qu'elle estoit la plus âgée des trois sœurs. Epigramma vero indicat Vencrem Cœlestem , earum quæ Parca vocantur, natu maximam.

Enfin il dit ailleurs que Pindare a donné à la Fortune le premier rang d'autorité & de puissance entre les Parques. Eqitideni carminibta Pindari cùm aliqua credo, tum verò Fortunam esse unam Parca- rum, & eam sororibm ex parte antecellere. Or nous avons prouvé cy-dessus, que la Lune avoit passé pour la Fortune. -

XXVIII. Finissons ce Chapitre par ces vers d'Horace qui font foy de la persuasion des anciens, que les destins de la mort des hommes estoient attachez aux Astres, quoy qu'ils reconnussent qu'il nous estoit tres-difficile d'en penetrer le secret.

Th ne quafieris [cire nef,« , - quem mibi, quem tilpt Finem dederint 9 nec Babylonios

In Arcadic.

In Aiticif.

*

InAcbaïcii.

L. 1. oJ. II.

Tentaris nwneros.

C'est des supputations des mouvemens celestes qu'il parle, & de la science des horoscopes, en quoy les Chaldéens excelloient.

CHAPITRE VI.

Du culte rendu aux Astres de Venus & de Mercure.

I. Si lu fable de Venta vient de li beauté & des propriétés de cette Planette.

II. Les noms Latins , Grecs & Hebraiques de cette Planette. Pour quoy il cft parlé des Anges fous le nom des Astres dans l'Ecriture &> dans les Poètes.

III. Dans l'Ecriture mesme fom le nom d'un Astre on en tend quelquefois un grand lioy. L'analogie rend ces exprcffions justes & n eceffaires.

1 V. Dm culte rendu à l'Etoile de Venu*.

V. Mercure fut pris pour l'Intelligence du Soleil, ilprefidit en fui te aux difeours , aux feiences 6> aux arts.

V I. Les Gtntils concevaient les Astres comme des lntdli- gences , dont le génie & les l'r(Jprieter.le reconnoissoient par des influences proportionnées.

VII. D'ch v:ent lt rapport de la fable avec les aphorifmci de l'Aftrologte.

V 111. Nouvelles preuves de ce q:ti a cftl dit de Mercure IX. Des Attrcures de pierre, dont il est parlé mesme dam l'Ecriture.

I.

p

Orphyre dit avec quelque vraisemblance que les Anciens admirant la beauté , la

grandeur & l'éclat extraordinaire de l'Etoile de Venus, creurent que ses influences répondoient à sa grandeur &. à sa lumiere, & qu'elle contribuoit beaucoup à la production ; ce qui les porta à la representer fous la figure d'une femme d'une ex- traordinaire beauté. Stellam autem Vtnms cùm ad generationem prolewque gignendam aptam, & cupi- ditatis ac seminis causam esse adverterent,, eam ob

Apud Eure.

I. }.Pr&par.

Evanc. c. il.

t;¡Cr.ltiORem effinxere specie mulieris , fed forma pelegantis , quia & eaiem Hesperus ji, qui pulcherrimus. Saint Augustin parlant de l'Etoile de Venus, use de ces termes , qui font voir, que les anciens avoient la mesme idée de la grandeur & de la beauté de cet Astre : In stella Veneris nobilissima, quam Plautus Vesperuginem , Homerus Hesperum appellat, pulcherrimam dicens. Voilà tout le fondement de l'histoire fabuleuse de la belle & impudique Venus, tiré de la nature de ce bel Astre.

II. On [ait qu'il paroist quelquefois le foir sur l'Horizon, après le coucher du Soleil , & qu'on le nommoit alors , Vesper, Hesperus J quel- quefois le Matin avant le lever du Soleil, & on l'appelle Lucifer, Phosphorus ; Isaïe en parle : Quornoâo pecidisti de Cœlo Lucifer qui mane oriebaris ; Autrement : Lucifer silins aurora. Le terme Hébraïque Helel, répond parfaitement au Grec & au Latin jfwsfoejç, Lucifer, & il vient de Haltill , lucere, radijçare , luire. Nous appliquons ce texte de l'Ecriture a la chute du premier Ange , le sens litteral semble marquer la chute du Roi de Babylone. Il n'est tEas nouveau dans les Ecritures de parler des Anges sous les noms des Astres. Il est difficile d'expliquer autrement ces paroles de Job quand il dit, que les Astres du matin & les enfans de Dieu benissoient lcLlr Dieu & leur Seigneur: Cùm me latidarent sinUL astra matutina, & jubilarent omnes fily Dei. Et quand il est dit que les Astres combattoient contre les ennemis du peuple de Dieu. De Cœlo dimicatum :si contra eos ; flella manentes in ordine & cursu suo adpterfits Sifaram pugnaverunt. Et quand il est dit dans Esdras que la vie de Dieu s'est répandue par tout, & que la milice du Ciel l'adore. Tu vivificas omrta hdc , & exercitus Cœli te adorat. Et quand il est dit dans le livre de Job, que les plus faintes créatu- res ne font pas impeccables, & que les Cieux ne

Ci-vit. 1. 11.

c. 8.

Cap. 14.

1 j.

Cap. }8. v.

7-

Iud. c. y.

v. 10.

L. t. c. 9.

v. 6.

C. ij. v.

Is.

sont pas assez purs devant Dieu : Ecce inter Sanctos ejus nemo immutabilis, & Cœli non sunt mundi irt conJpeÏÏH ejus. Et quand il est dit dans l'Eccleliastique , que les Astres assisteront au jugement que Dieu fera ; Species Cœli gloria stellarum, mundum ilInminansin in excelsis Dominus. In verbis Sancti stabunt ad judicium, & non deficien m vigiliis sitis. Il semble que le Fils de Dieu mesme a exprimé la chû- te d'un Ange par celle d'une étoile, Vidi Satanam tanquam fulgur de Cœlo cadentevi. On n'ignore pas que saint Augustin a crû que la creation des Anges eH: marquée dans la Genese par la crcation de la lu-

micre, qui fut ensuite partagée , & des partages de laquelle les Astres furent formez. Tout ce diicours peut servir à nous faire comprendre , combien il estoit difficile que les hommes ne joignissrent pas l'i- dée, des Astres avec celle des Anges; de que tombant dans l'idolâtrie , ils ne fc jettassent pas d'abord dans le culte des Astres animez par les Anges.

III. Mais il nous faut encore faire cette remarque sur les paroles d'Isaie, qui ont esté rapportées.

Sçavoir que selon le sens le plus litteral Lucifer est dans cet endroit ou Nabuchodonosor , ou Balthasar Roi de Babylone. Voilà le nom d'un Astre , & du plus beau de tous les Astres donné à un Roi dans l'Ecriture. Après quoi il ne faut pas s'étonner si Virgile a comparé le jeune Pallas au mesme Astre que - Venus,

Qualts ubt Oceam perfuftts Lucifer undd Extulit os facrurn Coelo.

Il ne faut pas mesme s étonner, si lorsqu'on a voulu déferer à des hommes le culte Divin, on leur a premièrement donné le nom des Astres. C'est la nature mesme & la loi des proportions, des analogies & des convenances , qui nous ont fait joindre les idées de la beauté & de la lumiere des Astres avec celle des Anges, & des excellens hommes : & c'ett sur

C.4©. v.

10. jlj.

Luc-io.18,

JEneiJ. 1.8-

sur ces rondemens solides que font soûtenuës ces expressions de l'Ecriture. Mais il falloit en demeurer là avec elle, & reconnoistre que ce n'estoit qu'une analogie & une ressem blance de la lumiere les Afires a.wec-ceHe des esprits, soit Angeliques soit humains, & que l'une & l'autre lumière est infiniment au dessous de la lumière de la verité eternelle , qui est la veritable Divinité.

1 V. C'est à quoi ne firent pas reflexion les Sarvasins pendant qu'ils adorerent l'Etoile de Venus, comme une Déesse , l'appellant la grande Estoile, la confondant quelquefois avec la Lune. Voici ce qu' en dit Ccdrenus : Luciferum fabulantur stellam Vexiïs, iumm & Lingna fuâ absona appellant Chubar, quòd significat magna. Voilà ce que dit cet Auteur fcn parlant de Mahomet. Il ajoûte la priere qu'ils faisoient ; Alla, alla, cZ)eu £ i Deus. Ova major; Cubar, ynagna ; putt, Luna & Venus. S. Jerôme en dit autant : Eo die quo anniversaria solennitas vtnncTfr op- vidi populum in templum Veneris congregaverat. CoYisnt autem ill<t?n ob Luciseruem, cujus cultui SàYYAteerum natio dedita est. Euthymius avoit dit la mesme chose , mais il avoit limité le temps de cette superstition des Sarrasins, sçavoir jusqu'à l'Empire d'Heracle , c'est-à-dire , jusqu'au temps que la nouvelle fuperftion des Mahometans inonda l'Asie l'Afrique SciYYaççYii usque ad Cæsaris Heritclij t!"empara idola coiucYHjît » adorantes Luciferum & Ve.

l-tzer-em &c. V. Mercure est l'autre Planete, qui ne se separe pas presque du Soleil. Aussi est-il rarement visible, se trouvant presque toûjours enfevely dans ses raions, ou se laissant voir comme une tache noire sur le corps mesme du Soleil. C'est peut-estre pour cela que les anciens le confondoient quelquefois avec le Soleil, & ils disoient qu'il en estoit comme l'ame & l'intelligence. Aussi le rendoient-ils le

In vÍt,'t S.

Hilarotn.

,ln.-, n. i;

maistre de la sagesse & de la science ; a ou il s' ensuivoit qu'il preiidaft aussi au di scours , qui n'est ou ne doit estre, qu'une fuite & une effufionde la pensée ou de la sagesse. Voici comme en parle Porphyre , qui semble attribuer à la Lune le Mercure ou le Genie, qui regle les discours, comme il approprie au Soleil , celui quiconduitle raisonnement. Mercurius orationem exhibet , quœ nihil non efficit, nihil non illustrat explicando. Cœterum quòd ea sive oratio, sive ratio >0'7 compositum quiddam sit; quant in So- le collocant, Mercurium: quam in Lma> Hecatem nominarunt.

VI. D'où il paroist que les Gentils regardoient ces Astres , comme des Estres vivans & intelligens, & qu'ils accordoient leurs influences avec leurs in- telligences. J'ai déjà dit qu'Horace appelle les scavans Viros mercuriales : comme aiant esté plus abondamment enrichis des dons & des influences de Mercure. C'est en ce sens qu'il faut entendre le commencement du premier livre de Manilius, où il dit que les Astres connoissent & font nostre de- stin, par leur sagesse & par leurs influences :

Carminé dtvinas art es, & conjcta jatt Sydera diverfos boininum variantia cajits > Cæle..flÙ rationis opus, deducere mundo Aderedior. 1

Soit que ce Poète donnaft à chaque Astre une intelligence, ou qu'il confideraft l'intelligence universelle de l'ame du monde, comme brillante dans ses plus nobles parties; ce qui revient peut-estre mieux au texte de Porphyre , qui semble confondre Mercure avec le Soleil & avec la Lune, n'y aiant qu'une me sme ame , & une mesme intelligence universelle. Manilius s'en explique encore plus clairement dans le mesme livre :

Hoc optts immenfi conjtmttum corpore tnunat, Mernbraque nature diversa condita forma,

jfpud Eufeb. 1. 3.

pr£p.qrat. c.

Il. fag.li4:

AU ris atque tgnts » terra sel agit que jacentis, Vis anima divina régit ,facroque rneatu Qonfvirat VeuJ, & tacitâ ratione gubernat. -

Or ce Dieu & cette ame est selon ce Poëte aussibien que selon Porphyre , une raison suprême, >07^ , une sagesse, que les anciens nommoient quelquefois Mercure :

Alec qit idqu im in tanta mag ir est m 1* ra b i l e mo l e - Ncc quidquam in tanta magis efi mirabiie mole: Quam ratio , & certis quod legibus omniâ parem. ej'c.

Acmtbi tarn prœjens ratio non ulla videtur, Quh pateat mundnm divino nurnine verti

.ArF:e ipsùm esse Deum, nec forte coiffe maqiftra.

VII. Ce Poëte remarque au mesme endroit, que les Babyloniens avoient observé pendant plusieurs siecles les pouvoirs & les proprietez de chaque Astre, & en avoient fait un art par leurs longues expériences :

f &.

Primique per arem Sydertbus videre vagis pendentia fata &c.

Artem experientia fecit Exemple montrante viam fpeculataque longe Deprcndit tacitis dominantia le?ibus a(ira.

On pourroit conclure de là, que s'il y a quelquefois tant de rapport entre les aphorismes de l'Aitrologie judiciaire & les fables des Poëtes , c'est parce que les fables ont esté inventées & imitées sur ces aphorismes qui estoient plus anciens, & qui estoient fondez sur la Physiologie la plus ancienne, & sur les experiences & les observations qu'on prétendoit avoir faites. Ce n'est pas que je veüille donner creance à l'Astrologie judiciaire, ce que j'en dis ne tend qu'à lui donner de l'antiquité, mais non pas du crédit. Pour estre plus ancienne que la fable, & presque aussi ancienne que l'idolatrie, elle n'en est peut-estre pas moins digne de mépris.

V III. Hesychyus dit que les Babyloniens ap-

pelloient l'étoile de Mercure Sechez. Mercurij stel- la Babylonij Sechez. Nous avons déja dit que ceux d'Edesse donnoient le nom de Monimus à Mercure, qu'ils disoient estre avec Mars les deux Assesseurs du Soleil. D'où il paroist que les Nations Orientales ont esté fort attachées au culte de Mercure, par l'inclination qu'ils avoient pour l'Astronomie.

Les Nations Occidentales n'estoient peut-estre pas moins persuadées que Mercure eftoitun Astre qui dominoit à la raison, au discours & à l'Intelligence. Seneque dit que la Nature, Dieu & Jupiter font trois noms qui signifient la mesme chose , & qu' on peut dire que celuy qui est Jupiter, est aussi Mercure , parce qu'il preside à la raison , à l'ordre, aux proportions & aux sciences Hunc & Libe- rum Patrem & Herculem & Mercurium nostri putant, &c. Mercurium, quia ratio penes illum est, numerusque. ordo, & scientia. Voila comme les Stoïciens dont Seneque par le , interpretoient, & la multitude des Dieux qu'ils reduifoient tous à l'âme du monde, & la propriété de Mercure, qu'ils regardoient comme l'intelligence de cette ame.

On peut dire mesme que toutes les addresses & les fonctions que la fable attribua depuis à Mercure, estoient proportionnées à cette verité de la Physiologie naturelle. Les Gaulois dont parle Cesar dans ses Commentaire s regardoient plus l'histoire fabu- leuse de Mercure que la nature de l'Astre qui porte ce nom. Et neanmoins toutes les idées qu'ils s'en formoient, revenoient à cette intelligence & à cette subtilité d'esprit. Deum maxime Mercurium colunt, cujus funt plurima simulacra. Hune omnium inventorem artium serunt, hune viarum atque itinerum ducem, hune ad quœstum pecuniæ mercaturasque habere vim maximam arbitrantur. C'estoit par ce mesme principe que les anciennes representations <le Mercure n'avoient ny bras ny jambes, pour

L. 4. de benef. c. 8.

L.6.

faire connoistre , si nous en croyons Plutarque, que la feule addresse de l'esprit & la feule sagesse peut venir à bout de toutes choses sans le secours des sens ou des membres du corps. Propterea Met.

CltrtOJ seniores fine manibus & fine pedibus fingunt; hoc obscurè qtMfi per migma inducentes , haudqua- cjiiama senibus requin , ut corporis ministeria obeant; dummodo ratio iis atque oratio efficax sit ac fœcunda.

1 X. Comme Mercure presidoit aux Chemins , on avoit donné le nom de Mercure à des testes d'un homme qu'on mettoit sur des pierres quarrées, de tous les passans pour rendre le lieu encore plus facile à remarquer , y jettant encore une pierre, il se faisoit un tas de pierres , qu'on appellent aussi du nom de Mercure. Cet usage est ancien , puis qu'il en est parlé dans les Proverbes : Sicut qui mittit lapidem in acervum Mercury, ita qui tribuit insipienti honorem. Le texte Hebraïque porte Margemah au lieu de Mercurij : & ce pouvoit estre le nom de ce Dieu. Homere parle aussi de ces Mercures ou de ce tas de pierres dans son Odyssée. Il faut confesser néanmoins que le terme margernah du livre des Proverbes pourroit ne figmher que ce tas de pierre. Car ragam signifie lapider. Et l'Interprête Latin auroit ajoûté le terme de Mercure, selon l'usage de la langue Greque ou Latine.

CHAPITRE VII.

Combien les Poètes ont eu d'amour pour l'Astronomie ; & combien il est certain que les fables n'ont esté que des déguisemens de l'Astronomie.

1. Homere & y agile é tâchèrent & aimerent V Aflronomie, & si Virgile Attache le dessin aux j4(lres, il y reconnoifl une

L. An seni fit gerendu Refpubl.

C-16. 8.

Ociyfl- l.iC.

tpp-a., 5 Ao'

Intelligence supréme , qui est aujJi la supreme bonté.

II. il en faut dire zut un t d ilorace.

III. Et de fiivenal} de Perse.

1 V. Ovide a eslé leplus appliqué à l'Afironomie.

Y. Il a tranfporé tUt Ciel & y a écrit dans les Cmftellatiens les plus beaux éveretnens de l'hifioire. Si les Poëtes y ont écrit le crime, ils y en ont aussi éent la punition. Exemples.

VI. Autres exemples.

VII. Nouveaux exemples. Du lieu ou se donna le conibat des Gram) 6 de la transformation des Dieux en bejles.

VIII. Les Poètes regardaient toujours dans les Aflres des Intelligences tres-parfaltes.

1 X. Les anciennes fables avaient plus de rapport aux Affres que les nouvelles.

X. XI. Nottvelles preuves, que les Anciens regardaient les Afires & nos Ames comme des "td/igences & comme des participations de la supréme Divinité.

XII. Récit admirable de Dtodore de Sicile sur les .Aflrono.

mes de Babylone X 111. XIV. Recit admirable de Lucien, qui rapporte toute la fable à l Astronomie.

I.

s

Trabon s'est étendu fort au long dans son premier livre sur les ouvrages d Homere ,

pour y faire remarquer une grande partie des plus belles connoissances qu'on a pu avoir dans les hecles suivans de l'Astronomie. Ce que nous avons prouvé ailleurs de la grande étendue de la science des premiers Poètes , qui estoient tout ensemble & Physiciens & Theologiens, peut encore beaucoup servir à rendre indubitable ce que nous nous proposons de montrer dans ce Chapitre- Virgile mar- chant sur les traces d'Homere a mêlé aussi beaucoup d'Astronomie dans ses Georgiques & dans son Eneïde. Il témoigne mesme que sa plus forte passion eût esté de consacrer sa plume & la Poësie à la description des corps celestes : mais que la connoissance de la disproportion qu'il y avoit entre une si riche matiere & ses forces, l'avoit determiné à un sujet moins élevé.

Mi vero primitm dulces an te omnia Mttfi t

Georg. l, i.

Quarum facrafero ingenti y ercul fus amore, Acciplant, coelique viu & ifdera montrent, Defettui Solis varios » Lunaque labores » &c.

Félix qui potuit remm cognoscere çausas, jitcjtte metzu omnes & inexorabile fatum Subjecit pedtbm, ftrepitumque Acberuntis avari.

Fortunatus & tlle Deos qui novit agrestes, Panaaue. Sylvanumque fenem, &e.

1 Quand Virgile dit qu'on est heureux d avoir con[ nu les causes véritables des évenemens qui nous t arrivent, & de s'estre mis au dessus de la crainte des maux & des destins , il entend ces destins qui j font attachez aux Astres , & que nous ne craignons t plus quand nous fçavons que ce font des corps lut mineux & feconds, conduits par des Intelligences t bienfaisantes , fous les ordres d'une Providence w qui est la véritable Divinité & la supréme Bonté.

Car c'est comme nous avons cy-dessus expliqué le Destin des Astres, félon l'intention des Philofo- phes & des Poëtes , tant foit peu redressée ; en ce qui regarde l'animation des corps celestes & des ; Astres par l'ame du monde par les Anges.

II. C'est aussi comme Horace a expliqué le Destin , quand il écrit à Mecenas. Sic potenti jZljli; tie, placitumque Parcis. Car c' est des Astres qu'il f parle en cet endroit, & il y reconnoist que ce De- £ , ftin est réglé par une juflice incorruptible & toutet puissante. Mais le reste de cette Ode d'Horace £ montre certainement combien il estoit versé dans [ l'Astrologie , qu'on peut appeller & Judiciaire & 41 Fabuleuse , à cause du grand rapport des Aphorif;,.- mes de la Judiciaire avec les fables des Poëtes, comme il a déj a esté dit. - - -

Seu Libra, feu me Scorpius afptctt Formidolofus ,pars violentior Natalis horæ; feu tyrannus He.fPeri Capricornus unda >

L. x. Ode.

17.

rtmmqtie nojtrum incredibili modo , Consentit afirurn. Te Jouis impio Tutela Saturno refulgens Eripuit, vobecrifque fati Tardavit alat, &c.

Il fait tout dépendre de la Constellation qui domine à l'Ascendant lors de la naissance, $ de Jupiter qui est la bonne fortune, & qui dissipe les mauvais desseins & les influences malignes de Saturne.

111. Lucain a fait un sommaire des vertus naturelles des Planettes :

Sol tempora dividit tlnni, Mlttat noae diem , raditfque potentibus afira Ire vetat , Citfjùfque vagos ftatione meratur.

Luna fuis victbui Tetloyn terrenaque misèes.

Frigida Saturno glacies , & Zona nivatis o l act es Zona nizialf'f CejJit, habet v tentos infertaque fulmina Mavors.

Sub love temperies & nunquam turbidus aër.

jit fœcunda Sentis cmïïarum femina rerum Pçjfidet. Iwmenft Cyllenius arbiter undœ est. -

Juvenal faisant une aigre & une juste centure de ceux qui avoient trop d'attache & trop de créan- ce aux Astrologues , & sur tout des Dames Romaines, montre bien qu'il n'ettoit pas ignorant dans les regles de cet art, quoy que sa science ne luy en donnait que du mépris.

Hæc tamen ignorat. qnid jidw trisse minetur Satumi, quo Ut a l'cmu je proferat Ajîro, Qui mensis darnno , quæ dentur tempora lucro.

Perle n'y paroissoit pas moins versé , quand il écrivoit les vers suivans à un intime amy , avec le- quel il avoit beaucoup de sympathie naturelle.

- Non equidem hoc dubites amborum fœdere çerto, Consentire diçs. & ab uno fidere duci.

Nostra vel aquali fiifpendit tempora libra P"arca tenax veri; feu nata fideltbus hora Dividit in Gmims emeordia fat a d.¡IQrlJm..

., '"---.- ,-..-'

L. io.

Sut. 6.

Sat. 5.

Saturnumque gravem nostro love frangimus una.

Nescio quod, certe est, quod me tibi temperat astrum.

1 V. Mais Ovide est indubitablement celuy d'entre les Poëtes qui a le plus enrichy ses ouvrages des maximes de l'Astronomie & de l'Astrologic. Antll fait-il l'éloge de cette science au commencement de ses Fastes, élevant au dessus de toutes les autres connoissances celle qui nous éleve nous-memes au dessus de toutes les choses humaimes, au dessus de nos passions) & au dessus des Cieux.

Qjtid ,'eut! & fiel la*, ut quæqlle oriturque caditque cDicere ? Prorniji f pars fit & ijlamei.

F t lue s a-umos * qutbjts hæc cognoscere primis) In que domos fuperas scandere cura fuit.

Credibile est il/os pari ter vitiifque locifque Altius humanis exeruijfe caput.

Non Venus & vinum jitbLimia peUorrt fregit, Officiumve fori » militi&ve labor.

Ncc Levis ambitio perfufaque gloria suco » A lagnarum que famés follicitavit opum.

jidhiovere oculis dtjlantia sidera nostris, Arheraque ingenio fuppofuere fuo.

Sie petitur cœlum.

V. Cet amour des Poëtes pour la science des Astres les excita enfin à transporter au Ciel les plus beaux évenemens del'histoire, & à les graver :n quelque maniere dans le Ciel par les Consteila:10ns mesmes , donc les étoiles font comme autant h. caracteres. Par exemple, le Dauphin qui porta Arion sur les mers, fut recompensé de ce pieux office par l'application qu'on en fit à la Constellaaon qui porte son nom , composée de neuf étoiles.

lJz¡ pta faua vident, » Aftris Delphina recepit l'puer, & ftellas jussit habete novem.

~;.s applications de l'histoire à l'Astronomie euf- l'nt esté pardonnables, si elles eulleot esté inno-

Faji. 1.1. v.

1..95,

Fttft.l. t.

n. 11/,

centes ; elles eussent mesme esté louables, si on en eût fait des leçons de pieté & de vertu. Mais les, Payens pour porter leur impieté jusqu'au comble, après avoir attribué tous leurs crimes à leurs fausses Divinitez, en voulurent éterniter la memoire par cette maniere nouvelle d'en écrire l'histoire dans les Astres. Tel est le changement de Callisto : de son fils en l'Ourse $ en l'Arétophylax celcste, après que Jupiter luy eut ravi sa virginité. Ju- non obtint neanmoins de Tethys , que cette impudique ne fût jamais receuë à se laver dans les eaux de la mer, nul bain n'estant capable de laver son crime.

SævÙ adhuc canamque sogas Saturnia 7etbyn.

Ad&naliam tatlis ne lavet Arlion aqits.

En mesme temps que la superstition deïfioit le crime, les restes de la lumiere naturelle, qui ne peuvent entièrement éteindre, forçoient les Payens de le detester , comme il paroist dans cet exemple.

Il y a aussi de l'apparence que l'on prit occasion de forger cette fable, sur ce que ces deux Constellations estant très- proches du Pole, ne se couchent jamais à l'égard de nostre climat, & ne pa- roissent jamais entrer dans les eaux de la mer.

Ainsi la fable fut fondée sur l'histoire naturelle des Astres, & si la corruption du genre humain y mêla quelque chose de criminel, on en rougit, 8c on ne peut s' empescher de condamner le crime, lors mesme qu'on l'élevoit jusqu'au Ciel.

V I. Il en faut dire autant de trois petites Constellations qui font jointes, & qui expriment selon Ovide le Corbeau que Phœbus envoya querir de l'eau, la Cruche & le serpent qu'il prit pour pretexte de son long retardement, la vérité estoit qu'il avoit attendu que les figues meuriiîent pour s'en rassasier. Apollon punit ce mensonge en luy défendant de boire pendant le temps que les figues meurissent

Ibi.v. \9 0.

L - 2 4j -

Addis > ait, culpœ mendacia, P hoebuç ? & auaes Fatidicum verbis fallere velle Deum ?

At tibi dum laffens hærebit in arbore ficus, De nullo ge.ltddt, fonte bibantur aqua.

Dixit & antiqui monzsment" perennia filai An mis , Avis , Crater ,sidera junEhc micant.

:' dl encore un point de Physique & de morale, qu'on a voulu couvrir d'une invention innocente, mais puerile. Le mensonge est puni, de dans nos niaiseries mesmes nous ne pouvons entièrement oublier ce que le Createur a grave & grave continuellement dans nos cœurs, qu'il faut detester & chatier le vice. On pourroit dire mesme pour encore mieux justifier la fable, que ce n'est ny le Corbeau ny la cruche qu'elle a mis parmy les Astres, mais la punition exemplaire du mensonge & fie la paresse. Car la fois du corbeau est une juste oeime de cette double faute selon les Poëtes, qui ont ainsi déguisé une vérité de la Physique, au moins une merveille qu'on croyoit alors veritable, "ci voir que les corbeaux font malades & fort travaillez de la fois pendant que les figues font en C'est ce que Pline en a écrit : Corvi ante Sol¡l,ti/tm générant; idem Agrescunt sexagenis diebus, Titi maxime , antequam fici coquantur autumno. Le parallele de ce point de Physique & de la fable d'ovide, est une marque que ces fables n'ont en partie que des ingenieux déguisemens de l'histoire naturelle.

VII. Voicy une fable d'une autre nature, qui servira néanmoins à nous affermir dans les principes cy- dessus établis. Les deux poissons font au nombre des Astres ou des Constellations, parce qu'ils se presenterent autrefois à Diane & à Cupidon, & les portèrent sur le lac de la Palestine, quand ils fuyoient les infuites des Geans révol- tiez,

L.io. c.it: Ht si. Nat.

Terribilem quondam fugiens Typhon a Diorte, Tune cum procœlo Jupiter arma tulit : Venit ad Euphratern comitata Cttpidine parvo ) Inque PaLeftinx, margine sedis aquæ. &c.

Pisces fkbiere gemelli.

Pro quomnc dignum ftdera munus habent.

Il y a planeurs reflexions à faire sur ce texte d'O- vide. La premiere est que comme il a esté dit ailleurs , la guerre véritable des Grecs se fit à Babylone , & de là l'histoire en fut portée & déçuiiéc en fable dans l'Egypte , dans la Syrie , dans la Grece & dans la Sicile. Car en venant de Babylone c'estoit le droit chemin de passer l'Euphrate pour venir dans la Palestine. La feconde est que les ani- maux celestes font venus de cette transformation des Dieux en bestes durant la guerre des Geans.

La verité est que le premier culte avoit cité rendu aux Astres seuls, comme il a esté dit plusieurs fois.

Mais depuis que les Peintres & les Sculpteurs furent faits admirer au monde, on commença à adorer dans l'Egypte les figures des animaux , puis les animaux mesmes , comme des symboles des Astres ausquels ils sembloient avoir quelque rapport. Ce fut alors que les animaux estant adorez: comme les images des Dieux, on feignit que les Dieux s'estoient autrefois metamorphosez en animaux, & il n'y avoit pas de conjoncture plus fa- vorable à laquelle on pllt appliquer cet événe- ment , que celle de la guerre des Geans. La troisiéme est que bien qu'Ovide dise feulement que Venus fut portée par un poisson , la tradition de la fable portoit qu'elle avoit pris la forme de poit- son. D'où vient aussi qu'Ovide n'a pu dissimuler que c'est par cette raison que les Syriens ne mangeoient point de poulon. Nec violant timidi piseibus ora Syri. Manilius exprime en deux mots la .- metamorphose , Pisces Cythereide versa. Je reviens à Ovide,, •'

£ .X.V.46O.

L, %-0

V 111. Ce mesme Poëte parle ailleurs du peu je connoissance que les premiers Romains avoient des Astres, lorsque leur année n'estoit composée que de dix mois, ou depuis Numa de douze, nais ausquels il manquoit cinq ou six jours. Il af, arc que les Romains avant que d'avoir emprunté 2tte science des Grecs, qui leur firent ajouter les ~eux mois qui manquoient, ou des Egyptiens, des~uels Jule Cesar apprit l'addition de cinq jours & ol heures: il assure, dis-je, que les Romains ne laifoient pas d'adorer les Astres comme des Dieux.

Libéra currebant &inobfervata per annum, Syderaconftabat fèd tarneneffe Deos.

c'est à dire qu'ils ne concevoient jamais les Astres, n'ils ne conceussent des Intelligences , comblées de sagesse , de puissance & de felicité , qu'ils soyoient en estre les ames , & que nous croyons n estre les Intelligences assistantes & directrices, "cft ce qu'Ovide dit encore ailleurs;

Neu regio foret ulla fuis anirnantibus orba, sAstrâ tenent cælefte fllum,

IX. J'ai cru qu'il valoit mieux finir ce que j'a- ~ois a rapporter d'Ovide par cette remarque, que x m'arrester à un grand nombre d'autres fables ~me j'eusse pû tirer de ses Fastes, ou de ses Metaorphoses, & qui ont beaucoup de liaison avec l'Agronomie, mais qui ne font la pluspart que des fa~I.es Greques & des siecles posterieurs. Car il me tremble que la difference de ces fables nouvelles des ~irecs, d'avec les anciennes fables des Egyptiens & ~ïs Assyriens, est en ce que celles-ci contenoient les secrets de l'Astrologie & de la Physiologie ; au lieu Jue les autresn'estoient que des fictions arbitrai~es sans fondement & sans utilité, quoi-qu'on y ~parlast des Astres. Au reste ce dernier point me nous avons touché, n'est pas hors de nostre sujet. C'est au contraire le fondement de tout ce

L.;. v.iio.

Metam. 1.1.

11.73

qu'on peut dire de bon sur cette matiere, X. Car aiant une fois supposé que les Astre.

font les plus beaux de tous les corps animez, o plûtost assistez & conduits par de trés-parfaites Ir telligences : que peut-on feindre après cela qui a rapport à eux, qui ne contienne quelque chose d grand, d'utile & d'admirable. Les Grecs avoient oublié cette verité , ôc au lieu du culte désires ils avoient donné cours à une infinité d'autres super ftitions bien plus insoûtenables, quand ils fabrique rent ces nouvelles fables , que nous n'avons pas voulu toucher ici. Ciceron qui avoit eu en sa jeu nesse tant de penchant pour la Poësie, demeura f1 me dans ce principe des anciens Romains qui vient d'estre touché par Ovide. C'est pour cela qu'il f, dire à Caton l'Ancien , que nos ames estant ~au d'une nature divine , les Dieux les avoient enga gées dans des corps terrestres, afin qu'elles gou vernassent la terre comme les Dieux gouverne les corps celestes. Sed credo Deos immortales sparses se animos in corpora humana, ut essent qui terras tut rentur ; quique calestium ordinem contemplantes , imi tarentur eum vita modo atque constantia. C'est pou cela qu'il fait dire à Scipion, que la terre est 141 Temple, dont la garde a esté consiée aux hommes dont l'ame est une portion de ces feux celestes & m tellectuels , que nous appellons les Astres. Bonk nes enim sunt bâc lege generati, qui tuerentur iUnn globum , quem in hoc templo medium vides, qua terre dicitur ; hisque animus datus est ex illis sempiternis ignibus, quae sydera & stellas vocatis ; quae globose rotunda, divinis animatae mentibus circulos suos or besque conficiunt celeritate mirabili.

XI. Si ce grand Orateur nous a dit que l'am< est de la mesme nature, que ces feux eternels di intelligens, que nous appellons des Anges, & que le: Payens appelloient des Dieux ; il s'explique un peU

Z de SenlButt.

In fomnio scipio -

jpius bas, & il nous apprend de quelle maniere il faut entendre ce terme de Divinité, quand elle est attribuée ou aux Astres & à leurs intelligences, ou à nos ames. Ce n'est qu'une participation & une image de la souveraine & unique Divinité , qui anime & régit tout ce grand monde, & veut que nous l'imitions, & les Anges & nous 3 en la maniere que nous gouvernerons les corps qui nous font confiez.

iJellm te igitur scitoesse. Siquidem Deus est, qui vi- get, qui sentit, qui meminit, qui providet, qui tam regit & moderatur, & movet id corpus, cui prœpositus ijt, quam hunc mundum Princeps ille Deus ; & ut ip- sum mundum ex quadam parte mort alem ipse Deus xternus si cfra ,gile corpus animus sempiternus movet.

Cet eclaircissement m'a paru necessaire, pour bien faire comprendre , & pour faire considerer dans le plus beau jour qu'il se pourra, tout ce que des Poëtes ont dit de la Divinité ou des Astres & le leurs intelligences, ou de nos ames ; qu'ils n'ont regardée que comme une Divinité participée & dépendante de l'unique ôc suprême Divinité.

XII. Je finirai ce Chapitre par le recit que nous ont fait de l'Astronomie & de l'Astrologie Diodore de Sicile & Lucien. Nous y trouverons de nouvelles preuves de ce qui a esté dit, & peut-estre aussi des veritez qui ne se font pas encore montrées.

Diodore de Sicile dit, que les Chaldéens estoient cres-anciens entre les Babyloniens, qu'ils vivoient comme les Prestres de l'Egypte, uniquement occurrez pendant toute leur vie du culte des Dieux, de ma Philosophie, de l'Astrologie , & des divinations, dont ils travailloient aussi à détourner les mauvais effets. Deorum cultui addicti, per omne vit a tempus philosophantur, & præcipuam ex Astrologia gloriam wancifcuntur. Interim divinationis magnopere studioïYiy &c. malorum averrucationes & bonorum effectiones producere conantur. Ainsi leur Astrologie estoit re-

L. t., pag: h s.

ligieuse, oc elle n imposoit aucune necessité à nos volontez. Il ajoûte que les Grecs n 'ont pû approcher des Chaldéens, parce qu'ils ne s'appliquent à ces études, que par caprice , peu de temps, & par le seul motif du gain. Au lieu que les Chaldéens y passoient leur vie, colitèrNoiciiL mesme cette etude comme héréditaire dans les mesmes familles t qui estoient pour cela exemptes de toutes sortes de contributions , enfin ils faisoient de lallrologie leur unique occupation, leur religion, leur joie & toute leur gloire. Au reste le premier principe de leur doctrine estoit, qu'il y avoit une suprême Providence, qui ordonnoit & regloit toutes choses , sans que le hazard pût jamais avoir lieilji dans cet Empire de sagesse & de rai son ; quoi-qu'a- prés les observations de plusieurs siecles on pllc pre- dire beaucoup de choses à venir, sur lesquelles les

sept Planettes avoient beaucoup de pouvoir , &C après eux trente autres Astres , qui font commet leurs Conseillers. Sed ordinem hunc & omatumuniversi à Providentia Divina quadam existere : &' qUit nunc in Caelo sunt singula, non casu, & suâ quâdam sponte, sed determinato & firmiter rato Deum judicio persici. &c. Ex longa observatione Syderum 6""c.fl4 ximant motus efficacitatem esse in Planetis ~6c. Ha stellas triginta substitumt, quos Deos vocant Consiliarios. Pline semble nous insinuer, que l'étude de l'Astronomie commença avec la ville & l'Etat de Ba- bylone ; parce que Belus leur donna commencement en mesme temps. Erat adhuc ibi Jovis Beli templum Inventor hic fuit Syderalis scientiæ.

XIII. Lucien conte dans son traité de l'Astrologie , que les Egyptiens l'ont apprise des Ethiopiens : ce qui ne se peut dire que des Ethiopiens Orientaux & Asiatiques , qui font les Arabes & les Babyloniens ; qu'ils ont partagé le Ciel en douze parties, qu'ils ont representées par autant de diffé- rentes

rentes especes d'animaux : Vnamqttamque siss ani- emantintibm representarunt, partim marinis, partÎm hown-vf, partira fcYy* 5 partim volatilibus, partim pecu- 'sir Voila les douze animaux du Zodiaque : voila les figures des animaux substituées en la place y s Astres, qui estoient leurs Dieux : voila la divination tirée de ces animaux, comme on la ti- -oït des Astres. Aussi Lucien ajoute ces termes immédiatement après. Vnde & fiera Agypitorum vaIl e fiiiyit. Neque enim omnes Aryptij ex omnibus duoïiCim partibux divimbœnt , sed ait) atris utebamur sar.ib:it. Itaque Anctem (Ohmt, qui ad Ar/clan pect :liNZ,:N. r ifcibm non veseuntnr, qui pisces anÍlO.ar,ult. f?JÚn l?trU'm ctiam ob honorent cxieflts Tau\i [oÙ!}:!. Nam Ap 16 apud illos res in primis fiera ir Voila enfin dans l'exemple du Taureau le culte ivim transféré de l'image des animaux peinte dans es Cieux aux animaux mesmes. A cela il ajoute sui te l'exemple de Jupiter Ammon, qu'on hooroit fous l'image d'un belier.

XIV. Lucien après cela nous fait voir Clu'il estoit laissé fuprendre à la vanité des Grecs, qui ; fai soient auteurs de toutes choses, sans vou- oir avoir jamais rien appris ny des Egyptiens ny '~s Assyriens. A quoy l'on a pû remarquer cyjilns mille preuves contraires. Il dit qu Orphée Ive nu le premier l'Astrologie parmi les Grecs, que c'est pour cela que la Lyre d'Orphée a pladans le Ciel : Compliscule stellœ vocantur Orphæ; va. Tiresias enchérit encore , & distingua les étoien masles & femelles selon la diversité de leurs ffl lentes j ce qui le fit passer pour avoir éprouvé Ji mcÍme les deux sexes. Atrée & Thyestes difutant de la Royauté , les Grecs resolurent qu'elseroit le prix de celuy qui trouveroit le plus beau cret de F Astronomie. Thyestes montra le (igné Belier au Ciel, & la fable luy attribua un be-

lier à la toison d or. Atrée trouva le mouvem du Soleil d'Occident en Orient, contraire au m yement universel, & il emporta le prix. Le C1 val de Bellerophon & le Belier d'or de Phryxi ne marquent que leur application à l'Astronom Dedale ne fut aussi qu'un sçavant Astronome ; jeune Icare se perdit dans les profonds abîme la science que ion pere luy apprennoit. Pasip mesme n'aima peut-estre jamais d'autre Taur que celui que Dedale luy avoit montré dans Ciel. Phaëton fut aussi extrêmement passio pour découvrir la nature, les mouvemens & influences du Soleil ; une mort avancée rompi cours des progrés qu'il faisoit dans cette scien & donna lieu à la fable des Grecs, qui l'ont fils du Soleil, précipité de son chariot de lum qu'il avoit voulu conduire 3 & pleuré par ses sa les Heliades. Endymion s'adonna uniquement contemplation de la Lune, & les Grecs feigni qu'elle en estoit devenue amoureuse. Si les mes Grecs ont dit qu'Enéc estoit fils de Venus, nos de Jupiter, Alcalaphus de Mars, Autol; de Mercure : ce n'est que parce que ces Plane avoient dominé à leur naissance, & leur avo communiqué ces qualitez extraordinaires, qu * avoient distinguez des autres hommes. S'ils ont que Jupiter avoit enchaîné Saturne & l'avoit té dans les enfers , ce n'est que pour exprime : lenteur du mouvement de Saturne qui est pres imperceptible, & cette distance prelque infinie tre Jupiter 5c luy, qui nous le fait presque pe: de veuë. Les fables d'Homere & d'Hesiode le portent encore manifestement à l'Astrologie chaîne de Jupiter n'est que son influence, les ches du Soleil font ses rayons , l'adultere de N & de Venus n'est que le concours de ces deux nettes ; comme les Anciens ne faisoient rien q * *

pres avoir consulte les Astres sur l'évenement, ils prrnoient de là occasion de feindre beaucoup de choses sur les Divinitcz qui president aux Astres.

fcnfin cet auteur dit qu'on peut reconnoître com- bien les Anciens estoient affectionnez à l'Aftroloie, par la défense que fit Lycurgue aux Lacedemoniens d'aller jamais à la guerre qu'après la leine-Lune. Les Arcadiens furent les seuls qui mépriserent absolument l'Astrologie ; aussi furentls les plus grossiers de tous les peuples, & assez Extravagans pour se dire plus anciens que la LulC. Voila en peu de mots les pensées de Lucien, ou de l'auteur du Traitté de l'Astrologie Judiciaire qui le trouve dans ses œuvres.

CHAPITRE VIII.

Suite du mesine sujet. Sentimens de Manilius sur le rapport des fables avec l'Astronomie, ou l'Astrologie.

7 Maniliut dit que la f.ible compofc le Ciel, après y avoir ",:¡(cré le Terre.

I 11. Ce PoÙe hablit pour premier principe une Providence if. une Snçejfe umvcrfelle , qui fait tout par les Aflres ou par es Intelligences qui les meuvent ; quia mis une analogie adfrr.ral le entre les animaux de la terre & les Conficllations ; enfin qui a mis l' homme sur la terre, comme l'une des Intelligenres celefres.

I 111. Selon ce Poète Dieu dejeend en thomme lerapsi lie au Ciel.

1 V. V. Diverses propriétés des Conflellations & des Anit'l: mx celefles, d'ou viennent les propriétés diverses des animaux terrestres} leurs sympathies & leurs aversions.

; V I. V Il. Suite du mesme sujet.

VIII. Aini f le dessin des corps sublunaires cft attaché aux L .A lires.

IX. X. Rapport merveilleux ds Aphorismes de l'AftroWgie & de le fable. Si l'Astrologie a devancé la fable, & l'a formée.

X I. Ce qu'il J a de grand & de remarquable aar, s cette aunrme de Manilittsx i i. XIII. Ce qu'il y a d'incertain ou de défectueux.

X 1 v. Maximes impartantes qu'on y peut relna.rquer.

X V. Du apo'heofes j & de lu grandeur de noflrs aine , qui éclate mefaie dans ses êgarcmens.

1.

Q

Uoy que Manilius ne soit pas le plus poli des Poètes dans la vérification , ses -- .1n11P rh("\(p rlP 11 grand & de si

îcntiniLiii um. '-1 LH.H'l <4'" -- -- b- ----- élevé , de si profond & de si recherche , sur la matière que nous traittonsicy, que j'ay estimé devoir lui donner un Chapitre à part.

Il assure que les poësies d'Homere & d'Hesiode , & toutes les fables qu'on y rencontre , ont tant de liaison avec les Astres, qu'on peut dire que leurs fables composent tout le Ciel, & que la terre qui dépendoit au paravant du Ciel, cil: deve- nuë le Ciel mesme : Quorum carminibus nihil est quàm fabula coe!ttri Q-- Tcrraque composuit cœlum, quæ pendet ab tllo.

II. Le premier principe que ce 1 Poète met en avant, est que ce monde est gouverné parune: Rai- ion & une Sagesse infinie & supréme, qui a donne aux Astres des vies, des intelligences, des vertus & des influences proportionnées aux animaux terrestres , qui en devoient dépendre & en attendre leur fort &c leur destin ; opérant elle-mesme ton

tes ces choses par le ministere des Astres; faisant que les animaux privez de raison font soûmis à la conduite sage & raisonnable des Astres ; & donnant à l'homme aussi-bien qu'aux Intelligences celestes une portion de l'intelligence & de la sa.gesse divine, qui l'éleve au Ciel ; comme si cette portion de sagesse cherchoit à se rejoindre a ion tout, ou comme si Dieu, qui est descendu dans l'homme , se cherchoit luy-mesme , quand il fait que l'homme le cherche.

ïV iznqite canam tacita Nature mentz potentemy Infnftmque Deum coelo, ter ri [que, fretoqlle, Ingentem æquali modérantem fœdere molem ; Totumque alterno consensu vivcre mundum Et rationis agi motu ; cum fpiritm unus - P.er _tmEf.u habitet partes. atque irriget orbem.

Voila l'ame universelle & la vie de Raison & de sagesse , qui remplit & qui anime, qui meut & qui gouverne cet Univers & toutes ses parties. Voicy comme cette Sagesse divine conforme & proportionne les Animaux terrestres aux Animaux celefies, ou aux Constellations :

Dem & R,,ztio qiix citn efa gu b ernat Hic igitur Dem & Ratio quœ cunfta gubernat, 'Ditcit ab xthereis terrena emimalia signis ; Qii& quanquam longo cogir Jùmmota receJfle > lon ,go cogit rummota receffti Soit/ri t amen ■> ut vitasac fata minifret Gentibus, ac propriosperfiguLa corpora mores. &c.

l'Demqup Jîc pecudes aernuta animalia terris Cimt mamant ignara flti , legifqueper £vum, N.nura tamen ad mundum rezoeante parentem, Attollunt animos cœlumque ac Cidera servant.

II. Enfin voicy ce qui regard s l'homme, qui ) dt comme un Astre ou comme un Dieu en terre, )qni tend à se rejoindre à cet Océan de lumiere & de Divinité qui domine dans le Ciel :

dubitet pofrhœc hominem conjuvgere cœlo ?

Eximiam natura dédit lingûarnque, capaxque cm iim > volucremque ammum. Qu-em déni que in umtm Dfccndtt 2}evu atque habitat, seque ipse requirit.

C" "1 -

01 l' homme n'estoit une portion du Ciel & de Dieu mesme , il n'auroit jamais pû ni penetrer les verilez du Ciel , ni trouver la vraye Divinité : ri - - 1 - - -

Loeturn pojjit. niJi Cœli mimera nojfet, - - Et 1 reperire Deum , 111ft qui pars ipse Deorum est?

f"ot. , - A

) ui-i n' auroit jamais pu connoitre les influences & les loix fatales des Astres sur nostre naissance de

sur toute nostre vie, si le Ciel mesme n'avoit donne cette pénétration d'esprit :

Ni tantos ttnimÙ oculos natura dedijJet, Cognatarnque fui mentern vertijfet ad ipflm; .4 Et tantmn diilaffet opus, cœloejue veniret Quod vocat in cttlum) sacra ad commercia rerHm J Et primas qitas dant leges nafeentibus afira.

I V. Des douze lignes il y en a qui font en repos , d'autres en mouvement, ce qui signifie le repos ou l'inquiétude des esprits qui en relevent; il yen a d'entre ces animaux celstes, qui font mutilez de quelque partie de leur corps , & qui nous apprennent à souffrir avec patience la privation des choses les plus necessaires.

e Sic nostros casus solatur Mundus in A eris.

Exernploque docet patienter damna subire : Omnis cum cœlo fortune pendeat ordo , Ipsaque debilibus formentur Cidera membris.

V. Ce Poëte nomme ensuite les douze Divinités qui president aux douze signes ou aux douze Animaux celestes, & leur donnent de la force, de la puissance & de la majesté, afin qu'on puisse tirer la connoissance des évenemens futurs, en considerant les qualitez naturelles de ces animaux, & les proprietcz des Dieux qui leur sont préposez.

Hii amwadvcrjis rébus, qUit maxima cura Nofvcre turcla-s, aâjeftaque Numiua signis.

Et que eut que Deo rermn Natura dtcavtt ; 1 Cum divine dedit magnis irtutibus or A , Condidtt & varia* sacro fttb nom in e vires 1 Tondus uti rébuspttona tmponere possit.

Lanigemm PaVas , Tuarum Cyt herea tucttir, F ormofis Ph&bus Gemiifos (:J'C.

Hinc quoque magna tibi vçràcnt moment a futuri > .:. Cu,m Ratio variet Jhll<u &fidera ,curct, t- J -"Jf' Argumenta petes omni de parte, vtafque 1 JA jirtis > Ht ingenio divisa petentia furgat 3 9J: 1 +* r I

Ex £ quentque fidem cæli rnortalia corda. -

Ces Animaux celestes qui composent les douze si- gnes , ont leurs amitiez & leurs inimitiez, leurs in- clinations & leurs aversions mutuelles, leur guerre & leur paix : ils tiennent ces qualitez de leur auteur , & ils en inspirent de semblables aux Animaux terrestres, dont la naissance les fait relever d'eux.

Qttod Deus in leges Mundum cùm conderet omnem, Jlffeclus cjnocjue divifit variantibns Aftris. &c.

H.u Nattira vices tribuit, cum sidera fixit ; His orti ftmiles referltnfper mutUA [enfus, Andire ut captant altos , aliofque videre,Horum odio , nunc horum iidem ducantur amore, Illis infidia* tendant, captentur ab illis.

V I. Si trois de ces Animaux étoilez font contraires aux trois autres; si la Balance a le visage d'une vierge, & si le Lion paroist vaincu ; si ce qu'il y a de l'homme dans le Centaure , cache ce qu'il a du cheval, ce font autant de lignes , de loix & de forces qui font que les hommes font toûjours en guerre contre les bestes, qu'ils l'emportent toujours sur elles, que la sagesse a toujours l'avantage sur la force, & la raison sur le corps.

Jdy.c duplex ratio cogit verumeffe fat cri, dl, p !er 7-,:"t"o co,,lt ver;IM effc fatcr;, , Oiiod in a ifgna tribus signis contraria rlgenr, QiiodqHc Aterna maneut hominurn bella arque Je.

rarum ; Hifmana eji fades Libræ, diversa Lconis , Jdcirco & ce dunt pccudcs ; quod viribu.r amplis Confiliitm eftmajus ; viclus Leo fulget m aftris.

Jpfc ruæ partis Centaunts tergore ce'iit, F fente adco est homtnis virttts.

VII. Les crimes effroyables qui ont inondé la face de la terre, les guerres & les combats qu'on void de toutes parts, font signifiez par les oppositions mortelles qu'ont entre eux ces Animaux du

Ciel. Vtque sibi Cœlum ,sic tellus dissidet ipsa. De là vient que rien n'est si rare , que les exemples d'une parfaite amitié sur la terre : & quand elle s'y rencontre elle imite celle des Jumeaux dans le Ciel : Mctgnns erit Geminis arnor & concordia duplex. Ceux qui ont les Poissons pour ascendant, font toujours flottans & levers dans leur conduite :

jit quibus inlucem Pisces venientibus adPent, 1 His non tmt manet semper sententia cordi, Commutant animos interdurn & fœdera rum..

punt &c.

VIII. Il ne faut pas s'étonner après cela, si Dieu a placé les Astres dans la plus haure région du monde, s'il les a revêtus de lumiere & de gloire, 8c s'il leur a donné une vigueur immortelle 8c infatigable , puisqu'il vouloit les rendre comme les arbitres de nos destins, & de nos bons, ou de nos mauvais evenemens , par leurs influences, ou au moins par leur signification.

Vt quod erat mundi mundo regeretur ab tpjo , F ata quoque & vit a s hominum fufpe^dit ab yljlris, Qttf fitmmas operurn partrs , cjuœ lucis honorem » Qux. famam ajfcrerent>qit £ nunemam f If a volarent.

Ce ne font pas les seules étoiles fixes, dont les Animaux celestes font composez qui ont cette grande puissance. Ce font aussi les Planettes.

Inqutbus omnis erit formna condita fumrna , Vtfit cttrtîftclU feptern ledtintve , juvantve.

XI. Ce Poète continue de rapporter les aphorismes & les regles generales de l'Astrologie judiciaire sur les Planetes & sur les Animaux cclestes des douze signes, & sans nous étendre davantage, on pourra les comprendre toutes par ce seul principe qu'elles presupposent toutes, que ces Animaux celestes & les Planctes ont la mcfme vertu & les mesmes proprietez dans leurs influences qu'ils auroient si ces Animaux du Ciel avoient le mesme

L. 3.

L. 3. & 4.

naturel & les mesmes inclinations que les animaux de la terre, qui portent le mesme nom, & si ces Planetes estoient telles dans leur complexion ôc leur Physiologie qu'ils font dans les fables des Poëtes. D'où il paroist encore combien cg Poëte a eu de raison de commencer par dire , que la terre avoit peuplé le Ciel, & que le Ciel de la nature estoit en quelque façon devenu un Ciel fabuleux.

X, Comme cette attribution des proprietez des animaux de la terre aux animaux ce lestes,&: des Ulusions de la fable aux vertus naturelles des Planettes s'accordoit peu avec cet Empire souverain du Destin, qui rendoit les Astres maistres des souverains de la terre ;

Sed rapit exfeeptro funus fortuna fkperho , Indicielle rogum summis ftatuitqn? fepulchrum , ~~?7/ est hoc regnum quod Régi bus imperat ipsis. ;

Maniliusa tâché de rendre cette alliance probable, en la reprenant de plus haut, 2c faisant descendre des Astres les propriétés des animaux terrestres, ce fondant la fable mesme sur une longue observation des influences des Astres ; ou plûtost faisant tout descendre de la Providence eternelle de Dieu, qui [ a répandu les richesses de sa Divine secondité sur les Astres premièrement, puis par le ministere des Astres sur toutes les natures sublunaires, & qui a mis sur la terre , en y creant l'homme, une de ces Intelligences celestes qui gouvernent les Cieux, afin qu'il observast & qu'il recherchait le Ciel, & qu'il y trouvait ces admirables analogies des Astres & des corps sublunaires, des Animaux celestes des terrestres.

X. Voilà l'idée de Matiilius & la noble origine qu'il donne aux fables qui ont relation avec les Astres. Je m'assure que les Lecteurs ne feront pas fâchez d' en estre instruits, quoi-qu'ils aient peut- eftie quelque Üljct de croire, qu'il y 3. quelque

choie de chimérique. En général on peut dire que l'idée en est belle & grande, & qu'il est bon de pouvoir en occuper son esprit, & en remplir aussi l'es- prit des autres dans la lecture & dans l'explication des Poetes ; quoi-que dans le detail il y puisse avoir quelque c hose d'imaginaire, qu'on peut allez facilement découvrir & le distinguer d'avec ce qu'il y a de solide. Ce font des veritez qui font grandes,constantes& solides. 1°. Que c'est une raison & une sagesse eternelle , qui a formé & qui conduit tout ce monde. to. Qu'elle a formé une infinité d'Intelligences & de corps lumineux, qui font gouvernez par ces Intelligences. Que tout ce qu'il y a & tout ce qui fesait sur la terre, depend non seul ement de la Providence & de la Sagesse suprême de Dieu, mais aussi de ces Intelligences 8c de ces corps celestes qu'elles meuvent ; qu'il en reçoit les impressions, en affecte la ressemblance , & en est une ima- ge , comme l'effet de sa cause. 4°. Que par les observations de plusieurs siecles on a pu dresser quelques regles sur les impressions differentes que font ou les Planettes, ou les autres Astres, on les constellations sur la naissance des hommes, f& sur le reste des effets sublunaires. j-° Qu'il est comme indubitable, que ces observations ont esté fai- tes dans la Chaldée dés les premiers siecles après le deluge ; puisque tous les Historiens en font foi , fk puisque la curiosité naturelle des hommes ne pou voit se porter à un'objet plus beau & plus charmant en un païs où le Ciel est toujours ferain , & où les chaleurs forcent presque les hommes de passer les nuits à découvert, à la vûë du Ciel & des Astres.

<5% ÇMul n'a pu se faire que pour affermir la mé- moire & la connoissance des Astres , les Ast rologues ne les aient distinguez. en diverses Constellations , ou en divers assemblages arbitraires , pour en parler & pour en écrire plus méthodiquement.

XII. Maison n'a pas ni la mesme evidence ni la mesme certitude , que les observations qui ont esté faites des impressions & des influences de Jupiter , par exemple qui est une Planette,& du Belier qui est ,ne Constellation ? nous donnent un juste fondement de croire, que la Planette de Jupiter ait les esmes inclinations , & les mesmes proprietez du Jupiter de la fable, ensorte que la fable n'ait esté Fabriquée que sur ces observations : ou que le Belier celeste ait des influences si ressemblantes à la natu- Ire de nos beliers , que par là il nous ait convié à lui donner ce nom. Il en faut dire autant des autres Planettes , & des autres Constellations à qui on a taufli donné le nom ou des Divinitez de la fable ou es animaux de la terre : il n'est ni évident ni certain , que cette attribution n'ait esté faite , que sur l'analogie de leurs influences & de leurs proprictez avec ces fictions Poétiques, ou avec ces animaux tcrareures.

XIII. On peut douter mesme s'il est probable, qu'une infinité d'Aphorismes de l'Astrologie, qui ont rapport ou à la fable, ou au naturel de ces animaux, aient esté fondez sur des observations lon- gues & exactes. 1°. Et s'il n' est point plûtost pro- bable, que les premiers Astronomes pour mieux retenir le nombre, l'arrangement, & la sîtuation des étoiles, les partagerent en diverses figures, & [pour aider la memoire, ils prirent les figures des amimaux ou des hommes japrés quoi les Astrologues qui cultivèrent la judiciaire, fondèrent leurs maximes & leurs aphorismes sur, l'histoire de ces hommes, ou sur la mature de ces animaux, qu'on avoit en quelque manière transféré dans le Ciel.

3°- Outre les douze Signes & les sept Planettes, il y aplufieurs autres Gonstellations, dont la figure n C it ni un animal, ni un homme, comme la Lyre d 'Orphé-e , le navire Argo, & un grand iiqiubro

d autres. Quelles peuvent avoir cité les obierva- tions des influences des Astres, pour les designer par la figure d'une Lyre , ou d'un Navire. 4°. Les Grecs ont rempli le Ciel de leurs fables dans les der- niers siecles, Se on ne peut dire qu'ils se soient son dez sur leurs observations. 5. Les Romains mesme mirent leurs Cesars dans les Astres, quoi-que le monde fut déja trop éclairé pour donner dans ces 11""1 lusions. Mais leur exemple nous apprend ce qu'on peut avoir fait dans des siecles plus grossiers, XIV. Ce qu'il y a donc de plus certain est, 1°. Qu'en general il est vrai, que les Astres influent t,qz ont grande part à ce qui se produit, & à ce qui 1 se fait sur la terre. 2° Qu'il y a une grande analogie entre les productions terrestres & les corps celestes, 30, Que les Chaldéens peuvent avoir fait» pendant tant de siecles quelques observations, qui aient donné sujet d'attribuer aux étoiles ou aux Constellations les figures & les proprietez , ou des, animaux de la terre, ou des personnages de la sa-JI ble. 4 Que les Poètes & d'autres Auteurs ont voulu que ce fut là le fondement ordinaire des fables ; c'est pourquoi en les expliquant ci-dessus, , 1 nous avons quelquefois parlé en leur sens, 5°. Qu'il est bon d'avoir esté instruit de toute cette doctrine , afin que lors mesme qu'on lira, ou qu'on explique- ra quelque fable de cette nature, dont en particulier il foit peu probable , qu'elle ait eu dans (es", commencemens cette origine celeste, on puisse porter sa pensée & Ton discours sur la these generale) en laissant l'hypothese particulière , & s'élever jUC-l qu'au trône de la supréme Divinité, dont la Providence gouverne toutes les choses terrestres par les Anges & par les corps celestes, qui ne forme rien dans la terre, dont les originaux ne soient dans le Ciel, qui nous donne de fortes inclinations pour nous élever à elle par la contemplation des Astres & -

fils Intelligences qui les gouvernent : qui nous donne enfin tant d'estime & tant de passion pour tout ce qu'il y a d'intelligent & de lumineux dans le Ciel, que nous nous efforçons toujours, ou de fai'e descendre le Ciel en terre, quand après plusieurs observations, nous prétendons avoir trouvé que les me smes animaux qui font sur la terre font aussi lans le ciel, & font produits par ceux du Ciel : ou de faire remonter la terre dans le Ciel, quand ar des fables ôc des fictions arbitraires nous mecamorphosons en Astres & nous deïsions en quelque maniéré ce qui est , ou ce qui se fait sur la terre.

XV. Car il faut remarquer que bien que ces apochoses & ces transformations imaginaires des cho.cs terrestres en Astres & en demy-Dieux, ne soient (jus les phantômes & les égaremens de noftrc vanke : on ne doit pas laisser d'y observer les traces le la grandeur & de l'alliance de nostre ame avec ses Intelligences celestes. Les pistes de ceux qui 'égarent , ne laissent pas d'estre connoissables & Ac les faire connoître. Quand nostre esprit va à Dieu & à ses Anges sans détour , & quand il con- rîdere dans la beauté & dans la lumière des Astres 'éclat de la sagesse & les beautez de la vérité , il ,;emOlgne par la qu'il est lui-mesme d'une nature oresque angelique & fort approchante de la divine.

Mais quand nostre esprit s'égare & qu'il attribuë la mesme beauté des feux celestes, ou la mesme intelligence des natures Angéliques , ou la Divi-

nité mesme aux personnes, ou aux natures qui en ont tres-éloignées : il est vray que c'est un déplorable renveriement ; mais nostre cfprit ne 1 aille cas alors mesme de faire voir que sa maladie ne détruit pas sa nature , & que sa nature est de l' ordre des natures celestes & divines, puisque dans » on delire mesme il ne pense qu'à des Astres, à

des Intelligences, à des Dieux ; & il donne de 1 vie, de l'intelligence & de ia divinité à toutes ses. C'est le raisonnement de Manilius, parlan de l'apotheose d'Auguste :

Ratto omnia vincit, Ne dubitss hêmint divinos credeïe vijÑJ, Jam fait tpfe Deos, mittitcfue ad fidemmmen Alaim & Jfygnjïa crefcit sub dî. ,

CHAPITRE IX.

Du culte de là Terre fous le nom de Rhea , Cybelle, la Déesse de Syrie , Atergatis, Isis-, Tel lus, Ops , Vesta, Cerés, Proserpine , Maja.

Fauna, Pales.

I. 11. La Terre beaucoup de convenances avec les Manettes, quoy qu'elle foit immobile..

111. C'est la mesme que Cfbele. Ses divers noms & le ai origine- i v. V. Les Mysteres & les Prestres de Cybele, leurs fureurs j leurs danses 3 leur ramure, leurs meifions,

VI. Antiquité ,de ces incisions , des Curetes , des Corybantes , des Cabires3 DaElyles 3 Telchîns. Origine de ces noms.

VII. De ceux qui estoient nommez Galli. !

1l111 D'où vient le mm de Rhea, Pherephatte , Maja.

1 X. La fable d'Attis , sa mort 3 set renaiffunce. j X. Reflexion sur les Philosophes qui tournaient les fables a la Pkyfîologie.

it i. Explication des ceremonies de Varron y rttp^j porté par saint Au-gustin.

XII. C'estoit U Déejfede Syrie, XI I î-i C'estoit Atergatis des syriens.

XI V. Etlfis des Egyptiens.

X v. X V I. C'eftoitTeUu, Tellumo 3 6a Ops des Latina XVII. Varron redmfoit-tom les-Dieux nu cidi -& a U Terre 3faifant du Ciel une Ame intelligente 6 diviift.

XV l Il. C'estoit Vesta. D'eu virent ce nom.

XIX. C'estoit funon. 1 )

XX. C'estoit Cerés. Do vient ce nom.

XXI. C'estoit Venta ? mm Venus-sa - vkrge/l i

A A xeponje aux contradictions des Genealogies lQëi.;ues. coetraataions oe, Ggncg l ogi es toïX XIII. C'ejloit Proserpine.

X X IV. C'ejloit Platon, Erebws 3 Orcm } A cher on, Ades.

Vch viennent ces noms.

XXV. C'estoit Maja, Fauna ,Fati'.z , Flora, P,J/(s.

XXVI. Si les suifs ont adoré le Mont Carmel.

i.

c

E n'est pas icy le lieu d'examiner si la Terre peut avoir rang entre les Planet-

s , puirque la - pluspart des Astronomes & des h yiîcicns conviennent presentement qu'elle n'est as moins lumineuse ni moins éclatante quand else est éclairée des rayons du Soleil, que les six auras Planettes; & que ces six autres Planettes ne ont ni moins opaques qu'elle dans leur substane , ni moins tenebreuses dans leur juste moitié Lii n' est pas illuminée du Soleil. C'estle mouvement qui a donné le nom aux Planettes, & nous le pouvons le donner à la Terre sans lofter au Soleil & aux Etoiles, à qui les Ecritures semblent le Jonner, & à qui les préjugez du genre humain le lonnent tres-certainement. C'est à quoy nous nous in tiendrons, sans nous engager dans une quelOn qui n'est nullement de nostre sujet.

II. Quoi que la Terre ne soit pas une Planet, elle est un de ces grands Corps, c'est mesme n de ces Corps lumineux qui font la beauté & la inajefte de la Nature, & le juste sujet de nostre admiration. Car encore que sa lumière ne nous frappe pas l'imagination comme celle des Planetes , parce que nous ne la voyons pas de loin toute réunie, & mêlée entre les étoiles fixes, sa secondi..- é, ses richesses, & les liberalitez dont elle nous [omble, ne peuvent ne nous point remplir d'admiration, de joye & de reconnoissance : heureux si tous ccs justes mauvemens de nostre ame s'estoient toujours portez au Creataur plûtost qu'à la crea-

ture , & au bienfaicteur plûtost qu'au bientait. 1J ne a fait un éloge de la Terre, qui meriteroit d tre inseré icy tout entier; mais la longueur ~de-c ouvrage &la foule des matieres qui se presentent ne me permet pas de le faire. J'en rapporter feulement le commencement, où il dit que no lui avons donné avec raison le nom de mere, que Dieu nous l'a donnée pour estre nostre ~Palai comme le Ciel est le sien. Sequitur Terra, cui ~u rerum Naturœ partium , eximia propter mérita cot nomen inàiàmvu maternæ venerationis. Sic boni num illa, ut Calum Deis quœ nos nascentes exèifi natos alit, &c.

III. Les Payens la nommèrent la Mere d Dieux, parce qu'ils entendoient ces Dieux q avoient esté des hommes , ce ils l'honorerent foi le nom de Rhea & de Cybele. Comme elle si principalement honorée dans la Phrygie, c'e& aul d'où elle tira une partie de fesnoms. Cybele, Dir dyme , Ida font des montagnes de Phrygie 5 ~Berc cyhthe, Pessinus , Andira en font des villes: Myç donia en est un petit pays. Elle a emprunté Ces di vers noms de tous ces lieux differens. On ne li donna pas feulement le nom de Cybele, mais ~aufl celui de Cybebe selon Festus, qui en dit la ~rai son. Cybebe mater, quam dicebant Magnam , ~it, appellabatur , quod ageret homines in frronm » ~quoI Græci JC.Uf;E'IV ~dicunt.

IV. Strabon nous a instruits d'une grande par tie des ceremonies avec lesquelles cette ~DeefT estoit honorée, toûjours avec fureur & avec ~trans port d'esprit. Voicy ses paroles. Qui Cmtv[es re.

tradunt Phrygiasque, ij quibusdam sacris ~minifterii.

implicant Curetes, cum arcanis, tum aliàs ~Joms in Creta educationi puerili, & Matris Veûrn jkçrificii* in Phrygia, ac locis circa Idam Tr()j£ montem. Ingens est divertit & iJUntm narrationum. A/iJ eosdem

i- c. 63

L. 10.

utm CnreubîM ponunt Lorybantas, Cabtros, Idios 'DarI-ylos, Telchines; alij cognât os imer se , & exîhbns iiftînclos diftèrentiis. Vt in fiimma dicam , ab omriblu q.iodam divinofurore correpti & bacchantes def.

!r;JJH?Jtur; qui arrnata faltaÚone, cum tunn--iltu (y" ripÙu, tintinnabulÚ, 1 ympanis, armis, d" tJljiOre in sacrificiis perterreant homixes , ftb admi^-JtYOi iiyn Jpucic. Arque hdc Jacra qitodaimnodo comiitma habere fleraque cenfentur, cum Samothraciis, jcmntis , aliiflple compluribus : ideo quod iidem omI-Jm famuli (lC.YhibciWl,r.

V. La danse pouvoit estre religieuse & sainte armi les ceremonies des Temples , comme il firoift par l'exemple de David. Le son des tromettes avoit esté ordonné par Moïse. David inven- l & multiplia les autres instrumens de musique M devoient accompagner les sacrifices. Mais la jgefïe j la modestie & la tranquillité estoit une Sérmonie encore plus charmante & plus necessai|, que le vrai Dieu exigeoit de tous ses Sacrifica- prs. Il est vrai que les fureurs estoient saintes St Vines dans les personnes des Prophetes ; mais [iloicnt des fureurs miraculeuses, & non seintes; [voyces de Dieu avec la violence d'un esprit diti, non contrefaites & affectées par une extravainte superstition; enfin les fureurs des Prophe> ne duroient que quelques momens, estoient tvies de beaucoup de prédictions surprenantes S choses futures, & se - terminoient à un calme [prit inimitable ; au lieu que ces fureurs protes des Prestres de Cybele n'estoient que des ltatios volontaires de gens fanatiques, dont lt le fruit-consistoit a faire beaucoup de bruit &

kumuite & à se déchirer le corps avec des couilix. Ainsi ces sacrifices de Cybele estoient feraIbles à ceux des Prestres de Baal, dont il est parlons les livres des Rois ; Clamabant voce magna 11. Partie. R

£ *' }. Zer.

c. S. v. 1 S.

& incidebant se pixta ntum suum cmtnsv lis donec versunderentur sanguine &c. Transiliebant altare quod fecerant. Voilà une description allez approchante des Prestres de Cybele, ou des Cory- bantcs. Car pour ce qui concerne les tambours, il est fort probable qu'on en joüoit dans les sacrifices qu'on faisoit à Baal dans la vallée de Tophet, qui est la mesme que celle de Gehenua ou de Ben En.

non. Le nom de Tophet signifie des tambours, & le terme de cri est venu.

V I. Ces incisions estoient plus anciennes ~que le tem ps d'Elie-puis qu'elles furent défendues dam le Levitique, aussi-bien qu'une maniere [llpedh.

cieuse de se couper les cheveux en rond : Neque il rotundum attondebitis comam , nec radetis barbam. E super martuo non incidetis carnem vestram neque figura aliquas aut stigmata faciétis vobis. Jeremie join aussi ces incisions & l'usage de couper les cheveu au temp s de la mort de quelqu'un. Et ~marient", grandes, & non sepelientur, neque flangentur ) neq1.

se incident, neque calvitium fiet pro eis. Les Cure tes de Cybele portoient aussi apparemment ce ~noi à cause du foin qu'ils avoient de se couper leur cheveux "t:'e tonsure, vJipw tondere, tondre. Ami ils joignoient les incisions & la tonsure des cac i l s joi g noienc les incluons e~ la con fure des chc veux. Les Corybantes tiroient leur nom des lira & de la danse ^ofUTrlov-nç, faltantes. Les Preilri de Baal sautoient aussi. Les Cabyres avoient en prunté leur nom de leurs Dieux , comme il a el dit ailleurs & non d'une montagne de Phrygic mesme nom. Les Dactyles estoient cinq en non bre, ôc avoient autant de sœurs, ce qui leurdonner le nom Grec qui signifie les doigts, ~par qu'ils en imitoient le nombre. Les Telchins etoie venus de Crete , qui avoit autrefois porté ce nom.

V Il. Mais les plus fameux entre les ~Preitr insensez de Cybele , estoient ceux qu'on ~appe:

Ç, T y VI %■

C 16 6.

tient (ÙtUi, ou Archigalli, nommez d'un fleuve le mesme nom en Phrygie, si nous en croions He- diçn Peffimmte Q/im Phryges Úlebrabant orgia, Vxta fluvium GRflam , à quo etiam evirati Deœ Sa~rdotef nomen suum obtinent. Pline dit que ces Pre~tes de Cybele se coupoient les marques du sexe, vec un couteau fait de la terre medecinale de l'Isle ~te Samos, & qu'ils ne couroient nul risque de la ~lie, quand ilsen usoient ainsi, Samiâ testâ Matris .eum Sacerdotes qui Galli vocantur virilitatem amptim , nec aliter citra, pernkkm ,fî M. Cælio credimus.

ertullien dit qu'ils se decoupoient aussi les bras.

'ircbigaUus iLle fanllijfimus > sanguinem impumm tertos quoque castrando libabat. Comme Cybcle ~[toit appellée la mere des Dieux & la grande Déess 3 aussi ses mysteres estoient nommez f<lnpCIJCt, & bcou'C).œ. Les Romains avoient leurs grands jeux ri son honneur ; Megalenses ludos.

VIII. Or tout ce que nous avons dit de CybeF convient admirablement à la terre que Julius irmicus assure avoir esté ppellée la mere des heux, & beaucoup respectée prés du fleuve Gallus ans la Phrygie, Phryges qui Pejfwuntem incolmt » ~irca Galli fluminis ripas, toirc cæten)ywm elemento- ~rm tribuunt principatum, & hanc volunt omnium ejje ~vatrem. Son nom de Rhea vient ou de p':v couler uere 3 à cause des pluyes & des influences celestes, ui donnent la secondité à la terre; ou à cause du ~ux continuel des .semences &des generations de ~kutes les natures terrestres. Ou plûtost -ce nom je t de è'f? , terra par une transposition de lettres ~cmblable à celle de v&t , mp s aer. Le terme Grec pt terra, vient manifestement de l'Hebreu Erets , lui signifie la mesme chose, & Rhea en pourroit ~ien venir immédiatement. Onla nomme aufll,«ar ? Maja qui signifie mere & nourrice. On lui don~ic le nom de , comme si l'on disoit ~/MHTM/) :

L. 15-c. 112,

ApOl<lg.C.

14.

Platoi-i Cr,tJ!)' Porphy !s d; abfiin.

arnma

Terra Mater. Platon tire ce nom de J/JVca £ «?,« dans ut Mater. Ce qui a moins de vrai-sembl ce. On l'appelle aussi Proserpine, & Pherepha, pour les raisons que Porphyre découvre dans paroles : Multi ex Theologis aiunt nomen Phereph r<c, qn £ Ptoferpina efi , esse conflatum ex .; pCC¡V ,re , & i**« yalttmbus, quoniam palumbus ei s est. Ideo & quœ Sacerdotes sunt Majœ, palumbu offerunt. Maja autem est Proserpina quœ verè M est,five mitrix. Terrestris enim Dea est, ac eadem Ceres.

IX. Quant à la fable d' Attis , ou Attes ta v de Cybelc mutilé ensuite Ôc mort, & ressus outre ce qui en a déja esté dit dans les chapitres cedens; Julius Firmicus dit que ce font les bl & les autres fruits de la terre qu'on coupe ave faux , qui meurent dans les greniers , & qui ress citent par leurs semences. Etiam hite sacrâ Phy volunt esseratione composita. Amare terram lIolunt- ges , amatum verò hoc ipsum volunt esse, quòd ex j gibus nascitur ; pœnam autem , quam sustinuit, hoc %nt eJlè, quòd falce messor maturis frugibus sa Mortem ipsius dicunt quòd semina collecta condum vitam rursus, quòd jacta semina annuis vicibus rec duntur. Proclus n'avoit pas crû deshonorer l'Ec de Platon, dont il a esté une des plus belles lum res, en écrivant un livre des Mysteres de laMere Dieux,& y faisant voir que ces pleurs &ces lamer tions avoient leurs raisons fondées sur la Theolo naturelle. Ce livre ne paroist plus, mais Suidas parle en ces termes Scripsit Proclus librum de ?na Deorum Matre , quem si quis sumpscrit inmanus, debit, ut non sine inspiratione Divina , omnem de.

Dea Theologiam manifestarit : ne aures hominum plius turbentur ob lamenta ô- - planctus, qui in sAC JDcœ exhibentur.

,q X. Cette maniere d'interpreter & d'exeuse *

X. 4.

De errore profan. ReIcgion.

u meïme de loüer les ceremonies de cette Déesse , l'a rien de contraire à la censure, que nous en fOus faite 3 en rapportant ce que l'Ecriture sainte a flminé contre elles ou contre d'autres toutes semables. Car ces interpretations & ces excuses ne rndent qu'à faire reverer la terre fous le nom de rybele, ce qui est toûjours rendre des honneurs ivins à une creature. Et si Proclus Se Porphyre retendoient, comme il y a de l'apparence, que ï culte estoit rendu à Dieu mesme , comme estant me de l'univers 3 dont la terre possede pour ainsi ire une portion , puisqu'elle est elle-mesme une Dble portion de l'Univers; nous confesserons que estoit beaucoup approcher de la verité, comme int Augustin nous l'a dit au commencement de 1 livre - mais ce sera toujours une erreur dans la Liiloiophie & dans la Religion, que de donner à icu ce monde pour son corps, & de l'y enfermer rec les assujetissemens d'une ame envers son corps ropre & naturel.

XI. Saint Augustin a bien voulu rapporter dans 111 de ses plus beaux ouvrages, qui est celui de la rité de Dieu, l'explication que Varron donna fort a long de toutes les particularitez mystereiuses du jjlte de Çybele ou de la terre : Eandem dicunt marem magnam, quod tympanum habeat, significari esse fbem terrœ , quod turres in capite, oppida, quod l'cdes

ngantur circa eam , cum omntà moveantur, ipfkm n moveri ; quòd Gallos huic ïïeœ ut servirent fece- nt, figniftcare cos qui semine indigeant, terram fini oportere, in ea quippe omnia reperiri ; quod se apud m sassant , prœcipitur, qui terram colunt, ne sedeant ; rmper enim esse quod agant. Cymbalorum sonitus, Í'ram£TJtorum jactandorum ac manuum & aris creïtus > in colendo agro quod fit significat. Ferramenta Èla erant ideò ex œre, quòd eam antiqui colebant &re» tequain ferrum, esset inventum Leonem adiun(l'unt

L 7.r.14.

solutum ac manJùetum, ut ojtendant eJJè nuttum gerju terra tam remotum ac vehementcr ferum , quud non fubigi colique pojftt. - - 1

XII. Voilà l'explication physique de la pluspart des particularitez que les Poëtes ou les Bina.

riens ont racontées de Cybele tant reverée des Grecs & des Romains. Car les Syriens la nommerent la Déesse de Syrie, se mettant peu en peine que ce fût Venus, ou Junon , ou la Lune , ou 1: Terre. Tous ces noms ne signifioient selon leur avis qu'une mesme Déesse , c' est à dire la partie du monde la plus effeminée , qui en est comme la mere , au lieu que le Soleil avec les autres feux celellc en est comme le pere. Lucien dans son traite d la Péeflc de Syrie , dit qu'il y a beaucoup de preuves que c'est la mesme que Rhea; car elle a de: lyons, des tambours, des Prestres mutilez ou E:.1' nuques, & une couronne chargée de Tours sur i; teste. Aiuita jigna adsunt Des. quœ faciant ut lUe, videatur. Nam & Lt'on.es ipsam serunt, (y tywftwn habet, 6^ coronam in capite turritam gestat, quaîci Cr Lydi Rheam effingunt (:) c.

XIII. Nous avons parlé d'une autre Déciss de Syrie, nommée Atergatis. Et nous avons rap porté ce que Macrobe en dit , que les Syriens 1 prenoient pour la Terre, ne reconnoissant autre Divinitez que le Soleil & la Terre. 'j)t Adad nôrnen dederum ; filbjungum ei Deam Ad,!, gtltim, omnemque pote{l-aulft cunBarum rerum ili duobus attribuunt , St/tem Terramque intelligentes Ces deux puissances font les deux Principes univer sels, l'un Actif, l'autre Passif.

XIV. Par ce mesme principe les Egyptiens pre tendoient honorer la Terre fous le nom de la De esse Isis. C'est ce qu'en dit Servius & Isidore apré lui. Isis lingua zALgyptiorum est Terra; quam Iji volunt cjfe, Macrobe en dit autant : Isis junthi rt.

S'!tilY. 1.1.

t. zj.

JEneiA. L*

Ortg l. 8 c n.

igione celebratur, que est vel Terra, vel Natura re- uni subjacens Soli. Hinc est quod continuatis uberiw corpus terrœ densetur ; quia terrœ, vel rerum natu£ aitti nutritut universitas. C'est cette multitude le mammelles qu'ils attribuoient à Isis , qui lui aiioit donner le nom de T<~n ; parce que la Tere , ou la Lune, ou enfin la partie sublunaire du nonde donne la nourriture à toutes choses. Julius ïrmicus est de mesme avis, que selon la poësie ,es Egyptiens Isis estoit la Terre : Defenforem eorum 'olunt ad iere physicam rationem, frugum femina >jirim dicentes esse ,Isim terram.

Isis estoit aussi la mesme que Cerés, & ce n'éoit toujours que la Terre. Herodote le dit en ermes formels ; Isis secundùm linguam Grœcorum si Cires , ~c. Ægyptia lingua Isis efi Ceres. Saint Vuguftin declare que c' estoit le sentiment des gypticns: Isis invenit hordei segetem, atque inde Ucas marito Regi & ejus consiliario Mercurio denonfimvit : unde eandem & Cererem volunt. De là rient que dans les sacrifices d'Isis on ufoit de tam)ours ôz d'autres instrumens semblables , aussi-bien jue dans ceux de Cybcle. Ausone l'assure dans ;n vers :

c.YiIlb:dtl dant fliftu jÕnitmn , dant pulph<? fnttu Ici-i pedttm, rentis vebonnt cuva tympana te-gis y l/i.lcos agitant Marcotica sijs'rd tumnltm.

XV. Les Romains honoroient la Terre sous s noms de Tellus & de Tellumo, dont Tellus estoit te feminin, & Tellumo le masculin. Ainsi c'estoit, an' Dieu c £ une Déesse ; saint Angustin rapporte sur cela les paroles de Varron : Vi!: eadem tara babet geminam vim; & wsfcîilinnw, quòd semina producat; & fœminum, quòd recipiat atque nutriat.

Vi de à vi fœminina dicta efi Telia*, à vi masculina Tdlltmo. Nous avons donne d'autres exemples des deux sexes, attribuez à une mesme Divinité.

L. i. c. to.

In Euterpe.

_i-'. £. - #1 (, :,

, XVI. Les Romains donnoient encore à la Ter..

re le nom d'Ops, à cause de sa puillance à donner secours. Opu est différent d'Ops , & c'est un des noms de Diane parmi les Grecs, parce qu'elle af- flfte celles qui accouchent; ~aziç, cura C'est aussi le nom d'une des Nymphes de Diane dans l'Eneïde. Voici comme Servius parle de cette distinction de noms : Citrn Terram dicimus, hæs Ops facit ; si nympham dicamtis , lue Opis ; si divitias » hæ Opes, numéro tantum plurali. Et ailleurs : Ops uxor eJk Satumi, quara Græci Rheam vocant. Varron a este d'un autre avis , & a cru que le nom d Ops venoit d'opsti : Terra Ops, quod hic omne opus, & hac opta ad vivendum. Il avoit dit auparavant que le Ciel & la Terre, Saturne & Ops avoient elle les premiers Dieux des Latins, les mesmesque Serapis & Isis des Egyptiens, Tautes & Astarte des Phéni- ciens, le Ciel & la Terre ayant esté marquez par ces divers noms en différentes Nations. Principes.

2) a cœlum ~& terra Hi Dei tidem qui m Ægspto Se rapis & Isis, ~6'c. Qui sunt Taautes & si j tarte apud ,. Phœnic./{{. Vt tidem Principes in Latio Saturmu (j Ops. Tara enim 0" Coeluin , ut Samothracum irÚtii docent, sunt Dei magni, & hi quos dixi multu no- minibpu. | '1" XVII. Ces paroles font vrayernent dignes-d Varron; car il y réduit aux Dieux naturels lc% Dieux historiques ou fabuleux de toutes les Nations du monde, en forte que tout le culte reli: gieux & toute la divinité se reduise à la Nature car c'est le Ciel & la Terre. Et il ne faut pas s V maginer que Varron, ou que toutes ces Nations qui se reduisoient au seul culte du Ciel & de la Terre, creussent que c'estoient deux Divinitez/ Ils les reunissoient encore en une seule Divinité, considerant le Ciel conme lame, &: la Terre comme le corps du monde. C'est ce que Varron

-

J, 4 .JLnei.

Jn lib. il, l- Ar-de li'lg.

L-.ù.n.

ihiaerri.

dit aussi-tost après: Hæc duo, Ccelnm*& Terra, qwd anima & corpm. Et afin qu'on ne doute pas de ce qu'il entend par Famé, il s'explique aussitost après, geil déclaré que c' est un feu celeste & une intelligence divine ; Vt Zenon Citieits , Ani- malium firnen ignis, qui anima & mens ; qui calot è celo, què-d heic innumerabile s & immort ales ignés.

Jtaqtte tip-içharmpis Enni de meme hurnana àteit, /ftic efi de Sale fumjfitto ignis. On ne pouvoit pas dire plus clairement, que les Astres font des feux celestes ôtdes Intelligences divines, qui font comme l' ame du monde, de laquelle approthe beaucoup nostre -une raisonnable & intelligente, qui est elle-raefme un astre sur la terre.

XVIII. La Déesse esta des Grecs & des Latins est aussi la mesme que la Terre. C'est la pensée de Platon, Terra qui dern Vesta que omnikm Uns.

sarum efi habitaculum. Ciceron en dit autant, Plaloni prorfm assemior, qui si interpretari potuero, his ferè utitur verbis , Terra igitur, ut focus domicilioYtt7n>facra Deorum omnium est ou comme portent les éditions communes, Domicilium sacrum Deorum efi. Le nom Grec sV/« vient Ï^TD IP-2 ss-m, parce que tout le reste du monde estant dal)S le mouvement, elle feule etl dans le repos. Le nom de Vesta en Latin a la mesme signification, Stat vi Terra faa3 vi stando Vesta vocatur, causaque par Gray nominis esse potest, dit Ovide. Le Temple de Vesta à Rome estoit rond, & on y entretenoit un feu éternel , pour marquer la rondeur de la Terre , & le feu lui brûle perpétuellement dans son centre. Ovide exprime en ces termes au mesme endroit :

VeJfareadgn efi d- Terra, jùbe(t vigil ignis utriquey .significant fldern Terra focufque Juam.

Terra filafimilis , nullo fiUctrmne nixa, Acre fiibjeEto tam grave pende t OntU.

- par rfidcs t empli, nullus preciiïrit in tllo.

L'II .de Legibus.

L, z - 4e Legtùta.

Fist. Vib. 6.

Angulus : à pluvio vindicat imbre tholus.

XIX. Junon a esté aussi quelquefois prise pour la Terre, aussi - bien que Jupiter pour l'air. Ces applications de noms ont esté allez arbitraires.

Quand Jupiter a esté le Ciel, Junon estoit l'air.

Quand Jupiter a esté l'Air, Junon a esté la Terre. Ce n'et fqu'une différente attribution de noms qui n'empêche pas que ce ne fût toujours ne reconnoître point d'autre Divinité que la Nature , le Ciel & les Elemens. Varron est dans ces sentimens, & voici ses paroles : Antiquis enim quod nunc e3v hi Dei Cælttm & rerra, Jupiter & Funo : quod ut an Ennius, Istic est is Jupiter quem dico, quem Grui vocant Aëra , ~&c. Qgod Jovis Iuno conjux, & hic Cælum , hac Terra : quœ eadem Tellus -, & ea ditia 5 quod una cum love juvat Iuno : & Regzna, quod luc omnia terrestria regit. Servius a (Te Lire que Junon estoit la Terre, & il le prouve par les vers de Virgile dans ses Georgiques , luno ipsa dicitur Terra ; nt est, -

Tarn Pater Omnipotens fœcundis imbribus ÀEther} Conjugis in gremium ttttæ defèendit.

Saint Augustin rapporte aussi ces vers de Virgile ÔC dit que c'est du tresor de la Philosophie , & non du fond de la Poësie qu'il les a tirez : puisque Ju- piter & Junon dans le sens de la Phyliologie des Payens n'estoient autres que le Ciel & la Terre.

Quid indignurn dicitur, cum lupiter Ô' luno natidi- cunturex t empare, si Cælum est ille, & illa Terra, cum facla ftnt utique Cæluro & Terra ? Nam hoc quo- que in libris fuis habent eorum doai atque fapicntcs, * Neque de figmentis Poëîicîs, fed de Philofophorum libris à Virgilio diflurn est, Tum Pater Omnipotens, &c. Id est in gremium Telluris » aut T erra.

XX. Ce Pere dit au mesme endroit, que la Terre estoit aussi la mesme que Cerés : Eandew Terrant Cerçrem, eandem feftam volunt. Varron dit

L.de ling.

Latin,

Jr. lib. 8.

Æ fit ut.

L t. Geoyg,

C'v, l. 4.

c. '0.

Vjiie Cerés est nommée ainsi, comme si l'on disoit Geres, parce qu'elle porte toutes fortes de fruits : Qui quod gerit fruges, Ceres. D'autres ti- rent ce nom de creare , parce qu'elle crée les fruits.

Ce qui est encore plus probable, s'il est vray que les anciens Latins disoient cereo, au lieu de crec.

Vossius croit que le nom de Cerés vient du terme hébraïque Cberes, arare. On trouve aussi dans l'E- criture Geres pour signifier les fruits de la terre.

D ù est venu le Grec -/uyw;, qui est un des noms de la Terre dans Hesychius. Ackero , Opis, Helle, Cerys, Tellus, & Ceres eadem. C'est plus probablement de ce terme Hébraïque Geres, & du Grec Gcrys, qu'est venu le nom de Cerés.

On appellaCerés la Legislatrice > Legifera , e('; -, parce qu'avant J'usage du froment les hommes vivoient de gland dans les bois , sans loix de sans police. Dés que le froment fut trouvé, il fallut partager & labourer la terre , ce qui donna commencement à la police & aux loix. Servius rend cette raison : Leger Ceres dtettur invenijfc.

Nam & sacra ipjiuJ Thesmophoria) id ejl Legum latio vocantur, Sed hoc ides fingitur, quia anic f ru - rnenmm inventum aCerere, passim homines fine lege 'lJt¿:¡;Jbivzrur: quæ feritas interrupta efi, poflcjuam ex tgrorum diifretione natafimt jura.

f -) X X r. Saint Augustin nous apprend que les Pa yens confondoient audi Venus avec Vesta & *avec la Terre. Il propose l'incompatibilité de l'impure Venus avec la v irginité que Vesta cxigeoit de ics Vel-lales. Et il resoud lui-mesme cette difficul- 1 té, en distinguant plusieurs Venus, l'une pour les : vu rges, l'autre pour les impudiques, & encore une troiheme pour les femmes mariées. Qnis tnirn ferait quod cum taatnm honoris & qtmji cajtitatts tgnl îrdmennt , ait yuan do non embefemt et tant Vcrnrsm diftrs , ut vtnsftat in môl.lis ejaj komrata

L. 4. de L. L-

L. i. c. n.

In L. 4.

Æneid.

Civ. l. 4.

c. io.

virgimtat ? Si enim vesta Venus effet, qtioinodo et ri- te vtrgines à venereis rébus abflinendo servirent ?

An Veneres du A funt, mÍa vx* ygo altéra mulier ? An Potius tres, lina virgimem", quæ etiam Vesla efi 3 al i a conjugatortim, alia mtretricum ? ** v Macrobe dit que les Anciens donnoient le nom de Venus à l'hemisphere supérieur de la terre, & celui de Proscrpine à l'hemisphere inferieur. Physici superius hermfPhærÙwz terre cujus partern incoli- mus, Veneris appellatione caliterunt j inferius vero hcmifphærium terre Proserpinam vocaverunt. *

XXII.Comme ce ne iont que de différentes attri- butions de noms, il ne faut pas se donner la gesne pour y trouver une exacte observance des règles des genealogies. Cerés est la mere de Proserpine, & néanmoins l'une & l'autre est la Terre. Rhea dl: la mere de Cerés , & néanmoins ni l'une ni l'autre ne font autre chose que la Terre. Ainsi l'ayeule , la mere & la fille ne feront qu'une mesme Terre. Les veritez font réelles &c physiques, les ge.

nealogies font poëtiques & figurées. Quelques-uns considerent diversement la Terre", & veulent que Rhea foit tout le globe de la Terre ; que Cerés n'en soit que la surface, qu'on feme 8c qu'on moissonne ; & que Proserpine ne foit que l'hemisphere de nos Antipodes. C'est l'avis de Vossius, de qui la meilleure partie de ce Chapitre a esté tirée.

XXIII. Or que Proserpine foit la mesme que la Terre, c'est ce que le nom mesme de Proser- pine nous apprend. Nous avons dit ailleurs que Varron attribuant à la Lune le nom de Proserpine, dit qu'il vient à proserpendo. Cette étymologie ne convient pas moins bien aux fruits de la Terre, & à la Terre mesme. Il est plus probable que ce terme vient du Grec Ippaetp; VfI<t , 8c que de Persephone on a fait Proserpina, Nous avons remarqué

Z. t - satur.

c. 18.

déjà plusieurs fois, que le mesme Caractère Pheni- cien, ou Hebraïque., falfoit le P. ou le Ph. & se prononcoit tantost d'une maniere , tantost d'une autre.

De là viennent les changemens faits dans les termes Pherjèphone, PerfephoneProferpina. Hesychius dit que Pherfèphone vient de tpépetv m'mu-, Ferre utilitatem & fruEtnm. Vossius tire fort ingenieusement ce mot de l'Hebraïque, Péri-, fmaus, & Saphan , te gé- re. Parce que la terre couvre les fruits, ou les fe- mences qu'on lui confie.

X X I V. Mais comme Proserpine se prend pour la partie inférieure de la terre, qui est ensevelie dans les tenebres , de là vient qu'on la prend aussi pour les Enfers. C'est le sens que lui donne Horace,

Quam penè furvæ regna Pyoferpinæ , Et judicantern vidimus Aeacum.

C'est par la mesme raison que Pluton se prent aussi pour la -' terre, & que Ciceron dit que le nom de Pluton , c'est-à-dire , riche , lui a esté donné par leb Grecs, parce que la terre est le tresor de toutes les richesses de la nature, tout en fort, & tout y retourne. Les Latins ont imité les Grecs en donnant à Pluton le nom de Dis, qui signifie la mesme chose que Pluton. Voici les paroles de Ciceron : Terre- na autem vis omnis atque natura D iti Patri dedicata est; qui dives, ut apud Græcos -tv-JIm, quod recidant omnia in terras , & oriantur è terris.

La mesme partie inferieure de la terre s'appelle, aussi Erebus, de l'Hebreu Ereb, vespera nox. Et Acheron de l'Hebreu aussi Acharon , ultimum, ex- tremum. D'où vient qu'Hesychius cité ci-deffuis entassant plusieurs noms de la terre , commençoit par Achcron;) > AXEPCJJ. Vossius prétend aussi que le nom d'Orcus, vient du Chaldaïque Arequa, qui signifie la terre, dans un verset de Jeremie, & n'est qu'un Dialecte , au lieu de l'Hebreu, Aret sa. Le mesme Pluton et fappel lé par les Grecs coin-

L. 2.. Ode.

IJ.

L. 2.. de ;z;ttnr. Dcor.

fer m. iq.

II.

me si 1 ondifoit àeifvç , invisible , inconspicabilis, Vossius pretend encore qu'il vient de l'Hebreu, Adam , terra. Quand ces derivations de la langue Hebraïque ou Phenicienne ne feroient pas vérita- bles , elles feroient ingenieuses , & il y a néanmoins bien de l'apparence qu'elles font au moins en partie veritables. Car il faut toujours se tenir au principe qui a esté establi dans un Chapitre particulier , de qui se fortifie par de nouvelles preuves, presque dans tous les Chapitres de cet ouvrage , que les fa- bles ont esté en regne pendant un long temps dans l'Assyrie, dans la Phenicie, & dans l'Egypte , avant que d'estre transplantées dans la Grèce , de la mesme maniere qu'elles eurent long-temps cours en Grece avant que de passer en Italie. Les Italiens eurent aussi leur Acheron , leur Averne, leurs champs Phlegréens, leur Saturne, leur Hercule ; mais long-temps après les Grecs,à leur imitation.

Il faut faire le mesme jugement des Grecs, à l'égard des -Phenicierts. XXV. La terre fut aussi honorée fous le nom de Maja, qui est aussi le nom de la mere des Dieux, Ce terme est commun aux Latins & aux Grecs; ainsi il est apparemment Grec , &il signifie une nourrice , ou une mere, ce qui revient à la terre. D'au- tres font ce terme Latin , & le tirent de Majm, qui est le mesme que Magnus , d'où vient Major Se Majestas,. ;

Les Latins donnèrent encore à la terre les noms j de bonne Déelle, de Fauna, Fatua, Flora, Pales. ;

Les noms de Faunaèc Fatua, viennent du Grec pi,,-., tpVCt', tpcLuwu, qui est le mesme que le Latin Fart, qui en est venu, aussi-bieii que Fat es > comme G. l'on disoit 0«Twç. Ce fut Evander d'Arcadie, quiportJ ce culte en Italie, ainsi y amena-t-il les noms Grecs, Or c'estoit de Faunus" où de Fauna, ou de la terre qu'on empruntait k qualité de Devin, parce que

les plus celebres Oracles de la Grece, le rendoient à des creux, ou des ouvertures de la terre, d'où sortoit un vent qu'on pretendoit estre tout Divin, & capable d'inspirer la connoissance des choses futures, Quant à la Déesse Flore , il n'est pas difficile de croire que c'estoit la terre couverte de fleurs, comme Ceres est la mesme terre couverte de ses riches moutons.

Quant à Pales, Servius semble faire venir son nom de Pabulum. Au moins il ne doute pas, que ce ne foit Vesta, ou a mere des Dieux. -Pales Dea tfi pabuli , qttam aly Vestam, aly Matrem Deum vocant.

C'estoit un Dieu pour les uns, & une Déesse pour les autres. Hanc Virgilius genere fæmineo appellat.

Alii intér quos Varro maqculino genere, ut hic Pales.

XXVI. Tacite dit que les Allemans adoroient

la Déesse Hertha, qu'il dit estre la terre. Ce terme pouvoit venir, ou du Grec iege , ou de l'Hebreu Srets. Le mesme Tacite dit que les Juifs adoroient le mont Carmel, & en faisoient un Dieu : Est Fudœam Syriamque inter Carmelus. Ita vocant montem Dmrnqllt. Nec simulachrum Deo aut templum. Sic tradidere Majores. Aram tantùm & reverentiam.

Suetone en dit autant. Apud Judœam Carmeli Dei Oraculum confulentem. Cette imposture avoit pour fondement le sejour qu'Elie & les autres Prophetes avoient fait sur cette montagne, les Autels qu'on y avoit dressez, & le respect que les Juifs avoient pour un lieu habité par des Saints.

Mais il n'est que trop veritable que les Païens adorerent les montagnes & les Villes mesmes, où les Genies tutelaires des Villes. D'où Martial a dit,

Terrarum Dea Gtntiumque Roma, Cui fnr eftmbil? & nihil secundum.

In L. 3.

Georg.

L. 2.. Rift.

In Veftafi.

c. J.

L. il, 8.

CHAPITRE X. ,:; Du Culte du Feu fous le nom de Vesta. -

---'- --'- "- --. - w

1. Quelques'uns ont creu que les Chaldéens adorerent le t fete, Prewu('s. -, -. - i * 777. /fM'u~ c<7?!~, M' Ke û~rc~~ * I I. III. Preuves du contraire , qu'ils ne l'adorer ent point, j quoy qu'ils confcrvajfent des feux étemels comme des fymboln des feux celefles } ou des Aflres qu'ils adoroient. -.

1 V. Les Grecs & les Romains adorerent Vesta , comme; le feu delà Nature. Expofitton du tout ce qui regarde la gar- ?

de du fm éternel a Rome. V. Outre les Vefiales le grand Pontife l'Empereur mej- me veiuoient à cette garde. •« VI. Enée avoit apporté ce feu sacré de Troye.

VII. En Afrique on gar doit aufft des feux éternels sur lef Autels y aussi-bien qu'en Afie & en Europe.., VIII. C'cfloit une imitation du fui étemel des israèlites.

I X. Nttma avoit donné a Rome ce feu éternel commun a toute la ville , pour n'en faire qu'une famille. *

X. Dans le Veflibule de chaque maifen ongardoie autrefoii un feu sacré & perpetuel. - * XI. Les ftux perpétuels de la Grece. ,

XII. §luand ils s'efloient (teints, on les rallumoit avec des miroirs, pour avoir un feu du Ciel. Ce qui efloit une imitation des israëlites. Les Payens pretendoint avoir des Aiitels , où le feus' allumait tout seul. J XIII. Ce qu'il faut juger des exemples qu'on en rapporte.

XIV. X F. Autres exemples , & nouvelles reflexions sur ces pretendeu exemples.

XVI. Du feu de Vefla. D'où vient le mot de Vefla.

, XVII. Nouvelles reflexions sur ces feux publics & per- petuels. -v, j ,

I.

L

À Chronique d'Alexandrie asseure que Nemrod, qui fut le mesme que Ninus,

& le premier Roi des Assyriens, ordonna le culte, & la Religion du feu. Nemrodo autem cognomen Ni- ni imposuerunt. Hic pro Deo ignem colere docuit.

Vnde primum eum post diluvium A.Jfyr Regem fecere, Nini cognomine impojita. Comme la ville KPr

~Itoit celebre dans la province de Babylone, 8c ue Ur signifie le feu, on a pensé que c'est dans tte ville que ce culte du feu fut premierement ~iftitué. Eupolemus dit qu'on croyoit que c'estoit mesme ville que Camarina. Cette ville prenoit > paremment son nom du terme Hebraïque Ca~r ,flagrare, aqtuare. Les Prestres s'appelloient ~ffi Camarim. Les Hebreux mesmes feignirent Ion saint Jerôme, que ces termes de l'Ecriture ~i disent qu'A braham sortit de Vr Chaldæorum

ontrent qu'il sortit miraculeusement du feu, oii s Chaldéens l'avoient jette, parce qu'il refusoit ; l'adorer. Lucain donne dans ce sentiment, que ~s Chaldéens adoroient le feu : Chaldæos culture OS. Herodote dit clairement que les Persans ~oroient le feu comme un Dieu, & que c'est ur cela qu'ils ne brûloient pas les corps morts, mr ne pas nourrir leur Dieu d'un cadavre.

II. Il est à croire que les Chaldéens, les Per~i & une partie des Nations Orientales adorant Soleil & les Astres, qu'ils regardoient comme ~s feux éternels, voulurent en garder & en avoir ~ujours devant les yeux un symbole dans le feu ~irpetuel qui brulôit sur leurs Autels. Il se peut re qu'avec le temps les plus simpies se laiilerent ser à adorer ce feu mesme de leurs Autels comle leur Dieu; mais ce ne fut ni l'origine de cet ~rage ni la créance des plus éclairez. Nous avons ja fait voir que les Chaldéens, les Assyriens & pluspart des Orientaux prirent le Soleil & les res pour leur Dieu , & n'en eurent point d'au- ~s. On doit conclure de là qu'ils n'adoroient s le feu. Les Ecritures du Vieux Testament dans k premiers temps & dans les derniers condam~rrent le culte des Astres, du Soleil, de la Lune, ~r de la Milice du Ciel, sans parler jamais de ce~lidu feu. Dieu ordonna par la bouche de Moïse

Eu, reb,prep.

l.y.c. 17.

Ql'est. in Gen.

L. 8. -V.jjS.

L. J. c. 16.

qu'on entretint un feu eternellnr ies Autels. Il nâs l' auroit apparemment pas fait, si les nations voisi-r Nes euirent esté idolatres de ces feux eternels des leurs Autels.

III. Aussi y a-t-il peu d'Auteurs qui attri-j; buent formellement le culte dufeu aux Chaldéense ou aux Perfe6 ou aux autres anciens habitans de l'CV rient. Julius Firmicus dit Amplement, que les Perses preferdient le feu à tous les autres élemens, & les faisoient porter devant eux. Perft & Magi omnes qui Persirégiones incolunt fines, ignem prœfrunt, & o r/inibus elementis putant debere prœponi. Ces parole mesmes , si on les pese bien, témoignent qu'on esti- moit le feu, mais qu'on ne l'adoroit pas. Quinte) Curce fait voir, que les Perfes & leurs Mages entre : tennoient un feu eternel sur des Autels d'argent mais qu'ils le regardoient comme un Symbole doJupiter , c'est-à dire du Soleil ; Ignis quem ipsi fic" crum & eternum vocabant , argenteis altaribus prœfe..-, rebatur. Currum deinde Fovi facratttm albentes vehc- bant equi ; hos eximiœ magnitudinis equus, quem o.t

lis appellabant fequebatttr. Si cet Auteur dit plus ba: j que Darius invoqua le feu eternel ,l entend le So:7 leil qu'on nommoit aussi Mitres. Soient Mitrem ~rnfa* crumque & œternum invocans ignem. Maxime de Ty

dit que toutes les nations barbares reconnoissent ~11 vrai Dieu , mais qu'elles en ont voulu avoir des images & des representations diverses; comme ~lea Perses ont choisi le feu. Baibari omnes pariter Dents esse intelligent. Constituêre sibi interim IItiA atque alis signa. Ignem Persœ, imaginem qug unam duret ~diemv vorax quid & infatiabile. Selon ce Philosophe il e' s donc certain, que les Perses ne regardoient le ses que comme une image du Soleil qu'ils adoroientt, Je voi bien que Maxime de Tyr dit davantage, iS qu'il pretend que toutes les nations, mesmes loj Idolatres, reconnoissent vraiement le Dieu uaicjM

Curt. 1. 3.

c. j.

& l. 4. t.

'JJ.

Dif{ert. 38.

& souverain, & ne regardent toutes les autres Di- vinitez que comme ses images. Mais ce Dieu unique 6c souverain selon ce Philosophe, n'est autre que l'ame du monde, & la plus belle partie de son corps sft le Soleil, dont les Perfes estoient adorateurs, Se iont ils se donnoient une brillante image par le feu perpetuel des Autels. Strabon parle des Pyrethes les Perses : c'estoient ou des Prestres , ou des lieux ort spatieux, clos de murailles, avec un Autel au nilieu, où ces Prestres entretennoient un feu per~îetuel. In Cappadocia est maxima Magorum multitulo , qui Pyrœthi vocantur, & multa Persicorum Deowm delubra &c. Sunt & Pyrœthea septa quædam in~entiÁ , in quorum medio ara cft; in e-a Magi & cine~em mu/mm, & ignem perennem servant. Si Lucien ~lit que les Perfes sacrifient au feu , il n'entend ap- ~fcremment parler que de cette garde religieuse du ~eu, comme du Symbole éclatant des Astres, qui ~ftoient leurs Dieux; ou de la simplicité de quel~[ues-uns ; qui avoient tellement l'esprit & les yeux anchez vers la terre, qu'ils ne pensoient plus à les lever au moins jusqu'au Ciel.

IV. Comme les Grecs & les Romains ne furent 1(1 s si attachez au seul culte des Astres, que l'a~oient esté autrefois les Orientaux, qui estoient plus ncicns qu'eux : aussi ne peut-on nier, qu'ils n'ado~llfcnt Vesta Be Vulcain,. comme le feu terrestre.

~lar ils distinguoient ce feu de celui du Ciel, & Ve~:a estoit la terre, dans le centre de laquelle ils fai~oient brûler un feu eternel. Voici ce qu'en dit )vide dans ses Fastes :

Vesta eadlrn eji qu a terra ; fubeji vigil ignis utrique, Significant fedem terra focufque fttam.

,t après avoir rendu raison pourquoi Numa avoit asti un Temple de figure ronde à Vesta, voulant ~KpHquer pourquoi les Prestresses devoient estre ~rierges , il joint la raison historique , ou fabuleuse

L. IJ.

f <{ tter tragd. pag.

69 9.

L.6.1J.2.6).

à la Physique , en disant que Vesta estant née de Saturne & de Rhea , aussi-bien que Junon & Ceres, ces deux dernieres furent mariées, Vesta demeura Vierge & sterile , comme le feu est pur & sterile.

- - .., Il.'

Curfer Virgmets quarts Dea culto mtmjrns [ InUtYltMfl' Cdufas hac qttoque parte filas.

£ x ope Junonem memorant Cereremqué ereatas , Semine Saturni, tertia Vesta saisi Vtraque nupfèrunt, ambæ peperijfe feruntUr, De tribus impatiens refinit una viri.

Quid mirum Virgo si virgine Uta minifira, Admittit caftas in sua sacra rnanus ?

Nec tu aliud Veftam t quam vivant intellige fiant..mam * Nataque de flamma corpora nulla vides.

11 _t r

Toute cette Genealogie se peut reduire à la Physiologie, puis qu'il est vrai que Junon , Ceres & Vesta c'est-à-dire , l'air , la terre, & le feu, reconnois fent Saturne & Rhea pour pere & pour mere , ce" deux Divinitez n'estant autre chose que le Ciel, seIon ce qu'il a de chaud & d'humide.

Ce Poëte ajoûte aprés cela, que le feu perpetuel estoit la feule image qu'on eut de Vesta, ne pouvant y avoir de vraie image du feu ; qu'autrefois ls* coutume estoit d'entretenir un feu à l'entrée de" maisons qui en a garde le nom de vestibule ; qu'on prenoit ses repas dans ces Vestibules dans des lon- gues tables, où le feu sembloit rendre les Dieux pre- sens.

Esse diuftultus Vesta femulachra putavi > Mox didici curvo nulla fubejfe tbolo.

Ignis inextinElus templo celaturin illo, Effigiem nullarn Vesta nec ignis habent. &c.

j4t focus le fiammis, & quodfovet omnia diBus, Qui tarnen inpriwis adibus ante fuit.

Hinc quoque vefitbttlum dieireor : inde precand, AdfamurVefim t qUI; loca prima tems.

Ante focol olirn longis confidere fcamnis

Mos erat, & mensa credere adesse Deos. -

'IJ aUS parlerons ailleurs de cette coûtume religieuse l'avoir toujours du feu dans le vestibule des maisons , comme un Symbole de la Divinité, pour y aire ses prieres, entrant & sortant de la maiion, &pour y manger comme en presence de la Divinité. Quand Ovide a dit dans ces vers , At foens flammus, il a voulu nous dire , que le mot Latin focus d'où nous avons fait feu vient du Grec cpç.

V. Ce n'estoient pas feulement les Vestales qui eilloient sur la garde du feu ; le grand Pontife lors nesme que cette dignité fut jointe avec la pourpre mperiale, estoit chargé de la mesme fonction. C'est se que nous apprennons du mesme Poëte qui en lonne cette raison , que ce feu sacré , qui est le mefne qu'Enée emporta de Troye , comme le gage de 'eternité de l'Empire , estoit avec raison confié aux empereurs descendus d'Enée , & interessez plus lue tous les autres à l'éternité de l'Empire Romain.

C&fàris innumeris quem maluit ille mereri Acce ffit titnlis Pontificalis honos.

Ignibus £ternis Aterni numina prœfiwt Cttfaris; 1 mperij pignDra junfta vides.

De veteris Trojæ digniffima prttda favillillf gravis Æneas tutus ab hofie fuit.

Or tus ab Anea tangit cognara Sacerdos Numina y cognatum fefra tuere caput.

Quos fœntta favet ille manu, bene vivitis ignés > Vivite inextwBi fiammaque duxque precor

VI. Ce feu eternel qu'on gardoit à Rome, étoit donc venu de Troye, où il estoit dans la mesme venération. Virgile en a souvent rendu témoignage.

Voici comme il fait prier & jurer Sinon,

Vos Atemi ignes , & non violabile veftmm Teftor numen, ait, vos ara.

Voici comme lesmanes d'Hector parlent àEnée ,

Fall.t. j.v.' +10

JE ?e:dj.

pour l'exhorter à se retirer & à emporter le Palla.

dium & le peufacre,

Sacra fuefqm tibi commendat Troja penatcs.

Hos cape fatorum comités.

Sic ait, & manibtts vit tas, Veflamque potentem, Ærernumque adytis effert penetraltbus ignem.

Et ailleurs, Cum sociis, natoque. Penatibus (7 magnis Diis.

Et encore ailleurs,

Per magnes Nist Penates) e/fj{IlYAçique LArem, & çanæ pénétrait a Peft*,, Obsessor, &c.

D'où il etl évident que le feu éternel, les Dieux : Penates, & les Grands Dieux estoient la mesme chose , ou des choses inseparables; & que ce feu, , ou plûtost cet usag e de garder un feu éternel sur: les Autels passa de l'Asie en Italie.

VII. Il est mesme fort probable que la coûtu- me en estoit universellement receuë par toute la J terre. Car ce mesme Poëte parlant du Roi d'A - * frique Jarbas, dit qu'il avoi t dressé cent Autels à Jupiter Ammon , dont il pretendoit descendre, ôc qu'il y avoit consacré un feu éternel.

Hic Arnmone [atm capta Garamantide Nympha,Templtfl fovi centum latis immania regnis Centum aras pofttit ) vigiletnque facraverat ignem, Excubias Di vùm Aternas.

Il est vrai que ces feux des Autels consacrez à Ju- piter Ammon estoient bien plus vrai-semblablement des symboles du Soleil, que de Vesta. Car nous avons dit que Hammon estoit le Soleil, & Vesta la Terre. Mais c'estoient toujours des feux éternels dans l'Afrique aussi-bien que dans r Assc & dans l'Europe.

VIII. Ciceron remarque que les Vestales veilloient les nuits pour la garde de ce feu sacré: Prospicitc ne ignis ille atertwii notturnis Fontejx labori-

L. 3.

L.9.

l. 4.

o. iU. pro F(,?e ,, io

us vigiliisque servatus, sacerdotis vestrœ lacrymis txtinlltti esso videatur. C'est apparemment ce que Virgile entendoit par ces paroles , vigilemque satraverat ignem. C'est aussi ce qui nous donne sujet de croire que ce ne fut qu'à l'imitation des Israëlites, que les autres Nations eurent des feux perpetuels sur quelques-uns de leurs Autels. Car Dieu commanda à Moïse l'entretien de ce feu éternel ; Jgnis autem in altari semper ardebit, quem nutriet sacerdos subsiciens ligna mane per singulos dies &c.

Ignis iste est perpetuus , qui nunquam deficiet in Altari. Et il est bien probable que les deux fils d'Aaron ne furent si severement punis, que pour avoir laissé éteindre le feu lacré de l'Autel, & y avoir employé un feu profane. Les Vestales estoient aussî tres-rigoureusement châtiées quand elles laissoient éteindre le feu de Vesta. Tite-Live en donne un exemple; Ignis in ade Vefldt extinctus, cœsaque eji stgro Vestalis, cujus custodia nocte ejus fuerat. jttjfti L. Liciny Pontificis. Ils estoient effectivement persuadez que l'éternité de l'Empire dépendoit de ré..

ternité de ce feu, comme le mesme Tite-Live parle encore ailleurs ; Vtjfæ ædem petitam, cf)" aternos ignés , & conditum in penetrali fatale pignus Impe- ry Romani.

IX. Denys d'Halicarnasse traitte cette matiere fort au long, & il dit que Numa bâtit à Rome le Temple de Vesta, pour y faire garder par des vierges le feu qu'on gardoit aussi à Albe par le mes- me ministere des vierges; afin que ce fllt un feu sacré commun à toute la ville réunie par ce moyen, comme si ce n'estoit qu'une feule famille , parce que chaque famille avoit son feu, & son feu sacré : Absurdum rlltus,si vir divinarum rerum peritus, in urbis adificatione non ante omnia, publicum urbis focum sacrasset ; au lieu que Romulus avoit donné autant d'Autels & autant de feux, qu'il y avoir de

Levit. c. 6.

v. il- 13.

L. 18. c. 11.

L.z6. r.17.

L. 1 piis

quartiers à Rome, qu'on appelloit Curiæ. Il ajou- te que Numa jugea que la pureté des vierges avoit de la convenance avec la pureté du feu ; & que le feu fut sacré à Vesta, parce que Vesta estant la Terre & au milieu du monde, c'est elle qui allume ou plûtost qui nourrit par ses vapeurs les Astres qui en font les feux perpetuels. Ctt.terùm ignem dicatum eiJe Vestœ quod cum hœc Dea fit Tellus, mediumque mundi locum obtineat ,sublime micantes ignes ipsa ex se accendit.

Plutarque nous fournira de nouvelles preuves de tout ce qui a esté dit. Car cet Auteur dit que Numa donna aux vierges Vestales la garde du Feu éternel, parce que la pureté & la sterilité font communes au feu & aux vierges. - Il dit qu'à Delphe & à Athenes on gardoit aussi un Feu perpetuel , mais qu'au lieu de vierges c'estoient des veuve avancées en âge , à qui la garde en estoit commise.

Enfin il dit que Numa bâtit un Temple de figure ronde à Vesta, pour y entretenir le Feu sacré : parce qu'il pretendoit- que Vesta estoit non la Terre, mais le Monde tout entier, au centre duquel les Pythagoriciens placeoient le feu. Ferunt Nu- mam sacram ædtm Feftjt, sacro igni orbicularem circumjecisse, ut ibi asservaretur; adumbrans non effigiem terrœ , quasi ca Vljta sit, fed universi mundi; cujus tri medio sedem Ignis Pythagorœ locant, camque Vestam nominant & Vnitarem.

X. Ce que j'ay avancé , que le feu de Vesta estoit comme le centre d'une unité sainte & religieuse pour toute la ville, comme si ce n'estoit qu'une maison feule & une feule famille : se peut justifier par ce qui a esté dit du vestibule de chaque maison particuliere, qui estoit aussi consacre à Vesta & au Feu. Servius confirme cette verité , re stibulum est prima janua dictum vel quia Jannatn vejliat, vel quoniam ï'gJÏa consecratum est Ynd, nu-

In vitaNum*.

ln t. 1. Æ.

neid.

tentes puellœ limen non tangunt. Lucanus, Translat âque vetat contingere limina planta. Singula enim domus sacrata sunt frits ; ut culina penatibus. Nonius Marcellus dit qu'à l'entrée de la maison, qu'on appelle le vestibule , il y avoit un Autel & un feu consacré à Vesta: Vestibula quidam putant sub ea proprietate distincta, quòd in primis ingressibus & inspatiis domorum, Fejta, id est, arœ ac foci soleant haberi. Ciceron dit que Vesta est le feu public de la ville : Vestales in urbe custodiunto ignem focipublicifempiternum. Et ailleurs : Cùmque Vesta focum quasi urbis, ut Grœco nomine est appellata, complexa sit.

X 1. Pausanias parle aussi des Feux éternels de la Grece, comme de celui d'Olympe , Focus ille ç cinere substructus, perpetuo igni tam nocte, quam die adoletur. Et ailleurs : In fano Cereris ac Proserpinœ ignem accendunt, cui summa religione ne extingua- tur cavent. A Delphes & à Athenes il y avoit aufïl des Feux éternels, dont la garde estoit commise, non à des vierges, mais à des Matrones qui estoient engagées à la continence par cette commission.

Adultérés qga deinceps à. conjugio abstinebant, dit Plutarque dans la vie de Numa.

Toutes les villes de la Grece avoient leur Prytanee) quoi que celui d'Athenes ftlt le plus celebre de tous. L'etymologie de ce nom la plus vrai-semblable est <~~ iv/j,èior y le lieu où l' on conserve le feu. Ils estoient consacrez à Vesta, & ce feu estoit celui des lampes qu'on ne laissoit jamais éteindre.

Pline marque la coûtume des Anciens , d'orner les Temples avec des lampes qu'on y suspendoit. Athence dit que Denys le Jeune Tyran de Sicile consacra dans la Prytanée de Tarente un Chandelier, MX*:™* , qui avoit autant de lampes qu'il y avoit de jours en l'année. La dépense & le foin consistoit à fournir de l'huile à toutes ces lampes, ôc on l'y

Cicero 1. :

&yDc leg.

L.j.p lié.

L.8./>. 469.

L. ; 4.

L. is-

fournissoit si abondamment, que pour marquer la perpétuité confiante de quelque chose, on disoit communement , que c'estoit comme la lampe des Prytanees yjloo, Cf ~Tfpuvtmx. Il est difficile de ne pas demeurer d'accord, que ces feux eternels & ces lampes estoient originairement des imitations du Temple de Jerusalem, ou du premier Tabernacle , que Moïse dressa par les ordres de Dieu. Que si aux jours folemnels on mangeoit dans les Prytanées, aussi y avoit-ils divers preceptes dans la loi de Moïse sur leschofes qu'on devoit manger dans les lieux saints , & dans les premiers siecles. Les festins des Agappes se faisoient dans l'Eglise. Ce qui fait voir que si l'Eglise a imité & sanctifié quelques ceremonies des Payens, les Payens les avoient auparavant empruntées de la Synagogue pour les profaner dans leurs Temples. Le terme Grec & Latin de lampe vient certainement de l'Hebreu Lapid. La chose en vient aussi. Car les sçavans conviennent qu'avant l'usage de l'huile dans les lampes, on brûloit du bois pendant la nuit, pour éclairer. Virgile a voulu remarquer cet ancien usage par ce vers,

Prit odorat am notlurna in lumina cedrum.

Homere mesme donne le nom de wirriïpat a ces bois brûlans. C'estoient des foyers élevez, sur lesquels on les faisoit brûler. Ces foyers furent aussi des Autels. Tout cela a encore grand rapport au Temple de Jerusalem.

XII. Ce mesme Auteur dit au mesme endroit, que quand ce feu venoit à s'éteindre, on le r'allu- moit avec des miroirs qu'on oppofoit au Soleil - Sca phiis qite excavantur lateribus œqualibus rectangulis, trigonis ; ita ut ex circum ferentia in unicum centrum concurrant.On affectoit d'avoir & de conserver sur la terre un feu celeste. Le feu sacré des israëlites estoit aussi une continuation de celui que Dieu fit descendre sur le sacrifice au temps de Moïse. Il le

edyf 18.

fit aussi descendre au temps de Salomon & d'Helie.

Dans les livres mesmes des Machabées il est dit qu'on cacha le feu sacré dans un puits lors de la transmigration & de la captivité de Babylone, 8c que Néemias aprés le retour de la captivité n'y aiant trouvé que de l'eau bourbeuse, il en fit ver fer sur le bois qu'on avoit preparé pour le sacrifice & le feu du Ciel y descendit avec l'admiration & la joie de tous ceux qui s'y trouverent presens.

Elle avoit défié les Prestres de Baal de faire descendre le feu du Ciel sur les victimes; ils ne pûrent le faire , il le fit. Mais depuis le demon affecta fouvent cette ressemblance avec les sacrifices du vrai Dieu. Appian parlant du Roi Seleucus , dit que le bois qui estoit sur l'Autel s'alluma tout seul : Pa- ternam aram magno ipsi igne fulsisse , cùm nemo illam accendisset, Pausanias en dit autant, Ligna aris im- posita ultro ad Dei fimulachrum accesserunt, & fine igne accensa sunt. Je laisse les autres exemples que cet Auteur rapporte ailleurs.

Servius dit qu'autrefois on ne mettoit point le feu aux Autels, on l'y attiroit du Ciel par les prieres qu'on faisoit pour cela. Virgile semble le dire en par lant de Jupiter, Qui fœdera fulmine sancit. Ces paroles peuvent avoir un double sens. Car on peut entendre que le tonnerre Ce faisant entendre à propos , lors qu'on fait un traité , semble en estre la confirmation. Ou bien que le feu du Ciel allume le bois du sacrifice, qui se fait pour affermir le traité.

Servius l'a entendu en cette seconde maniere,quand il a dit, jipud majores arx non ineedebantur, sed ig- mrn divinum precibus eliciebant, qnt incendebat alta- Ils avoient donné le nom de Jupiter Elicius.

à ce Dieu qui feiailfoit; arracher des mains la foudre pour allumer h sacrifice.

XIII. Je ne sçai si le demon se jouoit des hom- es en cQUtfefoùfant le vrai culte de Dieu represen-

ln In SyrtAsis.

In Itticis.

In Eliaeti piortbtts.

JEneisl.

Xi.

té dans les Ecritures ; & Dieu le permettant ainsi pour punir l'impieté des Idolatres. Ou si ces hommes addonnez à la magie usoient de cet art diabolique pour attirer le feu du Ciel. Ou si ce ne font que des contes & des bruits qu'on ait répandus par le monde, & qu'on a mesme inserez dans l'histoire , pour amuser la vanité des esprits par des recits merveilleux & par des miracles imaginaires , en imitation des vrais miracles rappottez dans l'Ecriture , dont ces infideles n'estoient pas tout-à-fait ignorans. Ou enfin si ce n'estoit point un effet ou de la simplicité des peuples , ou de la fourberie des Prestres, de croire, ou de dire, que le bois s'estoit allumé tout seul, ou avoit esté allumé par un feu descendu du Ciel, lorsque c'estoient des restes de feu couverts de cendre qui l'avoient allumé. Car Pau sanias nous apprend qu'une partie des Autels n'estoit qu'un grand amas de cendres restées des sacrifices precedons Ad primi ingressus dexteram Panos aram videas. Focus ille è cinere substructus , perpetuo i gn tant interdîu, quam noctu adoletur. Solemne est trans- portari ab hoc foco cinerem ad Olympij aram , quàm JiIO Icco è cinere congestam diximus : neque illa aliunde magis in altitudinem proficit. Strabon a remarqué ci-dessus que les Perses gardoient un grand tas de cendres & un feu eternel : Cinerem multum & ig~ nem perennem servant.

XIV. La foudre du ciel pouvoit aussi estre tombée sur des arbres, & les Payens en aiant conservé le feu en y ajoûtant de nouveaux alimens , ils pouvoient se vanter d'avoir sur leurs Autels un feu celeste. C'est ce que Zetzes dit quand il raconte , que les Perfes allumerent autrefois sur le feu du tonnerre le feu qu'ils adoroient : au moins ils s'en vantoient, lorsque l'Empereur Heraclius commanda d'éteindre tous ces feux superstitieux : Atque ignem Persarum extinxit qncm in venerations habebant, ex-

L.f' pag.

J16.

chil. j • histor. 66.

juimtne quiet em accenjum a Perjeo olim i, luminarÙ, ccenfa, facibtu feinper fuccedentibus, & contimis Pyrrhis, magnis, vebcmentijjimis ,ftttdiosè servatum ufquc tune temporis ; ab Herulio autem cxtinfturn , magnum luUum Perfidi.

Les Perses pouvoient avoir appris cette leçon des Brachmanes, à qui Ammien Marcellin attribuë la mesme chose. Ferunt que si justum est credi, etiam ignem cœlitus lapsum, apud se fempiternis foculis custodiri. Il n'y a rien en cela qui ne soit faisable. Mais quand ce feu estoit éteint, on ne pouvoit, quand on le vouloit, le faire encore une fois revenir du Ciel. Car Diodore de Sicile remarque que lors de la mort des Rois de Perse on éteignoit tous les feux. Il falloit donc les rallumer ou par les miroirs, comme dit Plutarque, ou par la magie , comme Servius insinuoit en parlant de Jupi- ter Elicius, qui semble avoir esté une imitation de ce que l'Ecriture raconte de Samuël, qui fit entendre le tonnerre & descendre la pluye du Ciel par sa priere, pour attester au peuple une vérité dont il vouloit le convaincre. Dedit Dominus vôcu & pluvias in die illa. Moïse fit auni éclater les tonnerres avec la gresle, & arresta cette tempeste par sa priere.

- X V. - Pline fait mention d'une ville d'Italie où le bruit estoit qne le feu se prenoit tout seul ail bois mis sur une pierre. Horace parle de ce mesme lieu & de ce mesme recit, & témoigne qu'il n'en croit rien. c

Dehinc Gnatia lymphis If Mis extrufta, dedit ri jupette jocopjiie y Dum fiammâ fine, thura Itqueftere limine facr9 Persuadere cupn. Credat Judæm Apella, - Non eço.

Je ne sçai si Horace entend par ces paroles, que les Juifs croyoient plusieurs merveilles à peu prés

L. 13.

C.17,

L. r. Reg.

Mi. v. 17,

L.t.e. 107.:

L. 1. sat. S.,

de mesme nature ; ou s'il veut dire que celle-ci n'est non plus à croire que celles des Juifs. Mais à peine peut-on nier que les Payens n'eussent ëtti parler d'une partie au moins des histoires merveileuses de l'Ecriture, & qu'ils n'ayent eu du penc hant ou à en feindre de semblables j ou à croire facilement ceux qui en feignoient.

XVI. Laissons ces imitations trompeuses du Feu sacré des Histoires faintes , pour revenir à l'origine de V cfta oU du Feu sacré des Payens. Vossius dit que le nom de Vesta vient du Grec É $"{«; l' esprit aspre se changeant assez souvent en u ; comme dans «/> 5 Ver, èVE Venetus. Mais que le mot Grec èsla. vient de l'Hebreu t.r, qui signifie le seùs

& ja y qui est un des noms de Dieu ; comme estant un feu divin. Dieu mesme à pris le nom de Feu dans les Ecricutres, Et nous avons déjà prouvé que les Payens ne prirent le feu matériel que comme un symbole de la Divinité. C'est ce que Nu-- ma pretendoit au rapport de Florus : Imprimis fa* cum reJfil virginibus colendum dedit, ut ad simulacrum cælestium siderum cujios impefi] stamma vigilant. C'est pour cela qu'on faisoit des efforts pour avoir dans les Temples un feu descendu du Ciel * foit par Le tonnerre, soit par des miroirs brulâns : quoi que Festus découvre une troisième maniere de ressusciter le feu quand il estoit éteint, en perçant & frottant avec violence une piece de bois : Ados erat tabulam felicis m fit tri a tandin terebrare, quousque excessum ignem cribro æneo, virg4 in étdem ferret.

XVII. Ce que je remarque de plus universellement reeeu parmi les Grecs & les Latins, & ce que les Latins avoient imité des Grecs, est que comme la Divinité est le bien public de toutes les nuturas créées, comme les feux celestes ou les

L. 1. t. 6j.

1.1. c. 1.

In Ignis Vdtæ.

Astres font le bien public de tout ce monde corporel ;enfin comme le feu qui brûle au centre de a terre & qui lui donne de la chaleur & de la fécondité , est le bien public de toutes les productions de la terre, aussi le feu de Vesta estoit un feu commun dans toutes les villes où on le gardoit, c'est à dire dans une grande partie des Villes.

CHAPITRE XI.

Du Culte du Feu fous le nom de Vulcain,

J. Feux differens honorez fous lès divers noms de Iltpiter Vulcain, & Vesta.

1 1. Comment la fable de Vulcain s'explique par la pJfio.

iogie du feu. il est fils de Iunon , c'est à dire de l'air , &c.

III. Preuves que la fable n'a Isté forgée que pour exprimer la Physiologie.

1 V. V- Explication des fables, de Vulcain sur la nature du feu.

VI. He/tcdele fait fils de Iunon feule.

VII. VI II. D'où vient le nom de Vulcain. il a esté premièrement honoré en Egypte.

1.

L

E feu des Astres semble avoir esté honoré dans Jupiter, qu'on appelloit en Grec

ç, & en Phenicien Cham; l'un & l'autre de ces deux noms venant de la chaleur & du feu. Mais le feu du monde sublunaire a esté designé ou par Vesta, ou par Vulcain. On nommoit Vesta le feu des maisons particulières, qui faisoit une partie des Dieux Penates ; ou le feu public & perpetuel des Temples, qui representoit ou les feux du Ciel , on les feux qui font au centre de la terre. On don.

noit à Vulcain le feu des nuées , d'où vient qu'on disoit que Vulcain fabriquoit des foudres à Jupi- ter ; au le feu des montagnes qui vomissent des

flammes, parce qu'on supposoit que c'estoient des Cyclopes où les Forgerons qui y travailloient fous les ordres de Vulcain; ou enfin le feu qui fert à tous les arts , particulièrement aux Forgerons.

Car Vulcain ayant esté le Tubalcain des Payens , il apresidé à tous les arts qui travaillent sur les métaux

II. Les Poëtes ont fait Vulcain fils de Junon feule, Homere neanmoins lui donne aussi Jupi- ter pour pere. Jupiter qui est le feu du Ciel peut bien donner naissance à celui de la terre. Et Ju- non qui est l'air , peut aussi toute feule donner aux nuages cette agitation qui forme les tonner- res. Enfin si Junon est la Terre , il est sans doute aussi qu'elle feule pousse de son sein tous ces feux que quelques montagnes dégorgent, & qu'on ap pelle les Vulcans. Servius dit quelque chose d'approchant : In Lemnum insulam decidit Vulcanus, à Iunone proprer deformitatem dejectus, quam aërem esse constat, ex quo fulmina procreantur. Ideo autem Vulcanus de femore lunonis fingitur natus, quod ful- mina de imo aëre nascuntur, quad etiam Lucanus di..

cit, Fulminibus terræ propior succenditur aër, Pacem summa tenent.

III. On pourroit à mon avis tirer d'icy une preuve qui ne feroit pas tout à fait à mépriser, pour donner quelque poids au sens physiologique des fables, & pour montrer que la fable mesme en quelques rencontres n'a esté forgée que pour voiler les veritez naturelles, & leur donner par ce moyen un nouvel agrément. C'est pourquoy après avoir fait de Junon une sœur & une épouse unique de Jupiter, & une Reine de tout l'Univers , ne lui donner d'autre fils que Vulcain ? ou lui donnant pour fils Vulcain, pourquoi le charger de tant de qualitez & de fonctions peu dignes ? si la fable avoit

ln L. S.A:'- neid.

avoit pris le devant , elle auroit mieux sauvé les a pparences , & auroit parlé avec plus de fuite.

Mais les foudres estant comme les productions de 'air qui est Junon , ou de l'air qui est Jupiter, & e Junon qui est la Terre, comme il a esté deja eclaré, il a. bien fallu que la fable se foit accommodée à la nature de ces choses ; & qu'elle ait die que Vulcain en naissant a esté précipité du Ciel en terre, & qu'il en est demeuré boiteux, parce que e tonnerre ne tombe jamais droit. C'est ce qu'en it encore Servius, qui a joûte que si les Poëtes ont dit que Vulcain tomba dans Fine de Lemnos, c'est parce que le tonnerre tombe souvent dans cette Mie- Vulcanus ignis est, & dictus Vulcanus quasi Volicanus, quod per aèretn volet. Ignis enim in nu-

bibus nascitur. Vnde etiam Homerus dicit eum de ëre præcipitatum in terras, quod omne fulmen de liere cadit. Quod quia crebro in Lemnon insulam jaci- t ur, ideo in eam dicitur cecidisse Fuie anus. Claudus autem dicitur, quia per naturam nunquam retins cft gnis. Enfin cet Auteur dit que si les Poètes ont it le mariage de Vulcain & de Venus, c'est parce que la generation des enfans ne vient que de la chaleur. Ideo Vulcanus maritus fingitur VellerÙ.

venereum officium nonnifi calore consistit. En quoy l'histoire fabuleuse auroit encore blessé les loix qui lui font prescrites de la vrai-semblance, si elle n'avoit este gesnée par la necessité de se proportionner aux veritez naturelles, qu'il falloit déguier par ces agreables enveloppes.

IV. Saint Augustin a rapporté ces mesmes inerprétations de la fable de Vulcain , détournée à la nature du feu. Voici comme il en parle conformement au sentiment de Servius : Ad naturam reum interpretari conantur Vulcanum claudum, quia ignis terreni motus ejusmodi est, &c. Venerem credi Vulcani uxorem, quia ex calore voluptas neçeJTart»

Homer.

lltad. I. 1.

Con. Fattji.

L 1 o. c. 9.

nascitur. Et ailleurs, Vulcanum volunt ignem mundi Neptunum aquas mundi &c. Vestam quoque ipfam* propterea Deorum maximam putaverunt, quod ip a si t terra. Quamvis ignem mundi leviorem, qui pétine, adusus bominum faciles , non violentiorem , quali..

Vulcani est , et deputandum esse crediderunt, V. Il nous reste encore la fable de Mars 8c dtn Venus surpris en adultere & enfermez dans un file imperceptible par Vulcain, qui les délivra par r enft tremise de Neptune, selon qu'Homere a rapporte cette fable dans l'Odyssée. Nous en avons donne le sens en d'autres occasions, mais en voici unis au tre explication, qui est toute propre au sujet qlUI nous traitons dans ce Chapitre. Elle est tirée d'He raclides Ponticus dans ses allegories d'Homere

Mars rations probabtU ferrum exzjttmantr. Hoc "1 Vulcano facilè domatur. Nam ignis quatenus malo» remvim ferro naUus,facile illius emollit virtutem Indiget autem faber ad firrum sua etiam Venern Quarnobrern ubi ferrum igni emollitum, venufta quai dam arte,opificium perficitur. Neptunm autem Martem jufla de causa libérât à Vulcano : quandoqmdem majf*.

ferri candens extratta è fornacibus, aqua tmmergitur atqueardor flapn meus,, aqut natuyâ extinttus compefcitur. - - ,.

VI. On a fort bien remarqué sur Hesiode qUt: le texte ordinaire en est defectueux sur ce qui regar de Vulcain ,& qu'au lieu de dire <p1;.TY,71 pifoca.

il faut lire,~, parce que selon Hesiode Ju- non engçndra Vulcain sans commerce conjugal: contre l'avis d'Homere, qui le faisoit aussi fils do Jupiter. Mais voici les paroles d'un vieux Scholia ste d Hesiode, qui montrent comment il en faut lire le texte Primus iste Vulcanum ex sola Funone canit ideoque & hoc nota. Homerus vero ex Fove & Vene., re. Apollodore en dit autant. Funo sine concubit peperit Vulcanum.

Civit. I. 7.

1.16.

T heogon. v.

915

z. i. Bibl,

VII. Quant à létymologie du nom de Vulcain, que Serviusa donnée,je ne sçai si elle fera au gouii de tout le monde. Varron en a donné une autre.

b ignis majore vi ac violentia Vulcanus dictus. Le nom Grec H<paiï(& , vient d\leCtI ctisls&ii ,succcndi.

Tzetzes veut que ç'ait esté le nom d'un Egyptien, quitrouva l'usage du feu au temps de Noé, &c inventa ensuite les arts de la forge; les Grecs s'estant atrribuez ce ce qu'ils avoient appris des Egyptiens.

Vulcanus quidam Ægyptius in temporibus JMoé , qui Noë Dionysius, atque Osirys vocatur ; invenit ignem atque artes ex igne quot quot sunt. Græci suum vin.

dicait Vulcanum illurn , cum aliquot aliis nominibus hominum Ægyptiorum. Si l'on remonte jusqu'à Noé, il n'est pas difficile de remonter aussi jusqu'à Tubalcain , comme nous l'avons dit.

VIII. Mais comme il est confiant que Vulcain a esté connu & honoré des Egyptiens long temps avant les Grecs , puisqu'Herodote dit, que Moeris Roi dEgypte bastit un Temple à Vulcain dans Memphis, &'que Vulcain ,ho('l) & est compté dans les anciennes dynasties des Dieux ou des Rois d'E - gypte ; il est peut-estre plus juste d'en croire Bochart , qui tire ce nom de l'Hebreu, Af cfto. Pa.

ter ignis. La meilleure partie de ce qui a esté dit dans ce Chapitre , se pourroit confirmer par Phurnutus.

C H A P I T R E XII.

Du culte de l'eau, de l'Océan, de Neptune , de Nerée, des Nereides, des Naïades, des Nymphes , des Napées.

1. Eloge de cet èlement par Pline.

II. Lit fable ri a esté inventif e que pou* representer plus

C. 4 de L. L.

chil. Io, hlll. f

L.i. c i n.

Mars.'am.

p qg 4)6Chanxan.

t*z- +lî-

agréablement la beauté & la majeflé de la nature.

1 II. Malheur de ceux qui ne s'en fervent pas pour remon.

ter à Dieu.

J V. Du culte du Nil par les Egyptiens.

V. VI. Osiris efloit le mesme que le Nil. Origines de noms du Nil & d'Osiris.

Vil. VIII. Le Nil efloit nommé fupiter. Pourquoi Les inimitiez, d Ofirts de Typhon , de l'Egypte de la mer - 1 X. Les autres nations honorent aujft les eaux X. Atergatis & Dagon Déesses des eaux.

X l. Pourquoi les Philosophes çj* les Poètes firent de Veau le principe de toutes choses.

X l l. Suite du mesme sujet.

X 11 l. De l'Océan D'où vient ce nom.

XIV. Comment il faut entendre la multitude infinie des Divin iiez, de la mer.

XV. XVI. Autres remarques sur les Divinitéz des eaux.

XVII. Comment l'Ocean nourrit les A flres felon les Poites, les E"critures , & les fairus Peres.

X V Ill. De Neptune. En quoi il dijfere de l'Océan■ D'où vient le nom de Neptune.

X 1 X De Nereus.

X X. Des Nereides, de Thetis , des Nymphes 0 des Napées, des Naïades. Dérivation de ces noms.

I.

p

LIN E a fait un éloge de l'eau, & il en marque tant d'excellentes qualitez, qu'on peut

croire qu'elles donnerent occasion au culte superstitieux qu'on lui rendit. Hoc elementum cæteris om- ni bus imperat. Terras devorant aqua } flammas necant, fcandunt in sublime, & Cælum quoque sibi vindicant.

Qtùd esse mirabilius potest aquis in Calo stantibus?

jit HU ceu parum fit in tantam pervenire altitudinem, rapiunt eo secum piscium examina. Sepè etiam lapides subvebunt portantes aliena pondera. Edem cadentes omnium terrâ nascentiurn caujfa si tint i prorsus mirabili natura ,si quis velit reputare, ut fruges gignantur, arbores fruticesque vivant, in Cælum migrare aquas, animamque etiam herbis inde vitalem deferre : jufla confessione,omnes terra quoque vires aquarum esse be- neficii. Voilà l'empire des eaux de dominer sur tous les autres élemcus, d'innonder les terres, d'étein-

L. JI. C. I.

dre le feu , de s'élever dans l'air & y demeurer suspendues, monter jusqu'au Ciel , en descendre avec cette secondité qui fait produire à la terre toutes fortes de plantes & d'animaux. ,

II. C'est là-dessus que les Poëtes inventerent des fables pour donner encore plus d'agréement aux merveilles d'un si beau & si riche élement; & que les Payens crurent que la Divinité suprême qu'ils croioient estre l'ame du monde , éclattoit assez, & faisoit assez briller sa gloire & sa grandeur dans la nature des eaux, pour y estre adorée. Saint Augustin confesse que les Payens reconnoissoient, que leurs fables n'estoient que des sables, pour plaire, ou pour representer la nature. Habent quidem & illi quædam fabulosa sigmema ,sed esse illas fabulas no- runt ; & vel à Poëtis delevtandi causa fictas effe asserunt, vel cas ad naturarn rerum , vel mores hominum interpretari conantur.

III. Le livre de la Sagesse deplore l'aveuglement des Idolatres, qui adoroient non la toutepuissance du vrai Dieu, mais la violence de l'eau : Sed ant gyrum stellarum, aut nimiam aquam aut So-

lem aut Lunam , Rectores orbis terrarurn Deos putaverunt. C'est-à-dire que l'instindt & l'impetuosité de la nature les poussant à adorer une nature infini- ment belle & toute-puissante : au lieu de monter jusqu'à la Divine source & au premier principe de la beauté & de la puissance , parce que cet effort leur estoit pénible , ils se font arrestez aux creatures sensibles, qui leur ont paru exceller le plus en beauté & en puissance, entre lesquelles ils ont donné place à l'eau , dont l'abondance & la violence , 0latov "J'p , ont quelque chose de tres-beau & de terrible en mesme tempsIV. Plutarque dit que les Egyptiens adorerent les eaux du Nil ; Nihil in majore est Ægyptiis honore , quàm Nilus. Saint Athanase en dit autant, Alii

Cont. Fat*(lum l. i o.

c. 9.

C. ;,'tJ.:i.

In If de*

fluvios & fontes, & ornnium maxime Ægypty aquam in præcipua veneratione habent, Deosque appellant. •

Ce Pere ajoûte que les Egyptiens ne laissoient pas de se servir de l'eau pour laver toutes fortes d'ordures. Ce qui montre qu'au fond ils ne regardoient les élemens que comme les symboles d'une pureté , d'une beauté & d'une toute-puissance supréme & incorruptible ; mais leur crime consistoit en ce qu'ils ne passoient pas du symbolc à la contemplation & à l'adoration du divin Original ?

dont ce ne font ici que de legers crayons. Sed ta- men illi ipJi lue in parte religtosi Aigypty j & suu ( aliorum sordes aquis eluunt, & quod inde reliquum est, cum ignominia abjiciunt. Julius Firmicusrend ce mesme témoignage des Egyptiens : gypti in- CoU aquarwn beneficia percipientes, aqttdm colunt, aquis fuppliçant > acptM suprestiosa soninmaiione vénérantur.

V. Le Nil estoit le principal instrument des bienfaits & des liberalitez que Dieu versoit sur l'Egypte , comme cet auteur remarque : aussi en avoientils fait Inlr.niell Osiris, si nous en croïons Plutarque : Aigypttt-i Nilum esse Ofiridem , congredientern curn Iiidc, qtltt est terra. Et il ne faut pas trouver is que nous avons dit estre le Soleil, ioïc ici le Nil. Car par la mesme raison que le Soleil est Osiris , ou le principe actif ou mascuim à l'égard de toute la Terre, qui est Isis, c'est à dire le principe passif & feminin : le Nil est auni le principe a £ tif, & auteur de la fecondité à l'égard de la terre d Egypte, qui reçoit de lui toute ta fécondité ; ainsi le Nil est aussi Osiris. Ce qui montre que ce n'estoient que des manieres figurées & symboliques d'exprimer les proprietez de la nature.

VI. Il y en a mesme qui ont crû que le nom d'Osiris venoit du nom Hebraïque du Nil. Car il

Orat. cont.

G eut. p. 10.

L, De 1 fuie.

ÎI: bien vrai que le Nil s'est ordinairement appelle dans les Ecritures Nabal misraim ,fluvius Ægypti, <k absolument Nabal , ou Nehel ; comme Baal & Beel font la mesme chose : d'où on a fait v¡;?> Z- , Nabal, Nehel, Neel » Neel, y~ Aussi Mela dit que le Nil dans ses sources s'appelloit Nuchuli,come Nachal; car on sçait la facilité de changer les voyelles dans toutes sortes de langues, sur tout dans les Orientales. Mais les mesmes Ecritures ne aissens pas de donner au Nil le nom de Scachar, 'Niger; parce que les eaux du Nil sont tres-souvent troublées , limonneufes & noirâtres. D'où vient aussi que Plutarque & d' autres Grecs le nomment quelquefois ~t*h«ç ; Servius & d'autres Latins le nomment Melo. De Schacbar ou Schahar on fit Si- ru) qui est le nom que Dionysus dans la Description du Monde donne au Nil, Siris ab Æbiopibza vocatur - Pline en dit autant : Sic quoque etiamnum Siris , ut antè , nominatut per aliquot millia. On croit mesme que si la Canicule s'appelle Sirius, ee<e<^» c'est parce qu'elle emprunte ion nom du Nil, avec lequel elle a tant de sympathie , les débordemens du Nil estant attachez aux jours Caniculaires. Il n' est pas difficile après cela de reconnoître que le Nil ou le Siris a esté honoré fous le nom d'Osiris.

VII. Les inondations du Nil font que l'Egypte se peut passer de pluye , ainsi le Nil lui tient lieu de Jupiter, qu'on tenoit estre auteur des pluyes.

C'est ce que Tibulle exprime en ces vers,

Te propter nullos Tellm tua postulat imbres, -. Arida ntc pluvio fltpplicat herba Jovi.

Et dans Athenée on lit cette priere addressée au Nil , comme au Jupiter de l'Egypte. Ar/vhs f.

VIII. Les inimitiez d'Osiris & de Typhon ne font autres que celles du Nil & de la Mer. Car les Egyptiens prenoient Typhon pour la Mer, lui T iii t

L'J,c, 10.

L. j. c. 9.

L. 1 Eleg.j.

attribuant la cauie de la destruction de toutes choses. Ils donnoient aussi le nom de Typhon au So- leil , entant qu'il brûle & consume tout. Ils le donnoient enfin en general au Principe du mal. Et pour ce qui concerne la Mer, ils ne rendoient nuls honneurs à Neptune, selon Herodote, ils ne mettoient point de sel sur la table, prenant le sel pour l'écume de Typhon ; ils prenoient les poissons pour le iymbole de la haine ; leurs Prestres ne mangeoient jamais de poisson. L'aversion que les Egyp- tiens avoient de la Mer pouvoit aussi venir de ce que l'Egypte en avoit esté autrefois inondée, &c qu'elle ne prenoit plus d'étenduë que par la fuite des eaux de la Mer & par les fables du Nil, qui élevoient de plus en plus l'Egypte sur la surface de la Mer.

1 X. Les autres Orientaux n'eurent pas moins de vénération pour les rivieres. Herodote & Strabon disent que les Perfes respectoient tellement les fleuves, qu'ils n' osoient y jetter ou y laisser tomber nulle forte d'excremens, ni mesme y laver leurs mains. Xerxes immola des chevaux blancs au fleuve Strymon félon Herodote , & Tiridate en fit autant à l'Euphrate avant de le passer, au rapport de Tacite. Pline dit que ce mesme Tiridate n'avoit pas voulu se mettre sur mer, pour ne pas perdre le respect qu'il croyoit estre deu à l'Océan, en crachant dedans, ou en d'autres manieres semblables. ivavigare notiterat, quoniam navigare in maria aliisque mortalium necessitatibus violare naturam eam fM nonputant.

X. La Déesse Atergatis des Assyriens, dont il a esté parlé ci-dessus, estoit aussi la Décile des eaux,puis qu'on la rcprefentoit moitié femme & moitié poisson. Il en faut dire autant du Dieu des Philistins Dagon, dont il est parlé dans les Ecritures. Puisque ce nom vient de Dag, qui signifie un poisson.

Hrrodot. in Luterp.

Herod. I. 1.

6 trabo.l-if.

L. 7.

Ann. L. 6.

L, p o. c- 2.

XI. Les Grecs considererent l'eau comme un des quatre principes généraux des Estres sublunaires , & la nommerent autrefois Nestis, st{. Homere a usé du terme , pour dire couler , fluere; d'où font venus y iïwç, rxuç, Naides , Nereides, na- re, natare, nager. Empedocle avoit compris en trois vers ces quatre principes ; Plutarque les a rapportez & en a donné le sens. Voici les vers :

Remm cunEtarum pnmordia quatuor audi, Jupiter athereus, luno vitalis. & Orcns HumanoÇam rigans Neftis lachrytnando meatus.

Voici l'explication de Plutarque : Iovem enim di- cit fervorem igneum atque ethera : Jttnonem » vitalem aëra, & Orcum sive Plutonem, terram ; Neftin autem C bumanos canales, feu scatebras, quasi fernen & aquam. On sçait que Thales faisoit l'eau principe de toutes choses.

Il avoit peut-estre tiré cette opinion de l'Iliade d'Homere, où l'Océan est le pere des Dieux, & Tethys leur mere. m.ia.YovJe 9(éiiv '/évenv , fivniç$t QU'Y. Ce sentiment peut estre fondé sur le texte de la Genese, où il semble que le Chaos cH: representé comme une confusion d' eaux avant que Dieu y

eût mis l'ordre & la distinction. En ce sens l'Ocean & Tethys , c'et f à dire cet abîme qui com- prenoit la terre & le Ciel comme une quantité im- mense d' eaux avant la separation qui s' en fit en démêlant le Chaos; cet abîme, dis-je , peut estre appellé le pere & la merc de tous les grands corps qui composent la nature , & qui ont porté le nom de Dieux entre les Païens.

XII. Platon en parle un peu autrement, & neanmoins ce qu'il en dit peut revenir au mesme sentiment. Voici comme il parle dans le Timée : A Tellure & Vrano geniti sunt Oceanus & Tethys.

Ex autern Phorcys , & Saturnus & Rhea, & qui- cunque post istos. Ex Saturno autem & Rhea Inpiter

c..I.d,Plat.

phil., c.

L l+.

C* lurto , C7* omnes quoscumque Jcimus eorum fratres esse. Ces deux termes Te/lus & Vranus ou Cœlwh dans ce texte de Platon répondent à ces paroles de la Genese , In principio creavit Deus Cœlum & Terram. Ainsi ils ne signifient que le Chaos , à qui Homere a donné le nom d'Océan , parce qu'aussitost après dans la Genese il est encore parlé du Chaos en ces termes, Spiritus Domini ferebatur fitper aqutU. Et quand Platon dit que l'Ocean a esté engendré du Ciel & de Tethys, il entend l'Ocean separé de la terre & du Ciel, comme il le fut après l' arrangement du Chaos, XIII. Le nom de l'Ocean vient, si nous en croyons Hesychius , de 1r, qui estoit son ancien nom, & qui venoit apparemment de ce terme Hebraïque Chong ou houg, circu/ru, parce qu'il fait le tour de la terre, ou parce qu'il est parfaitement arrondi par la nature mesme des substances liquides. Ce terme de houg se trouve souvent dans l'Ecriture en ce sens. Mais si l'on veut que à ut ans vienne de Mx.J~ à cause de la legereté de ses mouvemens, il ne faut pas contester.

XVI. Virgile me semble avoir donné un autre sens que celui que nous avons donné à Homere , quand il l' a imité en l'éclaircissant ;

Oceano libernus , ait simul ipfea, precatur, Oceammque Patrem rerum , JStymphafque sorores.

Ccntum qu& fylva* » centuin qtia lfumina servant.

Cette multitude innombrable de petites Divinitez qui president aux eaux, foit dans les fontaines ou dans les lacs, ou dans les rivières, ou dans les mers mesmes , peuvent bien avoir fait donner à l'Océan la qualité de Pere des Dieux. Virgile a fait plusieurs fois l'énumeration des Dieux des eaux, mais Hcfiode l'a faite encore plus au long dans sa Théo- gonie ou Genealogie des Dieux. Au fond toute cette multitude de Dieux aquatiques, & leur ge-

Gtoy^. i. 4.

Æneid. l.j.

Cr 6.

nealogie n'est autre choie que la distribution des eaux de l'Ocean qui se fait par toute la terre & qui fournit à toutes les fontaines, aux lacs , aux rivieres par des conduits souterrains, ou par des vapeurs ; en forte que ce n'est toujours que l'élément de l'eau & l'Océan qui est animé par l'Ame univerfclle du monde, ce qui fait sa Divinité, féIon le langage des Payens; ou plûtost qui est conduit & rrglé par les ordres d'une Providence éternelle , ont les Anges font les ministres & les executeurs.

X V. Virgile vient de nous montrer dans ses Georgiqucs, qu'on facrifioit à l'Océan. Dans l'E- neïde Enée voüe le sacrifice d'un Taureau aux Dieux de la mer.

IYtj quibus est imperittm pelagi. &c.

Justin raconte comme Alexandre ayant pénétré & subjugué l'Asie jusqu'à l'Ocean, lui sacrifia & lui demanda un heureux retour en Grece. Expu- tgn.fta deinde urbe reversus in naves, Oceano libamina dédit, prosperum in patriam reditum precatus.

X VII. Diodore de Sicile dit que les Anciens donnoient le nom d'Ocean à l'humidité ou à l'é- lement humide, qui est comme la nourriture, & par consequent la mere de toutes choses; que c' est le sens du vers d'Homere ci-dessus allegué; & que les Egyptiens prenoient à leur égard le Nil pour l'Ocean, parce qu'il nourrissoit tout leur païs , où ils pretend oient que tous les Dieux estoient compris, n'y ayant point de province au monde où il y ait tant de villes bâties par les anciennes Divinitez. Humorern priscis Oceani appellattione no- tari, quod ex interpretatione dit muni a mater est; & à nonnullis Grœcorum sic accipi ; de qtto & Poëta ca- riât, Oceanumque orturn Divum, Tethynque parentem.

jit zsEgyptij Nilum funtn pro Oceano censent, ad quem etiam Dij funt orti. E. : omnibus tnilfl orbis

L. s.

L,a. c io.

L. t. \>Ag.

n.

provinciis in sola Ægypto TnultM esse urbes ab antiquis Diis, ut love, Sole , Herme, Apolline, Pane , Eli- thyia, aliisque pluribus conditas. Il dit encore un peu plus bas, que le Nil fut appellé autrefois Oceames, ce que les Grecs nomment Oceanus; qu'il fut ensuite nommé Ægyptus, qu'ainsi on lui donna le nom de Nil.

XVII. Nous donnerons le dernier eclaircissement à Homere, en y joignant ce qu'il dit ailleurs de Jupiter & des autres Dieux ou des Astres, qu'il dit due allez chez l'Océan pour se trouver à un grand festin. Diodore vient de dire que l'Ocean & Tethys estoient la nourriture de toutes choses; & Macrobe nous a déja expliqué ce festin des Dieux chez l'Océan , des vapeurs de la mer, dont les Astres se nourrissent, & dont ils ont besoin pour temperer leur ardeur. Significans hauriri de humore alimenta sideribus. Cette pensée a esté commune à un bon nom bre des anciens Peres de l'Eglise , qui ont expliqué à la lettre les eaux que l'Ecriture place au dessus du Firmament, & ont estimé qu'il y avoit une tres-grande quantité d'eaux sur le Ciel des étoiles fixes, pour temperer les ardeurs de ces feux celestes, & pour empêcher qu'ils ne brûlassent tout l'Univers. L'Eglise mesme chante quelque chose de semblable dans ses hymnes ; Immense cœli conditor, qui mixta ne confunderent , aquœ fluenta dividens, cœlum dedisti limitem. Firmans locum cœlestibus, simulque terrœ rivu- lis , ut unda flammat temperet, terre solum ne dijji- pent. Quoi que cette idée paroille presentement surprenante, il est certain neanmoins qu'elle est très-conforme à la verité , si l'on considere que les Astres estant des globes de feu d'une grandeur in- croïable, aussi-bien que le Soleil, il a esté necesfairede les separer les uns des autres par desefpa- ces tres-grands remplis d'air ou d'une matiere li-

Tag. 11.

Te-'a z. c. d Ve/p-

quide , qui tempere sans doute leurs ardeurs, & les rend supportables aux globes , qui de leur nature feroient combustibles, comme la Terre, la Lune, & d'autres corps semblables. Or il importe peu qu'on donne le nom d'air ou d'eau à cette substance liquide , dans laquelle nagent, pour ainsi dire , tous les globes ou lumineux comme les Astres , ou opaques comme les Planettes & la Terre.

C'est un corps qui n'est proprement ni air ni eau , mais à qui le nom de l'eau est donné avec assez de raison, puisque c'est une substance liquide, qui tempere & rend supportables les ardeurs de ces globes celestes de feu.

Eusebe rapporte les paroles de Porphyre, qui ramenoit aux corps celestes ou élémentaires toute la fable des Poëtes, & qui disoit que l'Océan estoit la Nature liquide en général, que Tethys estoit son symbole, qu'Achelous estoit l'eau potable, Neptune celle de la mer; qu'Amphitrité exprimoit les eaux qui font le principe de la généra- tion; enfin que lesNymphes &les Nereïdes estoient les eaux particulières, qui font ou douces ou salées. Vim IIqttM effïciendi universam, Oceanum , ejusdemque symbolum Tethyn nominarunt ; ita quidem, ut quæ ad bibendum faciles atque opportunas elaborat, Acheloüs ; qUit marinas, Neptunus eadem- que vis, quatenus ad generationem apta est, Amphi- trite habeatur. Acfingulares quidem aquarum dul- cium vînmes Nymphx,, marinarum antem Nereides Appellantut.

XVIII. Il faut passer de l'Océan à Neptune.

Vossius distingue l'Océan de Neptune, en ce qu'il veut que l'Océan foit le Principe humide qui com- pose & nourrit toute la nature des corps, & que Neptune foit l'élement de l'eau , comme faisant une partie du grand corps de cet Univers. On pourroit peut-estre dire aussi que l'Océan est la

Apud Eufeb. I. 3.

prparM. c.

mer considerée selon sa nature , comme un élement & un membre illustre de ce vaste corps de l'Uni- vers : & que Neptune est le Genie de ce grand élé- ment , plus consideré par les Poëtes que par les Physiciens : foit que ce foit un Genie particulier, ou l'ame du monde mesme , comme animant cet élé- ment liquide.

Nous avons dit ailleurs , que les Grecs l'appellent toow, & nous avons donné l'étymologie Hebraïque de ce nom. Vossius croit après Phurnutus, qu'il vient de ?TOm' , parce qu'il donne à boire , c'est-à-dire qu'il humecte la nature. Platon en donne trois autres étymologies dans le Cratyle.

Ou bien de iromfeepj1», parce qu'il arreste les pieds, comme avec des chaînes : ou bien de -VOM* éiSùç, comme sçachant toutes choses ; ou enfin 7ro,v.« os'r^y, parce que la mer ébranle toutes choses. Le nom Latin de Neptune vient selon Varron de ce qu'il couvre la terre , Terras obnubit; ou de msi et», lava- re, abluere, laver, nettoyer. Nous avons donné ailleurs l'origine Hébraïque de ce mesme nom de Neptune. Le nom mesme de la mer Marc, vient tres-probablement du terme Hebraïque ou Phenicien , Mar qui signifie amer, ce qui convient à l' a- mertume des eaux salées. Ce qui rend plus probable la derivation de ces noms de la langue Hebraïque , elt que les étymologies, foit Greques, ou Latines qu'on en donne , font forcées & peu apparen- tes, comme il paroist dans celles que Platon a données du nom de -n-otHSÙi, XIX. Nerée est aussi un des Dieux des Mers.

Son nom vient de '«ys, fluidas, coulant ; *a.«> » fluo, couler , selon Hesychius. Il vient encore plus probablement de tiûhw, qui est un terme Hebraïque, qui signifie Flnere ,flnvtHs. Les uns le font fils de Neptune, les autres fils du Pont. Ce qui n'a rien de contraire, le Pont & Neptune estant le mesme *

mais Neptune eitant le plus louvent consideré comme le Genie des mers, l'Océan & le Pont comme le corps. On donne à Nerée cinquante filles, nommées de son nom Nereides , qui font autant de mers particulières, parties de la grande mer.

XX. Ces Nereides commencent à nous montrer , que la mer a eu aussi ses noms féminins & ses Déesses , aussi-bien que ses Dieux. Nous avons déjà montré que cette diversité de sexes n'estoit pas contraire à l'unité de la personne. La mer a esté appellée Amphitrite, parce qu'elle environne la terre. txfyi ~S a,f*<pûei&etv tm yXy. On l'a appellée Te- tbûyàc ~'TeM nourrice, nutrix, parce qu'elle nourrit de son humidité tous les corps sublunaires & les Astres mesmes. Quelques-uns ont pris Tethys pour la terre, parce que l'Océan l'embrasse comme son épouse. Ovide semble l'insinuer par ces paroles ,

Dnxerat Oceanus quondam Titanida terram, -- - Quiterram liquidis qua patet arnbit amis.

Si Tethys le prenoit pour la terre, son nom pourroit venir aussi-bien que celui des Titans du terme Phenicien ou Hebraïque Tit, lutum. Il est néan- moins bien plus ordinaire de prendre T ethys pour la mer mesme. Il y a un autre Tethis dont Tethys est l'ayeule. Car de l'Océan & de Tethys naquit Doris qui épousa Nerée & en eut Tethis. Ainsi Tethys estoit ayeule de T ethis, qui épousa Pelce & en eut Achille. Vossius dit que Peleus vient de irv¡.à, lutum; ce qui regarde encore le mariage de la mer avec la terre, d'où viennent les Heros mesmes, D'autres font Tethys fille du Centaure Chiron.

L'opinion la plus commune en fait une des Nereides.

Les Nereides font les Nymphes de la mer. Le nom mesme de Nymphe semble leur mieux convenir qu'à celles des montagnes & des bois; foit que

L. 1 - Flfl-

ce nom vienne du terme Hebraïque Nouph, stillare, essundere ou d'ailleurs. Les Latins ont fait Lympha de Nympha, pour signifier l'eau. Servius expliquant ces paroles de Virgile Faciles venerare Napeas dit que les Napées, ou les Naïades, font les Nymphes des fontaines. Napéæ vel Naïades flint fontium Nym.

phæ. Ce terme de Napéæ vient encore plus évidemment de l'Hebreu Nouph ou Noup.

Le mesme Servius expliquant ces vers de Virgile, Quant mille secutæ hinc atque hinc glomerantur Oreades ; dit que les Oreades font les Nymphes des montagnes ; les Dryades font celles des bois ; on les appelle aussi Hamadryades, parce qu'elles naissent & elles meurent avec les chesnes ; les Napées font les Nymphes des fontaines; & les Nereïdes celles des mers. Nymphæ montiurn Oreades dicuntur; sylvarum Dryades ; quæ cum sylvis nascuntur, Hama.

driades ;fontium Napéæ, vel Naïades ; maris vero Nereïdes. Hesychius fait aussi mention des Limo.

niades, , qui president aux prez; JT.

Limnu. font les Nymphes des étangs : M/Larxicy »«</ £ Ç.

CHAPITRE VIII.

Suite du mesme sujet. Du culte des eaux. Des rivieres d'Enfer.

J. Explication des vers de Virgile. Du fleuve Achetons.

D'eu vient ce nom.

II. De la fontaine Hippocrene. Du cheval Pegase, Dit Neptune formateur du chcval. Dit cheval de Bellorophon.

! I T. De la fontaine Arethuse.

I V. V. Des fontaines & des rivières honorées par les Romains. Anna Perenna. lutmna.

V 1. Réponfeà Tertullten s qui ditquon ne recourut auxi interprétations Pbyjî%uesf yueponr couvrir l'infamie inJoûtenaplt

Jn l. 4.

GeDrg.

Inl. 1.

Æneid.

[■r. ~v:ïusi jKviu. ejrvrat aes otecsjeuieMcnt des Utrnnrr n~~ V 11. Prer tontes les nations du monde ont esté d'al'or'd Yb.irLares} cr' les hâtions barbares ont commencé par les Dieux \iu:t;i>ci$.

■ V l IL i crû m aire des raijÕns qui porterent les hommes an /i:ULte tïc eau.

IX. E::p!ication de la corne rompue au fictive Achetons Par Hercuie r X. Du fleuves d'Enfer. Homère & Virgile lts ont mis .?ns l'Italie.

X 1. Les mejmes fleuves efloient auparavant dans la Gre.

se., X ! s. Ils fflo er,t auparavant tcut cela en Egyp/( J qu, sa G rece l'Italie s'efforça d'imiter.

X I i i. Preuves que l'origine primitive en '¡lOit dans la X IV. Les mcfmcs [sit Enflrs } Çoiî ïivieres efloient aussi '.g-< e :;:{;r;-(J¡C;] que les champs Elijtens ; ON les Phe.

9icta. s les avolen t placez..

X V. Du juranent des Dieux parle styx.

II.

N

Ous avons déja dit qu'on avoit aussi tenu les fleuves pour des Dieux , & que

e Nil passoit dans l'esprit des Egyptiens pour le jiefme qu'Osiris. Les Grecs confondirent leur Liber avec Osiris , & Vossius croit que fous le nom e Liber, ils entendirent quelquefois les eaux. Il roit mesme que ces paroles de Virgile, Liber & ma Ccres, se peuvent entendre de 1 l'eau & de la erre. Mais il reconnoift lui-mesme , que les vers 11 vans en déterminent le sens à Bacchus, qui trou- 0. le vin :

Fejiro si munere tellus Chaoniam pngui glandtm mutavit ItYijl", Poculaaue inventis Acheleia mifeuit avis.

I faut confesser qu'en cet endroit Virgile prend les aux du fleuve Achetons pour l'eau en général, ce ui donne un allez juste fondement de croire que caliger n'a pas avancé sans raison , que le mot la- n aqua vient d'un mot semblable de l'ancienne

L. 1 Gsorg.

langue Greque, d'ou le neuve Achelous prit ion nom : aqua, & > lavare.

II. Entre les fontaines les Poëtes ont souvent

parle d'Arethuse & d'Hippocrene. Le nom de la derniere signifie la fontaine du cheval. Ce cheval fut aussi appelle Pegase, de 7r), qui est une fon- taine. On sçait que les vapeurs des eaux soûter- raines montent jusqu'au plus haut des montagnes?

par une transpiration continuelle, & s'y epaifIi[-.

lent en petites gouttes d'eau, dont le concours doua- ne naissance aux fontaines. Vossius dit que c' est ce = mouvement des eaux qui s'élevent, qui eD: com- paré à un cheval, & qui a donné lieu à la fable de Pegase. On a fait aussi Neptune le createur du Cheval ; car voici ce qu'en dit Virgile : :

Tuque ô cui prima jrementem Fudit eejfMM telltts » magno percussa tridenti, Neptune. - - ., -1 -

Servius dit que Neptune tut appelle l'Wq¡t: , '/:'qNe *• fier, parce qu'il fit sortir un cheval de la terre , pou avoir l'honneur de donner le nom à la ville d'Athenes ; quoy que Minerve l'emporta , ayant fait produire à la terre un olivier. Il est probable qui ce Cheval n'est autre qu'un Navire, dont le che val imite la legereté, & qui est fous la protcéfcio: < de Neptune. La fable ne signifie aussi peut - estre que les deux choses en quoy la ville d'Athenes ex) celloit en navires & en oliviers; & quoi-que le) conquestes par mer lui acquirent beaucoup de lllo, re , la fertilité de son terroir & la tranquillité de paix signifiée par l'olivier, lui procura encore d: plus errands avantages. Il y a mesme de l'appareno que le Cheval Pegase de Bellerophon n'estoit qu'u n navire , dont le nom venoit de ~>», *ùwni.

Pausanias donne d'autres raisons pourquoi l' vention de l'usage des chevaux est aÚribuêe N en tune , -quoi qu'il ne'S'eloigne pas de celle du nav ï

Ctorg. 1. i.

J--7-& P-1-39. Jf.9 +

} il 1 kitlu Lluc aans 1-lotiiere Menelaiis jure par Neptune en un combat de chevaux. Denys d'Halicarnasse dit que la feste de Neptune le Ca- valier à Rome s'appelloit Confiuditt.

III. Quant à Arethuse, c est une fontaine de la Grece, qu'on feint avoir esté aimée du fleuve Alphée, qui la suivit mesme fous terre, par où elle s'enfuyoit, jusqu'en Sicile, où Diane la receut dans la petite Isle Ortygia. Strabon s' est mis en peine de refuter cette fable , & a fait voir que le fleuve Alphée se décharge dans la mer, comme les autres rivieres. On pretendoit avoir trouvé dans le bassin d'Arethuse des choses qu'on avoit jettees ou qui estoient tombées dans le fleuve Al- phee. Ce qui paroissoit une preuve de la communication secrete de leurs eaux. Mais ces comptes ne peuvent donner de la probabilité à une si longue course soûterraine d'un fleuve & d'une fontaine.

Bochard a donné une explication fort ingenieure de cette sable. Car il dit que le nom d'Arethuse est Phenicien ; que arith en Syriaque signifie un eitihemcien , que en S y na q ue inmine un ruisseau ; que les Pheniciens appellercnt apparemment cette fontaine hen alphe, c'est à dire la fontaine aux Saules, ou la fontaine aux Navires , parce que l'abondance de ses eaux estoit fort grande, & qu'elle avoit ses bords revêtus de Saules, ce qui convioit les navires à y venir faire provision d'eau.

Ovide appelle cette fontaine Alpheias dans ses Metamorphoses :

Tum caput Eleis Alpheias extulit undij.

Les Grecs estant venus après cela à découvrir cette fontaine aussi abondante queCiceron la décrit, Fons aquae dulcis incredibili magnitudine, & apprenant qu elle s appelloit non feulement Areth e e, mais Alphetas, ils feignirent qu'elle recevoit ses eaux 4ufleuve Alphée dans laGrece, par des conduits soûterrains. v 11

L, I. Qpi.

L, 6.

Cab,.::.! 1.

cz3

t, /•*

Orat 4. in Verr.

IV Les Romains adorèrent aussi les Genies ou les Nymphes des fontaines. Horace le dit clairement , Osons Blandufis,, crat donaberis hædo. Une des plus celebres Nymphes estoit Anna Perenna, qui estoit le Genie de Numicus. Voici comme Ovide la fait parler : 4

Jpfa loqui visa cft, Placidi film nyrnpha Numici, Arnne perenne larefls, Anna Perenna vocor.

L'allusion du nom faisoit qu'on lui faisoit des vœux & des sacrifices au mois de Mars, qui estoit alors le premier mois de l'année, & on les lui faisoit, afin qu'elle accordât une longue fuite d'années, ou p:urol\. une éternité de vie :

Nec mihi parva lfdes, annos hinc isse priores, Anna quod hoc capta efl mense Perenna coli.

V. Ovide parle aussi du Temple où estoit honorée Juturna sœur de Turnus, dont Virgile a tant parle dans son Eneïde ; & qu'on veut avoir esté aimée de Jupiter , d'où elle prit ce nom, comme si l'on disoit Joviturna. C'estoit au fond une fontaine dont les eaux estoient tres-belles & tresfaines, d'où elle tiroit aussi son nom , selon Servius.

Inturna sons est in Italia saluberrimus , cui ticmen à juvando efl inditum. Varron semble dire au contraire que les eaux en estoient recherchées à cause du nom, par une simplicité superstitieuse & fort ordinaire. Nympha Iuturna 3 quæ juvaret. Itaque mul- ti propter id nomen hitlC Plquam petere solent.

VI. Tertullien semble vouloir nous persuader que les Payens ne recoururent à ces interprétations physiques de leurs fables , que lors qu'ils se virent pressez & comme convaincus par l'absurdité toute visible de leurs Divinitez fabuleuses. Jpft quoque vulgaris superstitio communis idololatriae, cum in si- mulacris de nominibus & fabulis veterum mortuorum pudet, ad interprétationem naturalium refugit; C;;.

dedecus suum ingenio obumbrat : figurans Jovcm in

I. 3. Od. 8.

Ellf!. 1. z.

ibidum.

Fft. 1. t.

In L. il.

Æntiâ.

L. 4 dtL.L.

<t

L' 3 Adv.

Marc. c. 13.

(itb/f.mtianJ ttrvÍdam. (jJ' lunonem ejm in aerem ; nem Veftam in ignem , & Camenas in aquas. Ce qui est tres-veritable de la pluspart des Divinitez de la Grece, parce qu'elles estoient nouvelles, & toutes composées d'hommes ou de statués. Mais les Grecs les plus anciens, & encore plus certainement les Pheniciens , les Egyptiens, les Assyriens , les Perses & les autres Orientaux furent premièrement adorateurs de la Nature & de ses parties les plus illustres, avant que de penier aux Idoles ou des hommes ou des animaux , avant mesme que l'art de faire des Idoles fût inventé. Cet ancien culte de la Nature estoit resté en plusieurs endroits, & les Payens qui s'en estoient écartez, estoient souvent forcez d'y revenir, afin de donner un peu plus de couleur à leur religion, & prendre leurs fables un peu plus supportables.

VII. Quand tout ce qui a esté apporté d'autoritez dans ce traitté, ne seroit pas assez convaincant pour nous persuader que l'idolatrie a com- menté par les Dieux Naturels, ou par le culte de la Nature , avant que de venir aux Dieux historioucs ou fabuleux, on pourroit encore s'en convaincre par toutes les Nations barbares de tous les hccl es, qui ont ignoré la fable Greque , & ont pris pour leurs Dieux ou les Astres , ou les Elemens, ou les Montagnes, ou les Rivières 8>C les Fontaines.

Herodote parle des. Scythes en cette maniere, qui nous fait voir qu'ils honoroient les mef mes Dieux naturels que les autres Nations, mais fous d'autres noms: vesta scythicè vocatur Tabitti, Jupiter autem Pœp&w ; Tellus Apia ; Apollo Oetofyrus ; Cæ- hfii-s Venus Artimpaso ; Neptunus T.Jamimafàdes.

Toutes les Nations ont esté barbares en leurs commencemens, & n'ont pû avoir ni images ni statuës, ni des artisans pour en faire. La découverte du nouveau Monde nous a fait découvrir autant d'ado-

în Melfom.

rateurs de la Nature, que nous avons trouve de Nations idolâtres.

VIII. Il ne faut pas oublier dans ce discours du culte de l'eau un témoignage mémorable de Maxime de Tyr, qui explique les differentes raisons qui avoient porté les hommes à honorer les rivieres. L'utilité, la beauté, la grandeur, les loix, les coûtumes, le merveilleux de quelque fable font les raisons que ce Philosophe touche. Est & suus ptvits honos , aut ob utihtatem, quomodo Æg)ptij colunt Nilum ; aut ob pulchritudinem , ut Vinturp Ttoeffjlt ; aut ob magnitudinem, ut Ifirum Scythœ ; aut ex fabula , ut Atoli Acheloum ; aut ex lege, ut Spartiate t.u ottim ; aut ex sacro ÙjtiwffJ, iit Iliffum Athenienses. Toutes ces raisons n' a voient lieu que pour les rivieres mesmes, & non pour leurs images. Ainsi quoy que l'on en fit des images ou des statues en differentes manieres, c'estoit pourtant la nature mesme de ces rivieres qu'on pretendoit honorer. Le malheur estoit qu'on s'arrétoit plus au corps des rivieres qu'à leur Génie ; ainsi la religion de venoit tous les jours plus matérielle & plus disposée à ne plus s'appliquer qu'à des corps & aux images des corps.

IX. Quant à la fable d'Acheloiïs, dont, parle ce Philosophe , c'eil apparemment le combat de ce iîeuYe ^vec Hercule, qui lui arracha un corne, dont les Nymphes firent une corne d'abondance , l'ayant remplie de fleurs év de fruits. Servius ex- pliquant ce vers de l'Enéide, Corniger Hcfpcridurn fiuvim régnât or eimarum , dit qu'on peignoit les fleuves avec des cornes, ou à cause du grand bruit des eaux, pareil aux mugillemens d'un Taureau, ou parce que les rivages font tres-souvent cour bl, comme des cornes. Ainsi le fleuve Acheloiis estoit rèpresenté avec des cornes , aussi-bicn que ll; Po. dont parle Virgtie. Or Diodore de Sicile

Crat. 38.

r., 3.

raconte comme ce neuve le précipitant auparavant du mont Pindus à travers des rochers, & faisant un rand dêgast dans la campagne : Hercule lui ouvrit un chemin plus uni, & en arrosa une campagne , qui en devint tres- fertile. Voilà ce @ que la fable a entendu, & ce qu'Ovide a exprime en nous décri- vant la corne d'abondance :

pum tenet, mfregtt : trmcaque à front e revc/Lir.

Naïades hoepomis & odoro flore repletum Sacrarunt , divefque meo bona copia cornu efi.

X. Il ne nous reste plus qu'un mot à dire des fleuves d'Enfer, c'est-à-dire, que les Poëtes ont fait couler dans les Enfers , mais qui estoient effe- ctivement des fleuves d'Arcadie, ou d'Italie, ou mes mes des contrées Orientales. Homere place ces cmatre rivieres dans le païs des Cimmeriens, sçavoir Acheron , Phlegeton, Cocyte , & Styx ; &c il veut que l'Enfer foit ce pais mesme des Cimmeriens, à une journée de Circée , qui est une monta-

cne du païs Latin. Voici comme Circe parle à Ulysse , s'embarquant pour le païs des Cimmeriens, Navem quidem illic siste in Oceano profundorurn vorticum. Ipse autem in Plutonis eas domum obsçnram » ttbi in Acheroni em Pyriphlegethon fluunt, & Cocytus , qui Stygiæ aqtu efi emanatio. Voici comme Ulysse dit qu'il y arriva en un jour. Tottl. die naviga- •vnnuc ^navis fines pervenit profundi Oceani. Hic cvAt Cimmeriorum hominum populus , qui caligine & nubibus contecti sunt, neque imquam eos Sol iucidus intueturradiis.

Servius expliquant ces paroles de Virgile , Tene- brosa palus Acheronte refuso , semble confirmer le sens que nous venons de donner à Homere , & met- tre dans la campagne de l'Italie ces lieux tenebreux & ces mesmes rivieres d'Enfer. Avernum significat, quem vult nosci de Acherontis æsturiis. Acheron fluvius dicitur inferorum , quéfifine gaufro. Sed constat

L. 9 Metflm.

odyss 1.10

L. 13.

In lit 6.

JErieid.

loCHmeJfe haud longè à Baiis ,undique montibus septum ; adèo ut nec Orientem , nec Occidentem Solem possit aspicere ; sed tantum medium diem. Quod autem dicitur ignibus plenus, hæc ratio est, omnia vicina illic loca calidis ~& fitlphuratis locis fcatent. Festus en dit autant des Cimmeriens. Pline est de mesme avis, .Cumæ &c. Portus Bajarum &c. Avernus lacus , juxta quem Cimmcrium oppidum quondam. Dein Puteoli , postque Phlægræi campi , Acherusiapalus Cu- mis vicina. Voilà tout ce qu'Homere & Virgile ont donné aux Enfers, les tenebres Cimmeriennes, les champs brûlans, l'Averne, l'Acheron , Se tout cela prés de Cumes , où Virgile fait descendre Enée aux Enfers, & à une journée de Circée, où Homere les place.

XI. Mais les Italiens n'ont fait ordinairement que copier les fables des Grecs, les transferant dans l'Italie avec tout leur équipage , c'est-à-dire , avec les mesmes noms , & les mesmes circonstances.

Aussi l'Italie n'estoit-elle qu'une seconde Grece ; estant presque toute peuplée de Grecs. Le fleuve Styx estoit dans l'Arcadie prés de Nonacris, Se ies eaux estoient si froides Se si mortelles , qu' elles estoient un venin tres-present, dont les Historiens disent qu'Alexandre le Grand fut empoisonné.

Pausanias parle fort au long du Stixde la Grece, Se rapporte les endroits d'Homere & d'Hesiode où il en cft parlé. Tous les Geographes mettent aussi les fleuves Acheron & Cocyte dans l'Epire qui est joint à l'Arcadie. Tous ces noms Acheron , Cocyte, Avernus, ou plûtot Aornus, Phlegeton & Stix, signifient en langue Grcque ce qu >:! \; doivent signifier, pour estre des images de l Enfer. Ainsi on ne peut douter que les Latins n otent emprunté leurs Enfers des Grecs.

XII. Mais il n'en faut pas demeurer là. Car comme Paus n'as a tâché d'approprier à la Grece &-

L j. c. j.

Pau fan. 1.

f",g.48J.

à ses fleuves , ce qu'Homere avoit dit plus probablement de ceux d Italie de mesme nom : aussi peuton dire qu'Homere a attribué à l'Italie, ou à la Grece, ce qu'il avoit appris, ou peut-estre ce qu'il avoit vu lui-mesme des fleuves infernaux de l'Egypte.

Voici les paroles de Pausanias, In Thesphrotide Jovis in ~Dodona templum, & sacra ei fagus. Ad Cichyfittn yîcbemjta efl palus , ~y Acheron amnÙ. Finit au-; tem ibidem Cocytus aqua insuavissima. Qu& Ùic. Ctu vidisset ut opinor Homerus , multa ex i'lis in finim de inferis Poëma transtulit, & ipsa etiam carminibus ainnium nomina insernit. Au contraire Diodore de Sicile fait voir que l'Enfer des Grecs n'a dtel1\Hle : imitation des funerailles des Egyptiens. Voici com- me il parle : Pratum vero & babitationem defunctornm coxf'rfœm ,esse locum juxta paludem Acherusiam propè Memphim. Nec abluderc qltOd murtuos loca ista incolere fingant'.plerafque enirn & maximas Agypiorum funerationes istic peragi , dum cadavera, peram- nem & Acherusiam paludem deportata , in cryptis illic sitis reposant. Cetera quoque Græcru' de inferis commenta cum his quœ etiamnum fiant in Aigypto convenire. Nam quòd cadavera transvehit navigiurn Ba- rin appellari : obolumque porutori, quem Charontem appellant, pro Naulo solvi. In victma etiam Scotiæ:) seu tenebricosæ Hecates fanum , C/:;" Cocyti LetÍJcfque portas <znis veftibus objbnctas ~Ce. Servius cite un livre de Seneque, De ritu ~& de sacris Agyptiorum.

Et il en rapporte ce qui suit, & ce qui peut fortifier ce que Diodore de Sicile vient de nous dire: ssir in- venta Osiridis quem Typhon occiderat ossa, cùm sepelire vellet, elegit vicinæ paludis tutissimum locum, que transitu constat esse difficilem. Limosa minI est & papyris ~referta & ait a. VitÍ'a banc est brevis Injksa inaccessa hominibus. Pnde &. £ •■*./;§> appellata efi, Htc palus Styx vocatur, quòd tristitiam trarjhmtibus gignit. Sane ad illam Iuf uam ab his qui sacris t'il/bu-

,,. T - a

L I. Ptrg.

8 6. 87.

ti sunt, certis tranfîtHY diebus. Lectum est etiam que à vlàni populi cadavera suorum ad alteram regionem transferunt } sed si quis in stuvio pereat, nec elw inventatur cadaver, post centum annos ultima persolvuntur officia. Hinc est tractum, centum errant an*, nos, volitantque hœc littora circum. Je ne crois pas qu'on puisse douter après cela , que tout ce que les Grecs & les Latins aprés eux ont écrit de leur Enfer, d'Acheron , de Lethe, de Cocyte , de Caron, du passage de sa barque , & du prix pour le passage, n'ait esté imité sur les funerailles des Egyptiens.

XIII. On ne trouvera pas mauvais que nous reprenions encore de plus haut l'origine de ces fa- bles. Cette application mesme des funerailles des Egyptiens, & des lieux où elles se faisoient, aux En- fers des Grecs & des Latins , nous en donne une asfez juste fondement. Car on sçait que dans l'Ecriture le terme de Scachat signifie & est traduit tantôt); le scpulchre & tantost l'Enfer. Cela est encore plus veritable de Seol. En effet dans le Pseaume i j.

quand il est dit, Non derelinques animam rneam in inferno. Les Interpretes conviennent que le terme Seol peut signifier & l'Enfer, & le sepulchre. Si les Egyptiens estoient donc entrez dans la pensée des Israélites, comme il y a de l'apparence ; ils ne met- toient pas grande difference entre les termes & les expressions dont ils se servoient pour signifier les scpulchres ou les f-iifers les funerailles du corps ou le transport des ames en l'autre monde. Nous avons donné à l'Enfer le nom de Gehenna, qui cftoit une vallée prés de Jerusalem, où en haine de ce qu'on y avoit sacrifié à Moloch , Josias fit porter des cadavres & de toutes fortes d'immondices, & depuis on y punissoit les coupables du dernier tupplice. Saint Jerôme sur le dern ier chapitre de laint Matthieu dit, que Dieu menaça souvent par les Prophetes de faire un cimetiere de ce lieu, qq J

In h 6.

¡z eu!.

voit esté tres-beau ùc tres-agreable : Sed vocetur Polyandrium, id esttumulus mortuorum. Futurœ ergo hppltcia & peu/æ perpetjit, quibus peccatores crucianti jÙnt, huuïf loci vocabulo denotantur.

Aussi Vossius a remarqué que bien que les Grecs yent fait venir le nom du fleuve Styx '1Jb SlJ)'t1/ ) disse, aversari ; il y a pourtant de 1 apparence qu'il ient du Phenicien Setil^t ou Stika, qui signifie le lence, qu'on sçait estre approprié aux Enfers par Jirg:ie , quand il dit, Vmbrœque silentes & Chaos, L'i.lcgcton, loca noite silentia latè. Aussi Bochard apporte un passage de Ptolemée, qui met une Jiuaine dans l'Arabie, qu'on appelloit l'eau de tyx. Ce qui fait croire que le nom de Styx estoit 'lutoft Arabique ou Phenicien, que Grec.

XIV. L'Espagne avoit aussi non feulement les Jiamps Elysiens, mais encore le fleuve d'oubliane, Lethe,& le Lac Averne. Tite-Live fait mention u fleuve d'oubliance & de la peine que les soldats Romains eurent de le passer, depeur que ce ne it passer en l'autre monde : D. limita Lusitaniam rbium expugnationibus nfpie ad Oceanum perdo\nit$Or cùm fluvium ublivionis transire nollent, iptiun fignifero signum ipse transtulit , & fie ut 'a¡,{:r!derem Hr, milites persuasit. Aristophane par: aussi du Lac Averne en Espagne : Tartejpts rt j],¡jMnica urbs, circa lacum <tA-vzrnwn > u^-o. y ochart croit que ce terme Aornos ne vient pas Grec, & de ce que les Oyseaux ne peuvent oler sans danger sur les eaux puantes de ce ac , mais du terme Hebraïque Aharon, qui gnific ce qui est à l'extremité. D'où vient que ans le Deuteronome la mer Occidentale est ap ellée mare extre.'Huw .(.)omn\z l'Espagne est à i'cx' emite de l'Europe sur la mer Occidentale, ce arme pouvoit bien lui estre appliqué. Strabon a eu que le nom de T artei lus > qui cft au fia propre

De Idol.l t.

c. 81.

JEneïd. 1.6.

Phaleg.pag, 16 S.

<?vyo(â'<fa d

E/ tt). I. fj:

[il R>m:s.

Cap n 14,

à l'Espagne, avoit donne occasion à Homère dt; * dire ce qu'il a dit du Tartare ou de l'Enfer. Au., (liens ahquis de Tartesso , existimare possît "Tart arum œb Homero nominatum, extremum eorum qui infra terram sunt locum. Puis donc que les Champs Eli- liens estoient en Espagne, & dans la province Be- tique selon le mesme Strabon , il y a de l'apparen- ce que les mesmes Pheniciens qui les nommerent de la sorte, donnerent aussi les noms aux fleuves < 8c aux Lacs de Lethe & d' A verne; enfin il el fort ; vrai-semblable qu'ils mirent le Paradis & l'Enfer dans l'Espagne , par l'application des mesmes lieux : 8c des mesmes noms qu'ils avoient dans la Pale- ftine. Car on ne peut douter que le terme à' Eli-.

siens ne foit Hebraïque ; alas, œtari. Et que celui d' Acharon qui est aussi Hebraïque, ne convienne : beaucoup mieux au fleuve d'Enfer Acheron, que l'étymologie que les Grecs en ont donnée. Concluons donc qu'il eH: fort probable que toutes ces fictions poëtiques des fleuves d'Enfer ont esté fon- dées sur la nature mesme & la qualité des Lacs 8c : des fleuves de ce mesme nom , qui estoient dans la Phenicie, & qui furent ensuite communiquez à 1 Egypte , à la Grece , à l'Italie 8c à l'Espagne ;I les fables ayant pris ordinairement ce cours, 8c y , ayant peu de grands païs où il ne se trouve des < lieux fort agreables, 8c à quelque distance de là.r des lieux peu éclairez du Soleil, & des rivieres.

insectes & contagieuses. Car il faut remarquer J que comme Virgile faisant descendre Enée danse les Enfers, lui fait voir les Champs Elisiens à une fort petite distance des Enfers, aussi les Enfers des l'Italie , dont nous avons parlé ci-dessus, estoient dans la Campanie, qui est un des plus beaux païs du monde, & un champ vraiment Elysien : 8c : dans l'Espagne les Champs Elysiens n'estoient pas non plus beaucoup éloignez du fleuve Lethe 8c diiL lac Aontw.

X V. Il ne nous reste plus qu'un mot à dire sur le jurement solennel des Dieux par les eaux du Styx.

La fable dit que la Victoire fille de Styx ayant secouru Jupiter contre les Geans, il ordonna par reconnoissance que les Dieux jureroient par ses caux ; & s'ils se parjuroient , ils feroient privez 1C vie & de sentiment pendant neuf mille ans , selon Servius : Fertur namque ab Orpheo, quod Dij pejerantes per Stygiam paludem, novem millibus anntirum puniuntur in rllrraro. Servius rend raison de cette fable, en disant que les Dieux estant bienheureux 6c immortels , jurent par le Styx , qui est un fleuve de tristesse & de douleur, comme par

une choie qui leur elt entierement contraire, ce qui est jurer par forme d' execration. Ratio hœc est.

Styx mœrorem significat. 'Dij autem Uti sunt semper, unde & immortales. Hi ergo quia mœrorem non sentiunt, jurant per rem fm naturœ contrariam; id est, tristitiam , quœ est œternitati contraria. Ideo jlUj/trandum per execrationem habent. Hesiode conte dans sa Theogonie, comme lorsque quelqu'un des Dieux a menti, Jupiter envoye Iris, pour apporter de l'eau du Styx dans un vase d'or, sur lequel le menteur doit jurer ; & s'il se parjure, il est une année sans vie & sans mouvement, mais pendant une grande année, qui contient plusieurs milliers d'années : Qui pejeraverit, jacet spiritûs expers in- tegrum per annum , neque ambrosiœ & nectaris fruitur cibo, & c. Sed poftquarn morbo defunéf;u est magnum per annum, a lia ex alia excipit molestissima œrumna. Novennio autem à Diis separatur œternis decimo autem anno versatur iterum in cœtibus immortalium.

Voila comme l'on peut accorder les differentes opinions sur le nombre des années du châtiment des Dieux tombez en faute. Au reste cetre cheute des Dieux ou des Anges, & leur retour dans la premiere felicité, estoit ce songe agreable qui avoit

InTbeogoiî.

v. 7PJ.

In l 6. Æne;d..

déja quelque vogue, & qui fut depuis debité avecs tant de pompe par les Platoniciens , & par nos Origeniftes , sur les défaillances des ames bien-heureuses, & leurs retours alternatifs- dans leurs premiere felicité.

-..)

CHAPITRE XIV.

- * Du Cuilte de l'Air, des Vents, des Tempestes : t des Foudres,, de l'Iris;

Í. ï I. tes auteurs Juterez & profanes , les peuples mesmes iont confondu l'air avec le Ciel. -, '; III. Anaximene faisoit un Dieu de l'Air, mais il y com prenoit la supréme Intelligence qui l'linimoit. cj. Une infin ttt d'intelligences qui l'habitent. , 1 V. V. Les AJjrims & les Epyptiens croyot'ent que c'eftch Venus Vranie, ou Minerve., po r. Les Grecs & les Romains vouloient que ce fût lunon. J N VII. Ou lupiter jDîefpiter. — j VIII. Mais plûtost lunon. IX. On honora Aussi les Vents. ,. , j X. Eole passa pour en efire le Roy. ,,' X I. XII. Dans l'Orient le culte des Vents efloit plus art* tien vpiEole. j XIII. Seneque trkiqite Virgile qui renferme Les Ventt.

Ré,onsè. 'v' — J XIV. La Généalogie des Vents felon H efide. X V. Honneurs rendus aux Vetits. , -, 1 XV i. S'il cft vraJ que les Cavales ayent conceti du Vent.

XVII. Le combat des Titllens tapporté AliX V ents. 1 X V l II. Excès incroyable & extravagant des Idolâtres. (

XIX. Des Foud-es. j XX. XXI. Du "Feu de saint Elme.

X X II. De l'adoration des Jouées. *"* XXIII De l'iris.

XXIV. XXV. XXVI. XXVII. Suite du mesmé sujet. Différence des messages d'Iris & de Minerve. D'où vient le nom d'iris.

XXVI II. Suite du mesme sujet.

XXIX. De quelques Autres Divinité x. de Vair.

I.

L

Es Auteurs profanes ont imité les Ecritures en ce point, qu'ils ont donné le

nom de Ciel non seulement à celui qui contient les Astres , mais aussi à cet air qui environne la terre. Les oifcaux du Ciel, volucres cœli, dans les Ecritures, & , Sp;titll/il, nequitiæ in cælestibus, les demons du Ciel sont ceux dont le sejour est dans cet air qui est au dessus de nos testes. Le Firmament que Dieu sit pour separer les eaux superieurs des inférieures, selon le texte de la Genese , n' est autre chose aussi que cette vaste étendue de matiere liquide & transparente, plus grossiere en certains endroits qu'en d'autres, mais toûjours liquide 2c transparente, dans laquelle font placées les étoiles fixes, les Planetes, la Terre mesme, les oiseaux, & plusieurs démons selon saint Paul. C'étoit l'idée que la tradition des Ecritures avoit laisfée au genre humain , & que le bon sens se conformant au témoignage des yeux avoit conservée : -& à laquelle on revient presentement, après avoir écarté les opinions contraires de quelques Philosophes.

II. Saint Augustin rapporte le sentiment de Varron en ces termes: Adjungit mundum dividi in dttai partes, Cœlum & Terram : & Cœlum bifariam in æthera & aèra. Varron s'explique lui-mesme en mesme sens : Cdum dupltciter dicitur. & supremum illud, ubi stellæ : & hoc totum, quod cemplexu continet terram. Lucrece ne parle pas moins clairement : Constituuntur in hoccæ/o) qui dicitur aër.

III. Anaximene Milesien & Diogene Apolloniate prirent l'air pour leur Dieu. Ciceron & saint Aurgustin les ont resistez par des raisons fort folides, mais ce dernier nous fait connoître que ces deux Philosophes ne donnoient de la divinité à l'air que parcequ'ils le croyoient rempli d'une Intelli-

Civit. I. 7.

c. 6.

L.f.de ling.

Latinl4.

L. 4.

gence infinie, & d'une infinit de Genies particuliers qui y faisoient leur sejour. Ce qui est revenir à l'idée des Platoniciens, qui crcyoient que Dieu estoit l'ame du monde, & que toutes les parties de ce monde estoient pleines de Genies & de substances vivantes. Voici ce ljUC dit Ciceron : Anaximenes i.èïci Tjtitm jlatmt 5 titmqltC gtgni , effeque itnmensium & infinilJtm, & semper in motu. Qh asis aut aer fine ulla forma Deus esse possit : CltW præfèrtim Deum non modo aliqua , sed pulcherrima Jiecie esse deceat ; aut non omne quod ortum fit, morl alitaI confèquatur.

Ces raisons font invincibles, pour montrer que

Dieu ne peut estre ni le corps de l'airjiii l'ame d'au- cun corps, parce qu'il deviendroit informe & corruptible. Mais saint Augustin montre que ce Philosophe n'attachoit pas la divinité au corps de l'air, mais à l'intelligence : Diogenes Anaximenis alter auditor, a ërem quidem dixit esse rlMftTÙ 1ft, de qua omnia fierent ; sed cum esse compotem divin A rdtÙmù, fine qua nihil ex co sieri possit. En un autre endroit ce Pere témoigne que ces Philosophes regardoient l'air comme une cité sainte , peuplée d'une infini- té d'invisibles & de bien-heureux habitans. Interrogavi auras stabiles, & inquit universus aër cam inco.

lis filu, Fallitur Anaxtmtnes. non sium Deus.

1 V. Les Alïyriem & les Africains donnoient à l'air le nom de Junon, ou de Venus Uranie , Se Vierge. Voici ce (lU' en dit Julius Firmicus : AJTyrij & pars Asrorum aërern ducatum habere elemcntorum volttnt, & hunc venerantur. Nam hune eundem nomine Iunonis vel Veneris virginis, si tamen Veneri placuit aliquando virginitas , consecrarunt.

V. Les Egyptiens donnoient à l'air le nom Se le culte de Minerve. Témoin Eusebe, Aëra vero aiunt ab iis ll-lincrvam vocari. Saint Augustin en dit presque autant, Ætheris partem superiorem Minervain tenere dicunt, C- hac occasione singere Poétasy qHçd

t. i. deraitir. Dtor.

Civ.l.i.Cti.

Conf 1. io.

e. 6.

L, de error prof rel.

Pr .£par, Ev l. ; c. 2.

Civ. I. 4.

c. 10.

7uod de Jovis capite nata fit. Macrobe approche ort de ce sentiment : Q^ui diligentius eruunt veriatem , dixerunt esse medium athera Iovem , Innonem ■cro imum aëra cum terra ; & Minervam fmnmum '■theris cacumen. Mais Diodore de Sicile est celui qui a mieux développé cette doctrine en parlant es Egyptiens : Aëri potro Athenæ, seu Minervæ, noen quadam vocis interpretatione tribuijfe, Iovisque liam hanc & virginem putari, eo quòd aër natura orruptioni non obnoxius fit, & summum mundi lo- um obtineat. Vnde etiam fabula, è Iovis vertice ilam enatam. Vocari autem Tritogeniam , quòd ter n anno naturam mut et, vere, astate, hyeme. Et Glauopin dici , non quòd glaucos, id est cœsios babeat oCle, insulsum enim hoc esset, sed quòd aèr glauco sit vlove Voila la fable fort nettement expliquée.

VI. Les Grecs & les Romains donnèrent plus • v 13 - -

olontiers à l' air les noms de Jupiter & de Junon.

Liiffi distinguoient-ils dans l'air deux vertus, l'u- e active & masculine , l'autre passive & feminie. C'est ce que dit Seneque dans ses questions naurelles : Aëra marem judicant, qua ventus est; foeinam, qua nebulosus & iners. Athenagore dit la sesme chose à peu prés : Aërem duplici natura præitum Masculoseminam Iovem vocant. 'Apeevofawv.

nnius en disoit autant au rapport de Varron : If- c eg is Iuptter quem dico, quem Græci vocant Am: qui ventus elÎ d- - nubes, imber postea, atque ex nbre frigus, ventus fit, aër denuo. Voila les divers nangemens de l'air, qui lui font meriter divers oms. ,

VII. Les noms de Dijovis & Dîefpiter ont esté onnez à Jupiter, entant que c'est l'air. Varron le it clairement : Olim Dijovis & Diespiter dictus, 9C est, Aër & Dies Pater, &c. Idem hic Diespiter icitur, insimus aer, qui est conjunctus terrœ *, ubi om- ia oriuntur, ubi aboriuntm. Il remarque au mesme

Saturn. l.$.

c. 4.

L. x.

L. 3. c. 4.

Legat. pro Christ.

L. 4. deL.L*

endroit: l'origine de ces termes Latins ; Vnde Jub dio , & Dius Fidius. Itaque inde ejus perforatum tectum, ut videatur Divum ,id est Cælum. Aulle Gel- le croid , que Jupiter est le mesme que Jovis pa- ter, qu'on nomme aussi Diespater. Voici ses termes : Item Jovis Diespater appellatus, id est, diei & Ittcis Pater. Idcircoque simili nomine Diovis dictus est, &.

Lucetius ; quod nos die & luce quasi vitâ ipsa afficeret & juvaret.

VIII. Il faut neanmoins avoüer , que c'est Junon, qu'on a pris plus ordinairement pour l'air.

Aussi pretend-on que le nom Grec de Junon ~vie* , n'est qu'une transposition d'~à»p. Ciceron donne l'explication de la fable de Junon sur la nature de l'air. Aër ut Stoici disputant, interjectus inter mare & Cælum, Junonis nornine consicratur. Qus. est soros & conjux Jovis » quod ei similitudo est Atheris , & cum eo summa coniunetio. Voilà donc la raison de la parenté & du mariage entre Jupiter & Junon, c'est-à-dire , entre le Ciel & l'air. Il n'y a pas moins d'évidence dans une autre fable d'Homere , où il dit que Jupiter suspendit Junon à une chaîne, aiant deux enclumes qui pendoient à ses pieds. Car ce n'est que la dépendance que l'air a du Ciel, & celle que la mer & la terre ont de l'air. Enfin si les Poëtes ont donné à Junon la qualité de ¡"W){CIJ;¡,.v' , Albis ulnis, ce n'est qu'à cause de la transparence de l'air.

1 X. Ceux qui furent adorateurs du Vent, crurent apparemment adorer l'air dans son agitation.

De là vient peut-eftrc que les Perses adoroient les Astres & la Terre, l'Eau , & le Feu, & les Vents ; prenant peut-estre les Vents au lieu de l'Air. C'dt: comme Herodote en parle. Sacrificant vero Soli, ô, - Lunæ, Cir Telluri, & Igni, & IlqUtt & ventis ; hts enim solis sacrificant ab initio. Strabon dit la mesme chose. Le mesme Herodote raconte comme les

L. J. Notf.

jîttic .c.ii

L. t. de Na tura Deornm.

L.t.

L IF.

L. 7-

Grecs estant dans la consternation à cause des troupes formidables de Xerxes, qui venoit fondre sur eux : l'Oracle de Delphe leur commanda de sacrifier aux Vents, de qui ils devoient attendre le principal secours. Enée sacrifia aux Vents, Pecudem Zephiris felicibus albam. Auguste fït un Temple au Vent Circius dans les Gaules, qui en estoient incommodées; parce qu'il renversoit leurs bastimens, & qui néanmoins croioient lui estre fort obligées parce qu'il purisioit l'air. Voici ce qu'en dit Seneque. Galliam infestat Circius, cui adfficia quassanti, tamen incolæ gratias agunt, tanquam salubritatem Cæli sui debeant ei. Divus cenè Augustus templum issi, cùm in Gallia moraretur, & vovit & fecit. Ces derniers exemples font voir , que c'estoit proprement un Vent & non l'air à qui ces honneurs estoient

rendus. Diverses nations peuvent avoir eu diverses pensées. Dans le livre de la Sagesse la distinction est manifeste entre ceux qui adoroient l'air & ceux qui adoroient les Vents. Aut ignem, aut ventum, aut celerem aërem Deos esse putaverunt.

X. Les Poëtes ont fait Eole Roi des Vents, & Virgile en a parlé dans son Eneïde :

Hic vasto Rex ALOIUS antro Luttantes ventos, tempeflatefque ifncras Imperio premit & uinclis ac carcere frænat.

Et un peu plus bas :

3 namque tibi Divum Pateratque hominum Rex ,

Et mulcere dédit fluctus, & tollere vento.

Servius dit que ce font neuf Isles dans la mer de Sici- le , dont Varron dit qu'Eolus fut Roi , d'où on feignit qu'il avoit les Vents fous son Empire, parce qu'il predisoit les tempestes qui devoient arriver, en considerant les vapeurs & la fumée qui sortoit de ces Isles, & sur tout de celle qui portoit le nom de Vulcain. ~<ïyro~ Rex fuit Insularum, ex

ÆneÙI l. j.

Nat. qU4.flS /• s-c- 17.

C. ij.

L. 1.

quarum nebulis & sumo Vulcanis insulæ prædicers ventura flabra ventorum, ab imperitis visus est ventor sua potestate retinere. Mais ce sçavant Grammairien apres avoir rapporté la fable, confesse qu'elle est fondée sur la Phyliologie. Physicâ ratione hoc singit Poëta. Naturale enim efl ut loca concava plena sint ventis. Pline dit que Strongyle estoit une des Bles embrasées & sumantes; que de sa fumée les habitans predisoient les vents trois jours devant; 6c que ce fut pour cela qu'on seignit qu'Eole estoit maître s Vents. E cujus sumo , quinam fiaturi sint veu.

ti t in triduum prædicere incolæ traduntur: unde ventos Æolo paruisse existirnatum.

XI. Il faut donc confesser , que le culte des Vents a esté plus ancien que le Regne d'Eolus, qu'on pretend avoir vécu au temps de la guerre de Troye. Les Persans qui adoroient les Vents, selon Strabon& Herodote, n'avoient apparemment ja- mais oui parler du Roi de ces petites Isles, & ce n'estoit nullement à lui qu'ils addressoient leur culte. Il en faut dire autant des Scythes, dont Lucien dit dans son Toxaris, qu'ils juroient par le Vent & l'epée. Per ventum & acinacem. Quand Salomon dit dans la Sagelle * qu'il y en avoit d'assez insensez pour adorer les Vents; il ne pensoit à rien moins qu'à Eole. Tous ces Idolâtres Orientaux rendoient honneur aux Vents avant que la fable d'Eole fût forgée. Ainsi il est à croire que le culte des Vents aussi-bien que celui des autres parties de la nature, aiant passé de l'Orient à l'Occident, les Grecs, les Siciliens & les Italiens prirent occasion de la nature de ces Isles, pour en faire le regne des Vents, parce qu'ils en voioient souvent sortir des tourbillons de fumée , de vent & de feu. Diodore de Sicile fait le mesme recit que Varron , 6c que Servius.

Velorum usum docuit, nantie A rei studiosos. Sx ignis quoquie prodigis diligenter o bservatis qui venti in-

Plin.l.} c.y,

L. i P. 191.

gutituri essent, indigents certo prædixit. Vnde ventorum prœses & dispensator à fabula declaratus est.

XII. Strabon rapporte les remarques de Polybe sur l'Isle de Lipare, qui est la plus grande des sept Eolienes,sçavoir que quand le vent du Midy doit fousfler, elle se couvre d'un nuage si épais, qu'elle dérobe à ceux qui font un peu éloignez la vûë de la Sicile. Mais que quand le vent Aquilon doit succeder, cette Isle dégorge des flammes plus pures, &C cause des bruits & des fremissemens beaucoup plus grands. Ce qui a fait dire que le Roi de ces Islés est le Roi des Vents. Idem refert Austro spiraturo lnfùlam caliginosa nubecula obtegi, ut ne Sicilia quidem è minus cernatur. At sub Aquilonis flatum ô-c. ve- ritatem per ambages significasse Poëtam, cùm Æolum fecit ventorum promurn. Ce Poète est Homere mesme, qui fait dans son Odyssée cette belle description de la caverne des vents , qui a esté si élégam- ment imitée par Virgile.

XIII. Seneque a critiqué Virgile , prétendant que les Vents ne peuvent estre enfermez, parce qu'ils ne font proprement Vents, que quand ils font lâchez Se qu'ils courent. Sa critique tombe encore plus sur Homere, qui veut qu'Ulysse ait receu d'Eole une quantité de Vents renfermée dans un sac de peau pour s'en servir dans le besoin. On peut dire pour la justification de ces deux Poëtes , que les Vents peuvent estre renfermez dans un lieu qui leur donne quelque liberté de s'agiter, mais qui ne la leur donne pas toute entiere, d'où vient qu'ils en sortent avec impetuosité. Au contraire ce n'est peut-estre que dans les lieux étroits & resserrez que se forment les grands Vents, comme dans les Eolipiles, qui ont pris leur nom d'Eole mesme ou de ses cavernes. Car dans ces cavernes aussi-bien que dans ces petites bouies de fer, une vapeur estant extraordinairement agitée par la chaleur , & ne

L. 6.p.190.

L. io.

Nat. qUG-st.

1.6. C.1%

ihid.

pouvant le mouvoir qu'avec peine dans un lieu si étroit, elle en fort avec violence , si elle trouve quelque petite illlië. Quant au sac d'Homere , où Eole avoit renfermé des vents , il se peut faire que ce Poëte ait voulu toucher un effet de la magie, que les Historiens mesmes de ces derniers temps disent n' estre que trop commune , pour mettre les vents en commerce.

XIV. Hesiode se declare ouvertement pour la Physiologie quand il fait la genealogie des Vents, & qu'il les fait ciifalis d Afîrxus & de l'Aurore.

Jlftrœo verò Aurora ventos peperit violentos , celerem Zephyrum, Boreamque rapidum , & Notum , in amo- re cttm Deo 1Jea cangressa. Car c' dl: évidemment faire naistre ces vents des Astres & de l'Aurore , ou de l'horison, ou plûtost des Astres & des va- peurs , qui font toûjours sur l'horison en assez grande quantité pour y former l'Aurore 8c les vents. On sçait que les Physiciens 8c les Astrologues tiennent que les Astres influent beaucoup pour la génération des vents, Il dit plus bas qu'excepté ces trois vents qui font utiles aux hommes, tous les autres font nez de Typhée, ce fameux Geant que Jupiter victorieux foudroya, 8c l'ense.velit fous des montagnes, à travers lesquelles il gemit, il soûpire, & dégorge encore des flammes, des vents & des tempestes. Ex Typhæo autem eff ventorum vis humidè stantium, excepto Noto , Borea- que & celeri Zephyro. Qw sanè ex Diis sunt nati, hominibus magna utilitas. Ast alij sine usu venti inspirant ponturn, magna clades hominibus, dissipantque naves. Ce Poète distingue donc deux fortes de vents , les uns moderez 8c utiles, les autres violens &: dangereux ;les premiers sont enfans des Astres & de l'Aurore , les derniers font ces vents qui viennent des creux des montagnes ou des Isles brûlantes, dont il fort des feux, des tourbillons,

v. 578.

& des tempestes; ce qui a donne sujet de feindre que c'estoient les Geants qui souffloient ces vents du fond de ces montagnes , où ils brûlent continuellement.

XV. Pausanias dit qu'à Megalopolis dans la Grece il n'y avoit point de Divinité à qui l' on rendît de plus grands honneurs, qu'au vent Boreas , parce qu'ils en avoient esté puissamment assistez dans l'entreprise que les Lacedemoniens avoient faite contre eux. Boreæ ara dicata est, cm anniversarium sacrum Megalopolitani faciunt ; neque ulli Deorum majores habent honores , quod pereum contra Lacede- moniorum & Agidis conatum servati fuerint. Festus dit que les Lacedemoniens immoloient un cheval aux Vents, & l'y bruloient avec des parfums, afin que les cendres s'en répandirent de tous costez : Lacedemonij in monte Taygeto equum vernis immolant, ibidemque adolent, ut eorum flatu cinis ejus per fines quàm latissimè deferatur. Virgile remarque qu'on immoloit aux Tempestes, par ces vers : Très Eryci vitulos, & Tempestatibus agnam cædere deinde jubet. Et Horace : Libidinosus immolabitur caper, & agna Tempeslatibus. Ovide fait allusion au Temple que le Consul Scipion erigea aux Tempestes après avoir à peine évité le naufrage dans la mer de Corse : Te quoque Ter/ipeftas meritarn delubra fatemur, cum penè est Corsis obruta classis aquis.

XVI. Que si Homere a dit que le vent Borcas s'estoit transformé en cheval , avoit couvert de tres-belles cavales , & en avoit eu douze poulains, dont la vitesse & la legereté estoit si merveilleuse , qu'ils pouvoient courir sur les épics des bleds sans les courber , & sur les flots de la mer sans enfoncer : ce n'est que parce qu'on croyoit effectivement qu'il y avoit des cavales qui concevoient du vent. Virgile raconte comme une vraie histoire du Zephir , ce qu'Homere disoit de Boreas com une fable :

l.S.p. JIJ.

L.yJEnetd.

In Ode 10 Epod.

lliad. t. 2. o.

Ore omnes verfie in Zephirn?n, isant rupibm altts, Exceptantque leves auras, & fi&pe fine ullis Conjugiis, vento gravidæ.

Virgile a bien pû debiter ce conte, puisque Var- ron l'a pris pour une verité surprenante, mais certaine , & l'a confirmée par d'autres exemples : Res incredibilis est Hispania , sed est vera, quod in Lu- fitania ad OceanlJrn. in ea regione ubi est oppidum Vlysippo, rnontc Tagro, quaedam equs, concipiunt è vento certo tempore : ut hic Gallinae quoque iflent, quarum ova appellant. Sed ex bis equis qui nati pulli, non plus triennium vivunt. Justin s'y est mieux pris, quand il a dit que ce n' est qu'une fable dont on a voulu embellir une chose par elle-même fort belle & fort merveilleuse, scavoir la fé- condité, la multitude & la vitesse des chevaux de Gallice & de Portugal. In Lufitanis juxtd lfuviurn Tagum vento equas fœtus concipere, rnultt autbores

prodidere. tf. fabula ex equarum fœcuaditate C gregum muÜHudine ntltæ fùm ; qui tanti in Gallaecia & Lusitania , ac tam pernices visuntur, ut non irnmerito vento ipso concepti videantur. Il est vrai que saint Augustin entre les merveilles qu'on ne doit pas nier, quoi qu'on n'en puisse rendre raison, donne place à celle-ci des cavales de Cappadoce, qui conçoivent du vent : ln Cappadocia etiam vento equas concipere, eofl-lcmquc fœtus nonampùut triennio vivere. Mais c'est encore un autre exemple après celui de Varron, qui nous apprend que les plus grands esprits & les plus sçavans hommes n'em- ployent pas toute la force de leur esprit à exami- ner toutes les choses qu'ils avancent dans les discours de peu d'importance.

XVII. Vossius rapporte aussi aux Vents le combat des Titans contre Jupiter ; qu'il pretend n'estre autreque la guerre des Vents dans l'air.

Il c~ti c pour cela Hesiode qui met entre les Vents

Ceorg. I. 3.

L. i. dore rust.

L. 44. c. J,

Civit. 1.11.

C. $-

Gyges, Briarée & Cottus, qui font aussi des Titans. Il rapporte un vieux Scholiaste d'Heliode, dont voici les termes : Cottum aiunt vim habere motricem, indeque Cottum dici, quia xortly notet ferire. Briareum aittew signare validum ; ac Gygen vim, sive potestatem. Et hi dicuntur venti è nubibus delati. Ac universi funt raptores. Idcirco etiam centimani funt secundum fabulas, nempe propter impettum bellicum. Les vents troublent ordinairement la pureté & la serenité de l'air , ainsi ils font la guerre à Jupiter. Mais il y en a quelques-uns d'entre eux qui rendent au contraire l'air plus ferain; ainsi les trois Vents, ou les trois Titans que nous avons nommez, se declarerent pour Jupiter. Le Scholiaste d'Hesiode dit que les vents viennent des nuées, ce qui est assez évident , & c'est peutestre aussi ce qui a fait dire aux Poètes, que les Geans estoient nez d'une nuée.

XVIII. Ce que les Apologistes de la Religion Chrétienne ont rapporté des Egyptiens, ne meritcroit pas de trouver ici place , s'il nestoit utile de faire quelquefois considerer aux Lecteurs de quelles extremitez d'aveuglement & d'impiété nô- tre esprit est capable quand il abandonne Dieu , & que Dieu l'abandonne. Car rien n'est plus certain que cette maxime de saint Augustin, que tous les hommes font capables de toutes les extravagances & de tous les excès dont quelques-uns d'entre eux ont esté capables, quand ils ont esté abandonnez de Dieu. Voicy ce que dit Minutius Felix dans son Octavius: Lidem Ægyptij cum plerisque vobiscum non Serapidem magis quàm jlrepitm per pudenda corporis exprejfos extremifcunt. Clement Romain en avoit dit autant parlant des Egyptiens: Crepitus ventris pro numimbus habendos esse do ent- re. Ces Ecrivains n'ont rien exagéré par l'interest d'embellir nostre Religion par les deformitez des

De Idolol.

l. }. C. 1.

L'J.ReCbln.

superstitions contraires. Pline avoit rendu le mé- me témoignage dans Ton histoire naturelle : Gen- ies qu&dam animalia & aliqua obscœna pro Diis ha- bent, ac multa dictis magis pudenda, per fœtidos çtbos & alia multa, jurantes.

XIX. Il faut passer des Vents aux Foudres. Il semble que Jupiter ait esté honoré par les Romains fous le nom de Tonnerre & de Foudre, ce qui n'estoit autre chose que Jupiter foudroyant. Voicy comme parle Festus: ltaque Iovi Fulguri & Summano fit > quod diurna Iovis » nocturna Summum fulgura ha- bentur. Vitruve joint aussi Jupiter avec la Foudre, comme une feule Divinité : Cum Iovi Fulguri, & Soli, & Caelo, & Luna adificia sub divo hypethraque constituuntur. Il est visible que ce n'est que Jupiter

fulminant, Jupiter estant alors pris pour le Ciel ou pour l'Air, C'est ce qu'on remarque dans ces paroles de Ciceron : Hinc etiam augures nostri cum dicunt, Iove fulgente, tonante. Dicunt enim Cælo fulgente, tonante. Comme le tonnerre donne de la frayeur, il est impossible que les Nations barbares qui d'ailleurs se laissoient aller à des Divinitez si ridicules & si chimériques, n'eussent le mesme respect pour le Tonnerre. Saint Bernard dit qu'en son temps il y avoit des Barbares dans le Nord, qui tenoient pour Dieux les Foudres & les Ton- nerres. Sed etiam hodie extant in Barbaria de gentibus Aquilonis, qui Tonitru pro Deo advrant. C'est comme Vossius le rapporte, à quoy il ajoute les exemples de plusieurs autres Nations barbares, mesme des derniers siccles, sur tout dans le nouveau monde.

X X. Les feux follets qui paroissent quelque- fois sur la mer aussi-bien que sur la terre, y ont quelquefois porté les noms des Divinitez. S'il n'y paroissoit qu'un feu , on le nommoit Helene ; s'il en paroissoit deux, on les nommoit Castor Pol-

L. i. c. 7.

L.t.de Natura Deor.

Serm- 10.

Dom. quadrag.

is. 3 c. 8.

lux. Les Payens avoient mis Helene, Castor & Pollux entre les Genies bien-heureux, & ils les faisoient presider à ces feux qui portoient leurs noms; peut, cltre parce que Castor 8c Pollux avoient autrefois dle associez aux fameux Argonautes, & qu Helene avoit aussi souvent traversé les mers, allant & re- venant de Troye peut-estre aussi d'Egypte.

XXI. Voici comme Seneque parle de ces Meteores de l'air dans ses questions naturelles : In magna tempestate apparent tjuaji jlellœ velo insidentes.

Adjuvari se tune périclitantes existimant Pollucis & Caftons numine. Caufaautem melioris spei est, qu'ad ;am apparet frangi tempestatem, & definerî: ventos.

Comme ces deux feux ne paroissoient que vers la fin le la tempeste, les Pilotes en prenoient un bon augure, & le perfuadoient facilement que ces - feux stoient des marques visibles de l'assistance invisible ie ces Dieux. On les nomme presentement les feux sinte Helene, & en quelques endroits de saint Pierre Se de saint Nicolas.

X X 11. Aristophane accuse Socrate d'avoir esté adorateur des Muss. Car voici comme il le fait parler : Diina apertè nosse vis negotia, sermone nec von colloqui cum nubibus, nostris Deabus, nÜi; ir: ¡/,CMIJ: 7tuç .w:\:stj ¿,Iw.::-. &c. Nubes venerande Oeæ.

filguratis & tonatis draper. Mais tous les Ecrivains ont reconnu , que ce n'estoit qu'une pure calomnie , dont Aristophane corrompu par les adversaires de Socrate, vouloit le noircir. Les Payens formoient la mesme accusation contre les Juifs, avec autant d'injustice. Car voici comme en parle Juvenal ,

Quidam Jorttii metuentem Sabbat a patrem, - Nil prêter nubes C Cdt numen adorant.

On découvre dans ces paroles le fondement ridicule d'une si injuste accusaction, qui rejalissoit aussi sur les Chrestiens. Car Tertullien témoigne que les

L, i- c. 1,

nNnbiùus,

Sat. 14,

A^olog. Z4«

Payens nous accusoient aussi du culte des nuées : Alius si hoc putatis » nubes numeret orans , alius ¡acu7'.

naria. Il est visibe que ces frivoles accusations n'a voient autre fondement, que la coutume des Chre- stiens & des Juifs , & apparemment aussi de Socrate, d'avoir les yeux élevez au Ciel en priant. Cice- ron néanmoins semble faire connoistre, que les Romains adoroient les nuées & les tem pestes : Qupd si nubes retuleris in Dcos, referendæ certè erunt tempefiates, quæ populi Romani ritibus consecratæ Junt. XXIII. L'Iris ou l' Arc-en-Ciel est un des plus admirables Meteores de l'air. L'Ecriture en a fait reloge, Vide Arcum & benedic eum , qui fecit eum ; valdè spectosus in decore suo; gyravit Cælum in circui- tu gloriæ suæ. Manus excesi aperuerunt eum. Platon au rapport de Plutarque dit, qu'on la faisoit fille de Thaumas, à cause de sa beauté merveilleuse. Plato ait homines genus ejus deducere à Thawnante, quod eam admirarentur. eœu,u.av, admirari. C'd1: Heftode qui dans sa Theogonie a fait Iris fille de Thau- mas & d'Electra. Ciceron est de mesme avis que Platon, Cur autem arens species non in Deorum nu: mero reponatur ? Est enimpulcher , & ob eam causam quia speciem habet admirabilem, Thaumante dicitur ejJe nata. 4 XXIV. Les Poètes la font la messagere de Ju- non , Nuncia Junonis, Parce qu'elle nous fait connoistre quelle fera la disposition de l'air, qui est entendu fous le nom de Junon. Dieu mesme dans la Genese donne cet Arc celeste pour marque qu'il n'yauroit jamais de deluge. Cum obduxero nubibus C&lum -, apparebit arcus meus, d" non erunt ultra aqult dibevij ad delendarn universam carnem. Quoi-que cet Arc merveilleux ellt pu paroistre aux , temps , qui precederent le deluge ; il ne parut nullement lors du deluge , tout le Ciel estant alors entièrement couvert de nuages tres-épais où l'Arc-en-Ciel ne

L ;. denat.

D tant m.

Ecclejïafiic C. 3. V. Z. 3

Plut.depla cit. Philos.

I. }• c. s.

L J, de NI.

titra Duor.

Ctn. c. p.

pouvoit paroistre , parce que les belles couleurs ne e peuvent étaller que sur un nuage leger & subtil.

Vmti ce fut un figne naturellement propre à figniier qu'il n'y a point de deluge à craindre. Car quoique dans l'endroit qui est absolument couvert de luages, on puisse avoir quelque apprehension ; aux xtremitez de ces lieux les nuages venant à se rareier & à s'éclaircir , l' Arc-en-Ciel y paroist , & lonne une assurance certaine, qu'il n'y a point de leluge à craindre.

XXV. Servius remarque que Mercure & Iris estant les messagers des Dieux, les messages de Mercure tendent toujours à la concorde, & ceux l'Iris vont toujours à la guerre & à la discorde,d'où ui est venu le nom d'Iris. Ex magna,parte servant 4t Mercurius ad concordiam , Iris ad discordiam mit- atur ; unde & Iris dtfcia est , cjudji Ê'et. Ce Gramnairien dit fort bien , que ce n'est pas toujours qu'Iis excite les discordes , puisque sa premiere institu:ion fut pour annoncer le traité de pacification entre Dieu & les hommes.

X XVI. Quant à l'étymologie du mot d'Iris , Pl*aton en est plus croiable que Servius , quand il lit que ce nom vient d'î/pHc, dicere, annunciare ; parce qu'elle annonce le beau temps. Il y a mesme de l'apparence , que le nom Grec de Mercure , Epuûç, vient du mesme èipnv. Ce que Vossiu ajoûte n'est pas à omettre, que le nom d'Iris peut venir du terme Hebraïque Ir, ou Hir, qui signifie un Ange ou un Messager, & ce nom est donné aux Anges dans l'Ecriture à cause de leur vigilance. Car proprement c'est ce que ce mot signifie, Hir, vigil.

XVII. Il faut neanmoins confesser, que Servius s'est fondé sur Hesiode, quand il a dérivé Iris de e çjç , Se qu'il a dit que ses messages tendoientà la discorde. Car voici Ce qu'en dit Hesiode, Raro verò Thaumantis filia pedibus velox Iris , nunçi;

In L. j. Mneid.

Ver. 780)

CIlI-I)¡" versatur super lata dorsa maris , quando ltllJ te? > & contentio inter Deos orta fuerit. Mais Heiio.

de s'explique aussi ensuite un peu mieux que Servins, quand il ajoute que lorsque quelqu'un des Dieux a menti, Jupiter envoyé Iris pour apporter; de l'eau du Styx, & faire jurer le menteur sur ces; eaux formidables. Et sanè quisquis mentiatur c&U~* fies domos tenentium , Fupiter tum îrim mit tere solet,, Deorum magnum jusjurandum ut ferat è longinquo ¡ni aurco vase aquario , &c, Ainsi le message d'Iris suppose à la vérité quelque discorde, mais il tend à la pacifier.

XXVIII. Stace semble insinuer une autre raison de faire Iris la Messagere des Dieux ; sçavoir sa situation, qui touche d'un colle au Ciel, & de l'autre à la terre :

Paret jujfîs Dea clara, polumque Linquit, & in terrtU longo fufpenditur arcu.

XXIX. On peut encore rapporter à l'Air , le Jour, la Nuit, l'Aurore, que les Poëtes ont aussi deïfiez, & que les Payens adoroient. Hesiode dit dans sa Theogonie que du Chaos sortirent Erebus & la Nuit , & que de Erebus', qui est apparemment les tenebres , ôc de la Nuit nâquirent j £ ther , & le Jour. On sçait que selon la Genese la Nuit preceda le Jour, ainsi le Jour naquit de la Nuit.

Ovide nous apprend qu'à Rome on facrifioit un coq à la Nuit. La raison en est visible.

Nofte De A NoBis cri fia tus ctditur aies.

Qugd tepidum vigili provocet ore diem.

Il semble que lliAlIsta des Romains, & Leucothen des Grecs ayent esté l'Aurore.

Thetai. 1.

10. v. 84.

O vid.\l. 1.

Fa/I.

CHAPITRE XV.

Du Culte des Plantes, des Bois, & des Arbres.

T. Sites Egyptiens adorèrent les plantes de leurs jardins.

II. Preuves qu'ils tomberent dans cet excès.

III. Les Arbres & les Bois furent aussî reverez comme des Temples ou comme les torps de quelques Divinité avivantes £ /» intelligentes. 1

IV. Ce sentiment est prouvé par les Poëtes mesmes.

V. Comment la pente naturelle du cœur humain à chercher le vray Dieu, s'arreftoit à ces objets sensibles.

VI. Cette fuperjlition ne pouvait eflre que fuperfictcllc, estant si contraire au fond de la nature. Aujft cedoit-elle dans les ocCllpOiH.

V 11. Diverses remarques sur le culte des Bois.

V 111. Les Fleurs furent honorées font le nom d'Attis, si on en croid Porphyre.

I.

D

Es Astres & des Elemens il faut venir aux Plantes & aux Animaux, dont les

Payens & les Poëtes firent aussi des Divinitez. Ju- venal dit que les Egyptiens s'abstenoient des oignons & des porreaux, n'ozant toucher aux Dieux, qui naissoient dans leurs jardins :

- Porrum & Cepe nef as violare & frangers morfu.

0 fltnthu gentes, quibm hac nascuntur in hortis Nurnina.

Il se peut faire neanmoins que ce ne foit qu'une conclusion odieuse que Juvenal tire de l'abstinence des Egyptiens, quand il dit qu'ils adoroient ces Plantes. Plutarque dit bien que les Prestres Egyp- tiens s'abstenoient des oignons, mais il en declare toute une autre raison, qui est, que l'oignon échauf- se & allume la sois; ainsi il est contraire à la temperance & à la chasteté. Sacerdotes verò aversantur tir cepam, quoniam solum decrescente Luna vigeat & crescat. Neque usus ejm commodm est, vel exercen-

SM. IJ.

L, Delfide.

ttbpu clljtimoniam, vel dies fejtos celebrantibtts : tilts quitter# , qnia sitim ciet : his vero, quia lacbrymas movet.

II. Il faut neanmoins avoüer que Pline a estime qu'on adoroit veritablement ces herbes dans l'Egypte: Allium cepasque inter Ueos jurejurando habet Ægyptus. Le Poëte Chrétien Prudence a suivi Pline & Juvenal :

Sunt qui quadriviú brevioribus ire parali, Filia Niliacis vénérantur olufculain bortis, Porrum & Cape Deos importere nubtbm ausi > Iliaque & Serapim cœlo super astra locare.

Eusebe fait dire la mesme chose à Sanchunjathon, & rend le culte des Plantes bien plus étendu : At illi omnium primi terrœ germina consecrarunt ; iisque Veonitn loco habitis cultum tribuerunt. Toutes les histoires foit du temps moyen, soit de ces derniers siecles fontfoy que les Nations barbares ont esté addonnées à cette ridicule superstition.

III. Leur abrutissement nous rend la chose facile à croire. Mais comment pourra-t-on se persuader que les Grecs & les Romains ayent eu de la veneration pour les Plantes ? Comment Pline tournoit-il en ridicules les Egyptiens qui adoroient des oignons, si les Romains adoroient des Plantes ou des Arbres ? Et comment Juvenal exerçoit-il une censure si âpre contre ceux qui croyoient que leurs Dieux croissoient dans les jardins, si les Dieux des Romains croissoient dans les forêts? Pline démêle luy-mesme cette difficulté, en disant que si les Anciens avoient adoré des Arbres, ce n'avoit esté que parce qu'ils les regardoient comme des Temples de quelque Divinité. Aussi n'avoient-ils point alors ni d'autres Temples ni d'autres Idoles. De là vient la consecration de quelques arbres à des Dieux particuliers. De là viennent ces Divinitez dont les noms mesmes témoignent

L. ip. c, 6

Prtpar.Ev.

I. 1.

gnent qu'elles sont attachées à des arbres. Hæc fuerunt Numinum templa, prifcoque ritu jtrnpltcia rura etiammuc Deo prœcellentem arborem dicant.

Nec m agis auro fulgentia, atque d- ebore Jimulacra^ quàm lucos & mviis ipsa silentia adoramus. Arborum genera numimbus suis dicata perpetuò servantur, ut Jovi Ejèulm Apollini laurus, Minervœ olea, Vene- ri myrthus, Herculi populus. Quin & Sylvanos Fau- nepjue & Deorum genera silvis ac sua numina , tan- quam & cœlo attributa credimus.

I V. Ce témoignage de Pline nous montre évidemment que si les Romains au temps de Pline mesme adoroient les bois & leur silence , Lucos & in iis ipsa silentia adoramus; ce n'estoit qu'un respect qu'ils rendoient à quelque Divinité intelligente, ou à quelque Genie, qu'ils croyoient presider & mesme resider dans ces arbres. Ainsi c'étoit toûjours revenir au culte de l'ame du monde, ou des Intelligences, que les Romains croyoient estre les ames des parties diverses du monde, & des arbres, ou des Plantes mesmes. Festus rend le mesme témoignage des Dryades : Querquetulan* virœ putantur significari Nymphœ, prœsidentes querqueto virescenti ; quod genus silvœ indicant fuisse in- trœ portam, quœ ab co dia", sit Querquetulana.

Ovide joint plusieurs manieres ensemble pour allier les Divinitez aux bois.

Lucus Aventino fuberat niger ilicis umbra, Qm posses viso dicere, Numen ineft.

In medio gramen, mufeoque adoperta virenti Manabat saxo vena perennis Ilquæ.

Inde fere foli Faunus Picujque bibebant, Hue venit & Fonti Rex Numa mattat ovem.

Tu m Numa, Dij nemorum ,sa £ hs ignofiite nostris) Dij fumus agrestes, &c. &c.

Ce Poëte confond fous le nom de Divinité champestre , le bois, la fontaine, Faunus, & Picus. On

L. ii. c. l

Fast. lib. 3.

v. 2.95.

consulte cette Divinité , elle rcpona. '-'t: ium. uuav.

des Genies attachez aux fontaines & aux arbres.

Et quand ce mesme Poëte attribuë à un bienfait singulier des Dieux la metamorphose de deux personnes tres-innocentes en arbres, & qu'il ajoûte qu'ayant honoré les Dieux, elles estoient enfuite honorées à leur tour, ne montre-t'il pas que les Genies de ces deux personnes vi voient & residoient dans ces arbres :

E quidem pendentia vidi Serta sùper ramos, ponenfqne recentia, dixi , 1 Cura pij Diii fùnt, & qui coluere, coluntur.

- 1

Il le dit encore plus nettement un peu plus bas, quand il parle d'un impie violateur des bois sacrez, & d'un grand Chesne, qui faisoit luy seul un bois; fous lequel les Dryades prenoient souvent leurs innocens divertissemens. Car ce Chesne ayant esté frappé d'une hache par cet audacieux , declara que c'estoit une Nymphe qui logeoit dans cet arbre, & qui mourroit en mesme temps que l'arbre, mais que sa mort ne demeureroit pas impunie.

A Ille etiam Cereale nemus vtolajje jecun j Dicitur, & lucos ferro semerasse vetustas. jj Stabat in his ingens anncfo robore queteus, ; Vna nemus : vitu mediarn) memorefque tabell," Sertaque cingebant, Doti argumenta potentis. < Sapé fitbbac Dryades fefta* duxere chortas. &t. i Repstitaque robora c&dit » Editas è média sonus est cum robore talis ; Nyrnpha sub hoc ego fum Cereri gratifima ligna j QIM tibi faftorum pœnas inflare tuorum Vaticinor moriens , nostri folatia lethi.

Il parle ailleurs d'une mere changée en arbre , qui desire que son fils ne touche jamais aux arbres ; mais qu'il les regarde tous comme les corps de quelque Nymphe, pour ne faire pas la mesme faute & ne souffrir pas la mesme peine qu'elle.

Mettmn.

I.v. 7io.

Ibid-V - 17 e -

L''V'380.

cunique toque poterlt matrem facitôte jalutet, Et triflis dicat , Utet hoc fab fiipite mater, , Et frutices omnes corpus putet cffe Dearum.

Virgile dit qu'au mesme lieu, où fût depuis le plus superbe de tous les Temples , cest à dire le Capitole à Rome, il y avoit eu autrefois un bois, tout autant respecté ,.où Jupiter habitoit, & où l'on troioit l'avoir vû.

Jarn tum religio pizJidoJ terrebat agrestes, Dira/nei, jam tum fylvAm faxumque timebant, Hoc nemus, hune, inquit , frondofo vertice collem » Qui s *2) eu s incertum est, habitat Deus. Arcades ipsum Credunt si vidijfe Jovem > curn j£pè nigrantern Ægida conctlttret dextrâ &c.

Horace voüa un Pin à Diane, auquel il s'engagea ie faire un sacrifice annuel.

Àiontimn euflas, nernorurnque virgo &c.

Imminent villæ tua Pinus esso > am per exaUos ego Utus amnos, Vtrris obliquum médit amis iilum, Sanguine donern.

Ce sacrifice rendu à l'arbre auparavant consacré à Diane, estoit rendu à Diane mesme, qu'on croioit u resider ensuite dans cet arbre, ou y presider.

Aussi sacrifioit-on des pourceaux à Diane à cause les chaires. Il en faut dire autant de cet endroit de Stace, où il dit qu'aiant consacré un arbre à Diane , devenoit une Divinité par le culte qu'on lui renoit, comme au Temple ou au corps, ou au symole de Diane :

Nota per Arcadias felici robore fylvas Quercus erat. Tnvia quam defacraverat ipft Elefàam tttrba nemontrn ; numenque colendo Fectrat.

V. Voilà quelles estoient les pensées, ou des leuples), ou des Poëtes sur ce sujet, La grandeur Ôc

ÆneiJt, 8.

L.j.Od. iz.

Tkeb'ii. 1.

9. v.

l'antiquité des arbres, l'étenduë & la beauté d forests, l' obscurité, la solitude & le silence do noient en mesme temps de l'admiration, du re pect, & de la fraïeur à l'esprit des hommes.

mesme temps le fond de leur nature & de leur cor cience les portoit secretement à Dieu, comme Î seul veritable & suprême objet de nostre admir tion , de nos respects & de nostre fraïeur ; & con me possedant en lui-mesme une infinie grandeu une antiquité, une étenduë, & une beauté , u unité, un silence, & une solitude ineffable, & inf niment élevée. Enfin la corruption de la nature p le peché les portoit à ne chercaer leur bonheur, à ne chercher Dieu mesme que dans les choses se libles. De ce mêlange il naissoit un culte monstres qui cherchoit Dieu, mais qui le cherchoit dans f ombres, qui s'attachoit à elles, non comme ses ombres, mais comme à lui-mesme. La conv ction neanmoins de la raison qui n'estoit pas éteir te, les forçant de voir la disproportion & l'incom patibilité évidente de la grandeur de la Divinité, de la petitesse du plus grand arbre du monde ; 1 se formoient de petites Divinitez, & des Genie cachez fous des arbres , ou animant des arbres, o presidant à des arbres. Car ce sont les trois mani res, qui ont eite touchées d'expliquer ce culte; o faisant resider les Genies dans ces arbres comm dans leurs corps , ou comme dans leurs Temples ou en les y faisant presider feulement exterieure ment , comme à des choses qui leur estoient confa crées & appropriées.

VI. Mais comme la superstition ne pouvoi avoir infecté que comme la surface de l'ame, qu portoit dans ses plus profonds replis des idées de 1; Divinité tout autres que celles qui pouvoient convenir à des arbres & à des forests ; delà vient qu< dans la necessité , ou dans les besoins un peu pref-

lans, on méprisoit ces taux prejugez, ce on agissoit sur d'autres principes. C'est ce que Lucain a admirablement exprimé, quand il a parle du bois sacré que Cesar fit couper dans la necessité de la guerre.

Lucus erat , longo » nitnquam violatus ab tvo &c.

Medio curn Pbœbns in axe est, jiut Cdtlum nox atra tegit , pavet ipse Sacerdos Accessits, Dorninnmque timet deprehendere luci.

Cesar commanda à ses soldats de couper ses arbres, & voiant qu'ils n 'osoient & qu'ils craignoient que leurs haches ne se tournassent contre eux mesmes ,

Motique verenda Jtfœieftate loci si robora sacra firirent, In [ua credebant redituras membra feenres : -

II commença & fut suivi, non que les soldats eussent cessé de craindre leurs Dieux, mais craignant plus Cesar que leurs Dieux :

Tune paruit omms Imperiù, non fil blato fecurapavore 1 Turba , fed expenfa Superorum & Ctfaris ira.

On attendoit quelque chaltiment exemplaire d'un si grand attentat, mais de telles Divinitez sont plus redoutables aux malheureux qu'aux coupables.

Servat rnultos fortuna nocentes, Et tctnthm miferis irafei numina possunt.

D'où il paroist fort clairement, que la creance superstitieuse de ces ridicules Divinitez se dissipoit facilement, & faisoit place à des affections ou à des interests plus solides , quand l'occasion s'en presentoit.

VII. Tite-Live raconte l'ambassade des Romains vers les Eques, & la protestation ou le serment qu'ils firent par un vieux chaisne & par tous les Dieux : Et hœc sacrata quercus , & quidquid Deo- rum est, audiant fœdus à vobis ruptum &c. C'estoient apparemment des arbres fort grands & fort vieux, qui furent reverez, comme le laurier de Daphné

L. S. v.

400.

r. |. e. tf.

prés d Antioche, le chaisne de Dodone, & l'olivier d'Athenes ; demesme que le terebinte fous lequel Abraham tendit son pavillon , donna so nom au lieu. A pian faisant l'histoire des guerres de Mithridate, n'a pas oublié le fonge qu'il eut, accompagné de menaces, s'il continuoit de faire couper les arbres d'un bois sacré pour ses machines de guerre ; Minaci sommo jujfus ejiakftinere a sacris arboribus &c.

Cesar dont Lucain vient de parler n'estoit pas susceptible d'un tel songe; au moins il est à croire qu'il n'y eut pas deferé , sçachant bien que ce n'est qu'un jeu des images precedentes, dont nostre esprit est rem pli. Il faloit que le culte des arbres & des bois fut bien ancien dans l'Orient, puisque Dieu ordonna si souvent aux Israëlites , de couper tous les bois, & de renverser les statuës des fausses Divinitez des Cananéens : Confringe statuas lucosque succide ; & qu'il leur défendit à eux- mesmes d'en planter , Non plantabis lucum. Ces Idolatres avoient mesme des Values, des bois qu'ils adoroient, d'où vient qu'il est dit du Roi Manasses , Pofttit quoejue Idolum luci. Et de J aGas qui fit enlever ce bois hors du Temple & le fit brûler : Et efferri fecit lucum de domo Domini , foras Jerusalem & combussit eutn ibi.

C' estoient vrai-fem blablement des representations d'un bois sacré , comme il est dit dans les Actes des Apostres , que l'Orfévre Demetrius faisoit des petits Temples d'argent à l'imitation du Temple de Diane à Ephese , Faciens Ædes argenteas Dianæ, præstabat artificibus non modicum quæstum. Aussi dans le vieux Testament on rencontre souvent les bois & les idoles ensemble , parce qu'il y avoit aussi des representations des bois. Joseph proteste au contraire, qu'au Temple de Jerusalem , il n'y avoit ni idoles , ni bois, ni dons attachez : Stmulacrum vero aut aliquod anathema ibi nequaquam rjf. nec ulla planta- tio. Nullus ibi veluti lucus, Aut aliquid hjtjzfmodi-

Txfd.c. 34.

v IJ.

D enter on.

(. 7. V. 5& c. 16. v.

7. t L. 4. Reg. r.

21-V. 7.

C.13.V. 6.

C. ï~-u.14..

t. i- contra Appion.

Les dons qu'on vouoit ce qu'on attachoit aux Temples , estoient ordinairement des reprefentarions, qui devenoient perilleuses par le peu de discernement que les Idolatres en faisoient d'avec le Dieu mesme , à qui elles estoient offertes. Ainsi.

comme ces petits Temples de Diane estoient apparemment des vœux & des dons qu'on faisoit au Temple fameux de cette Deesse à Ephese, il est aussi à croire que ces idoles des bois dont il a eite parlé, estoient de semblables dons, ou des vœux.

Pline remarque que les Druides, qui estoient les Mages des Gaulois , Ita sisos appelant Magos : avoient une grande veneration pour les chesnes , puisqu'ils en tiroient leur nom selon la langue Greque , & qu'ils faisoient tant d'estime du Gui, de la Glu, ou de la Gomme, qui en vient. Rien n'estoit plus saint parmi eux, que cet arbre & cette gomme, tant les hommes ont l'esprit petit, dit Pline. & tant ils sont portez à des superstitions ridicules : Tanta gentiurn in rebus rlivolis plerurnque religio est.

Seneque le Philosophe dit qu'à la vûë d'un bois bien haut & bien épais, d'une caverne profonde ôc sombre, mais sur tout de la source d'un grand fleuve & d'un grand lac , nous ne pouvons nous empécher d'entrer dans des sentimens de veneration & de respect, pour la grandeur de ce Dieu , donc les moindres ouvrages sont si grands ; mais qu'il seroit; bien plus juste de concevoir des mouvemens encore plus vifs de la presence de Dieu , quand un hom- me de bien se presente à nous. Car la pieté, la constance , & le mépris de tout ce qui est perissable, sont des preuves bien plus sensibles, qne" Dieu est present, & anime ces grandes ames. Si occurrent lucus, fluminum capita &. animum tuum quadam religionis suspicione percutiet. Si bominem videris interritum periculis , intactum cupiditatibus , inter adversa fælicem, ex saperiore loco homines videntem,

L■ 16 c.44.

41.

ex aquo Deos : nm subit te veneratio ejtts ? Non di.

ces » Ifiares major efi Altiorque, quàm ut credi similis huic, in quo efi corpufculo possit ? Vis istuc divina descendit.

- VIII. Eusebe nous fait connoistre que Porphyre avoit écrit un livre des Allegories de la Theologie des Grecs & des Egyptiens; il en rapporte mesme beaucoup d'endroits. Attis signifioit à son avis les fleurs du Printemps, qu'on coupe avant les fruits. Le nom revenoit à peu prés à ârr.®, qui signifie une fleur. C'est ce que Porphyre pretendoit estre signifié par la mutilation d'Attis. Saint Augustin reconnoist aussi que c'estoit l'explication que Porphyre donnoit à cette fable : Propter vernalem quippe faciem terrae quæ cæteris temporibus efi pulcrior, Porphyrius Philosophus nobilis Atyn flores significare perhibuit ; & ideo IlhfèiJTum quia flos decidit ante fructum. A cet exemple du culte du Printemps & des fleurs on pourroit en ajoûter une infinité d'autres.

CHAPITRE XVI,

Du Culte des Animaux.

I. Saint Clément d' Alexandrie reprochoit aux Grecs, que leur culte pour des hommes impies ejloit encore plus impie que le culte des Animaux dans l'Egypte.

II. Athenagore reprochoit aux Egyptiens, que les Dieux adorez, dans une ville efi oient tuez , mangez & immolez dans les autres vi lles.

III. Saint Athttnafe conclud de cette contrarÍeté, la vanité de ces Dieux.

JV. Commencement & progrés du culte des Animaux.

V. Les Poètes mesme ont detejlé ces DieuxVI. Les explications mysterieuses n'en pouvoientpoinf efire [apport ables.

VII. Comment les Dieux se cachercnt fous les corps des ht (les. Si ces Animaux fiderez m Egypte est oient les Çonft¡¡If" tions ffleftçf. •

Prtp.ir.l. 3.

C vit. I. 7.

c; if.

I.

s

Aint Clement Prestre d'Alexandrie faisoit ce juste reproche aux Grecs , que leur

Religion estoit beaucoup plus insoûtenable que celle des Egyptiens, pour lesquels ils n'avoient que du mépris, puis qu'il estoit moins dangereux d'adorer avec les Egyptiens des bestes déraiionnables, mais innocentes; que de reverer avec les Grecs des hommes raisonnables, mais chargez de toutes fortes d'impietez. Quanto melius Agypt «Y qui vicatim & per oppida bruta coluerunt animantia, quàm Graeci , qui tales Deos adorant ? Illa enim etsi sint ferae, non sunt tamen adultera, nec stupor aut fornicationi dedita. Aprés cela ce Pere fait le dénombrement des poissons & des autres Animaux qui estoient honorez en Egypte, les uns en une ville , les autres en une autre. Mais il revient aux Grecs, & leur fair voir que leur Nation toute spirituelle qu'elle se pensoit estre,ne laissoit pas d'être tombée dans un abbrutissement assez grand, pour adorer des bestes. Vos autem qui efti-çf i om- nino meliores , vereorautem dicere deteriores, qui non cessatis Ægyptios ridere quotidie , quales tftis in bruta animantia ? Ex vobis Ttieffah ciconias honore af- fecerunt, propter consuetudinem. Quid vero ; an Tbcfsali dicuntur colere formicas, quoniam didicerunt lovent assimilatum formica, coiisse cum Eurymedusa filia Cletoris, & genuisse Myrmidonem ? Enfin ce Pere passe aux Pheniciens de la Syrie, qui adoroient les colombes &: les poissons.

11. Athenagore disoit qu'il ne falloit pas s'é- tonner si les Egyptiens adoroient comme des Dieux ceux dont ils venoient de pleurer la mort, puis qu'ils estoient assez insensez pour adorer des bestes, & pour vouloir nous forcer d'en faire autant, quoy que parmi eux ces pretei-idtiës Diviiiitezqtii estoient honorées dans une ville, fussent un sujet de risée

Admonit.

ad Gentes.

fag, 15.

In Le rut.

pro Christ.

& de mépris dans toutes les autres. Plangunt tan- quam defunctos, & rursum sacrificant tnquam Diis.

Sed hoc mirum non est in illis qui etiam in bestias bonores divinos conferant. Ergo si nos impietatis postu latnur, quod non communes cum ipsis cultus exercea- rTms, omnes codem nomine civitates gentesque impia fuerint. Non enim omnes eosdem Deos 'lIeneran!ur.

Nous ne pouvons nier que les Pheniciens, les Egyptiens & les Grecs n'ayent esté les Nations les plus spirituelles de l'antiquité, Çc que toutes les sciences humaines n'ayent esté premierement cultivées chez eux, & que ce ne soit originairement d'eux que nous les avons empruntées. Je laisse à juger aprés cela au Lecteur quelle estime nous devons faire de nous-mesmes ou de nos sciences , si les plus spirituels d'entre nous, & si les premiers maistres de toutes nos sciences ont vêcu dans un aveuglement & un abrutissement si effroyable.

111. Saint Athanase remarque que ce qu'il y avoit de plus étrange, estoit l'extravagante bizarrerie de ces peuples voisins, dont les uns adoroient ce que les autres deteftoient : les uns adoroient comme leurs Dieux les bestes que les autres sacrifioient comme des hosties; d'où il naissoit des inimitiez , des combats & des guerres tres - cruelles entre ces Nations voisines , dont les unes sacrifioient & mangeoient les Dieux des autres. Si ces peuples eussent esté moins déraisonnables , cette contrarieté de leurs superstitions leur ellt esté une leçon salutaire, & une entiere conviction de leur fausseté. Ainsi l'erreur mesme eût servi à les dé- tromper , en leur faisant éprouver que le mensonge se détruit lui-mesme, que n'ayant rien de solide , il ne peut imposer qu'à un petit nombre : & qu'il estoit bien plus juste de preferer tant de Nations qui méprisoient ce qu'une feule adoroit, que d adorer avec une feule Nation ce qui faisoit le su-

jet du mépris ce de la deteltation de toutes les autres. Car quoique ces autres Nations adorassent d'autres bestes, elles avoient chacune la leur, & par cette division elles montraient que tout ce culte estoit impie & contraire au sens commun du genre humain ; chaque homme pouvant tomber dans quelque erreur, mais n'y ayant point de mensonge qui puisse égaler les forces de la verité, en s'assujetissant tout le genre humain. Apud alios adoratus Crocodilus, apud alios abominationi habetur. Ac Let) alicubi ut numen cultus, à collimitaneis non solùm non CQlitt,y-. sed deprehensus, ut bellua neci datur i idem que piscis alicubi in numen dedicatus est, alibi hamo capitur. Hinc illis, bella, seditiones, (fr nulla non cædium causa. Denique quod mireris, Pe- IAMi, ut historici volunt, cum aJ, Ægyptits disciplinam religionis hauserint, ne nomina quidem eorum numinum, qua apud Ægyptios 1 npret1 ofùnt, cognita habent , sed planè diversa ab illis colunt.

1 V. Cette observation de saint Athanase merite un peu de reflexion, sçavoir que les Grecs ayant pris leur religion des Egyptiens, ils ne connoissoient feulement pas les noms des Dieux de l'Egypte. La raison en est à mon avis, comme on le peut juger de ce qui a esté dit dans le premier Tome , que les Grecs emprunterent les lettres & la Religion des Egyptiens au temps que les Egyp- tiens n'adoraient encore que les Astres, n' estant point encore tombez dans le culte des Plantes ou des bestes. Comme en effet il ne nous paroist pas par les Ecritures , que les I sraélites;, quand ils tomberent dans l'idolatrie, ayent jamais rendu des honneurs divins aux Animaux. Mais après avoir une fois abandonné la verité éternelle du vray Dieu de qui l'ame raisonnable est naturellement éclairée, après avoir une fois rendu à la creature les honneurs qui ne font deus qu'au Createur, il a esté

Orat. cont.

Gentes.

impossible qu'on ne soit descendu par degrez dans le plus profond abîme de l'erreur & de l'impieté, & qu'on n'ait rendu à toutes les créatures les respects qu'on pensoit pouvoir rendre à d'autres qu'au Createur. C'est ce que saint Athanase insinuë dans la suite du mesme discours : Pr dicam compendio, omnium idololatrarum gentium dissimilis est religio, & existimatio. Quod non immerito illis accidit. De- lap si enim à cognitione unius Dei, in multa & divor- sa sese præcipitu dederunt; aversatique veri Patris Verbum Servatorem omnium Christum, non injuria mtntem habent ad alia, atque ait a fluctuantem. Et un peu plus bas : Quippe cum qui apud altos sunt Dy , aliorum Diis pro victimis mactantur, ac libamina fiant; & rursus qutl, istic funt victima, alibi Deorum vicern & locum obtinent. Les Grecs qui n 'eu- rent point d'abord de ces Divinitez, en eurent dans la suite , comme saint Clement vient de le remarquer ; & les Israëlites fussent tombez dans ces mê- mes excès d'extravagance, si leur idolatrie eût esté longue. Mais comme ils se relevoient bien-tost par l'assistance extraordinaire que Dieu leur donnait, ils ne descendirent pas tout à fait jusqu'au plus profond abîme où les Grecs, les Egyptiens, & les Pheniciens mesmes estoient tombez. D'où vient que saint Paul parlant de tous les fages du monde, on sçait que c'est la qualité dont ces trois Nations s'estoient le plus piquées, dit generalement, que par une juste peine de ce qu'ils avoient abandonné Dieu, qu'ils n'avoient pu ne pas connoître, ils estoient tombez dans un aveuglement si déplorable, que d'adorer des serpens, des oyseaux , des bestes à quatre pieds , & des hommes. Dicentes se esse sapientes, stulti facti sunt , & mut averunt glo- riam incorruptibilis Dei tn similitudinem imaginis corruptibilis hominis» & volncrum & quadrupedum & ferpeminm.

Ritn. i.

V. Quand Virgile décrit la bataille Actiaque, & que selon l'idée des anciens Poëtes , il range de part & d'autre les Dieux en bataille ; il nous fait voir dans cette importante conjoncture , quels sentimens avoient les Romains des Dieux des Egyptiens.

Regina in mediis patrio vocat agmina jîftro > &ç.

Otnnigenumque Deum monfira & latrator Antbú, Contra Neptunum, & renerern,contraq; Mïnervam Te la tentnt.

Properce parlant de la mesme Cleopatre en avoit dit autant.

AUfà Jovi noflro latrantem opponere Anubim.

Les Dieux des Egyptiens paroissoient donc monsfreux aux Romains, les Egyptiens n'eussent-ils pas pu leur opposer, comme faisoit ci-dessus saint Clement d'Alexandrie, que leurs Dieux estant les mesmes que ceux des Grecs, estoient encore plus monstreux que ceux d'Egypte , puisque l'adultere est encore plus inalliable avec la Divinité, que la nature des bestes, qui en est au moins un vestige ?

C'est ainsi que l'impieté se couvroit elle-mesme de la juste confusion qu'elle meritoit, & le mensonge se combattant lui-mesme rendoit unilluftre témoignage à la verité.

On peut faire la mesme réponse à Juvenal, qui prononce la condamnation des Dieux de la Grece & de Rome, en faisant le procès à ceux de l'Egypte :

Kuts nefeit, volufi Bithynice , qualia demens Ægyptm portenta colat ? Crocodilon adorat P4rs hæc , illapavet faturam ferpentibus ibin.' Effigies sacri nitet anrea Cercopitheci.

IUic cæruleos , hic pifeem fluminis, illie Oppida tôt a canem venerantur, nsmo Dianam*

Il décrit après cela les inimitiez immortelles de ces peuples les uns contre les autres, à l'occasion de la diversité de leurs Dieux :

Inter ifnitirnos vetps atque astiqua fimnltas »

JEneid. 1.8.

L. 5.

Sat. IJ.

Immortalè odium & wentptam fanabile vtdnus ; jirdet adhuc Ornbos & Tyntyra ; fammtts utrimqüe Ii/de fuYor vulgo, cjuod numina vicinomm Odu uterque locus , ckm solos credat habendos Effe Deos , quos ipse colit.

C'estoit sans doute avoir porté l'extravagance jusqu'à son comble, que den venir à ces extremitez pour des Dieux de cette nature. Mais il le faut dire encore une fois, les Dieux de la Grece & de Roteie estoient encore plus détestables, puisque le crime est toûjours un mal, &. le seul vrai mal, au lieu que la nature des bestes en: en bien, & quoi-que ce soit un des moindres biens, c' est toujours une trace & une image imparfaite du souverain bien. La religion Chrestienne tira un grand avantage de cette si - tuation du monde lors qu'elle commença de paroitre : toutes les nations du monde convenant unani.

mement qu'il y avoit quoique Divinité, & toutes les mesmes nations du monde excepté une, coave-»nant que ce n'estoit ni celle des Egyptiens, ni celle des Grecs, ni celle des Romains, j'ai dit excepté une, parce que les Dieux de chaque nation estoient detestez de toutes les nations du monde exceptée elle feule. Ainsi le commun consentement des Idotfatres condamnoit l'idolatrie, rejettoit tous ces faux DieoOt) & se dedaroit pour une Divinité qui gou- vernast le monde sans aucun mélang e de ces imper- sections, que chaque nation lui attribuoit.

VI. Quand Cesar se fût rendu maistre de l'Egypte, Lucam dit qu'on le traita magnifiquement, & qu'on couvrit sa table de plusieurs Dieux de FEgypte. - - -

- Non mandante famé malt as tfolHcrejque ferajque SEgyptij tofuere Deds. - -.-

Cesar ne laissa pas de s'informer d'un Preltre d'E gypte, de la nature & de la forme de leurs Dieux :

Vulgiqm edijfere mores t

L. jo.v.

Ij8-

Et ritus fÕrmaJque Deurr, , quodcunque vetujtis înfculptum eftadytis profer, nofcique volent es.

Prode Deos.

Lucain insinüe que les Egyptiens donnoient des explications mysterieuses à toutes ces bestes, ou à ces figures de bestes qu'ils adoroient. La censure pourtant qu'on en faisoit, ne laissoit pas d'estre tresjuste, tant parce que les symboles mesmes de la Divinité devoient estre plus honestes, que parce que les Dieux dont ces animaux estoient les sym- boles , n'estoient eux-mesmes que des corps & des creatures; & enfin parce qu'il ne faloit pas rendre à des symboles ou à des creatures le sacrifice & les autres honneurs qui ne sont dus qu'à la feule veritable Divinité.

VII. Ovide raconte la fuite des Dieux jusqu'en Egypte lors de la guerre des Geans , & comme Typhoée les aiant poursuivis, ils se cacherent fous la figure de diverses bestes;

Cunttofque dedijfe Terga fagit, donec feffos zsEgyptia tel lu s Ceperit. &c. Hitc venisse Typhoëa narrat » Esse mentitis Superos celaffe figuris.

Duxque S refis} dixit , fit Invite, &c.

Le reste a esté rapporté ci-dessus. Ce Poëte parle encore ailleurs de ces mesmes Dieux d'Egypte, & commence par Isis : -

Inerant Lunaria fronti Corntta 3 cum fpicis nitidofiaventibus auro > Et regale decus ; cum qua latrator Ambis, Santtaque BubajÎis , variifque coloribus 4pis , - que premit vocem digitoque Cilentia fùadet.

Ce dernièr qui prescrivoit le silence , aiant le doigt sur la bouche, estoit le Dieu du silence , Harpocrates. Ce silence regardoit apparemment les explications mysterieuses de ces Divinitez d'abord surprenantes. En parlant des Astres, nous ayons rappor-

Metam. 1.

f. T. 32.0.

L. j. c.

v. 4.

L.j.v 68f.

te le témoignage ae Lucien, qui déclaré que cétoient les animaux du Zodiaque & des autres Constellations , que les Egyptiens avoient première- ment peint dans les Cieux , ou dans leurs Spheres celestes , & dont ils avoient voulu ensuite avoir dés images sur la terre dans ces mesmes animaux, dont ils pretendoient que la nature tenoit de la nature de ces Constellations & de leurs impressiotis sur les choses sublunaires. Nous avons dit aussi qu'il est probable, que cette fable de la fuite des Dieux en Egypte, & de leur transformation en animaux, n'a esté qu'un déguisement de cette attribution que les Astronomes avoient faite de la figure de ces animaux aux Constellations , & des Constellations aux Dieux , c'est à dire, aux Intelligences celestes.

Mais quoique l'origine en eust esté telle , les peuples grossiers ne laisserent pas de s'attacher entièrement à ces animaux, ou à leurs statues, & d'élever tresrarement les yeux de leur esprit vers les Cieux & les Intelligences Divines qui les meuvent & les gouvernent. Ainsi les autres nations avoient un juste sujet de lescenfurer , & ce n'estoit pas à tort que les Chrestiens interpretoient au plus mauvais sens leur idolâtrie, puisque c'estoit le sens du vulgaire, & que le sens le plus relevé des sçavans & des Prêtres n'estoit toujours qu'un culte impie rendu à la creature.

CHAPITRE XVII.

Suite du mesme sujet, du Culte des animaux.

J. Diverses remarques d'Herodote sur le culte des animaux en Egypte. Preuves qu'ilefiou referé à une Divinité, à qui ces animaux efloient consacrez.

Il. Ainsi ç'eftoimt frtfyut les mesmes Dieux de la Grt".

f il.

III. Un confirme ce qui a ejte ait par Strabon.

1 V. Et par Diodore de Sicile. Diverses raisons du culte des Animaux en Egypte.

Y. Plutarque déclaré pourquoy on y honoroit le Chien, ou ^Mercure foiu ic non; du Chien. D'Anubis.

VI. JI du qu'ayant donné les noms des Dieux aux Animaux on ter, oit de leur liberalité, on creut ensuite qu'ils efioient rJes Dieux mtfmes.

VII. Il en arriva autant pour les fiatues parmi les Grecs.

t V 111. On honoroit les Animaux comme des symboles de ta Divinité1 X. Ce funt en effet d'excellens symboles des perfections dih¡tS, X. X I. Sentïmens de Lucien & d'Elien. Des No.bes , qui hdoroient les ChiensXII. Ces honneurs n efioient rendus aux Animaux qu'a taule .1.: leur tI/tllté.

XIII. Des bœufs Apis & Mnevú.

X I V. Du Boite Mendes.

X V. Du culte des Souris.

X V 1. Si la transfiguration des Dieux d'Egypte en ani7itX vint de l'allusion des noms.

XVII. Des Oracles des Animaux.

X V111. Les Narrations qu'on faisoit du culte fuperfiitieux les Egyptiens , efioient peut-eflre un peu outrées.

I.

A

Prés avoir rapporté les saints Peres & les Poëtes , il faut venir aux Historiens

c commencer par Herodote , qui dit que les Egypiens furent les premiers qui firent des statues , & ni gravèrent des animaux sur des pierres : Primos m¡ddCi't statuisse , quin etiam animalia in saxis sculfisse. Il dit que les Egyptiens ont des Dieux diffeens les uns des autres, & ne conviennent tous n'en Isis & Onris , qu'on estime estre Bacchus.

on eosdem Deos colunt ÆgJPt prater Isidern & Osiim, quem Bacchum esse aiunt, hos universi colunt.

Qu'ils representent Jupiter avec une teste de beer, parce qu'Hercule estant passionné de le voir, upiter se montra à luy avec une teste de belier.

andem exoratus, hoc commentus sit, ut amputato rietis capite , ita si fisrmli ostenderet. Ce qui

L. 1. C. 4.

4L, 46.

montre anez clairement que ces nguies cie ur,:; - tes n'estoient que des symboles , pour rendre: la Divinité visible aux hommes , qui ne pour-roient la voir en elle-mesme. Il dit encore plus: bas, que Pan est un de leurs grands Dieux, 8c\

qu'ils le representent comme un bouc , quoi qu'ils: scachent fort bien qu'il est semblable aux autres- Dieux. Pingunt caprina sacae hiremsque criribus ;: haudquaquam exist imantes eum ejJc talc;,,,;, fcd simi., lem c.aerÙ Dii. Herodote parle encore plus poli- tivement un peu plus bas, quand il dit que les Egyptiens font des vœux à ces bestes sacrées, en addressant leurs prierez au Dieu à qui ces bcftc; : font. Jrits bestiis omnes qui in urbibus funt, vota perJclvunt [ffflicantcs illi Dec, cujus hd. c bestia est.

nu itS, ~T? CtY ?i ~S tv&,r. Il est donc certain qu'ils di- stinnguoient les Dieux d'avec les bestes qui leun estoiont consacrées > & qu'ils ne rendoient honneun à ces bestes que par relation aux Dieux ausquel :: ils addressoient leurs prieres, & non aux bestes. 1 El si l'on veut sçavoir quels estoient ces vœux qu'il: faisoient aux bestes, ou plûtost au profit des bestes c'estoit une somme d'argent du mesme poids de: cheveux de leurs enfans, peur nourrir ces bestes, Et néanmoins quoique tout leur véritable respet: se referast aux Dieux , ils ne laissoient pas de mettre à l'amende ceux qui avoient donne la mort a ces bestes sans y penser, & à faire mourir ceux qui les avoient fait mourir volontairement Quorum JI quam quis necavcrit volens, morte multtatur si m Uns plectitur ea mulcta, quam sacerdotes statuerint.

Comme l'Ibis estoit plus respectée que les autres, il en coûtoit la vie de quelque maniéré qu'on l'eu: fait mourir : Qîûfqtiis tamen Ibin aut accitrem ne i caverit , five miens, five volens, necessario morte af fitur, C'estoit encore cette maniéré inhumaine d venger sur des hommes la mort des bestes, qu:

jb. c. 65.

voitoit les autres Nations à parler de la maniéré la plus odieuse des superstitions des Egyptiens. He- rodote n'a pas obmis la raison pour laquelle les Egyptiens rendoient tant d'honneur à l'Ibis ou à l'Éprcvier. C'est qu'au Printemps il sortoit de l'Arabie une infinité de serpens allez, qui venoient fondre en Egypte ; mais ils en estoient repoussez plr oyséaux, C'est sans doute au Dieu qui leur nvoyùit ce secours, que les Egyptiens pretenoient faire honneur en honorant l'animal qui lui fcftoit sacré. Car Herodote dit au mesme endroit, qu'il y avoit à Thebes des serpens cornus qui ne jtauiioient à personne, & qu'on enterroit apres leur imort dans le Temple de Jupter, parce qu'ils lui (estoient coiicicrez. Deftinil-ls in Jovis æde fèpe- t hunt. Haie enim Deo sacros illos elle prædicant.

L 11.11 tant ajouter qu Herodote declare que les I p ieux de l'Egypte estoient les mesmes que ceux Rela Grece, quoique les noms sussent differens.Le Jupiter des Grecs estoit l'Ammon des Egyptiens.

K^rus, Ilis, Bubaftis estoient les mesmes èii Eayp- e, qu'Apollon , Cerés Se Diane en Grece. Nam pollinem & Vianam aiunt Djonyfi & lsidis silios mp j Latonam vero nutricem hornm & liberatricem.

t Apollo quidem Ægyptiacè Orus dicitur, Ceres attWern /fis , Diana vero Bubaftis. Juvcnal s'est donc reiompe quand il a dit cy-dessus qu'en Egypte on lonoioit pluneurs animaux, mais que personne ne reveioit Diane. Et quand Virgile a opposé les Dieux d'Egypte a ceux de la Grece, ila peut-estre ) lus fait d'attention aux noms, qu'aux Dieux mesnes; car les Dieux estoient les mesmes, quoique es noms & les symboles sussent differens i si ce î est que les plus grossiers prenant les symboles jour les Dieux mesmes, ils estoient alors fort difjferens de ceux de la Grece.

r III. Strabon parle assez au long des Animaux

ibid. C. -175.

Caf. JA.

L. 2.. c. j9.

c 1)7 JJ6.

L. 17,

que l'Egypte reveroit, les uns par tout, lçavoirJ bœuf, le chien, le chat, l'Ibis & l'éprevicr ; les al tres en quelques villes feulement. Mais il n'expli: que pas quel estoit cet honneur.

IV. Mais Diodore de Sicile entre dans les m mes sentimens d'Herodote, que c'estoit aux Dieu que les Egyptiens pretendoient faire honneur e nourrissant les animaux qui leur estoient facre- Diis etiam nonmllis vota pro libms a morbo fei vatis l)lii facientes , capillis abraifis & ad arger, ti aurive pondus Appensis. mummos curatoribus am malium istorum expendunt. Il dit qu'en un temps d famine on mangea de la chair humaine, mais o ne toucha jamais aux animaux sacrz; & que loi mesme qu'on souhaitoit ardemment de cimente une ferme alliance entre Ptolcmée Roi d'Egyp te & les Romains, on ne put sauver la vie à u soldat Romain qui avoit tué un chat, quoi qu' i" ellt fait sans y penser. Il dit qu'on croyoit qu l'ame d'Osiris avoit passe dans le corps du bœuf qui estoit honore en sa place. Tauri hujus cu/ml ad hanc référant causam ; Ofiridis animam in ipJia demigrasse perhibent que ob id hue nfijue perpetuo quando ipfse apparet, in posteros transfundatur. E quant aux autres animaux, il allure que les Pre tres d'Egypte scavoient des raisons mysterieuse

de leur culte, mais que le peuple en avancoit croi< dont les deux premieres sembloient un peu teni de la fable. 1°. Que les Dieux au commencemcn estant attaquez par une foule de méchans hom mes, s'estoient cachez fous la forme de ces am maux, & les avoient depuis fait honorer 1°. QUI les Egyptiens ayant est souvent vaincus par leur ennemis, en estoient enfin demeurez victorieux après qu'ils eurent pris les figures de ces animaux pour leurs Etendarts. 3 O. Que tous ces animain leur estoient extrêmement utiles pour la conserva

L. 1. pag.

74. &ftqq.

non de leurs biens & de leur vie. D autres disoient que les anciens Rois pour dominer plus facilement es Egyptiens, toûjours portez à la revolte, avoient introduit cette contrariété de coutumes & de Divinitez, afin que ces provinces animées les unes omre les autres, ne pussent jamais conspirer conre leur Prince , &c tournassent plûtost leurs armes contre les autres. Enfin Diodore de Sicile assure que si les Egyptiens adorent leurs Rois après leur mort, c'est à cause des bienfaits qu'ils en ont re:eu , les regardant comme les instrumens de la li- peralité divine, puisque les Rois ne peuvent regner que par les ordres de la Providence divine, avec quelque participation de la Divinité. Il est: 'vident que ceux qui avoient ces sentimens des biens qu'ils recevoient de leurs Rois, en avoient Je semblables ou de fort approchans des biens Qu'ils recevoient des bestes ; d'où venoit qu'ils rendoient un culte divin à leurs Rois decedez & aux animaux sacrez. Hisque de causis Ægyptij Re.

es non secus acsi veri essent Dij adorare & relegiosè tolère videntîtr. Nam~ non sine divina ipsos provi- videntia summam poteffliern adeptos : cum velint V* possint maxima conferre bénéficia, divinœ nature participes esse arbitrantur.

¡ V. Plutarque declare qu'il faut interpreter toutes ces fables en un sens pieux & philosophique, t'P & philosophicè. Que si-les Egyptiens ont honoré Mercure fous le nom du Chien, ce n'et f qu'à cause de la vigilance de cet animal. Non enim pro- pre cani Mercurimn nomen faciunt, sed ob custodiendi vigilandi studium , & sapientiam , qfla inter amicum & inimicam internoscit, eum callidissimo , ut Plato ait, Deorum accommodant. Cet Auteur ajou- te que l' Anubis des Egyptiens estoit le mesme que Hecaté des Grecs , ou selon d'autres le mesme que Saturne, parce que produisant toutes choses, il

Pif.g, 81.

L. de Jfide.

estoit comme une femme pendant les couches , ce que les Grecs appellent >-'.Jor , ce qu'on a pris pour xùCtJv, canis. Ainsi ce ne seroit qu'une allusion des noms. Videiarque aplla Ægyptios eam obtinere z,1 la Anubu, quarn apud Græcos Hecate , numen terrestre firnul & cœleste. Nonmillis Anubis Saturnin esse videtur, quia omnia gignens ex se & in se tanquam * pr&gncins mulier gerens , qttod KUHYgrs.ee duittir, Kyort id cff canis appellatur. Plutarque montre par cet exemple combien il estoit necessaire de ne respeélcr que quelque Divinité dans les animaux, ôc non les animaux mesmes.

V I. Mais ce scavant homme découvre admi- rablement en un autre endroit l'origine de l'égarement où les hommes estoient tombez. Il dit que comme on appelle Platon les œuvres de Platon, aussi on donna le nom des Dieux à leurs bienfaits.

Mais que dans la fuite du temps on prit pour les Dieux mesmes les choies qui en portoient les noms.

Sicut nos elllî,4 qui libros platQllù émit, 1;lato;icm emere dicimus } ita illi nomma Deorum liberaliter donis eic operibus Deorum tribuerunt, ob utiliatem ea honorantes atque exornantes. Sed pojîeri e cru tu indo- lie ista accipientcs, imperitéque in ipsos Deos detorquentes, sa qiu fmgibui accidunt, alias exonentibus, alias occultâti* , Deorum ortru interitusque, non vocando duntaxat, sed etiam sic habere rem arbitrando, seipsos absurdis, impiis, tumultuosisque opi- nionibus obruerunt. Voila d'où sont venus ces pleurs alternatifs & ces transports de joye pour Proscrpine , pour Osiris , pour Adonis: on donnoit aux fruits de la terre le nom des Dieux de qui on croyoit les tenir ; dans la suite des temps on croyoit que ces fruits estoient des Dieux, puis qu'ils en portoient le nom ; enfin on agissoit comme si ces Dieux fussent morts & ressuscitez, lorsque ces fruits ou ces semences mon-roicnt dans la terre, ôc ci) renaissoient.

Ibidem.

V II. Il en arriva autant aux Grecs pour les statuës, ausquelles ils donnerent d'abord le nom des Dieux, & dans la fuite des siecles ils les prirent pour les Dieux mesmes. Qrnd usie venit Grœcorum lis y qiit* ærea, picta , aut lapidea simulacra cùrn adjlfevlJfent, non imagines honores Deorum appellare , sed Deos ; ausi flmt deinde dicere, Minervam à Lachare fuisse exutam, Jovem Capitolinum incendio perii sse.

VIII. Enfin ce fut cette mesme illusion & cet abus des noms, qui fit que les Egyptiens adorè- rent les Animaux comme des Dieux. Arque hoc non leviter Egypttiis accidit, respectu eorum qHA venerantur animalia. Nam in hoc negotio G YSLCI Y elle, curn diennt > tum sentiunt , columbam animal esse sacrum Voneri, draconem Minervœ,, corvum Apollini, canem Dianœ, sicut Euripides de Hecuba, Hecates simulacriu-.i luciferœ ifes can U. Sed Ægyptiorum plerique colentes ipJa animalia, & tractantes tanquam Deos , non fanais modo & irrisioni totam penè sacrorum ob..

jecerunt rationem , &c. Il rejette après cela la défaite de ceux qui disoient que la crainte de Typhon avoit oblige les Dieux de se cacher fous la forme de ces bestes, ou que les ames des hommes dé- funts passoient dans leurs corps. Il n' omet pas les autres raisons rapportées par Diodore de Sicile.

Mais il revient enfin à la ressemblance symbolique que ces animaux ont avec le Dieu auquel ils sont consacrez. Car dans quelques-uns de ces animaux paroist une image de la puissance divine, comme l'image du Soleil éclate dans chaque goutte d'eau.

Aspidem gyptij, ~felern , & cantharum in honore habent, divinæ potentiæ imagines quasdam o bfcuras, sicut Solis Simulaora. in Stillis solent conspicari. Le Crocodile n'ayant point de langne, estoit consideré comme le symbole de la Divinité, qui parle sans langue, &; nous enseigne les loix de la justice

ibidem.

ibidem.

dans le silence de nos cœurs. Crocodilus fertur extttisse exemplum Dei, solus animalium clinguis. Nimi- rum quia voce numen nihil indiget, fed iter justiti citra ullum conficiens sonitum , res humanas juste remperat. Les Grecs ont a joûté aux statuës de leurs Dieux quantité de ces symboles ; ils ne peuvent donc en blâmer les Egyptiens pendant qu'ils les tiennent uniquement pour des symboles. Proinde cùm Philosophorum probatissimi conspectam aliquam occultam Dei imaginem, ne in anima quidem corporisque exfertibm rebut neglexerint, aut contemnen- dam fenferint: rnnlto nisi fallor plurú faciendæ flmt) quæ in fènfibilibm animatifve proprietates eo pertinent) eorumque affettionibus & moribm. At entra probandi funt tnon qui ifthæc, fèd qui per hec numen v en cran- tUY; itaque rebiè habcntur pro [fe cuits clarioribm • ~0 à natura suppeditatis, tanquam instruniment a cf¡ Qlrd- ficia Dei universa ornantis.

1 X. Voila la plus fage manière de défendre 5c d'expliquer toute cette religion des Animaux, en ne les regardant toujours que comme des traces & des symboles de la Divinité , comme îb furent tresprobablement regardez dans les premiers commencemens de ce culte, qui fut alors un culte , non des animaux , mais de Dieu representé par ces animaux. Probandi sunt, non qui ifthæc, [cd qui per ht&c Deum venerantur. En effet si on a trouvé bon que les nombres, qui n'ont ni corps, ni ame, ayent esté considerez par les Pythagoriciens comme des symboles merveilleux des perfections divines : n'est-il pas encore plus juste , que les natures qui ont des corps & des ames , soient regardées comme des ouvrages de la main de Dieu , & comme des symboles naturels, dans lesquels il a voulu luimesme se representer & se presenter à nos yeux.

C'est le raisonnement de Plutarque, dans le passage que nous venons de citer. Aprés-quoy il ajoute

que si toutes les natures sont comme autant de mi- roirs, dans lesquels le Soleil de la Divinité se peint continuellement lui-mesme ; cela est encore bien plus veritable des animaux dans lesquels il y a une ame qui agit , qui se meut, qui domine , 6c qui est par consequent une participation & une representation excellente de la Divinité , qui meut, qui domine , & qui gouverne ce grand Univers. Ainsi il n'y eut jamais de statuë qui representast mieux la Divinité, que le moindre animal. Æquum est etiam inteiil) , nihi! animatum inanimato, nihil sensu carens Sentiente prœlfantius esse ; etiam si qui s umverftm aitutm ~& fmaragdum wiinum compottatet locitm. Non tnimin coloribus, aut jiguris , aut levitati "bti.r inefi ivintt vautra &c. Quevero natura vivit, vider, (y inse princtpiurn motus , notitiamque fibi convenien- iltin & répugnantium coniinet > omnino particnlam iïlrquam dcfliientern h ait fit c)m providentiæ qua gltb r.

nari hoc univerfitm Htraclitus dixit. L aque tn ht s rébus nihilo deteriks Divina nattira concipitirr imago , tlam in æreÙ, dut lapideis operibus &c. En confron- tant deux Chapitres d'Ezechiel, on voit évidem- ment que le visage du bœuf & celui du Chérubin pftoit le mesme : Faciès Cherub , facies bovis. Ainsi on ne peut douter, que cette teste de bœuf il fou- vent representée dans le Temple de Salomon, Se dans la Prophetie d'Ezechiel , ne fut un fymboîcdc a nature Angélique.

X. Lucien a traité avec les railleries qui lui sont ordinaires, ces Animaux divinisez de l'Egypte dans ■Tes Dialogues , Defkcrificiis , imagines, Deorrtm Con- cilium. Parce qu'il a confideré ceux qui prenoient ces symboles pour les Dieux mesmes. Elien raconte aussi tant d'extravagances &: tant d'excès des Egyptiens sur les égards qu'ils avoient pour ces animaux , qu'il ne faut pas s'étonner n toutes les autres nations en avoient de l'horreur. Il ne laisse pas de

ibUem.

Z~e< biel. i.

I 3 h.zcchh!.

10^14. j

Hifior. de animal. I.

to.c.ni4..

C. 17. 45,

du-j que s'ils honoraient les vaches , c' en: parce qu e lles sont consacrées à Venus Uranie , & quant

au chien ils le regardoient comme un symbole du chien celeste, qui donne à son lever l'accroissement au Nil.

XI Cet Auteur dit ailleurs qu'il y avoic un païs dans l'Ethiopie , où ils avoient un chien pour Roi ; & ils prenoient ses caresses , ou ses aboyemens, pour les marques de la bienveillance ou de la colere. Natio Athiopum est, quæ canern Regem babet suum, & illius etiarn arbitrio paret, Si fuo quodam modo gannit, iratum non credunt ; si Utrat > ira m ag- nofeant. Il cite pour ses Auteurs Hermippe &. Aristote. Ce sont sans doute ces peuples que Pline appelle Nubæi, ou Nfibaôc qu'il place dans l'Ethiopie.

Le nom d'Anubis approche bien de l.V!tbæ , es: il cit fort apparent que l'un & l'autre de ces deux noms vient du terme Hebraïque Nabach, latrart:, Anno- bcach, Icitrator. Plutarque parle aussi de ce chien, que quelques Ethiopiens tenoient pour Roi, &c à qui toute la noblesse rendoit service. Gentem aiunt esse Æth;opurn, ubi Canis regnet, Rexquc appelietw » & fiicris ac honoribus colaturRegiis ; viri arnem obeant princip/lm ac magiftratitum munia .Q uelques-uns ont crû, que c' estoit Mercure mesme qu'on avoit re- prelenté en Egypte par le chien , à cause de Ton addresse , ses connoissances & ses services.

XII. Ciceron dit après plusieurs autres, que tous ces animaux n'ont esséen honneur, qu'en con- sidération des utilitez qu'on en recevoit. frfi qui irridentur/Egyptij nullam belluam, nisiob altquatn uti- litatem qunrn ex ea capcrent confccrarunt. Et venant aux exemples , Ibes maximam vim serpentium conficunt ; cîtm ftnt œves excelfe, cruribus rigidis , corneo proceroque rostro ; avertuntpeflem ab Ægypto , cùm vo- lucrci angucs ex vafiitate L)'hiæ vento Africo i nveEtM imerfiçiitnt atque consumunt: ex quo sit ut HU non mor-

1..7' c. 40.

L.6.C. ; c.

L i.c-e Xitî.

fit vivæ noccant , nec odore mortuæ. Possum de Ichneumonum utilitate, de Crocodilorum , de selium dicere, fed nolo esse longus. Concludam belluas a barbaris propter beneficiurn confecratas. Il rapporte ailleurs ie lentiment d'un Philosophe Stoicien, Eos dicit ha- bitos esse Deos ,à quibus magna utilitas ad vitæ culturn esset inventa : tpjajque tvj■ unlc! d'. salutares jDfomm esse vocabulis nuncupatas ; ut ne hoc qui dem dteerent , illa inventa esse Deorum, sed ipja divin*. Il faut redresser tout ce discours par celui de Plutarque & des Historiens que nous avions auparavant citez ; ce ce fera accorder tout ce qui a esté dit avec ses deux maximes, que bien que les plus grossiers aient enfin pris les bien-faits de la Divinité pour la Divinité mesme : ceux qui estoient le moins du monde éclairez les regardoient comme des bienfaits d'une Divinité superieure à laquelle ils reseroient leur culte.

XIII. Cela se peut encore confirmer par les deux bœufs qui estoient le plus honorez en Egypte , Mnavis & Apis , dont le premier estoit consacre au Soleil, le second à la Lune. C'est ce qu'en dit Am- mien Marce l lin lnter ammalia antiquis o bfervauonibus consecrata , fiînavis 6:'" Apis sunt noti-ora.

Mnevis Soli sacratur, Sequens Lunæ, Plutarquc les distingue aussi , Qui Heliopoli nutritur bos, Mnævis dictus, Osiridi sacer , pater Apis quorumdam sententia, niger cft. & secundos post Apirn honores obtinet.

Il dit aussi avec Diodore de Sicile , qu'on crosoit que l'ame d'Osiris estoit passée dans ce bœuf. Stra- bon en dit , ou en veut dire autant : Bos Apis, qui idem est Osiris. Il ne faut que faire un peu d'attention sur ce qui a esté dit ailleurs , pour reconnoistre qu'en tout cela il n'y a nulle contrariété. Nous avons montré ailleurs , que les Egyptiens appelloient le Soleil Osiris, & la Lune Isis. Nous avons dit aussi qu'ils croioient que les Divinitez residoient dans les

L. t.

L. it.

In ijide,

L. 17.

T emples ou dans les lymboles, qui leur estoient consacrez.. Enfin nous avons dit que le culte des Astres se rapporroit à l'ame , ou à l'Intelligence qui les mouvoit & les gouvernoit. Après cela il est manifeste que selon le langage de cette nation, on pouvoit dire qu'Apis estoit consacré au Soleil , qu'il estoit con sacré à Osiris, qu'il estoit en quelque maniere habité par l'ame d'Osiris. Mais de tout cela il

resulte , que le culte de ces bœufs estoit referé à une Divinité superieure & à une Iintelligence Divine.

Apis estoit honoré à Memphis, &: Mnevis à Helio- polis ; ils estoient plûtost nommez qu'estimez Dieux, les autres bœufs estoient simplement sacrez & de diez aux Dieux C'est ce qu'en dit Strabon , Ap «U Memphi , Mnevis Heliopoli. Atque illi quidem Dif ptuanutr ; at qui alibi aluntur, non D ii putantur ,sed sacri. Voiez ce que Pline a écrit du bœuf Apis..

XIV. Il n'y avoit rien de si honteux que le cul- te du bouc , qu'ils appelloient Mendes, & que les Grecs nommoient Pan, les Latins Faune & Silvain.

Les Silenes & les Satyres se rapportoient à cela : les figures de ces Divinitez estoient encore plus honteuses &z plus impures que ces animaux. C'estoient, pour ainsi dire, les originaux du Priape des Grecs. j Tous ces infames Idolatres protestoient, néanmoins que toute leur intention estoit d honorer par ces symboles la fécondité de la nature, qui fait continuellement naistre une infinité d'animaux , qui sont autant de chefs-d'œuvres de la fecondité, de la vie, de la lagenc & de la puissance de Dieu. Diodo-

dore de Sicile , Hircum inter Deos retulerunt ut apud Grjtcos Priapum coli dicunt, propter genitalem partem.

r;c. Etiam Panas & Satyros hirci naturam imitantes, in templis dedicant, significantes gratiarum actionem pro gentis fùæ, fœcunditate. , * XV. Le culte des rats & des souris n'estoit pas | moins étrange. Cependant les habitans de la Troa-

L. 17.

L. 8. c.

Herodot. t.

i. c. 4 6.

L. 1.

de s'y estoient attachez, parce que ces petits animaux leur avoient donné la victoire , en rongeant les cordes des arcs de leurs ennemis. Mais ces peu- ples n'en croyoient neanmoins avoir l'obligation qu'à Apollon , comme saint Clément d'A lexandrie le fait connoître : Polemo refert incolas Troadis mures indigenas, quos ~c^r^ç vocant, colere, quod arruum hostilium mrvos corrosissent. Et Apollinem ab his Sminthium nuncupari.

XVI. On auroit pu s'imaginer avec quelque fondement, comme il a eite dit ci-dessus , que la pluspart de ces transformations des Dieux d'Egypte en animaux, où les usages divers de les representer ious la figure de divers animaux, n'auroient pris occasion que des allusions des noms.

Car Bochart remarque fort ingenieusement que d Isis fut changée en hirondelle, comme le remarque Plutarque, ce fut parce que sis en Hebreu signifie une hirondelle. Si Anubis fut peint avec une teste de chien, ce fut parce que Nobach signi-

sic aboyer. Si Apis fut honoré sous la figure d'un bœuf, ce fut parce que abbir signifie un bœuf. Si Jupiter se changea en belier , c'est que El, qui est le nom de Dieu, signifie aussi un belier. Si Osiris ou Bacchus se changea en bouc, c'est que Seir si- gnifie un bouc. Si Diane se changea en chat, c'est qu' en langue Egyptienne , selon Stephanus, Bubastis signifie un chat, & c'est le nom de Diane.

Venus se changea en poisson, à cause qu' Atergatis approche de dag, poisson. Enfin Junon ou Astarte prit la figure d'une vache , parce que hajiaroth signifie des troupeaux de bœufs.

XVII. Quant aux Oracles qu'on attendoit de ces Animaux , on ne peut nier que ce ne fussent de pures superstitions. Pline a écrit, comme le bœuf Apis refusa la nourriture que Germanicus lui presentoit, ce qui fut un presage que ce Prince mour-

Ii Cohort.

ftd Gtutes.

£ 3. c. S.

e. 4.

De Animal, par. 1. LI O.

roit au pitrtoft. Rcjponfa privât is dat, è manu confulentinm cibum capiendo. Germanici C s si ris mallU?'¡ averfuw efî, haud multb post cxttnlii.

XVIII. Il faut finir ce discours par cette derniere reflexion, que l'on peut avoir quelquefois outré les relations qu'on a faites des coutumes bizarres des nations qu'on méprisoit. Les Juifs & les Chrétiens ont esté accusez d'adorer ce qui estoit le sujet de leur aversion & de leur mépris. Les Juifs s'abstenoient de manger de la chair de porceau par aversion, les Payens creurent qu'ils en estoient idolâtres. Voici les vers de Petronius, qui leur objecte en mesme temps l'adoration de l'asne.

Judæf¿,J licet, & porcinum mtrnen udoYet, Et cilli Cuminja advocet auricu/as.

Hesychius nous apprend que l'asne estoit aussi appellé Cillus. Suidas fait le mesme rapport, que les Juifs adoroient la teste d'un asne. Plutarque & Ta- cite en disent autant. Minutius & Tertullien témoignent qu'on chargeoit les Chrétiens de la même calomnie avec la mesme injustice. Les Payens peuvent ne s'estre pas quelquefois davantage épargnez les uns les autres. Car qui pourroit croire que les Egyptiens eussent adoré les infectes les plus vils, quoi-que Pline & Plutarque le disent ? Voici ce qu'en dit Pline. ÆlYPti magna, pars Scarabæos inter numina colit, curiosa Apionis interpretatione, qua colligit, Salis operum similitudinem huic animali esse, ad excusandos gentis suæ rit pis. Arnobe dit la mes-

me chose dans ion premier livre. Templa felibus , scarabæis , & buculis, fublimibns sunt elata fastigiis.

XIX. Je finirai ce Chapitre par les sentimens de Porphyre dans son ouvrage de l'Abstinence des Animaux. Il tâche d'y prouver qu'il n'est permis ni de sacrifier des animaux, ni de le nourrir de leur chair. Une des raisons qu'il en donne , est que leurs ames font de la mesme nature que les no-

L. 8. c. 4 6.

m l!~.

Plut. I. 4.

oS'ymp.q. 5.

'l,'ci!.I. 5.

Hdûr.

Tertttl.Apo.

c. 16.

Plut. ibid.

Plin 1. 3 o.

f. il.

très, passent quelque fois dans des corps humains, -ou en sont venues ; ainsi ce font des participations & comme des portions de la Divinité. Ainsi les Egyptiens ne crurent pas pouvoir proposerau culte public des symboles de la Divinité ou des images plus ressemblantes, que les Animaux. Porphyre rend la meme raison des augures & de toutes les diverses manières qu'on avoit d'apprendre des Animaux les évenemens futurs- Ægypti homi- num sapientissimi, à cædibm animantium abflinenter, Degyum fimulacra ad earum similitudinem effingebant, atque ita domesticas cognatasque Diis & homi- minibus esse censebant. Et dans un autre endroit : Accedit & illud , non minùs ad fidem religiosi cuit m erga animantes faciens , quod animam cujusque animantis à corpore solutam participem rationis esse aiunts arque vim habere faturorum prœsciam * oracul a aperiendi ~& omnia rjficzcndz" quœ hominis anima à corperea

compage soluta. Il est. pitoyable qu'un si sçavant Philosophe pour défendre une erreur, en ait entassé tant d'autres. Il est sans doute que le corps & l'ame des animaux sont des chefs-d'œuvres de la sagesse & de la toute-puissance divine, & doivent nous exciter à l'adorer elle feule , & non ses œuvres. De lire qu'on n'honoroit les animaux que comme des symboles de la Divinité, c'estoit une défaite ou une vaine pretention : car la vérité est que les peuples n'avoient l'esprit occupé que de ces animaux , & mettoient Dieu en oubli. Mais d'élever les ames des animaux presque au mesme rang que celles des hommes & des Dieux memes, & de leur donner la connoissance de l'avenir, c'é- toit une extravagance & une impieté manifeste.

Voila jusqu'où a pû s'élever la Philosophie la plus éclairée ? & voila de quel abîme de tenebres & d'erreurs JE SU S-C H RIS T a retiré les Sages du monde. La lumiere naturelle leur faisait con-

L. i.

L. 4.

noître que la seule nature intelligente & Divine devoit etre ad orée. La superstition les portait à adorer ou à laisser adorer des natures ieniibles.

Ils croyoient trouver un temperament entre ces deux pentes si contraires de leur ame , en mettant dans les natures sensibles une portion de l'Intelligence & de la Nature divine. Mais ils dévaient considerer que l'adoration & le sacrifice ne se devoient qu'à la Divinité en elle-meme , & non à ses portions ou à ses participations ; parce que ce qui n' est pas elle-meme , eH: infiniment au dessous d'elle.

Il y avait néanmoins cela de merveilleux dans ces Idolatres ou dans ces défenseurs de l'idolatrie, que leur esprit etait au fond convaincu de la veritable Divinité & du culte qui lui est deu à elle feule. Ainsi ils ne pouvoient adorer les creatures qu'ils n'y renfermassent le Créateur, qui a telle- ment lié l'ame raisonnable à la verité, que dans ses égaremens memes elle la recherche , & en s'éloignant d'elle, elle en approche. Ces peuples & ces Sages du monde auroient été heureux, si convaincus par leur experience, que Dieu est une Intelligence sans corps, & feule adorable; & que l'homme dans sa misere presence, ne peut se passer ni de Dieu ni d'un objet sensible, ils sussent prié ce grand Dieu de vouloir se revêtir lui - meme d'une nature sensible , & de la plus digne de touces , pour se proportionner à notre faiblesse , à nô- tre besoin, & à notre dévotion. Les hommes ont revêtu Dieu de la nature sensible ou des corps lumineux, ou des animaux. Dieu s'est revêtu de la nature humaine, pour nous contenter, pour nous occuper & pour nous sauver. Porphyre n'a pas ou- blié que les Egyptiens adoroient aussi quelquefois l'homme entre les Animaux deïfiez. C'estoit une impieté horrible, mais qui faisait connoîre nostre > pente,

ente , noitre besoin, oc la necessité de nous doner un vrai Dieu vraiment humanisé.

>

CHAPITRE XVIII.

es Dieux qui presidaient à la génération des hommes, à leur naissance, à leur enfance.

6

1. Suite des matières.

: 11. Trois re flexion s importantes à faire sur tout ce Chapi'e. Combun l'homme est un animal religieux. La Religion deenere en fupafiiiion On la. redrejje facilement. Des G entes.

En général ce que c'el f que Genie, I V. Des Dieux commis à la naissance des hommes.

V. Foïvlijfe de l'esprit humain.

V I. Des Dieux commis aux mariages.

VII. Suite dumefme sujet.

VIII. Des Dieux commis à la génération des froments.

1 X. Reflexions sur ces Génies.

X. Cette mongr ueuse multiplication de petites Divinitéz, rrçoit enfin Les esprits raisonnables à revenir à l'unité du vray >teu.

X I. Assignation de plusieurs autres Dieux à divers besoins le la vie.

XII. Les Dieux commis aux maisons.

XIII. Les Dieux commis aux champs & aux moijJons.

XIV. Du Dieu Terminus. Diverses remarques.

X V. Mejlange d'autres Divinitéz.

X VI. Reflexions imputantes pour redresser toutes ces fuperfI! l()(iS , & en faire éclatter davantage la Religion Chréienne.

I.

D

U culte des Animaux il faudroit passer à celui des hommes. Mais comme ce

sera la matiere de la seconde Partie de ce Livre , m nous traitterons des Dieux civils, & qui ont esté irez d'entre les hommes : il vaut mieux nous aréter ici aux Dieux naturels, ou aux Genies, qui mt d'té regardez par les Pa yens comme les Surin- tendans de notre naissance, de nostre enfance, de loftre santé, de nos maladies, de nos victoires,

de notre crainte, de nos affections & d'une mil-j nité d'autres choses semblables.

II. Il y a trois points importants sur lesquels il faudra faire une attention toute particulière : pendant tout ce discours. I°. Combien l'homme est religieux par l'inftindfc de sa nature. 20. Combien il est devenu superstitieux par la dépravation de la nature après le peché. 39. Combien est petite la distance de la religion & de la superstition, & combien il est vray qu'un petit détour & un tres- petit changement peut redresser la superstition & en faire une fage religion, ou changer la plus sage religion en une folle superstition. La nature de l'homme a tant de penchant, vers la Religion, qu'elle veut etre en un commerce continuel avec Dieu ; & dans les moindres choses qui la regardent, elle ne peut s'empescher d'avoir des veues ,: & des retours vers un invisible secours qui doit: l'éclairer, la soûtenir & la conduire. C'est cet in— ftinét qui a pouffé les Gentils à commettre des Anges ou des Genies à toutes les particularitez de: leur naissance, de leur vie & de leur mort. Mais au lieu de s'attacher uniquement à la souveraine providence du Createur, qui prend foin des moin- dres choses , ou d'invoquer en general ses mini:'.

tres invisibles , par lesquels il nous conduit & nous assiste dans tous les momens de nostre vie , & dans; toutes les moindres necessitez , ce qui eutefte une: religion tres-sainte & tres-pure : la superstition ses glissant insensiblement dans les esprits des hommes, leur fit presque oublier le premier Principe: ,& le souverain administrateur de l'Univers, & leur fit distinguer en détail une infinité de Génies par ticuliers pour tous nos besoins ; ce qui ne pouvoit venir que d'une vaine presomption à inventer des noms & des distinctions chimériques, & ne pouvoit se terminer qu'à un culte superstitieux des phau.

toimes de notre esprit. Pour reduire cette folle superstition à la vraie Religion , il ne fallait que réunir toute notre pieté à l'adoration du Créateur, qui prend autant de foin des moindres choses que des plus grandes, & à l'invocation de ses Ministres en general dans tous nos besoins, puisque nous n'en avons pas assez de connaissance pour distinguer leurs fonctions & leurs vertus particulières.

III. Commençons donc par la vénération que les anciens eurent pour les Dieux à qui nostre génération est commise. Ils mirent dans ce rang Venus, Priape, & le Genie. Nous avons parlé des deux premiers , & en parlerons encore ailleurs.

Nous dirons feulement ici , que par ces trois Divinitez ) les Payens n'entendaient au fond que la secondité de la nature, qui met tous les jours tant d'animaux au monde. C'est comme Fetus parle du

Genie : Genium appellabam Deum, qui vim obtineret rerum omnium gerendarum. Il faut lire apparemment genendarum, ou gignendarum. Aussi cet Auteur s'explique encore mieux au mesme endroit, Genius est Deorum Filins , & Parens hominum , ex quo homines gignuntur, 67" proptera Gevius meus nomina- tur } qui a me génuit. Or ce culte se reduisait à la nature : non feulement à cause de l'intelligence ceest qui prend soin de notre génération, mais à cau- se de la fecondité des Astres & det élemens qui donnent l'etre à tant d'animaux. Le meme Fetus le

dit au meme endroit : Géniales [ £ >eos dixerunt Aquam Terram , Ignem Aërem, qu& Gruonim ali FQIX(G 3 dlij c&spfAx/a vocant. Duodecim quoque signa, Lunam, & Solem , inter hos Deos computabant. Ce out là ces corps celeftes& torrestres, du corps de l'animal & de son temperament.

Censorin assure qu'on ne faisoit point de sacrifice anglant au Genie, d' où vient que Perse dit, Funde merum Genio: Parce qu'on ne vouloit pas verser

Elnnenttl.

Sermnn.

De die Ne t, c. 2 63.

du fang le jour qu'on estoit venu au monde : Cum die natali munus annale Genio solverent, manum à cœde ac sanguine abstinerent :ne die qua lucem ipsi act e- pissent, aliis demerent. Denique Deli ad Apollinis Ge- nitoris aram, ut Timœus autor est, nemo hostiam cedit.

Le nom de Genie vient de ce que c'est le Dieu , à la garde duquel nous sommes confiez dés le moment de nostre naissance. Genius est Deus, cUJus in1 tutela , ut quisque natus est, vivit. Sive quod ut genamur, curat. Sive quòd una genitur nobiscum ; sive etiam quòd nos genitos suscipit ac tuetur ; certè M genendo Genius appellatur. Ces opinions que le Ge- nie prend naissance avec nous, ou procure nostre : naissance, n'ont pas eu beaucoup de cours parmi les !

anciens. Aussi n'avoient-elles pas beaucoup de pro- habilité.

Cet Auteur a joûte que ce Genie ne nous quittoit point depuis le premier instant de nostre vie jusqu'au dernier, qu'il a sur nous une autorité tres- grande ; que quelques-uns le confondoient avec les Dieu Lar, & mettoient deux Genies dans les mai- fons, où le mari & la femme habitoient ensemble.

Eundem esse Genium & Larem multi veteres memoriœ prodiderunt. Hunc in nos maximam , quin imò omnem i babere potestatem, creditum est. Nonnulli binos Genios in iis dumtaxat domibus , quœ essent ?narit& , colendosputaverunt. ~c. Genius autem ita nobis assiduus obser- vator appositus est, ut ne puncto quidem temporis Ion— giùs abscedat ; sed ab utero matris exceptos, ad extre- mum vitA diem comitetur.

Cebes dans sa table dit que le Genie montre à ceux qui naissent le chemin qu'ils devoient tenir pour ne point s'égarer; que plusieurs oublient ce: commandement du Genie, mais qu'il ne laisse pas; de les avertir de ne point s'attacher aux biens de la fortune, qui leur feront enlevez : Monet Genius id fortune fjfç ingenium, ut & Itta dederit, eripiat ; &

[no'it o longe plura largtatur, rurfinfique ea auferat. Il ajoûte que ceux qui n'écoutent pas ces preceptes du Genie perissent malheureusement.

IV. Junon & Lucine presidoient au mariage; aussi appelloit-on Juno Gamelia , D'où vient que Seneque dit dans la Medée, Dy conjugales , tuque ge- mal is thori Lucina custos.

Festus dit que pour faciliter les enfantemens, ils avoient les Dieux qui en tiroient leur nom, Nixy Dij appellantur in Capitolio tria signa ante cellam Mi.

nervœ, genibus nixa , velut prxfi..dent es paricntittm nixibus. prxft d cntes parl' entl* ttm Et comme il est perilleux que les enfans viennent m monde les pieds les premiers , ils avoient à Rome les deux Déciles/Vo/2r de Postverta, qu'on appelloit iiilli Cannent A , pour prévenir ce danger. C'ert.

Gellius qui le fait dire à Varron: Quandoque pueri :omra naturam fortè conversi in pedes , brachiis ple- mmcjiie diduclis retineri solent, œgriusque tunc mulie- ns enituntur. Hujus periculi deprecandi gratia aræ ";Wtæ fitnt Romœ duabus Carmentibits ; quarum una Postverta nominata est, Prosa altera; à reoli perverti y se potestate & nomme.

Lorsque l' enfant venoit au monde , la Déesse Natio en estoit comme l'introductrice ; d nous en croions Ciceron ; qu'e quia partus matronarum titea- 'u r, a n.ifcentib.tx Natto nominata efi.

Lorsque l' enfant estoit né , on le mettoit à terre , & on le recommandoit aux Dieux Pilumnus & Pi- ;:t mnitJ , C'est ce qu'en dit Varron ; Natus si erat subY'us, ab obstetrice statuebatur in terra , ut auspicaretur Vita'is acretlîis esse. Diis conjugalibus Pilumno Picumno in œdibus lectus sternebatur. Saint Augustin apporte un peu plus au long les sentimens de Varron sur les fondions de ces deux Divinitez, ausquelles il en ajoute une troisiéme, Mulieri fœtœ post partum tres Deos custodes commémorat adhiberi, ne Syl-

L \6. c. itf;

L.. de N4tura Deor.

L. t. de vit a popftli Romani.

vanits Deus per noctem ingrediatur & vexet ; corum- ■ que custodum significandorum causa tres hommes no-., ctu cireumiri: limina domûs, (!)" primò limen securi ferire, postea pilo tertiò deverrere scopis ; ht his da- tis cu/ruræ jïJ < , Deus Sylvanus prohibeatur intrare; - quia neque arbores eædttntttr ac pumantur fine ferro , neque far COllftcÍtur sine pilo , neque fruges coacervan- tur sine scopis. Ab bis autem tribus rebus tres nun- cupatos Deos , Intercidonam à securis intercisione , Pi- lumnum à pilo s Deverram à scopis : quibus Diis enstodibus contra vim 7Jci Sylvani fœta conservaretur.

V. Les Letteurs ne trouveront pas étrange que je leur fasse ces recits, s'ils considerent que saint Augustin le plus saint & le plus sçavant Docteur de l'Eglise les a faits avant moy , ôc les a faits dans le plus beau de ses ouvrages & le plus important pour l'edification & la défense de la Cité de Dieu qui est l'Eglise : enfin il les a tirez du plus sçavant homme des Romains en un siecle où toutes les sciences humaines estoient les plus florissantes à Rome. Il importe pour la gloire de l'Eglise , de la verité , de J ES U s-C HRIST & de son Evangile, que l'on sçache & que l'on publie dans quel profond abîme de puerilitez, d'extravagances, de' superstitions & d'aveuglement estoit l'Empire Ro- main dans le plus éclairé de tous les siecles, & dans les personnes les plus consommées dans les sciences , lorsque JE S U S-C H RIS T y apporta sa doctrine & sa grâce surabondante. ï

V 1. Saint Augustin pousse encore plus loin les superbes Romains, en leur mettant devant les yeux les ridicules distinctions qu'ils mettoient entre leurs Dieux & les honteuses assistances qu'ils

en attend oient dans le mariage & dans la procreation des enfans. Cum mas & fœmim conjunguntur, adhibetttr Dem Jugatinus. Sit hoc ferendum, Sed dorr.uïn efi dtteeuda } qux rmbit, adhibetw Deus De-

Civ. i, 6.

c. 9.

ihiàtm.

miducus. Vt in domo fit, adbibetur Deus DomÙiuJ.

VI maneat cum viro, adhibetur Dea Manturna. Quid ultra quæritur. Parcatur humanæ verecundia ; peragat cetera concupiscentia carnis & sanguinis, procurita secreto pudoris. Qutd impletur cubiculum turba Numinum, quando & paranymphi inde discedunt. Et ad hoc impletur, non ut eorum cogitata pr.f,fèntia major fit cura pudicitiæ, sed ut fœminæ sexu insirmæ, , novitate pavidæ, illis cooperantibus fine ulla dtfîfcuLtate virginitas auferatur. Adest enim Dea Virginen- sis & Deus pater Subigus, & Dea mater Prema, ~& Dea Partunda, & Venus ~& Priapus ? Voila la Religion & l'effort le plus grand de l'esprit de ceux que nous admirons comme les peres des belles let- tres, dont nous faisons tant d'estime, & ausquelles nous donnons tant de temps. Voila les puerili- tez & les impietez dont chacun de nous est capable au fond de sa nature corrompuë, puisque Çiceron & Virgile, puisque Varron & tant d'autres, que nous regardons comme de tres-grands genies, en ont esté capables. Nous devons à la verité & à la grace de JESUS-C hrist, qu'il nous ait donné la lumiere , la facilité & le plaisir de faire servir l'impiété des autres à l' augmentation de nostre pieté.

VII. Ce mesme Pere nomme ailleurs je ne sçai combien d'autres Divinitez, que les Payons avoient commises au mariage, à la naissance & à l'éducation des enfans; & leur avoient donné des noms proportionnez à ces offices. [/' olftpia, qii £ à voluptate appellata cft; tltlt Libentina, oui nomen à - libidine ; aut Vaticanus, qui infantum vagitibus pra- sidet ; aut Cunina, quæ CVtnM eorum administrat. Si ce n'eussent-esté que les nourrices ou les vieilles femmes qui eussent donné cours à ces luperrLidons, Varron n'en eût pas rempli ses ouvrages. Et il faut conclure de là , que si selon Donys d'Halicar-

Civit. I. 4.

c. 8., -

nasse Romulus & les autres premiers Rois de Rome introduisant dans leur nouvel Etat la Religions & les Dieux de la Grece, ils en retrancherent les adulteres, les parricides & les autres crimes énor- mes dont les Grecs avoient noirci la vie ScThiftoi-' re de leurs Dieux : les Romains des derniers siecles : s'abandonnerent à des superstitions si ridicules , & à une multiplication de Divinitez si étrange & si peu fondée, qu'ils n'estoient plus en dro it de faire des reproches aux Grecs.

VIII. Car voici ce que saint Augustin ajoûte dans ce mesme Chapitre, & ce que nous ajoûterons ici par une espece de digression, qui nous fera pardonnée au moins parce qu'elle fera courte.

On avoit multiplié les Divinitez à proportion pour toutes les autres choses. Les champs, les montagnes , les collines , & les vallées avoient leurs Déesses separées. Ils en avoient donné une au blé pendant qu'il est caché fous la terre, une autre lors qu'il est sur la terre , & une troisiéme quand il est dans le grenier. Ce n'estoit pas tout, chaque partie & chaque progrés du froment jusqu'à sa maturité avoit sa Divinité différente , commise pour y veiller. Rura De& RhJiha , juga mmtinrn Deo jugatino, collibus Deam collatinam , Valloniam vallibtU..

præfecerunt, &c. Sata srumenta quandin sub terra essent, præpositam habere voluerunt 'iJearn Seiam ; cttm.

vero laèn fuptr terrain essent ~& segetem facerent, Deam Segetiam ; frumentis vero recondttts jett tuto fervarentur, Deam Tattlinam , ~&c. Praesecertmt proserpinam frumentis germinantibus. geniculis na di [quc culmorum Deum Nodotitnh involumentis folliculorum Deam Volutinam, Clillj folliculi patescunt. ut spica exeat.

Deam Patelenam ; florentibus frumentis Deam Floram ; Idlefcentibpu Deam LaUurtiam, maturescentibus Deam Matutam ; CUP3 runcantur, id est à terra aufe- rHviur* Deam Runcinam. Ce sont les phantômes de

Divinitez que ce Pere nomme , protestant qu'il ne les nomme pas tous. Nés omnia commemoro, quia me piget, quod illos non pudet.

IX. Si les Romains commettoient une si grande foule de Dieux au foin des fromens, ils ne pouvoient pas en employer un moindre nombre à la procreation & à l'éducation des hommes. Tout ce desordre venoit de ce qu'on avoit abandonné l'unité du vray Dieu , & on ne pouvoit après cela s'empêcher de se precipiter dans une multitude monstrueuse, qui n'estoit qu'une honteuse confusion de phantômes. Non satis fuit hominibus Deorum T/iultttudinern amantibus, ut anima nostra da- moniorum tUrb" proiîitueretur ; unim veri 'Dei caftitm dedignata complexum Les Grecs n'estoient pas tom bez dans ce dérèglement d'esprit, mais ils en avoient jette les fondemens. Car ayant une fois multiplié les Dieux , ayant partagé l'Empire &.

l'adminittration du monde , ayant commis des Dieux differens aux fromens & aux vignes, aux plantes & aux fleurs , ils avoient donné ouverture à toutes ces divisions chimeriques de la Divinité.

Et s'ils n'ont entendu que des Genies divers chargez de ces fonctions diverses fous la providence éternelle de Dieu, ils en ont fait un détail purement imaginaire , & ils ont imposé des noms en l'air , sans autre fondement que celui de leur vanité , de leur presomption & de leur caprice, Lactance fait mention de la Déesse des Berceaux, 5c d'une image impure qui sembloit autoriser la con- secration qu'on faisoit à ce Dieu , de la virginité qu'on alloit perdre par le mariage. Après quoy Lactance estime que ceux qui ont detesté les monstres de l'Egypte , ont eux-mesmes esté adorateurs d'autres monstres. Et Cunina, que in ennis infantes tuetur. Et Mutinus, in cujus sinu pudendo nu- btnta præJident ) ut M arum pudicitiam prior Dans

L. i, c. * o.

delibasse videatur. Et mille alia portenta ; ut jam va, mores qui hæc colenda susceperint, quàm s £ ?yptios

esse dicamus ; qui mopftruofa & ridicula quaedam Jimulacsa venerantur.

X. Finissons ce discours par ces deux remarques, 1°. Que comme autant de pas qu'on faisoit en s'éloignant de l'unité de Dieu, c'estoient autant de fausses démarches & d'égaremens tout visibles : c'estoient aussi autant de preuves convainquantes de la necessité qu'il y avoit de se tenir tres-étroitement attachez à l'unité, puis qu'on ne pouvoit s'en éloigner le moins du monde, qu'en tombant par degrez dans une infinité d'illusions superstitieuses & d'impietez. 2°. Que l'ame raisonnable dans tous ces egaremens & dans l' extremité mesme de son aveuglement déplorable, estoit encore tres-persuadée qu'elle ne pouvoit se passer de la Divinité, & qu'à tous momens, & dans les plus petits mouvemens elle doit estre soûtenue de cette main toute-puissante. Car en laissant à l'écart l'idée de la multiplication des Dieux, qui estoit insoûtenable, il reste une persuasion religieuse que la Divinité est nostre principe, nostre ÍOlhien, nô- tre tout ; c'est elle qui produit tout', qui fait tout, qui perfectionne tout, qui domine à tout, en forte que rien n'échappe à la venë) à ses foins & à la providence, quelque petit 8c quelque méprisable qu'il nous paroisse. Aussi dés que la Religion Chrétienne eut découvert ce que la superstition avoit mêlé du sien à ces lumieres naturelles, la nature de l'ame raisonnable se retrouva & se reconnut ellemesme dans le nouveau jour que l'Evangile luifit voir.

XI. Les percs qui perdoient leurs enfans, s'en consoloient avec la Deesse Orbona. In tutela funt Orbona, orbati liberis parentes, dit Arnobe. Pline en parle aussi. Les serviteurs estoient sous la dé- ,

L. 4.

i. c. 7.

sense de Saturne , au temps & sous le regne du- quel il n'y avoit point encore de distinction entre les maistres ôc les serviteurs. Jupiter présidoit à l'hospitalité j Jupiter Hospitalis ,~ & aux soicictez Sodali'tius ncYV.D. Comme Mammon sembloit estre le Dieu des richesses parmi les Phe- niciens selon l'Ecriture , & à Cartilage mesme selon saint Augustin, aussi parmi les 1 Grecs p Iltto > parmi les Latins Dis ôc Ops avoient l'intendance des richesses. Himenæus presidoit aux nopees, ou Jalemus parmi les Grecs, qui estoit peut-estre le mesme que ['lænia des Latins, qui avoit sa chapelle à Rome prés de la porte Viminale. Venus presidoit non seulement à la naissance des hommes , mais aussi à leur sepulture , & alors on l'anpelloit Libitina. Quelques-uns croyoient que c'étoit Proferpinemais Plutarque declaré que c'é- toit Venus, parce que nous ne naiiïons que pour mourir, & il estoit Juste que la mesme Divinité qui nous met au monde , nous en retirât. Prœcipuè illam nomine Libitinam s Deam prtfidett2 cor mu qua defunctis jufta siunt ; sive ea Prose-ptna efl,Jivs ut Romanotum eruditijfimi arbitrantur, Venus jit, haud male uni nurninis virtuti , ea quæ aa. c-niim u'fli;c;.'J.

pertinent, aifrib entes. Aussi cet Auteur dit ailleurs qu'à Delphes il y avoit une statuë de Venus Epi- tymbia, c'est à dire préposée aux funerailles, 8c qu'on l'invoquoit pour évoquer les morts. Na??i & Delphis efl Veneris imllguncula; ad quam Cf¡Ufl Libant. mânes tvocAnt defunitomm. Ainsi cet- te coutume des Romains venoit de la Grece.

XII. Quant aux mai sons Janus presidoit aux portes, mais il avoit d' autres Dieux qui estoient comme ses officiers. Voici comme saint Augustin s 'en rit avçc raiion. Vrmm qiuftjue dorni (i-.æ ponit ojliarium } & , qui homo est, o'l¡mino fnjfi cit. 7:'r:.r Deos ijti pofmnm j FçrçnUm firiçus, Car deam cardini,

/?* ITumx.

In C au ffi h

Croit. 7. 4.

c. 8.

Limentinam, limini. Ita non poterat forculus simul fores. ~dr cardinem limenqne servare ? C'est de cette J Déesse Cardea ou Carna, que parle Ovide dans sesFastes , où il dit que Janus lui donna cette intendan- ce pour le prix de sa pudicité. Le foyer estoit fous la garde du Dieu Laterculus, parce que les anciens foyers se faisoient de brique. Les murailles estoient fous la protection de Jupiter Herc£uJ..> Ce nom vient du Grec -'Pxe-, murw septum. La Déesse Fornax, presidoit aux fourneaux; ou aux fours. Ovide parle de celle-ci dans ses Fastes,

F aECa Dea est fornax, læti fornace coloni, Oram ut vires temperet illa fias

XIII. Et quant aux champs, nous avons déja parlé de quelques-unes de leurs Divinitez. Flora & Pornona, presidoient aux fleurs & aux pommes. Segesta ou Segetia, aux moissons. Puta, à la taille des arbres. Sera , aux semences. Spinenfis , au foin d'arracher les épines. Deverrona , à amasser les fruits. Il est clair que ces noms viennent de Dever- rere, Spina , Serrere. Robigus devait empêcher la mielleure des bleds.

XIV. Le Dieu Terminus estoit le plus respecté dans les champs. Le terme qui les fcparoit estoit ou de bois, ou de pierre, & on le couronnoit de fleurs, on lui facrifioit au jour de sa feste. Tibulle en est témoin

Nam veneror 3 feu stipes habet de fer tus in agris , Seu vêtus intrivio florida fèrtalapis.

On attribuoit à Janus le commencement, & à Ter- minus le terme & la fin de toutes choses. Saint Au- gustin rapporte & réfute cette superstition : Cur ad fanum dicuntur rerum initia pertinere ; fines, ver'o ad alter/lm, qtlcm Terminnm vocant ? Nnmqmd ergo ad ?nundurn.qui Janus est, initia terllm pertinent, & fines non pertinent ut alterillis Dens præficeretzty.? Ladtance témoigne qu'on facrifioit à ce Dieu, comme au con-,

L. x.

z. x. 6 6.

L. j-. TZleg.v

Civ.l 7,c.7. ;

L. 1. c. io,

servateur de la paix publique, en arreltant les particuliers dans les justes bornes de ce qui leur appartient. Huic ergopubhcè fipplicetur, quasi cusrodi finium Deo; qui non tantum lapiçfedflipes interdum est.

Ce Pere raconte ensuite comme lorsque Tarquin le Superbe voulut bastir le Temple de Jupiter à Rome sur le mont Tarpée , tous les autres Dieux qui y avoient des Chappelles cederent sans peine, & se laisserent transferet ailleurs , excepté le Dieu Terme. On en prit un bon augure pour l'immobili- té & l'éternité de l'EmpireRomain, & on laissa une partie du Temple de Jupiter Capitolin sans la cou- vrir, afin qu on y pût sacrifier au Terme, auquel on ne peut sacrifier qu'à découvert. Nam cùm Tar- quinïut Capitoliumfacere vellet, coque in loco rnulto- rum Deorum sacella essent : confuluit eos per auguria, utrum ÎQvi cederent, & cedentibus c&teris solus Ter, minus manfit. V nde illum Poëtlt Capitoli immobile saxum vocat. Facto itaque Capitolio , supra ipsum Terminum foYameneftin tecto relictum, ut quia non cesseras > libero Cdo frueretur. Servius expliquant ces paroles de Virgile, que Laétance vient de citer fait le mesme récit, & y ajoute , qu'on facrifioit au Terme à découvert, Nam Termino non nist fùb Dio facrificabatUr; Et qu'on augura l'éternité de l'Empire de cette fermeté immobile du Terme : Et deprehensum, quàd Terminus cum Joue remanens, æter- numurbi Imperium cum religione significaret. Virgile insinue clairement cet augure,

Dum Domas Æneæ Capitoli immohile sàxum - Accolet Imperiumque Pater Romanus habebit.

1 Ce que Servius observe au mesme endroit, n'est pas moins remarquable, que jusqu'à Tarquin le Superbe il n'y avoit point de Temple de Jupiter à Rome ; quoi-que Tarquin l'ancien eût fait vœu d'en bastir un. Inurbe Roma Iovis Templum non fuit; quod cum jam devpfum h Tarquinio Prisco vellet Su-

ibid.

virgil.

JEtieid. ly.

l'abUs Adipcare (3'c, Le qui confirme ce qui a esté dit ci-dessus , qu'on avoit esté prés de deux cents ans à Rome sans Temples & sans statuës.

Il n' est pas hors d'apparence que dans cette rencontre les augures flatterenr ingenieusement la vanité de Tarquin par cette pretenduè resistance du Terme. Car il n'estroit nullement besoin d'écarter le Terme, puisque par l'institutien mesme de Numa tous les Termes estoient consacrez à Jupiter qui en portoit le nom de jupiter terminalis. Le Tern-ic n efloit qu'un symbole de la Justice éternelle, & Jupiter qui est le souverain Dieu , est lui-mesme cette Justice éternelle. Voici ce que Denys Halicarnasse dit sur ce sujet. Cum uniimcjnemque jussisset suas pojJcjfoncs cira-emfèribere : ac tn firàbw (latuere lapi- des » lapides istos Iovi terminait fccr os esse voluit ~&c.

facrato ammo festo , Terminalia vocant. Cet Auteur ajoûte, qu'à la Divinité des Termes on n'offroit rien de sanglant; mais des libations seulement & des fruits ; qu'au reste les Romains estoient ceux qui avoient le plus respecté ces Dieux en apparence, & qui les avoient plus souvent offensez , en poussant si loin sur les autres Estats les bornes de leur Empire.

XV On peut encore rapporter aux champs la Déesse qui presidoit aux chevaux , nommée Hippona, ou Epona, dont parle Juvenal, Iurat solam Eponam, & faciès olida ad prœfepid pictas. Quant aux bœufs Bubona en estoit chargé, & Mellona des abeilJuvenal dit à la vérité qu'on n'a voit point encore dressé de Temple à la monnoye ,

Etiffuneji a pecunia Ternplo Nondum habitas , nondum nummoriim ereximm aras.

Mais outre Pluton, Dis , & Mammona, dont nous avons dit un mot, Asculanus & Argentinus, avoient rang entre les Dieux, Plutus pailoit aussi pour un

L. i. p. IH.

Livius l, 1.

c. 55.

Sat. 3.

Siït. 1.

Dieu, ,oc on le faisoit fils de Jason & de L.erès 3 parce que l'agriculture & l'Epargne sont la source des richesses. Il y avoit un Temple de Iuno Moneta, dont parle Ciceron dans ses livres de la Divination, & Ovide,

jlrce quoque in fitmma Iunoni Templa Monetæ, Ex voto rnemorlln fait a Camille tuo.

Onpretendoit que c estoit pour un avis que Junon avoit donné; d'autres croient que c'estoit la Déesse de la Monnaye, qu'on battoit dans le Temple de Junon. Festus nomme Heres Martea , une des compagnes de Mars , qui mettoit en possession des heritages. Laverna, au contraire estoit la Désse que les larrons invoquoient selon le mesme Festus ; La- verniones fures antiqtii dicebant, quòd sub tutela Deæ Laverna elent, in cujus luco obscuro abditoque solent [urta ptædarnque imcr si luere. C'est apparemment de ce terme Luere, c'est à dire, Dividere, que Festus entend qne Laverna prenoit son nom. Horace en fait mention,

P ulchra Lavemd, Da mihifallere; da justum fanétumque videri.

XVI. Il ne fera pas inutile d'interompre le fil de cette narration par les observations suivantes.

1 Q Il est probable, qn'une partie de cette foule de superstitions prit sa naissance des Payians de la campagne , des nourrices , des accouchées , & de la lie du Vulgaire, lequel estant raisonnable , & se fentant avoir besoin de la Divinité à tous momens & pour toutes choses ; & estant d'ailleurs tres-hebeté, & attaché à la matiere , il se forgea des Divinitez à sa mode & à sa portée. Les sçavans, les Philosophes & les Theologiens du Paganisme trouvans l'abus introduit & accrédité, tâcherent non de l'abolir, ce qu'ils n' efperoient peut- estre pas de pouvoir faire , mais de lui donner des interprétations favora- bles. zo. Ils donnèrent deux fortes d'explications,

£ >- 1. Ef> 16.

qui ont esté déja plusieurs fois touchées. La pre- miere fut, que toutes ces Divinitez n' estoient que comme des portions de la providence universelle de Dieu, qui s'étend jusqu'aux moindres choses, qui coopere à tout, qui fait tout, mais qui na po estre com prise par des esprits limitez Se grossiers, que comme par morseaux &c par pieces, quoi-que Dieu soit en lui-mesme une unité & une totalité parfaite. 3°. La feconde explication a esté des Genies ou des Anges Tutelaires, qui president à toutes choses , & executent les ordres de la Providence. C'est ce que Symmachus disoit dans sa relation , qui fut refutée par saint Ambroise & par le Poëte Prudence. Suas c ni que mos, suus cuique ritiu est. Varias custodes urbibm & cultm mens divina distribuit. Vt anima nascentibu, itapopulis fatales Geny dividuntur. Prudence s'explique plus au long.

- Cum portés , domibus, thermis 3fiabulis ,foleatii si ffi,gilaYe suos Genios jperque omnia membra Vrbis, perquc locos , Geniorum millia multa Gignere ; ne vropria vacet angulus ullus abumbrd.

Ce sont les paroles de ce Poëte Chrétien. 4°. Platon & les autres Philosophes commencerent dans la Greee trois ou quatre cents ans avant la naissance de Jesus-C hrist, à donner ces interprétations fort approchantes de la verité. Varron& Ciccron en firent autant à Rome peu d'années avant la naissance en terre du mesme Verbe divin. Voicy

ce que saint Augustin rapporte de Varron : Dicit Farro Deum se arbitrari ejJc animam mundi, & hune ipsum mundum fJTe Deum, &c. Hic mihi videtur quoquo modo confiteri unum Deum &c. Adjungit qua- tuor partes mundi animamm eJlè plenas, in Athere & in aërc immortalium, in aqua & terra mortalium; à summo autem circulo cæli usque ad circulum Luna athereas animas esse astra ac stellas, eosque edestes Deos non modo intelligiesse,sed etiam videri: inter LunA

L. -L.COM.

symmach.

Civlt. I. 7.

c. 6.

;,LUtl.! vero gyrum cr nimborum (Y ventorurn cacumtejïi, aereas sse animas ,sed eas animo, non oculis vi- 4cn & zocari Heroas, & Lares & Genios. Ces paroles sont si importantes, que je n'ay pas apprshendé de les repeter. 5 Dés que l'Evangile a esté annoncé au monde , toutes les illusions de la fable e sont dissipées , les interprétations philosophiques qui en avoient esté comme des corrections, pnt esté corrigées & redressées elles-mesmes ; ce qui approchoit de la verité, a esté parfaitement accordé avec la verité; Dieu a esté reconnu un & tout, sans estre ni le monde, ni l'ame du monde ; les Anges ou lesGenies immortels ont esté connus comme les ministres de la Providence divine, appliquez à toutes choses, & aux moindres choses En gencral, sans rien deviner du détail ni de leurs Fondions, ni de leurs noms, parce qu'il n'a pas plû à Dieu de nous en rien reveler, & parce qu'il ui a plû d'oster à nostre esprit cetamusement, qui Eut esté superstu & périlleux, comme il a paru dans es Payens. Ainsi on peut dire que lESLIS-CIIRI S-r l esté le Soleil de la sagesse & de la vérité , dont les rayons avantcoureurs avoient fait comme une Aurore &z en Crece & à Rome, par ces connoissances plus lumineuses de Platon & de Varron, qui avoient commencé àdissiper les tenebres de l'ido.atne y mais dont le lever & les premiers progrés sur nostre horison ont achevé de donner le jour d établir la veritable Philosophie ou Theologie Naturelle , en retablissant la veritable Religion.

6°. Mais la principale grace de JESUs-C HRIST L esté de donner le courage & la force de resister au torrent de la coûtume aux dépens mesme de sa vie; pe que ni Ciceron, ni Varron, ni Platon, ni Sereque mesme n'oserent faire , quoi qu'ils fussent Convaincus de la verité & de l'unité de Dieu. Voici les paroles de Sene que rapportées par saint Au-

gustin : Omnem istam ignobilem Deorum turbam q longo avo longa superstirtio congessit, ita adorabin ut meminerimus, bujusmodi cultwn magis ad mot quant ad rem pertinere.

CHAPITRE XIX.

Des Dieux preposez à la Jeunesse, à la Santé, Vieillesse,aux Maladies, à l'Amour , à la Mi ricorde, à la Paix, à la Valeur &c. Y

I. Du Culte de la Déesse feunefie. (

II. Delà Santé & du Salut. t 11 I. DI la Cfainte, la Palleur, la Fievre ,& les > ma["dies. j v. il y a des mauvais Genies quiprefident aux mal V La Viiillejfe , les Soins J la Faim.

VI Origine de ces Déifications. Nostre manière de < voir toutes choses par rapport à nous, donnant un corps terfonne une vie, une intelligence * ce qui n'en a point.

VII. Lacreance qu'il y a des démons qui influent ces maladies.

V Ill. Exemple de l'Echo à qui nous avons donné un & une intelligence. ,

1 X. Du culte de l'Amour. Le double Amour,'e pur & tur..Êros , & Anteros ; [on antiquité , ses pouvoirs. Si fEfprit [Ilint du premier Chapitre de la Genese.

X. culte de la Calomnie & de l'Impudence.

X 1. De la Misericorde jdela Paix, de la Pudicite.

fiant ces vertUS. on reccnnoijfoit dans le fond du coeur l'êssence é> l'origine de toutes les vertus est la Divinité ver XII. De la Valeur, de l'Activité, dit Repos. Tout c.

vràl n'tftqu'mDieu.

1 Ditudu Silence. D'Hapocrfites^ Sentîmes du vrai Dieu , dont la grandeur & la famtete , repfe d.

filenee.

I.

D

ENYS Halicarnasse raconte , ql Déesse de la jeunesse , Inventas, n i .-.lue ouf* 1 p. Terme.

ne voulut pasceaeruu.i~—~- -- - - - -, kilTer transferer ailleurs pour faire place à Ju

Civl6..c.

io,

t Capitolinà Rome; ce qu'on prit pour un augure de îa vigueur & de la jeunesse éternelle de l'Empire.

Terminus tantùm & Inventas nullis quamhbet crebris Aitgurum precibus supplicationibm lfelîipotuerunt, ut sustinerent lacis suis cedere. Quo factum est, UL- mm arc contineantur Templi ambitu. Hinc conjicie- bant vates, nec movendos unquam urbis terminos, nec juvenilem vigoremei deferre. Tite Live fait mention des honneurs extraordinaires qu'on fit à cette Déesse, au commencement de la seconde guerre Punique , Romæ & Lectisternium Iuventuti, & supplicatio ad adern Herculis.

Les Grecs la nommerent Hora, Hebe. Nonius rdit aussi , Hora juventutis Dea. Si on a feint qu'He- be fervoitd'Echanson aux Dieux, Athenée dit que c'est, parce qu'on appelloit les festins Hebeteria.

Quia Hebeteria vocantur Symposia.

: II. Pausanias nous fait voir que le culte de la péefle de la Santé estoit fort ordinaire dans la Gresce. Pofita funt Deorum signa Hygiæ , quam filiam Afculapij suiffe dicmt : (1r Miner VA , eut itidem Hy- \vi& j id eftSoJpitA cognomentntn. La prcmiere estoit apparemment la fanté du corps, & la féconde celle de l'esprit. Et ailleurs, De Afculapij vero templis, quodapud Argivos mbilijjirnum est, habet Dei jig- tlHrn e candi do lapide, cui ajjidet Bona valeutdo ùyiacc.

Et ailleurs : Dicavit &dem Bon&valetudmi, Afcu- apio &c. Et encore ailleurs ; Vbl Afcuiapij templum.

Signa in eo Dei ipsius & Bonæ valetudinis. Il dit aileurs, que dans le Temple d'Amphiarus il y avoit un Autel pour Jaso, pour Venus, pour Panier, our la Santé, pour Minerve. Veneris, Panacræ, ïafia & Hygidt, & MtnervAPaonta. Jaso vient de/aiq , Sanatio. Panacea en Grec est le mesme que SalltiO. On l'a fait aussi fille d Esculape. Pline dit art bien que le nom de Panacée, promet la guerison Re toutes les maladies. Panaçes ipso nomine omnium

L. }.p. 101.

L. zi. c 61.

L. io.

L. i.

L. i. pxg.

1,7. lis.

L.B p. j o 8.

In .Atticu.

L. z. 5, c. 4.

morborum remedia promittit ; numerosum C~ utu ventoribus ascriprum. Vnum quippe Asclepium cog minatur , quoniam is filiam Panaceam appelle C'est-à-dire que de plusieurs especes de la pla qu'on appelle Panacée il y en a une qui porte le n d'Esculape, parce qu'Esculape nomma sa fille 1 nacée. C'est apparemment une genealogie * pu ment morale ,& les Payens ne pretendirent jan- que de reverer la Divinité qui donne & qui conse la Santé. Tite Live fait mention de la Déesse lus, c'estoit le salut du public, JEdes Cereris » Sa tis, Quirini, de C-tio tassa.

III. Les Poëtes avoient relegue les malac dans les Enfers : Virgile les y place , Primis in f cibus Orci pallentes habitant morbi, Mais l'aveug ment des peuples les rangea entre les Divinit Voici ce qu'en dit saint Clement d'Alexandrie.

mani Herculi muscarum depulsori, & febri ac pav sacrificant ; quos ipsos ascribunt quoque in numerum rum , qui fmrmt cum Hercule Et saint August yt cum felicitate coleretuf Priapus, & pavor,& pal & febris, non numina colendorum sed crimina col tium. Minutius Felix & saint Cyprien en parl aussi. Lactance dit que ce fut Tullus Hostilius de Rome qui donna entrée au culte de la crain & de la palleur, & qu'il meritoit bien que ces Di lui fissent toûjours sentir leur presence. Pavore Palloremque Tullus Hostilius figuravit & col Quid de hoc dicarn) nisi dignum fuisse, qui sem D,os suos sicut optari solet, præsentes haberet. Il après cela que c'est un étrange renversement que confondre ses Dieux & ses maux , quoi-qu'on de ce pretexte, qu'il y a des Dieux qu'on lion pour en estre assisté , & d'autres qu'on revere p n 'en estre pas endommagé. Respondebit tibi illa dem Gracia, se alios Deos colere, ut prosint, alios ne ceant. H*c anim feiaper exciifatio est corum., qui m

L. 18 c. n.

L 6. JEnei.

In admorJ.

fui 6ent.

Civ. I.4.c.

2 J.

L. 1. c. 20.

Jkft pro Diis habent, ut Romani Rubiginem ac Febrem. Ciceron en demeure d'accord : Febris enim fanum in Palatio , & édela Larum , & aram mal Fortune in Esquiliis consecratam videmus. Pline le confesse aussi : Ideoque ciam publicè Febri ■ fanum in Palatio dicatum est, Oi'bonæ ad ædem Larium , & ara malæ Fortunæ Esquiliis. Saint Augustin deman- de pourquoy le crime ne fera pas un Dieu, au moins parmi les Barbares, si les Romains prennent la crainte, la pâleur & la fiévre pour leurs Divinitez. Cur <27* iniquitas Dert non sit vel extranearum gentium, si Pavor, & Pallor, & Febris Dij Roma- nis esse memerunt ? Saint Clement d' Alexand rie dit que cet honneur alloit ju[qll'al1 sacrifice : Romani sacrificant Metui, yîfccc. 1 IV. Il est difficile de donner quelque couleur de probabilité à ce culte non seulement superstieux, mais impie & extravagant. Il est probable que ceux qui s'y addonnoient , croyoient qu'il y avoit de mauvais Genies, qui pouvoient nous causer ces agitations dangereuses dans l'esprit & ces maladies dans le corps; & qu'ils esperoient par ces sacrifices appaiser ces mauvais Genies. Ils ne se trompoient peut-estre pas dans cette creance des mauvais Genies ou des mauvais Anges : mais ils dloient d'autant plus coupables de rendre aux ennemis de la Divinité le culte qui n'est deu qu'à elle , <'):. d'attendre leur salut d'ailleurs que de la providence du vray Dieu.

V., Virgile place dans l'Enfer la Vieillesse , les , Soins, la Faim, & par consequent la Soif: Lltc- tus & ultrices posuère cubilia CJtræ, &c. Pallentesque habitant Morbi, tristisque Senectus, &c. Et ma- lesuada Fames. Mais ce font plûtost des monstres que ce Poëte forge , & il y a peu d'apparence qu'on leur ait jamais dressé des Tem ples ou des Autels ; quoi-que l'on dise que la Mort estoit honorée à La-

L. 3. de Ratura Deor.

L. 2.. c. 7.

tJZneîd. 1.6.

cedemone, & que Servius expliquant ce vers di Virgile, Multa boum circa mactantur corpora Merti dise que la Mort estoit aussi une Déesse, dont Lu cain Stace ont fait mention ; & qu'il cite les pa roles de Stace , In scopulis Moris atra sedet : & cel les de Lucain , Ipsamque vocatam, qUllrn petat à no bis Mortem tibi coge sateri.

V I. Nostre maniere de penser, de raisonner & de parler donna naissance à tous ces égaremens Car nous ne pouvons nous empescher de conce voir toutes choses par rapport & par proportion ce que nous sommes nous - mesmes. De là vien que nous donnons un corps, un sexe , une substan ce, souvent une ame & une personne aux chose qui n'en eurent jamais. Les Poëtes ont fait de descriptions admirables de la Renommée , dit Som meil, de la Faim , de la Crainte, de la Vengean ce, de l' A mour, comme si c'estoient des personne ce, de l'Amouf, comme si ceftoielJt des pcrCorJnc vivantes, animées, intelligentes, & par conse quent fort approchantes des idées qu'ils avoien des Déesses. Cette maniere de penser nous est na turclle ; ellc a des agréemens & des charmes for grands pour nous. Elle nous est mesme en quelqu façon inévitable. Car nous ne pouvons nous em percher de former nos pen fées 8c nos discours su la nuit, sur le silence, sur letemps, sur la renom mée , sur l'honneur, sur l' amour, & sur cent au tres choses fcmblables , autrement que comme c'estoient des estres & des substances ; 8c nous se rions fort mbarassez s'il nous falloit reforme toutes ces idées & ne rien penser & ne rien dir que de précis & de uste. L'Ecriture mesme s'el accommodée à nos niaiiicres, & elle a sé de dit cours & de figures semblables. Les Prophetes on souvent fort approché du stile que nous appellon Poëtique. Cependant l'idolatrie qui s'est attaché aux maladies, aux passions, aux affections, à 1;

Hevre, à la faim, à la crainte, à l'amour, s'est tondéc en quelque maniere sur cette façon de parler & de penser les choses. Mais comme il ne faut pas s'en prendre à la beauté des Astres, si la folie des hommes s'est portée à les adorer : aussi ne fautil pas nous plaindre des douceurs & des beautez que nous trouvons dans ces manieres figurées de parler & de penser, si l'ignorance & la stupidite de quelques-uns en a pris occasion de s'égarer. Il faudroit détruire toute la nature, si. nous voulions soustraire aux méchans toutes les hoses dont ils peuvent mal user; & il ne resteroit plus de biens au monde, si nous voulions en bannir tout ce qu'on peut convertir en mal.

VII. Il ne faut pourtant pas rejetter la premiere idée que nous avons proposée, qu'il y a de mauvais Genies, ou des Demons , qui font comme les Princes de ces maladies &: de ces affections depravées , que les Poëtes ont placées dans les Enfers, & que les Idolatres ont quelquefois adorées, pour n'en estre pas incommodez. Les maladies font souvent attribuées aux malins Esprits par les Evangelistes, & dans toutes les Ecritures les demons font les peres & les Princes du mensonge , du peche, & de toutes fortes de déreglemens. Ainsi ces descriptions Poëtiques & ces superstitions populaires estoient doublement fondées sur la Physiologie , sçavoir sur nos manieres de penser & de parler, 8c sur l'attribution de tous ces estres défectueux aux demons.

VIII. Avant que de passer aux affections vertueuses, qui ont esté aussi honorées, & qui nous donneront sujet de faire d'autres reflexions ; il sera bon de justifier ce que nous venons de dire , par l'exemple de l'Echo, dont le di scours nous estoit échappé dans les Chapitres precedens. Quand nous lisons dans Virgile, Vocisque offensa resultat

L. 4.. Georr.

tmago : ou dans Horace , Cujus retinet jocosa, ne- men imago : ou dans Claudien,

Tune Jilvœ,. tune antra loqui , tune vivere fontes, Tune faut borror aquis, adytifque ejfunditttr Echo C'arior, & doilæ Ipirant præfilxia rupes.

Quand nous lisons, dis-je , ces beaux endroits des Poëtes, nous ne pouvons que nous ne concevions ce redoublement du son & de la voix, en la mesme maniere que nous avons dit, & qui a donné occasion à Ovide de feindre fort ingenieusement que c'estoit une Nymphe amoureuse de Narcisse, qui après s' estre inutilement entretenuë avec lui, fut transformée en voix & en son :

Inde latet Jilvis , nulloque in monte videtury Omnibru auditur sonus est qui vivit in îlla.

I X. Venons aux affections qui font ou qui peuvent estre loüables , dont les Pa yens firent des Divinitez. L'Amour doit avoir le premier rang.

Saint Augustin a rapporté le vers de Scneque, qui parlant de l'amour impudique, declare que ce n'ont esté que les impudiques qui l'ont deïfié.

Deum essè Amorem turpis & vitio favens Finxit libido.

- - -

Cet Amour estoit double, o'EpCtJç & Ampc»; ; ce dernier n'estoit ordinairement que l'amour reciproque. Mais Anteros pouvoir aussi estre le vengeur de ceux qui estoient aimez sans aimer. C'est probablement le sens de Virgile:

Si quod non ttquo fœdere amantes Curs Numen babet.

Servius l'entend de la forte, & voici ce qu'il en dit : Nam & arnatoribus prœesse dicuntur Eros, An- teros, Dyseros. Nonnulli Nemesin signtifcari putant, nonnulli Anterota. Invocabat contrarium Cupidini, qui amores resolvit ; aut certè cui curœ est iniquus amor, scilicet ut implicet non amantem. Hic etiam Athenis coli dicitur. Il semble que Servius entend

L. t. Ode.

lo-

De 4. Consul.Honorij.

In Hippol.

Æneid.

par Anteros le vengeur des amans méprisez, qui venge ou qui fait cesser ce mépris par un amour mutuel. On appella aussi Anteros celui qui dégageoit les amans malheureux d'un amour qui ne pouvoit trouver de correspondance. Didon semble y faire allusion dans l'Eneïde ;

înveni Germa»a viam , gratare Jorori, Qu rnihi reddat eum, vel co me folvat âmantem.

Ovide en parle aussi, & dit qu'on l'appelloit l'A- mour d'oubliance, Lethœus amor, ou plûtost l'oubli de l'amour : - -

Efl prope Collinam templum venerabileportam, Imposuit ternplo nomma, celsus Eryx.

Efi illic Lethxus amor, qui peliora fanat » Inque suas gelidam lampadas addit aquam.

Illic & juvenes votis obliviapofcunt, Et siqua est duro capta puella viro.

Virgile a suivi Hesiode , & a yant joint l'Amour au Chaos dont le monde fut tiré, il èn fait le maistre des Dieux & de toutes les natures qui sortirent du Chaos :

Atque Chao denfos divùm numerabat amorcs.

- - » 1 1 i * 1 TA • 1 f

Voila l'Amour entre les VIeux le voici entre les natures terrestres :

Et genus étquorcum pecudes pilïétquc volucres, n suri.ts ignemque rmtnt > amor omnibus idem.

Hesiode avoit déja fait l' Amour aussi ancien que le Chaos dans sa Thcogonie : Primò omnium quidem Chaos fuit , ac deinde Tellus , &c. T artaraque, &c. Atque Amor, qui pulcherrimus inter omnes Deos, solvens curas, & omnium Deorum omniumqne hominum domat in pectoribus animum, & prudens consilium. On pourroit croire avec quelque fondement, que ces deux Poëtes ont voulu exprimer dans leur pocne les premiers versets du premier Chapitre de la Genese, où il est parlé du Ciel e de la terre ayant leur separation, ce qui faisoit

L. i. de Rem. amor.

Geor £ • l. 4.

le Chaos, puis de la terre & de l'abîme, enfin de l'Esprit du Seigneur, qui estoit porté sur les eaux de cet abîme. Car cet Esprit eH: l'Amour divin , qui donna la fecondité, l'ordre, la distinction Se la beauté à toutes les natures, qui estoient confuses & mêlées dans le Chaos. Cet amour estoit divin, pur & chaste , & les Poëtes l'ont reconnu & l'ont appellé l'Amour Celeste, fils de Venus Uranie, distingué de mille autres Amours populaires.

Voici ce qu'en dit Claudien :

Mille pharetrati ludunt in margine fratres , Ore pares * similes habitn , gens mollis Amorum.

H os Nymph&pariunt, illurn Venus Ilureafllùm Edidit. Ille Deos cœiunique & Jîdera cornu Temperat) d" fumtnos dignatur figere Reges.

Hi plebem famnt.

Celle que Claudien appelle Venus Aurea, est Venus Uranie, mere de l'Amour celeste & divin.

Mais ce Poëte a tout gâté, quand il a distingué les Amours par la qualité de ceux qui en font blessez. Seneque fait dire quelque chose de meilleur à une nourrice , qui tâchoit d'adoucir la fureur de Phœdra. Car elle lui dit d'abord, que ce n'a esté que la passion emportée & l'impieté des hommes, qui a donne la divinité à l'amour impur ôc illegitime.

Deum effe Amorem turpis & vitio favens Finxit libido ; quoque liberiot foret, Titulum firori numinis falfi addidit. &c.

Varia isia demens animus adfcivit (ibi, Venerifque numen finxit atque arc m rZ)ei.

Il a j oûte que l'Amour est ordinairement plus chaste entre les personnes de fortune mediocre,

Car fiintia parvis habitat in tetlis Venus, Medittmqllc fanos vulgus affeÛus tenet ?

- - -' 1 1 A y ,,-

C'est ainsi que ce Poëte aprés avoir détrôné & comme dégradé l'amour impur de sa divinité ima-

De ?I:ipPjs, lIo,;o, & LL.r.v.-] o.

In Hippol.

,uor. iys.

ginaire, donne le rang des Dieux à l'Amour chaste, Aussi dit-il après que Venus est mere de deux Amours.

Diva non miti generataPanto, JQuam vocat matrem aeminus Cttpido.

Il auroit encore mieux parlé, s'il avoit reconnu deux Venus, aussi-bien que deux Cupidons.

Lucien semble aussi reconnoître cette difference des deux Cupidons dans le Dialogue de Venus & de Cupidon. Car il y fait avoüer à Cupidon, que bien qu'il ait percé de ses fleches tous les autres Dieux, & Jupiter mesme, il a trouvé des cœurs impenetrables dans Minerve , dans les Mu- ses êc dans Diane ; parce qu'elles font prevenuës d'un autre amour, Diane de la chasse , les Mufes de l'étude, & Minerve de la sagesse. Ainsi l'amour chaste repousse l'amour impudique. Voicy comme il parle de l'amour dont les Muses sont prevenuës & comme prémunies contre les atteintes d'un amour impur. Has quidem revereor, mater; sunt enim vultn pudico ac reverendo ; prœterea semper aliquo tenentur studio ; semper cantionibus Ilnimum intentum gerunt. Quin ipse etiam non rarò illis assiston carminis suavitate delinitus.

Plutarque a fait un traitté de l'Amour , ATJJtorius , où il dit que ce Dieu est préposé à la sainte éducation de la jeunesse : Neque alium habet dttcelll & prœsidem de Düs, quàm Arnorem t Musarum y Gratiarum & Veneris sodalem. Que bien que les Poëtes, les Legislateurs & les Philosophes ayent des sentimens fort differens sur les Dieux, neanmoins ils conviennent tous de la divinité de l'Amour , De uno Amore consentiunt. Que les Egyptiens & les Grecs admettoient deux Cupidons, l'un celeste, l'autre vulgaire. Agyptij eodem qllo Grœci modo duos faciunt Cupidines ; vulgarem unum ) qui Vandemus est, alterum cœlestem. Que l'Amour ce-

Verf. 17 j.

leste nous propole toutes les beautez de la terre comme des miroirs & des images des beautez intelligibles, pour élever nos esprits & nos cœurs à celles-cy. Sic nobis cœlestis amor pulchrorum pulchra specula mortalia & motibus obnoxia divinorum & sola mente cernendorum machinatus , &c. Et un peu aprés : Ingenuus & modestus amator refrangitur ad divinam & imelligibilem pulchritudinem t dr pulchritudine oblata visibilis corporis, eo uti tan qnam memoriœ instri mento satis habet.

Il faut donc confesser que les Payens & les Poëtes mesmes connurent cet Amour plus ancien que le monde, plus puissant que tout ce qui n'est pas luy-mesme, celeste & divin, qui répand dans les cœurs les flammes d'un amour pur & celeste , qui purifie l' amour mesme naturel & terrestre, & s'en sert comme d'un degré pour nous faire monter à l'amour divin. Et quant à l'amour impur , ils ont connu que ce n'estoit qu'une tàble) dont les hommes charnels avoient voulu flatter autoriferleur passion brutale.

X. Et il ne faut pas s'étonner si l'on dressa des Autels à un Amour impur, puis qu'on en dressa à Athenes à la Calomnie & à l'Impudence, T é moin Ciceron : IUnd vitiofum AthenÙ, quod Cy- lonio scelere expiato, Epimenide Cretensi suadente 31 fecerunt Contumelia fanum & Impudentiœ. Pausanias rend un témoignage plus avantageux aux mesmes Atheniens, quand il dit qu'ils avoient élevé des Autels à la Misericorde, à la Pudeur, à la Renommée & à la Valeur. In foro sunt & alitlt opera, quœ Athenien sium in colendis Dits prœcipuam quandœm diligentiam declarant. Et Afifericordia ara culiii numini quod magna habeat in tota fJoJtJlnm'!Æ vita & casuum varietate momenta, soli ex omnibuu Grœcis singularem quendam bonorem babent Athenienses. Neque verò illi majorem quàm c&tçri tn. ho* -

L. i. de Legibtâ.

L. i. p. zy.

mines humanitatem -, ac non etiam in 7)eOJ religionem Jeferunt. Est enim sua apud illos Pudori , Famœ, & Alacritati ara. Il parle un peu plus bas des statuës de la Paix & de Vesta. Signa Deorum ibi posita Pacis & Fifta. Il met ailleurs à Corinthe les Chapelles de la Necessité & de la Violence. Sunt deinceps Solis aræ ; Necessitatis 6- Violentiœ ~AvxUvç xàt Kick &des in qÙArft ingredi fas esse negant , Je laisse la statuë de

la Pudeur AIJ. qu il met encore ailleurs, en memoire de celle que Penelope fit paroistre dans l'embarras où elle se trouva de suivre Ulysse son mari à jthaque , ou de demeurer à Sparte avec son pere qui le desiroit.

X 1. Il est difficile de ne pas reconnoistre dans la Deification qu'on faisoit de ces vertus , de la Misericorde, de la Pudeur, de la Paix, & de plusieurs autres dont il fera parle en suite , qu'il y avoit dans l'esprit des hommes des semences de lumiere & de verité qui leur perfuadoient ; ou que ces vertus estoient originairement Dieu mesme , ou que celles que nous pratiquions n'estoient qu'une ombre & une imitation de celles dont les originaux & les loix éternelles font dans l'essence Divine. Cela paroiftra encore plus clairement dans le recit que fait Tite Live de la Pudicité. Il y avoit eu de tout temps à Rome une Chapelle dediée à la Pudicité des nobles , Pudicitiœ Patriciœ Sacellum. On y en consacra une ensuite à la Pudicité des roturiers , afin d'exciter les uns & les autres à une noble emulation , de quel cofté les femmes éclateroient davantage en pudeur & en chasteté. Hanc ego aram Pudicitiœ plebeiœ dedico, volque hortor, ut quod certamen virtutis inter viros in hac civitate tenet ; hoc pudicitiœ inter matronas Jit, detisque operam , ut hœc ara, quàm illa, si quid potest, sanctius & à castioribus coli dica- tur. Cet Historien dit que ces deux Autel s furent servis par des Dames tres-chastes pendant un fort

L. z. p. 9U

-c. ioi.

L. I. c.13.

long-temps , & qu'aucune d'elles n'y sacrifioit, qui ne fût d'une vie & d'une pudicité exemplaire ) & qui clIt esté mariée plus d'une fois. Mais que depuis & l'amour de la pudicité & le culte de ces Autels se dissiperent entierement. Eodem fer- mè ritu & hæc ara , quâ illa antiquior , culta est : ut nulla nisi stectatæ pudicitæ matrona , & quæ uni viro nupta fuisset , jus sacrificandi haberet. Vulgatæ dein religio à pollutis &c. in oblivionem venir. Il est manifeste qu'on croioit que par ce culte les femmes s'engageoient à une chasteté exacte , & s'y engageoient par les liens de la Religion, regardant la chasteté comme Dieu mesme. En quoi on ne se mt pas trompé , si on ellt élevé les yeux tant soit peu plus haut, & qu'on eût consideré que ce Dieu estoit l' essence & la nature mesme éternelle & incorruptiblé, de la pureté, de la chasteté, & de toutes les autres vertus.

XII. On en pourroit dire autant de la Valeur 5 de l'Activité , & du Repos ; ce font des proprietez & des vertus Divines en elles-mesmes ; elles font originairement en Dieu d'une maniere tres-éminente , & c'est de lui qu'elles découlent en nous. C'est ce que le fond de la nature & la lumiere de la raison suggeroit interieuremet aux Romains ; mais la pante qu'ils avoient à la multitude & aux choses sensibles , les détournoit & leur faisoit inventer je ne sçai combien de petites Divinitez separées. Mais quoi qu'ils fissent , ils ne pouvoient separer ces grandes perfections d'avec la Divinité. Voici les Déesses qu'ils se figuroient au rapport de saint Augustin : Miror antem plurimùm , quòd cùm Deos fingulos singulis rebus , & penè singulis motibus ilttrjbuerent vocaverunt Deam Ageroniam , quæ ad agendttm excitaret. Deam stimulam quæ ad agendum ul- tra modum stimularet ; Deam Murciam , quæ non fa- ceret hominem nimis murcidum , id est , desidiosum ;

Z.4.C ivu'.

c. 16,

Deam Strenuam , quæ faceret Strenuum. His omnibus "Uiù IlC 7Jeabm publica sacra facere susceperunt. Quie- tem verò appelantes , quæ faceret quietum , cùm œdem haberet extra portam Collimam , publicè illam suscipere noluerunt. Si l'on veut se former une idée gencrale du principe , qui poussoit les esprits & qui donnoit cours à toutes ces Divinitez , on trouvera qu'ils concevoient toutes ces vertus & ces grandes qualitez , comme des vertus & des qualitcz Divines , qui avoient une puissance tres-efficace & tres-étenduë d'imprimer les mesmes vertus & les mesmes qualitez dans le cœur des hommes, & qui meritoient qu'on leur rendist des honneurs Divins, & des actions de graces continuelles. Cette idée generale n'a rien que de bon ; il n'y avoit qu'à ne point la diviser, & à laisser toutes ces perfections Divines dans l'unique essence d'une suprême Divinité , dont les restes de la lumiere naturelle leur donnoient une connoissance assez claire s'ils eussent voulu y faire attention , & se dérober quelquefois aux objets 3c aux amusemens des sens.

XIII. Ammien Marcellin dit qu'on adoroit aussi la Divinité du silence. Silentij quoque colitur numen. Les Egyptiens l'appelloient Harpocrates, & le faisoient fils d'Osiris & d'Isis. Ausone l'appelle Sigaleon :

- Ant tua Sigaleon t^Egyptius ofeula (ionet.

Ce nom venoit de q¡r;.y, Silere. L'Angerona des Romains estoit aussi la Déesse du Silence. Pline aprés avoir dit que la ville de Rome avoit encore un autre nom secret que la Religion obligeoit de taire : & que Valerius Soranus avoit esté puni pour avoir violé ce secret : ajoute que la Déesse Angerona avoit esté honorée pour ce silence , & qu'elle avoit un cachet sur sa bouche. Exemplurn Religionis antiquœ , ob hoc maxime silentium institutæ. Nam Diva Ange..

voua cui sacrificatur ad diem duodecimum Januarij

L. il.

Plin.Lyc.f.

habet simulachrum ore obligato QbjignllfoqHe. Scaliger fait venir ce nom ab angendo ore. Ce fut peutestre en partie ce qui portoit le Senat à rej etter l'Harpocrates des Egyptiens avec Osiris , Ibis &C Anubis : quoi-que le peuple l'emporta depuis, ÔC receut ces Dieux étrangers à Rome. Tertullien le dit ainsi : Serapidem & Isidem & Harpocratem cum fuo Cynocephalo , Capitolio prohivitos inferri , id cft) Curia Deorum puIJàs P/Jo & Gabinius Consules , non utique Christiani , evcrji.i etiarn aris ecntm abdienverunt ; turpium & otiojarmn superstitionum vitia cohibenes. His vos rfittuits fntrimam wahftatem contu- listis. Nous avons dit ci-dessus , que bien que le culte d'Osiris , d'Isis & d'Anubis n'eût esté au commencement que pour le culte des Astres , il avoit depuis degeneré en superstitions non feulement im- pies , mais impures , c'est aussi apparemment pour cela , qu'en y joignoit Harpocrates , afin qu'on ne divulgast pas ces mysteres abominables. Ce fut ce qui obligeoit le Senat à en user de la [one, mais il il n'en fut pas le maistre Aussi Lucain disoit

Nos in templa tuam Romana rcccpimw Jfim, Semtdeofyue Canes, & fyftra jubentia lutins.

1 -

T ertullien dit au melme endroit , que le Senat bannit aussi non feulement de Rome, mais de toute l'Italie , les mysteres de Bacchus, qui n'avoient rien eu de honteux dans leurs commencemens, puisque l'histoire de Bacchus n'estoit qu'un déguisement de celle de Moïse. Liberum Patrem cum wyfteriu Consules Senatus authoritate non modo urbe fed univerfa Italie eliminaverunt. Rien n'eût esté plus saint , qu'un respectueux silence des choses Divines, & un aveu Religieux que la nature Divine est dans un silence & dans une retraite , qui nous est inaccessïble & incomprehensible. Tous les hommes raisonnables en font effectivement persuadez , & c'est peut-estre à quoi aboutissoient leurs pretentions dans le culte du

ln Apolog

du Silence. Mais au lieu de perfectionner les lumières naturelles , on les opprimoit & on les obf- curcissoit toujours davantage, pour se flatter de l'impunité du vice. On sçait que les Romains a voient aussi leur Dieu A iIM Locutiusi qui leur donna un avis important) & réveilla dans leur esprit une semence de vérité qui y estoit cachée , 8c qu'ils ne pouvoient defavoiier quand ils venoient ~a y penser, que toutes les bonnes instructions & tous les sages conseils nous viennent du Ciel, où ~reside le Verbe & la Sagesse éternelle de Dieu.

CHAPITRE XX.

Suite du mesme sujet. Culte de la Liberté, de la Victoire) de la Fortune, de la Felicité, de la Concorde, de la Vertu.

I. La Liberté, lu Vi6ioire, la Fortune 6> la Félicité ne mt qu'une mesme chose , au moins elles font infepwables : 6'est en vain qu'on en faisoit plu/îcurs Divieyltez.

11. La Liberté publique ne pouvoit efire autre que la Fecité.

III. La Félicité ne pouvoit se distinguer de la bonne Forme. Les Payens confondaient eux-mesmes tous ces dens avec vpittr , OM avec le grand Dieu, à qui ils les dtmandoient.

IV. Il en faut dire autant de plusieurs autresDons de Dieu, M'CM honoroit en apparence comme des Dieux , & qu'on ne mvoit ignorer eflre des dons & des bienfaits de Dieu.

V La Vertu a voit aussi ses Temples, (jr tentes les vertus en le; comme on eût pû reduire tous les Dieux en un.

VI. Les Grecs eurent aussi la Déesse Vicioirc, ce qui rendoit ipiter inutile, puis qu'on obtenoit la vtftotre d'autres, que ? luy.

VII. Ils avoient aussi dédié des Temples à la Fortune, laÏcs ils en avoient des sentimens plus jufles que [es Latins.

VIII. Laitance improuve la déification des vertus.

1 X. X Il araifon, s'ils'agit des vertu* purement humairs ou crées. Mais s'il s'agit des vertm originales, exemptais, qui font comme les loix & les réglés immuables de la loy trnelle, on pouvait leur dédier des Temples.

X I. De l'aveti desaint dugttftm les Payens conjijjotent en- fin eux mesmes. que tous ces Dons estoient non des Dieux, t mais des dons de Dieu.

I.

L

A Liberté, la Victoire, la Fortune & la; Felicité remplissoient encore nostre esprit:

de grandes idées, & on n a pu s empecher de rap- porter toute cette grandeur à la Divinité. Le ~plusc seur & le plus court eût esté de se tenir dans ~la J simplicité de la lumiere naturelle, & de recoiinoi - - tre que tous ces pouvoirs éminens font en Dieu, & nous les participons de luy sans les separer ~les, uns des autres, puis qu'on ne peut les separer ~fanse les détruire. Car ces quatre grandes qualitez ne: peuvent avoir toute leur étendue, sans se comprendre les uns les autres. La bonne ~Fortune efU la Félicité, la Félicité est tout ce qu'on peut entendre fous le nom de bonne Fortune. L'une & l'au- tre comprend la Victoire, & la Victoire ne peuvent subsister sans l'une & l'autre. Enfin la Liberté ~est 3: ou le fruit de la Viéloire) de la bonne Fortune & de la Felicité , ou quelque chose inseparable d'el- les. Que si l'on conçoit la cause & le principe ~quiti nous fait joiiir de ces avantages, il ne faut concevoir qu'une feule cause & un seul principe de tous: ces biens , puisque ces biens font inseparables..

Nostre nature limitée & foible par elle-mesme..

& encore plus par les blessures du peche, ne peutf concevoir ces grandes qualitez que {eparement:: par son instinct naturel elle les conçoit comme ~tou. j tes divines ; pour peu d'effort qu'elle fist , elle trou ~J veroit dans son mesme inctinct & dans sa lumière interieure, que ces grandes qualitez font renfer- mées l'une dans l'autre, ôc que ce qui est ~vraiment divin & supréme , ne peut le multiplier ; ~ainsi elk) auroit trouvé la veritable & unique Divinité , ~qu: ~s est tout ensemble & la veritable Liberté a & la V-ctoire incontestable, & la Fortune qui dispose dm

tout, comme nous le dirons ailleurs plus au long, & la Felicité consommée. Mais les Payens se lassant trop facilement dans cette recherche, & s'aban- donnant à la foiblesse & à la multiplicité de leurs pensées , sans vouloir se donner la peine de les redresser, se forgeoient autant de Divinitez qu'ils concevoient de qualitez divines; quoi qu'ils n'eussent pas voulu se laisser persuader qu'ils eussent eux - mesmes autant d'ames raisonnables : qu'ils avoient de ces vertus ou de ces qualitez qui sont propres à l'ame raisonnable.

11. Les Romains eurent plusieurs Places & plufleurs Temples consacrez à la Liberté publique.

Ovide fait mention de ces Places, & du jour qui estoit dedié à Jupiter Victorieux & à la Liberté.

Occupat Apriles Idus cognomine Victor

Jupiter, hac illifunt data Templa die.

Hoc quoque ni fallor populo dignijfirna noflm - -1 Atria Libertas cœpit habere sua.

,. W"'IIt. t

s places eitoient environnées de Portiques, 3c il paroist que le peuple s'y assembloit. C'estoit une espece de Temple à découvert, fembiable à celui de Jerusalem, ou estoit l'Autel des holocaustes.

Mais outre ces Places les Historiens Romains font mention de plusieurs Temples de la Liberté à Rome , entre autres de celuy que Clodius fit bâtir en la place de la maison de Ciceron, après qu'elle eut ~este renversée; & de celuy qu'on bâtit en l'honneur de Jules Cesar après sa mort. Dion Casse fait mention de l'un & de l'autre. C'estoit la Liberté publique, à qui les Romains dedioient ces Tem- ples , &ils ne pouvoient au fond avoir autre idée que celle de la Felicité d'un peuple dont la police ~est la Démocratie, ou plûtost la Theocratie. Car ils ne pretendoient pas vivre dans une indépendance à l'égard de Dieu. Au contraire la superstition les jettoit dans des excés fort opposez. La po-

Fafi. Itb. 4.

L. 4J- 44.

lice qu'ils se proposoient donc n'estoit autre qu'ilne Liberté parfaite, exempte de toute autre domination , que de celle de Dieu.

111. La Félicité estoit encore nommee Faustitas ; sur tout quand il s'agit de la félicité privée.

C'est en ce sens qu'en parle Horace :

Tutus bos etiam rura pcrambulat ) Ntttrit rura Ce7 es » almaque Fauflitas. -

La Félicité publique avoit plusieurs Autels ùc plusieurs Temples à Rome, comme on peut voir dans tous les Ecrivains de l'histoire Romaine. Saint Augustin parle de cette Déesse, & fait voir qu'on ne peut la distinguer de la Fortune, au moins de la bonne Fortune ; qu'au reste on ne peut dire qu'il y ait une mauvaise Fortune, puis qu'une Déesse ne peut estre mauvaise; ou si elle est mauvaise, ce n'est plus une Déesse. Que si l'on répond que c'est une bonne Fortune qui donne les biens au hazard &; sans discernement, ce n'et f plus aussi une Déesse si elle fait les choses sans sagesse & sans discernement. Si elle est la maîtresse de la distribution de tous les biens, & si elle fait cette distribution avec une sagesse & une justice proportionnée & à cette grande autorité, & à la qualité d'un Dieu ou d'une Déesse, comment ne fera - ce point la mesme chose que la Felicité, ou que Jupiter mê- me le souverain des Dieux? Car qu'est-ce que la supréme Divinité peut avoir de plus grand que cette fecondité, cette bonté, cette puissance supréme, qui distribue tous les biens avec une saP crciïe qui n'a rien d'égal que sa justice ?

Voila le raisonnement de saint Augustin, qui est si clair, si palpable & si convaincant, qu'il est impossible que les Gentils n'en fussent éclairez & convaincus dans les plus secrets replis de leur ame; mais l'épanchement de leur esprit au dehors

de lui-mesme , & leur attache prodigieuse aux voluptez sensuelles , les empéchoient d'y faire la moindre attention. Voici les paroles de ce Pere.

■Q.uidqnod & Fœlicitas Dea est? ftàem accepit, aram metrait, sacra ei congrua persoluta sunt. Ipsa ergo fil* coleretur. Vbi enim ipsa esset, quid boni non esset? Sed quid sibi vult, quod & Fortuna Dca putatur, & coli- tur? An aliud est Fœlicitas, aliud Fortuna ? Quia Fortunapotest esse ,& mala; Fœlicitas autem si mala suerit, fœlicitas non erit. Certè enim omnes Deos utrinsque sexus, si & f,xiirn habent , non nisi bonos existimare debemus. Hoc Plato dicit, hoc ali, Philosophi, hoc excellentes ReipubLicæ populorumque Rectores.

Quomodo ergo Dea Fortuna , aliquando bona est , aliquando mala? An fortè quandomala efi, Dea non cft.

sed in malignum Dæmonem statim convertitur? An illa quœ Dea est, semper bona est? Ipsa est ergo Fxlicitas ? Cur adhibentur diversa nomina, diversœ arœ , di- ve:-fæ Ædes) diversa sacra. Enfin venant à ceux qui adoroient une Fortune aveugle, Quomodo ergo bona est, quæ sine ullo judicio venit, & ad bonos, & ad malos? Vt quid autem colitur, quæ ita cæca est, paJJim in quoslibet incurrens , ut cultores suos plerumque prœtercat j &fuis contemporibus hœreat ? A ut si aliquM pro- ficiunt cultores cim , ut ab ca videantur, & amentur, jam merita jèqtÚlur) non fortuitu venit. An & ipsam que voluerit Jupiter mittit ? Colatur ergo ipsa Salus, Non enim potest ei jubenti, & eam quo voluerit mittenti, fortuna resistere, Nous montrerons ci-dessous qu'effectivement les Poëtes ont toujours confondu Jupiter avec la Fortune, & avec le Destin; parce que ce que nous appellons fortune & fatalité, n'est autre chose que la volonté immuable du Dieu suprême, qui ordonne tout ce qui ne nous paroist fortuit, que parce que nous n'en voions pas les causes , ni dans la volonté de Dieu dans l'enchaînement des causes naturelles.

Ch. I 4. c.

18.

IV. Saint Augustin après avoir parle de la fortune des femmes, De Fortuna mutiebri, dont les Dames avoient dedié la statuë après qu'elles eurent desarmé Coriolanus , armé contre sa patrie : revient à la Félicité, & montre par une preuve invincible , que les Romains reconnoissoient euxmesmes, que la Félicité , la Vertu , la Victoire n'é- toient pas des Déesses ou des Dieux, mais des dons de Dieu, puisqu'ils les demandoient à Jupiter. Car c' estoient des dons & des bien-faits de Dieu qu'ils demandoient à Dieu. Ainsi à penetrer le fond de leur intention, adorer la Félicité, la Vertu, & la Victoire comme des Divinitez, ce n'estoit qu' adorer la supréme Divinité, comme la dispensatrice de ces grands avantages. Hæc enim vert vtt" munera flwt > nen ipe ffunt DCA. ~&c. Omnia agenda complec- titur Virtus : ornnia optanda Félicitas. Si Jupiter ut hœc daret, ideo colebatur ; car non intellectum cjt) doit a Dei esse, non De a* ?

Tite Live fait mention en plus d'un endroit du Temple du Salut. Aïùm Salutts quam Co-ifiil z oz e- rat, Dictator dedicavit. Il est difficile de concevoir que ce fût autre chose que le Dieu qui avoit sauvé la Republique. Juvenal entasse plusieurs de ces Divinitez qui n'estoient que des dons de Dieu , comme le Salut & la Felicité , & non des Dieux :

Vt cohturPax, atqt4e F ides, Vtttoria, V trtm, Qti&que falutato refonat Concordta nido.

L'histoire remarque plusieurs Temples de la Concorde à Rome. Le mesme Poète nous fait remarquer en un autre endroit, quelles idées avoient de ces Divinitez, ceux qui y faiioient un peu de restexion. Car voici ce qu'il dit de la Prudence & de la Fortune -

Nnllum nttmcn abeft, Jt fit Prudentia. Sed nos Te sa ci mus Fortunll Deam, Cœloque locamm.

C'est à dire que la Fortune n'est qu'une Déelïe chi-

Hxlicar. I 8 p. jij.

jùid. c. i y

August.

lbid. c. il.

L 9-&10.

Sat. i.

merique s li on la conlidere comme aveugle & inconsiderée, sans avoir égard au merite. Au lieu que la Prudence , la Sagesse , & la Vertu fait la veritable Felicité & la bonne Fortune des hommes. Ainsi la Sagesse meritoit mieux le nom de Déesse que a Fortune.

V. La Foi avoit aussi ses Temples à Rome, & saint Augustin demande ensuite , pourquoi la Temperance , la Force & tant d'autres Vertus n'en avoient point. Si on se contentoit de demander ces Vertus à Dieu, on pouvoit aussi se contenter de lui demander la Paix, la Foi , la Concorde, la Victoire , & la Felicité sans en faire des Déesses. Si l'on répond que toutes les Vertus particulières estoient honorées fous le nom general de la Vertu : saint Augustin réplique, qu'on pouvoit aussi n'adorer qu'un Dieu seul, en renfermant dans sa vaste immensité toutes ces Divinitez particulières. Quare PrudentÙt, quare Sapientia nulla Nurninum loca mernerunt ? An quia innomine générait ipsuis virtutis omnes coluntur ? Sic ergo posset & Unul Deus coli, cujus partes cateri Dij putantur.

V I. Les Grecs ne furent pas moins em pressez que les Romains à dedier des Autels à la Victoire.

Pausanias en place en divers endroits de la Grece. Il dit que les Athéniens avoient representé la Victoire sans aisles, afin qu'elle ne pût s'envoler, ni les abandonner. Les Lacedemoniens avoient tendu au mesme but, en enchaînant la statuë de Mars, afin qu'il ne pût les quitter. Eadem vero cft ratio in hoc simulacro Lacedemoniis, que Atbenienfi- bttî in ea victoria , quam involucrem appellant. "Aq¡¡ÎE* * eY Yi xi-P. Hi enim vinculis impedituri , nunquam à se Martem aufugiturum : illi semper manjuram secum quæ pinnis careat victoriam interpretantur. Il dit ailleurs que Lysandre après avoir remporté deux victoires, dédia deux victoires portées sur des Ailles.

C'v. I. 4. c 10.

L. 1. P. 39.

43 3. p.i 189.

Pag.19;,

Ce qui montre qu'en vente ils reconnoissoient, que c'estoient des dons du Ciel & non des Déesses. A moins de cela ils auroient connu que Jupiter leur auroit esté inutile , pour l'aggrandissement & pour l'affermissement de l'Etat ; puisque la Victoire feule pouvoit donner l'un & l'autre.En général selon saint Augustin on peut dire, que le plus grand de tous les Dieux estoit deyenu le plus inutile de tous & le plus impuissant à faire du bien, puisque tous les dons qu'on eût pu lui demander, & qu'il eut pu accorder estoient devenus des Dieux. Etiatn feriate love crevit Imperium. Qjias enirn hic partes Jupiter haberet, cum ea quæ possent bénéficia ejus putari, Dij habentur, Dij vocantur, Dij coluntur, ipJi pro suis parti- bits ;nVOcAnlUr?

VII. Les Grecs avoient aussi plusieurs Temples dediez à la Fortune & Pausanias en parle en plusieurs endroits. Il parle de celle qu'on appelloit la Fortune des Dieux. iïiwviux}-. Il remarque qu'Homerc a bien parlé de la Fortune ou de Tyche : & qu'il lui a donné rang entre les Nymphes filles de l'Océan; mais qu'il ne lui a rien donné de cctte grande puissance sur les choses humaines; quoique ce mesme Poëte ait ailleurs designé les propres fonctions de chaque Déesse , comme de Pallas pour faire la guerre, de Diane pour les accouchées,de Venus pour les mariages. Pausanias a voulu remarquer , que cette imaginaire toute-puissance de la Fortune , dont la vanité des hommes a tant fait de bruit dans les siecles ftilvaiis, il leftoit pas encore tombée dans l'esprit, au moins dans l'esprit des Grecs, avant le siecle d'Homere. Il remarque au mesme end roit, & encore ailleurs, que Pindare a fou vent parlé de la Fortune , & en a fait une des Parques , & mesme la plus puissante entre les Parques. Facite autem mihi Pindarus in suis Canticis persuadet, tum alia multa J tum vero unam eJTc Parca-

t. 4. Civ.

- c. 1 j.

L. 1. p. Si.

Lip.116 L. 4.P.17;'

L 7 p 4JI.

rum Fortunam, ~& eam quidern poteflate foreribtts antecellere. C'est ruïner l'idée commune de la Fortune aveugle & inconstante, que d'en faire une des Parques ; mais c'est se rapprocher de la vérité, & comprendre enfin que tout est gouverné par une puissance sage & dominante, dont les effets nous paroissent quelquefois fortuits, parce que nous n'en pouvons découvrir les ressorts secrets &c invisibles. Il parle ailleurs de la statue de la Fortune, qui tenoit entre ses bras le petit Dieu des richesses Plutus. Il ajoûte qu'à Athenes il y avoit une sta- tuë de la paix , qui embrassoit la figure du mesme Plutus. C'estoient des emblémes ou des hieroglyfiques, dont les ignorans firent enfin des Divinitez, & comme le peuple & la multitude est toujours une foule d'ignorans , ils entraînerent enfin les plus spirituels dans le torrent d'une coûtume invete- rée, d' adorer ces Divinitez pretendues.

VIII. Lactance a aussi refuté avec sa politesse ordinaire les Divinitez qu'on attribuoit à la vertu , à l'honneur , & à l'intelligence, pretendant que c'estoient les ornemens de nostre ame, mais non des Divinitez. Illud Marcelli de consera- tione Honorii atque Virtutis, howftate nominum dissert, re congruit. Eadem vanitate Mentem quoque inter Deos collocavit Senatus. Il s'en prend après cela à Ciceron mesme , qui vouloit dans ses livres des Loix, qu'on drcfEG: des Temples & des Autels à la Sagesse,à la Vertu, à la Pièce, a la Fidelité, & aux autres vertus, qui font les degrez par lesquels nous montons au Ciel. Lactance dit que ces vertus n'ont point en elles-mesmes ni de vie ni de sentiment, que c'est dans le cœur qu'il faut les posseder & non dans des bâtimens matériels.

Non enim perse sapiunt aut sentiunt , neque intra pa- rietes aut adiculai luto factas, sed intra pectus colloeand t sunt, ~& iytmm çomprîbciîdendc : ne sint fal-

L.9.p 56f.

L. 1, c. 10.

si ,Ji extra hominem fuerint collocat. Itaque prttc/a,. film illarn legem tuam derideo, quarn ponts hts verbis : Aft il la propter qu<& datur homtni afcenfus in coeli.jm b Mentem, Virtutem, Pietatem, Ftdem, earumque laudum délabrafunto. uitqut h&c feparari ab homtne non possunt. Si enim çolenda funt, in homine ipso fine necejje est. Si autem funt extra hominem, quid opus efi ea colere, qui bus c an mu s ? &c. Nam quid ejt alittd colere virtutem, qukm eam comprehendere Anirno & tenere ? &c. Firtnius & incorruptius templurn efi pettus humanum; hoc potius ornetur , hoc veris Numinibus impleatur.

IX. Lactance avoit raison, si les Payens par ces noms de Vertus n'entendoient que des vertus humaines & des qualitez louables qui embellissent les ames des hommes. Ce font des ornemens de l'ame, & non des Dieux , & il ne leur faut point d'autre Temple que nos cœurs. Mais les Pa yens n'avoient pas tout à fait tort en ce point, si joignant l'idée de la Divinité avec celle de ces vertus , ils en faisoient des vertus originales, divines, incorruptibles, éternelles, comme des portions, pour ainsi dire, de la Loy & de la Verité éternelle, qui est Dieu mesme. Or il y a beaucoup de vraisemblance que quand Ciceron vouloit qu'on consacrast des Temples à la Sagesse , à la Vertu, & à la Pieté, il n'entendoit rien moins que ces vertus telles qu'elles font dans les hommes, où elles ne font que fort imparfaites, sans fermeté & sans in- fluence sur les autres hommes, mais il se proposoit & vouloit qu'on proposast au culte public des vertus parfaites, inébranlables, ecaccs, enfin accompagnées d'une puissance & d'une fecondité divine pour sanctifier tous les hommes, telles que font les vertus vraiment exemplaires, qui font en Dieu, & qui font Dieu mesme.

X. C'est ce que de l'aveu de Lactance mesme

les Philosophes & les Poëtes qui estoient plus anciens que les Philosophes, ont connu , que la Ver- tu & la Justice qu'on honoroit, n'estot pas celle qui fait la plus belle qualité des hommes, mais celle qui domine sur tous les justes, qui les rend justes par ses influences, qui est la source primitive de la justice, dont ils ne font que des ruisseaux, & qui abandonna la terre & se retira dans le Ciel, quand l'impiété eut couvert toute la face de l'Univers. Cette Justice qui quitta la terre & se retira au Ciel, n'estoit pas cette qualité loua- ble des Justes, qui embellit leur ame. C'estoit donc la Justice subsistante en elle - mesme. Nunc reddenda est de Justitia proposita disputsitio ; quæ aut tpfa est summa virtus , ant fotlt est ipsa virtittis ; quarn non modò Philosophi quæsierunt, fed & PoÙ quoque, qui & priores multo ftitrant, & ante natum Phi!ofophiæ nomen pro sapientibus habebantur. Hi planè intellexerunt abesse hanc à rebus humanis, eam- que firixerunt offinsam vint s hommum, cessisse terra, in cœLwmque migrasse.

X I Saint Augustin nous apprend aussi que les Pa yens confessoient enfin aussi eux - mesmes que toutes ces vertus estoient des dons de Dieu, ÔC non des Dieux : mais que ne sçachant pas le nom du Dieu , qui estoit l'auteur de ces dons , ils l'honoroient fous le nom de ce Don. Ce Pere voyant qu'ils s'estoient ainsi fort approchez de la verité , leur remontre combien il est plus seur de n'adorer qu'un seul vray Dieu auteur de la felicité , dans laquelle tous les autres dons font compris. Libet autern eorum considerare rationes. Usque adeone, inquiunt, majores nostros insipientes futJfe credendum est, ut bac nescirent munera divina esse, non Deos? Sed quoniam sciebant nemini talia, nisi aliquo Deo largiente concedi : quorum Deorum no- mina non invewtbmt ? cllrmn rerum nvmîntbus ICp-

L. S. c. S, *

Civil. l. 4.

C. 2.4. 15.,

pellabant De os, qua4 ab ci s fentiebant dari. It A Vilnius , que dat virtutem; Honor qui honorem, Concor dia qu& concordiam, Fittoria , quæ viîïoriam dat. Itm inquiunt , cum F elicitM 7)ea dicitur, non ipfk qUi datur, fed nurnen illud attenditur ; a quo Felicttas\

datur. Voilà l'aveu des Payens. Voicy la réplique de saint Augustin. Ijra nobis reddita ratione, malta fanlius cis, quorum cor non nimis obduuit, perfuadebirnus fonajfe quod voluimus, &c. Confirmé prorsus a quodarn D'o quem neftiebant, eas credidijf, dari Felicitatem. Ipse ergo quaratur, ipse colatur, &!

fojficit. Repudietur ftrepttus innumerabilium d.tmae, niomm. Illi non sufficiat hic Deux, cui non fofficit muniu ejus. lUi inquam non fitfjiciat ad colendum Deus dator felicÍtlltis) ctti non sufficit ad accip; endu m tpfà Félicitai.

CHAPITRE XXI.

Du Culte des Demons, sous le nom des Vices des Maladies.

7. C'efloient de vrais démons, qui efloient les Dieux de là fable.

1 i. Du Démon de l'Amour & de la Famine. Du Sommet de la Parije l I l. 1 V. Des Songes.

Y. De la Renommée.

YI, De la Déesse Robigo.

VII. Preuves que les Grecs & les Rom":tlS donnèrent t4 nom de Dieux & dt DêeJJes, on de Demons aux crimes & aux vices.

V 111. 1 X. X. Des Furies. Des Erymnies , des Fumentdes , des DêeJJes Severes. e d'abord elles n'eurent rieM d'affreux.

X 1. Xl J. Selon Ciceron & les Poètes ce font les mesmes Furies qui nous ont poussé au crime, & qui nous en ptnijfent infuite.

■XIII. XIV. De la Déesse A te, ou Noxa.

X V. D, N cmejis.

1 X V i. X V 1 1. Admirable dtfcrtptton de cette Défjjnt qui n'eji ejfeftivemtnt que la j.'tftice divine.

J XVllt. Suite du mesme sujet. Pourquoy cette DéejJe essais r.ommée Rhtlmnufia.

I.

s

Aint Augustin vient de nous dire que c'estoit une troupe de Demons que les

Payens adoroient, quand ils adoroient mesme les vertus, la Félicité, la Victoire, ,. & la Fortune 3c comme autant de Divinitez particulières. Ce n'est pas que ces qualitez ne sussent en elles-mesmes ou des perfections originelles en Dieu, ou des dons de sa bonté : qu'elles n'approchassent bien plus de [la condition des Anges bien-heureux, que de cel le des Demons, & que plusieurs ne pullent les regarder comme de bons Genies ministres de la providence éternelle. Mais saint Augustin a mieux aimé considerer que c'estoit le Demon qui amusoit les hommes aux vestiges de la Divinité, & les éloi- gnoit de la veritable Diviniite en elle-mesme. Outre que ces mesmes Payens rend oient de semblables honneurs aux maladies & aux Vices, & confessoient eux-mesmes, comme nous avons prouvé- cy-dessus, qu'ils invoquoient ces dernieres Divinitez, afin de n'en estre pas persecutez.

[ II. C-est encore un point où la fable revient à, la Physiologie. Car ces Divinitez fabuleuses estoient de vrais Demons, & les Payens n'en disconvenoient pas. Ovide ne pouvoit douter qu'il ne fit la peinture d'un Demon, quand il faisoit celle d'un Cupi- ¡fton, qui jettoit en mesme temps deux fleches,, 1 une pour donner de l'amour , l'autre pour en detourner, afin d'inquieter en mesme temps deux personnes.

Eqtte fagittifera pYompftt duo tda pharetra « Diverforum operum;fugat hut, façÍt illud ainorem.

Qpod facit. auratum efl j & cuspide fnlget acutoi Qù°d fugat, obtusum efl & babet [ah amndim, pia mbum.

If 1 -!Xrffo r., 1.1.11.47 0>

Protinus alter amat , fugit altera nomen amantis.

Et quand il fait l'horrible tableau de l'Envie , c'dli manifestement un Demon qu'il represente ,

Peftora felle virent > lingua est fuffnfa fltneno) i Rifiu abeft, nisi quem visi movere dofores.

Nec fruit ur fornno, vigilacibm excita CHiÙ, Sed videt ingrat os int abefcitque videndo

Successus hominum* carpitqne & carpituruna,

Suppliciumque situm est.

Et quand il fait la description de la Famine ou de h Faim , & de la maniere dont elle se rend maîtresse d'un homme, - A - 1 -. 1

Seque virotnjpirat ,JauceJquc O* pectm (y or a Afflat, &in vacuis fpargit jejunia vents.

Et quand il représente le Sommeil comme un Dieu de repos, de paresse & de lâcheté, environné de Songes: -

e/ft rnedio thorui est, ebemJublirnis in atra , Quo cubat ipse Deui, membris languore filutù ; Hune circapajfim varias imitantia,formas Sornnia vana jacent totidem , quot rnejJÙ AriftiU. ?

Sylva périt frondes, ficElas littm arenal.

Il est vray qu'il donne d'assez aimables qualitez à ce Demon : :

Somne qui es rerum , placidiJJime Som ne Deorum, Pax animi , quem cura fitgit » qui corda diurnis Fessa minifteriù rnulces , reparafque labari.

Seneque a suivy de près cette description, dans les eioces qu'il a donnez au Sommeil :*•

Tuque o demitor Somne laborum , reqmes animi, Pars humanæ rne/ior vita, folucre mat ris genw Aftr&a, Frater dura languide monts > y tris mtfcens salsâ fiuturi, Certm & idem pejfmus austor j Pater o rerum » porttts vit*,

l. t.V'77S-

L.S.v.Soo.

L.u.v.610.

Hcrai!.Fnr eus. v.

JU55.

Lucù rebutes, nom/que ■ cornes, Qui par Regi famuloquevenis, Flacidns sessum , lenifque foves , Pavidm Lethi geniu humannm , Cogis longam difcere mortetn.

La description admirable que fait ce Poëte du Sommeil, qu'il represente aussi-bien qu'Ovide, comme un Dieu , ou comme un demon; cette descrip1 tion, dis-je,nous montre clairement, que ce tieftoit qu'une déification & une adoration de la nature , qui tomboit enfin dans la déification & dans l'adoration des Demons; tant parce que les Demons trouvoient leur avantage à éloigner les hommes de la véritable Divinité : que parce que l'amour excessif du repos, la paresse , les autres vices, & les maladies ausquelles on rendoit honneur, étoient la matiere de leur Empire, de leur joie & de leur gloire.

Je ne sçai si ces Poëtes qui se font presque surpassez eux-mesmes dans les tableaux qu'ils ont fait du Sommeil, n'avoient point dans l'esprit la mesme pensée des Grecs dont parle Pausanias , qui sacrifioient au Sommeil & aux Mufes sur le mesme Aui. tel,pretendant que le Sommeil étoit le meilleur ami des Muses : Ad eam ararn Musis & somno sacra fa- ciunt, Musis omnium Deorum maxime amicum somnum ipsum censentes.

II I. Il faut venir aux Songes, & avant que de revenir à Ovide , je dirai en passant ce que Sophocle nous fait remarquer, que c'estoit la coûtume des anciens de raconter , dés qu'ils estoient éveillez, les songes fâcheux qu'ils avoient eu pendant la nuit.

Cum Soli narravit Somnium. Le Scholiaste de ce Poète dit que c' estoit afin que le Soleil dissipast les songes & les menaces de la nuit dont il est l'adversaire. Mos erat si de nocte grave somnium obtij psstt 3 illud mmt mox Soli narrare ; m his qui con-

L. i.p.144.

In Eleftrtt,

trarius esset nocti, somnium illud averruncaret.

1 V. Revenons maintenant à Ovide, qui met une infinité de Songes fous l'Empire du Sommeil; mais qui en distingue trois d'une puissance plus grande que les autres ; Morphée, Icelas , ou Phobetor, & Phantasos. Le premier imite les hommes , le second les animaux, le troisiéme les montagnes , les rivieres, & les autres choses inanimées.

jlt Pater è populo natorum mille suorum » Excitât artifkem , fimttUtoremqiiefigurt Morphea; non illo jttfJos folerrior alter Exprirmt incejjus, vultumque foniilnque loquendu .Ad;icit d- - vestes, & confiitttfjima quæque Verba ; fed hicfolos hominet imitatur : at alter Fit fera, ift volucrir ,fit Ion go corpore serpens : Hrme kelon superi, mortale Phobetora vttlgus Nominat. Eftetiam diverse ter tins artis Phantafos ; ille in humum y pixfflnque, undAmque, trabernque : Qjidtque vacant anima s fallaciter ornnia transit.

Tous ces noms font tirez de la langue Greque, & ils font propres à signifier les choses qu'ils marquent.

On connoît par là que ce furent les Grecs qui fabriquerent & les noms & les distinctions entre les songes aussi-bien que la Divinité du Sommeil. Comme les bons Anges Ce font souvent mêlez dans les bons songes, aussi les demons peuvent avoir souvent eu part aux trompeurs, & le nom de phobetor ne venoit pas mal à cela V. Telle est encore l'image de la Renommée dans Ovide , qui décrit avec les agréemens qui lui font ordinaires , son admirable Palais , & un million de bruits, vrais ou faux qui l'environnent,

JUfiflaque cum verts pafftm commenta vaeatitur, Millia Rumorum &c.

- - -

La credulité, l'Erreur, les Fausses Joyes, les sauss oc

L. iz.v.4j.

ses craintes, les Soupçons , les Soulevemens s'y rencontrent ordinairement..

illic Credulitas , itlic temeraritts Enor, Vanaque l&titia cft, concernâtique Timorés, Seditioque repens , dub toque authore Sufurri.

L ci prit humain se forme naturellement ces ima(Tes) la Poësie les enlumine , & les embellit, & en cela il n' y a rien que de bon. Mais quand sur ces manieres figurées & Poëtiques de concevoir & d'exprimer les choses , on fonde la creance & le culte d'une nouvelle Divinité , c'est le plus haut point, ou puisse monter l'ignorance & l'impieté.

Le mesme Ovide dit ailleurs, que Numa voulant apprendre en songe la volonté de Dieu , & ce qu'il devoit faire, sacrifia à Faune & au Sommeil: Hic geminas Rex Numa mactat oves. Prima cadit F an no t teni cadit altera somno. Numa passe pour avoir eu toutes les belles lumieres, que la Philosophie de Pythagore & de Platon fit luire au monde quelques siecles après lui. Si cela est, il ne pouvoit ignorer que la verité & les songes qui nous la font connoî- tre , ne peuvent nous venir que de Dieu. Ainsi il ne devoit sacrifier qu'au veritable Dieu, pour lui demander des songes veritables. Et c'estoit apparemment le fond de son intention & de son deffeili.

Mais la superstition dont il n' estoit pas entierement dépouillé, le poussoit à s'addresser à ces Divinitez subalternes, dont il n'a voit encore que desconnoissances obscures & trompeuses, puisqu'au lieu des Anges qu'il eût pu invoquer en general , il recouroit à Faune & au Sommeil ; aussi par une IJùftc vengeance tomboit-il dans les illusions du demon, qui lamusoit par des songes vains & ridicules.

V I. Mais si l'on pouvoit esperer du Sommeil de bons songes , que pouvoit-on esperer de la Qéctfe qu'ils appelloient Robigo, qui est comme la

Fast. I. 4.

V. 55u.

ibid.v.^i ».

rouille des bleds, quand le Soleil brûle les épies en- core mouillez : ;

Si culrnai Titan incalfacit udos , TUln loem efi irjt'Diva timenda tu A.

Cependant il y avoit une feste & des facrinces pour cette Déesse, qu'ils ne pouvoient concevoir que comme un Demon , puisque son naturel ne tend qu'à détruire. Car si Ovide la conjure de s'attacher uniquement au fer, afin de consumer ce qui consume tout le reste ,

Nec tenais fegetes ,fed durum amflcttere ferrum » Omdane potejt alios perdere , perde prior.

Ce n'est qu'un jeu d'esprit & une delicatesse de la poësie d'Ovide, qui n'empesche pas que la Rouil- le ne soit toujours la peste de tous les corps où elle s'attache. Aussi ne la prie-t-il que comme on prioit des Demons, pour les empescher de nuire.

Ce n'est pas que la roüille ou la mielleure ne foit l'effet d'une cause naturelle, mais les Démons s'y mêlent souvent pour nuire , aussi - bien que les bons Anges pour détourner le mal. Ce qui est encore plus évident dans les tempestes. Car que pouvoit-on reverer en elles, que les Demons qu'on croyoit en estre les maistres ?

- Te quoque Tempestas meritum délabra fatemur.

- 7 é quo q ue Temp~fi4j

Il n y avoit rien de plus vray ni de plus religieux que le principe general écrit dans le plus profond de la nature raisonnable, qu'il falloit demander à la Divinité tous les biens dont nous avons besoin, & l'en remercier après les avoir reçûs; & qu'il falloit la prier de détourner de dessus nos testes tous les maux qui nous menacent, & luy rendre grâces après en estre échappez. Mais rien n'estoit plus faux ni plus damnable que l'applica- tion particulière de ce principe general, en se forgeant autant de Divinitez, qu'il y a de biens à demander, ou de maux à craindre.

ihiÀ, V.XC9.

lbi i. lib. 6.

v. J?l.

VII. Euripide fait parler Jocaste d'une maniéré , qui montre clairement que les Romains avoient appris des Grecs à donner le nom de Demon, & de Dieu ou de Déesse aux crimes mesmes ; ce qui ne pouvoit venir que de l'idée qu'on avoit des Démons qui president ou qui instiguent au crime. Voici comme elle parle à son fils Etecocle.

Quare pessimam Dearum concupiscis, ô fili, ambi- tionem ? Ne facias. Injusta est enim hac De". In miltas enirn famils & urbes beatas intravit, & egressa est cum pernicie utentium. Il dit peu après que la Discorde est une cruelle Déesse : Atrox quædam Dea Discordia. Il est vray qu'il donne au mesme lieu le mesme nom de Déesse à la Sagesse & à la Precaution : Et Cautionem; que est' utilissima Dearum , oremus ut servet hanc urbem. Mais c'estoit une étrange abus de donner les mesmes noms aux Vices & aux Vertus , aux Demons & aux Anges, & traiter de Divinité ce qui en estoit si éloigné, ou qui luy estoit mesme contraire. En un autre endroit Euripide fait dire à Venus ,qu'Hippolite regardoit Diane comme la plus grande des Déesses, maximum Dearum , & Venns au contraire comme la plus méchante des Déesses, pessimam Dearnm.

Il est bon de remarquer que les Ecrivains Latins, soit Poëtes, soit Historiens ou Orateurs , ont tresrarement usé du terme de Demon, dont les Grecs se servoient souvent, & qui adoucissoit certainement beaucoup de choses. Car on est assez accoûtumé à penser 8c à dire qu'il y peut avoir de bons & de mauvais Demons. Au moins ceux qui se font un peu familiarifez avec les Auteurs Grecs, s'y font sans doute accoûtumez. Mais il est toûjours étrange qu'on mette aussi des Dieux , les uns bons & les autres mauvais : le nom de Dieu ne portant avec soy que l'idée du bien &: de toutes fortes de bien, sans nul mêlange de mal. Ce n'est

PbdnijfA.

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Saycc Ttç *", ec.

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se Hippolytho.

Ut.yiç'yt <fv.itf.ii ta'.

~rt ifoijUliCit.

pas que l es Grecs n'ayent donné occasion aux Latins d'en user de la sorte, & qu'ils n'en ayent: mesme donne l'exemple, puis qu'Euripide vient: de nous dire que l'Ambition estoit une injuste Déesse. Mais comme les Grecs avoient aussi. en usage le nom de Demon,la fuite du discours faisoit assez comprendre quand le nom de Dieu signifioit la mesme chose que celuy de Demon : au lieu que les Latins n'usant que du nom de Dieu , ils estoient plus exposez à l'erreur. Entre les Demons Euripide nomme ailleurs le pire de tous, ce semble, qu'il appelle dÀdçoege, après lequel il met l' en- vie , le meurtre, la mort. D'où il paroist encore que les Grecs estoient accoutumez de concevoir les Vices comme des Demons, ou des Esprits malins.

VIII. C'est icy le lieu de dire un mot des Fu- ries, qui tirent leur nom de la fureur qu'elles inspirent. Les Grecs les nomment £ ry»j»<fx, comme si c'estoit ê'e,rç v;¡ , discordia mentis. Vossius croit que le nom de Furie pourroit venir de l'Hebreu Fara, vindicta. Il y auroit plus d'apparence de faire venir. Erymnies de Heran, malefacere. On distinguoit trois Furies, Tisiphone, Alecto ,&Mega- ra. \- Ce sont des étymologies Gre q ues. ~1 riei; ~rpovv y uttîo c&dis. ~Amxtco , cjuietis nefeid, odiosa. Tzetzes a donné ces trois mesmes derivations.

IX. Il y a apparence qu'au commencement ce ne fut qu'un culte qu'on vouloit rendre à la Ju- stice vengeresse des crimes, mais que depuis les Poëtes y ajoûterent des circonstances propres à representer les horribles executeurs de cette Justice. En voicy une preuve. Pausanias dit qu'à Athenes prés de l'Areopage estoit le Temple desDéesses qu'on appelloit Severes, GEctÇ tvdç; qu'Hesiode les appelle Erymnies; que le Poète Esquile est

ln Troad.

Chil. 13.

h si. 447.

le premier qui leur ait attaché des serpens ; enhn que les statuës de ces Déesses & toutes les autres des Dieux souterrains, qui font dans ce mesme Temple, n'ont rien d'affreux. Proximè Dearum est œdes, quas Athenienses Severas vocant. Hesiodus in Theogonia Erymnys nominat. Earum crinem serpentibus esse implicitum, primus omnium finxit tAEfchylus. Nihil tamen vel harum, vel Cœterorum, qtJæ illic posita sunt, inferiorum Numinum simulacra, quid- quam horcibile prœ se serunt. Cet Historien met encore ailleurs les statuës de ces Déesses Severes avec celles de Jupiter , de Cerés, de Minerve & de Proserpine. Il dit ailleurs, que Cerés fut surnommée elle-mesme Erymnys à cause de la fureur qui la transporta contre Neptune qui avoit attenté à sa pudeur. Averbo s'etV'ùat > quod furere Arcadibus est.

Enfin il parle du Temple des Manies, M«¡': CI( , qu'il croit estre lesmefmes que les Eumenides ou les Furies. Il dit qu'elles apparurent vêtuës de noir à Oreste après qu'il eut tué sa mere ; mais qu'aprés que le temps de sa fureur fut passé, elles se montrerent à luy vêtuës de blanc , & ce sut à ces Déesses blanches qu'il bâtit un Temple. Ac Candidis quidem Deabus pariter ac Gratiis hac et iamnum œtate incolœ sacra faciunt. Voila , ce me semble , assez de preuves de ce que nous avions avancé; que ce ne furent d'abord que des statuës de la Justice divine qui punissoit les coupables & qui se reconcilioit aux penitens. Le nom d'Eumenides montre encore clairement cette verité. Aussi Pausanias dit que l'entrée de leur Temple n'estoit pas ouvert à tous les hommes. Parce que ceux qui y entroient estant atteints de quelque crime capital, devenoient en un instant furieux. D'autres ont remarqué, que les Areopagites avoient les statuës de C 25 Déesses Severes prés de leur Tribunal, & que les Prestres de ces Déesses, entre lesquels fut Dénia-

L. t. Pteg.

p.. 59.

1.7^.449.

L. 8. pag.

49S- jlO.

L. 7.449;

stene, estoient choisis d'entre les Areopagites. 5 X. Homere avoit fait mention des Erymnies avant Hesiode ; & en un endroit il les avoit proposées comme les vengeresses des outrages faits aux pauvres. Sed sicubi pauperum Dij & Erymnyes sunt. Virgile a suivy Eschyle dans la peinture qu'il en a faite:

Continuo fontes ultrix accinBa flagella 1 Tifipbone quatit infultans, torvofque Jimjlra | ,,7rt4 i na f£va fororiim. 1 Intcntans angues vocat aqrnina fæva Cororum. 1

Horace fait une reflexion fort sage, que les Furies ne commencent pas d'agiter l'esprit quand on a commis le crime, mais quand on forme le dessein de le commettre, & qu'on l'execute. Voicy ce qu'il * dit parlant d'Oreste :

Art tu refis eum occist infitnijfe parente ? j Ac non ante malú dernentem altum sur ils, quam In mat ris jugulo ferriitn tepefecit acutmn. [

C'est aussi ce que les Ecritures nous apprennent, que les mesmes Demons qui nous ont poussé dans le crime, nous font donnez de Dieu , comme des bourreaux pour nous en châtier; ou que nos mê- mes pallions qui nous ont aveuglé l'esprit & nous ont précipité dans le desordre , ce font elles-mêmes aussi qui nous déchirent le cœur après avoir peché. Virgile avoit esté dans la mesme pen sée, que les Demons n'estoient pas moins ardens à nous instiguer au crime , qu'à nous en punir; aussi ajoû- te-t-il que les Furies s'entrehaïssent elles-mesmes, ce qui ne peut venir que de la malice consommée.

LuBificam Aleflo diramm ab fede fororum Infer/iifcjue ciet ter eh ris, eut triftta bella, Jracjite, injîdi&quc » & criminel noxia cordi.

Odit & ipse Pater Plu ton, odere Sorores.

X I. Mais il faut remarquer que ces crimes où nous sommes poussez par les Demons, & que nous ne commettons que par une espece de fu- reur qui domine déja nostre esprit, font la iufte

Odyss.L IJ.

& 17-

JEneidt l. 6.

L. i.Satj.

L. 7 ei,

peine des crimes que nous avons déja commis.

C'est ce que Ciceron dit admirablement en plusieurs endroits : A Diis quidem immortalibus que potest homini major esse pœna, furore atque dementia ?

Tlt cum sur i aie s tn concionibus voces mittis , cum domos civium evertis cum œdes fieras inflxmmas , tum uxotem sororemque non discernis, cum quod ineas cu.

bile non sentis, cum baccharis , cum furis , tum dot C,,[,j pœnas , qus. funt solœ hominum sceleri à Diis im.

mortczlibJtJ constitutœ. Miscrior es , cum in omnem ftwidem raperis oculis, quam si omnino oculos non haberes. Ainsi il n'est pas étonnant que l^s Furies punissent les crimes ausquels elles nous ont poussez. Le crime mesme est déja une fureur & un supplice , que Dieu permet pour venger des fautes precedentes , & les demons font executeurs de ces ordres rigoureux de la justice divine. Nolite putare, qucmadjnod:tm in fabitlis ftpenumero videtis, eos qui ah qui d impie sceleratéque commiserint , agitari ( 7 perterreri firiarùm tædiJ' ardentibus : sua qitemqae fr.uM , & suus terror maximè vexat ; suum qteem.

que scelu agitat, amentiaque afficit ; suœ malœ cogitationes conscientisque animi terrent, Jrd&fint impns affîd:t £ domesticæque Furiæ, &c. Et encore ailleurs, h oh te put,ire, ut in scena videtis , homines consceleratos , tmptelflt Dcoram terreri furiarum tædis ardentibus : fia qmmque fraus, fleum facinus , [man scehts J fit a audacia de sanitate ac mente deturbat. Hx sunt impiorum fana, he flammœ, hœ faces. Ego te non vecordem , non fariosum, non mente captum , not tragico illo Oreste, aut Athamante dzmentiorem pHtem ? qui fis au fus > &c.

XII. Ciceron a exprimé au long les mesmes sentimens d'Horace , & nous a fait remarquer avec luy , 1°. que celuy qui se precipite dans un grand crime, estoit déja plus furieux que s'il s'estoit ar- raché les yeux, puisque l'aveuglement & les bles-

OratdeH4 rust. rest.

Í ro Rofcio.

!n Pisonem.

sures de l'ame sont bien plus deplorables que celles du corps. 2°. Que le crime est le supplice du crime mesme ; que la paillon qui nous porte à commettre un crime , nous punit de ce crime mesme , aprés qu'il est commis; enfin que le mesme demon qui est la furie qui nous pousse au crime, est aussi le bourreau qui en tire vengeance. 3°. Qu'il y a un Dieu & une Justice suprême, qui nous chastie par nos propres passions , & qui lâche pour nous punir des esprits de malice contre nous, afin que la malice se détruise elle-mesme , & que l'injustice mesme execute les ordres de la justice.

XIII. Homere fait mention à' Ate, qu'il dit estre une Déesse redoutable aux hommes, & aux Dieux, & à Jupiter mesme , quoi-qu'elle soit sa fille. Sed quid facerem ? Omnia perficit Dea veneranda Jovis si lia Ate, quœomnes offendit , perniciosa. Hujus qui- dem molles pedes : non enim ad terram appropinquat; Jed h&G pervirorum capita incedit, lœdens homines ; ita- que & alterum irretivit; Etenim jam olim Jovem læjît, 'Cy.' â'oca/o, que m præpantt unUTn homimun C7 co mm dicunt esse. Et après avoir raconté la surprise que Junon fit à Jupiter , en faisant naistre Eurifthée avant Hercule , ce qui lui donnoit l'empire sur Her- cule. Il dit que Jupiter indigné contre Ate, la pre- cipita du Ciel en terre, jurant qu'elle n'y reviendroit jamais ; ainsi Ate ne se mêla plus que des af- faires des hommes. Illico corripuit Aten , & jttr.rvÙ firmum juramentum, nunquam in Olympum & C&lum stellatum redituram Aten. que on: ne s infonunio affi- cit : 7rdv1cK axIoLi. Sic fatus ejecit è CdIo jlellœto manu rotans ; mox autem pervenit ad operd omnium. Il paroît evidemment que le nom de cette Déesse vient de dw l\loce: que il Homere l'a faite fille de Ju- piter , c'cfi: parce que nul mal ne nous arrive que par les ordres de la Providence, qui fait, ou qui permet le mal ; que si cutçç Déesse s'est trouvée autrefois

iliad, 1. ig.

■ dans le Ciel, & qu elle en ait été bannie , c'est parce que la division ne s'est formée qu'une fois entre les Anges , lorsque les mauvais Anges devinrent mauvais de bons qu'ils avoient été créez , Se par leur propre malice ils se separerent de la compagnie des Esprits bien-heureux. Les anciens Hebreux n'avoient pas ignoré ce combat des Anges, & les Gentils pouvoient en avoir appris quelque chose d'eux ; enfin si cette Déesse est releguée parmi les' hommes , c'est que les hommes seuls d'entre les creatures raisonnables , font sujets à la discorde & aux calamitez qu'elle entraîne avec elle. Au reste cette discorde se forme quelquefois entre les hom- mes si imperceptiblement, que le Poëte a eu raison de dire qu'elle ne touche point à terre , mais qu' el- le marche sur la teste des hommes. Homere parle en un autre endroit d'Eris ou Contentio, eest. ~Vti- nam contentio ex Diis & hominibus perear.

XIV. On peut dire avec vérité que quand les Poëtes ont forgé ces Divinitez, ils ont vû comme en songe la Justice Divine, qui venge & qui punit les crimes , & les punit souvent par des discordes, des dissentions, & des combats, soit entre les Anges , foit entre les hommes. La relegation d'Ate en terre , ne marque autre chose , que les effets sanglans de cette Justice, qui n'éclattent que sur la terre, parce qu'elle est le seul theatre de l'injustice.

Virgile met aussi la Discorde entre les Déesses de

cette nature, qui semblent etre toutes comprises fous le nom de Dira :

Sævit rnedio in certaminé Mavors , Calants ferro » triftefque ex athere Dira, Et fie ifs â gmidens va dit difèordia pallâ, Il Bellona Ravello.

Nous parlerons ailleurs de Bellone. Mais les Dires, la Discorde , Eris , & Ate , si ce font des demons particuliers, ce ne peuvent etre que des de-

llïal 1. 11 -

JEnrid. 1.1.

mons malins & infernaux, executeurs de la Justic rigoureuse de Dieu. Servius expliquant cet endroi de Virgile, dit que ce font les Déesses de la ven geance. Dira sunt ultrices Deæ. Il dit ailleurs que dans le Ciel on les appelle Diræ, sur la terre ce son les furies, & dans les Enfers on les appelle Eumeni des. Voici ses paroles : Nam Diræ in Cœlo .ut dicun tur gemina pestes , cognomine Diræ. Furiæ in terris Eumenides apud inferos. Vnde & tres dicuntur. Set hac nomina confundunt Poëtæ. Ce sçavant Grammai rien dit ailleurs, que le nom des Eumenides leur cfté donné par un stile de contreveritez , aussi-bien que celui qui a esté donné aux Parques. Eumenide vocantur, quòd non habent bonam voluntaiem > id est mentem, sient Parca, quia nulli parcant.

XV. La Déesse Nemesis est de mesme nature C'est celle qui affecte particulièrement de punir & d'humilier les orgueilleux. Les Perfes méprisan les Grecs , & aiant preparé du marbre pour dresse les trophées d'une victoire qu'ils n'avoient pas en core remportée, les Grecs après les avoir défaits Marathone, se servirent du mesme marbre pour ci faire un monument à la Déesse Nemesis. C'est ci qu'en dit Pausanias. lbi Nemesis Dea fanum. Bæ, se Deorum una maxime insolentioribus hominibus im placabilem præbet, & ejus in primis irâ barbaros at Marathonem afflictos put ant. Cùm enim Mi Athe niensium opes contemnerent, Parium marmor, ac j hostem jam vicissent trophæi erigendi causa in bac loc, deportandum curarant. Ex eo Phidias Nemesis fignun fecit.

Pausanias donne l'Ocean pour pere à cette Dées se, & il croit que ce n'est pas le grand Océan , mai le fleuve de ce nom, qui est le fleuve des Ethiopiens Il y auroit bien plus d'apparence que ce fût le vra Océan, dont les Poëtes font sortir tous les Dieux Il la fait aussi mere d'Helcne ; ce qui ne peut mar-

ln l. 4.

zneid.

1

ln L. 1.

Georg.

L'i. p. 6z.

Auer, que la vengeance Divine, qui permit que la beauté exaraordinaire de cette Dame, fût comme le flambeau qui alluma la guerre entre l'Europe ÔC ~Astie, avec des pertes & des humiliations incroiables de l'une & de l'autre. Enfin il dit que les statues de Nemesis à Sm yrne avoient des aisles, pour lui donner plus de ressemblance avec Cupidcn , parce qu'elle fait sentir le plus souvent ses rigueurs à ceux que l'amour ne peut fléchir, par une dureté qui ne vient que d'orgueil Strabon fait mention de ces Temples de Nemesis, qu'on nommoit aussi Rhamnusia. Denys d'Halicarnasse parlant d'un crime odieux & digne de la vengeance des Dieux use de ces termes, vtnewlov h"ts spfa.

XVI. Platon dit en termes formels, que Nemesis est un Ange de vengeance. Levium enim vo-- latiliumqueverborum, gravissima imminet pœna Nam omnibus prœposua est Nemesis, judicy Angélus , hujufcemodi omnium consideratrix. -Train vap e~~KOT~ toiç TiCl TQICUJ JX /«;</•! dM-~ XtflWi dhlîX'fr. Ce Philosophe a dit ce que les Poëtes & les Hiftonens ont voulu dire ; qui il y a une Justice f¡';!'1 , éternelle, qui châtie tres-rigoureusemint les superbes, & qui a des Anges pour executeurs de ses vengeances.

La lumiere naturelle & les semences de la verité ré- pandues dans tout l'Univers , avoient rendu ces connoissances certaines &c incontestables parmi tous les hommes, les Peintres, les Sculpteurs , les Poëtes y ont ajoûté ce que leur esprit & leur art leur a suggeré ; mais ils n'ont pas pû tellement déguiser la vérité qu'elle ne soit encore fort reconnoissable dans leurs ouvrages. Artemidore a donné la mesme idée que Platon de cette Déesse, qui n'est autre que la Justice meme, de laquelle les bons doivent attendre toutes fortes de graces & de fa- veurs, & de laquelle au contraire les impies ne peu vent se promettre que des peines & des chat UIKUS~

l. a

L.8r.J¡'

Z*, de Legibus.

L. t.

Nemefts semper propttta ejr viventibns secundum le-, gem-, & modcrafÍJ korninibus & Philologis. At ve.

* ro contra leges delinquentibus, & his qui aliqaibus in-, fid/tu firuitnt, & magnas res moliumur, adverfitnr, torutnque conatus irnpedit.

Les Romains honorerent aussi cette Déesse , mais ils ne lui donnerent point de nom en leur langue.

Pline le dit de la forte , Nemesis, quæ Dea Latinum Homcn ne in Capitolio quidem invenit. Il le dit encore ailleurs : Cur fafeinationibits adoratione peculiari occurrimus, alias Græcam Ncrue fin invocantes.

cttjpts ob id Roma simulacrum in Capuolio cft, quamvis Latinum nomen non su. Mais nul n'a jamais mieux exprimé la nature, la puissance, & la veritable idée qu'on se formpit de cctte Déesse, qu'Ammien Marcellin , qui ne luy donne non plus aucun nom Latin, quoy qu'il nous avertisse qu'el- le a deux noms dans la langue G-rccitie 6c Nemesis.

XVII. Voicy la description que cet Historien fait de cette Déesse, plûtost en Philosophe ou eq Theologien, qu' en Historien. Il y paroitra qu'au fond on la prenoit pour la Justice divine, qui re- compenfc les bons, qui châtie les mauvais, sur tout les Grands & les superbes ; dont les Arrests font éternels & inévitables ; qui em brasse tout l'U- nivers fous son empire & fous ses loix, enfin c'est la premiere cause & la Providence i-iiiivcrfcllc.

C'est manifestement la plus belle image que les Anciens pouvoient faire de la veritable Divinité.

Hac ~& hujusmodi quadam innumerabilia nlinx jaainoruni iinpiorum , bonorumque opérairix afiouottes eperatur Adrastia; atque utinam semper) quam vo- sabulo duplici etiam Nemesin appellamus. fus quod- dam sublime Numinis efficacis , humanarum mentium opimone , Lunari circulo superpositum; vel ut definiunt ah] > Subfiamialis Tutela generali potentia par-

I. IT C. 4; L. i8. t. i

Z. 14.

niwus pujiaens satis , quam T heologi veteres singentes Justitiæ filiam , ex abdita quadam æternitate tra]âunt omnia despectare terrena. Hæc ut Regina cm forum & arbitra rerum , hæc disceptatrix urnam sortium temperat, accidentium vices alternans; voluntatumque nostrarum exorfa interdum alio, quàm quo con- tendebant, exitu terminans, multipliciter actus permutando convolvit. Eademque necessitatis insolubili retinaculo vinciens fastus tumentes inciffu rn ~& in- crementorum détrimentorumque momenta versans, mmc erÚLu mentium cervices opprimit & enervat, mine bonos ab imo suscitans, ad bene vivzndwm ex- tollit. Pinnas autem ideo illi fabulosa vetustas aptavit, ut adesse velocitate volucri cunctis exifliiiïcti!r; ~& prætendere gubernaculum dedit, eique subdidit rotam, ut universitatem regere per elementa discurrens omnia non ignoretur. Voila une excellente description de la Providence , de la Destinée, de la Fortune , de la Justice, de la Première cause, enfin de la veritable Divinité, à qui tous ces noms & toutes ces proprietez conviennent admirablement, de relever les justes, de châtier les impies, de terrasser les orgueilleux, de faire un fage & un juste mêlange d'adversitez & de prosperitez, de donner du succés à nos entreprises, ou de les dissiper seIon les conseils d'une Sagesse éternelle : Ex abdita æternitate omnia despectare tenena. Les anciens Theologiens dont parle icy Ammien Marcellin, font les Poëtes , comme il a esté dit ailleurs. C'est la doctrine des Poëtes qu'il a étalée, ce qui nous a obligez de la rapporter un peu plus au long.

XVIII. Au reste quoi-que les Latins n'eussent point de nom propre pour exprimer cette Déesse , les Poëtes Latins n'ont pas laissé d'en parler. Claudien:

Sed Dea qUit nimiis obftat Rhamnujid votif, Ingemnit ,-lfexitqîie rotam.

De Bell, Geti&Q.

Et Ovide :

Non rnetuié dubU fortunt flamù in orbe Nurnen , & exaa f verba superba De a.

Et Lucain : Et tumidü infesta colit, qux Numina Rhamnus, Et Ausone : Grande altquod verbum nimirum diximuJ, ut feJnferret ntmiù vindex Rbamnufia votis.

Et ailleurs : Abfiflat Nemejis, ferat & Fortuna jocantem.

C eu une choie digne de remarque , que les te ri-, tures ayant pris un foin tout particulier de nous inculquer l'aversion que Dieu a pour l'orgueil, & le plaisir qu'il prend à l'humilier; & au contraire l'amour qu'il a pour les humbles & pour les opprerteZjôc les assurances qu'il donne de-les relever: c'est une chose, dis-je, digne de remarque , que les Poëtes ayent penetré si avant dans cette mesme doctrine, & aycnt pris plaisit de Kétaler avec tant de pompe. Car Catulle en parle encore :

iVe fœnas Nemesis rtpejeat à te, Est vehemetis Dea, lædere hanc caveto.

Et Ovide, qui n'ignoroit pas qu'autant que cette Déesse est contraire aux emportemens, autant elle, est favorable aux ames modestes.

rixerttt. A jJenfit precibus Rhamnufitt jltflÙ.

On ne peut pas accuser icy les Poëtes ou les Payens de ce défaut, que nous leur avons si souvent reproché , d'avoir trop partagé les perfections divines, & d'en avoir fait autant de Divinitez, au lieu de les réunir toutes en une feule Divinité. La peinture qu'Ammien Marcellin a faite de la Déesse Nemesis , & qu'il a faite sur les idées des Poëtes, renferme toutes les perfections de la Divinité. L'éternité, l'immensité, la toute-puissance, la Sagesse, la Justice, la Providence, la Fécondité, le gouvernement & l'empire du monde.

1. s.

Tpifl. 24.

mu l'aulïn.

ln 1 ro., rep

Lfigr. 11.

MUAm.l+

Au reste il a paru dans les vers des Poëtes, que le nom de Rhamnusiæ, venoit du lieu où cette Divinité estoit adorée. C'estoit un lieu nommé R ham- nus dans l'Attique, où elle avoit un Temple. Et quant au nom d'Adrastea, Strabon dit qu'il vient du Roy Adraftus, qui luy dedia un Temple. Cal- iflbenes - Adrasteam ab Adraslo Rege denominatam ait j qui primus Nemejî templum posuit. Il rapporte encore pour cela les vers du Poëte Antimachus: Est quædam Nemesis, magna Dea, cui hæc omnia ob- tigerunt à Superis. Primm autem illi aram condidit Adrastus ad amnem Æsopi. Hic sacris colitur Dea ~& Adrastea vocatur,

CHAPITRE XXII.

Des Hippocentaures , des Onocentaures , des Satyres, des Tritons, des Sirenes, des changemens de sexe.

1. Laplttfpart de ces monstres de la fable efl oient des effets naturels & des montfres effeftifs, très- propres à donner du merveilleux à la fable.

II. Il n'y eut jamais de peuples d'Hippocentaures , quo y Qu'il y eût des monstres particuliers de cette forte.

Ill. Plutarque affure qu'il y eut de ces monstres.

1 V. Et de plusieurs autres fortes aussi.

V. Pline parle d'un Hippocentamre qu'on vid de son temps.

VI. Saint ferome tn parle aussi, VII. Aussi-bien que du Satyre qui fut vu par saint Antoine.

VIII. IX. Autres monstres dont ce Pere & l'Ecriture "fnefme font mention.

X. En général on a reconnu que ce ne pouvoient estre que des monfires , & non des peuples.

XI. X ! I. DesTritons & des Sirenes fehn l'Ecriture, fe*lon saint efome & les Poètes.

XIII. X 1 V. Suite du mesme fujtt.

X V. Des changemens de sexe.

L. 13.

1.

L

Aissons les Divinitez naturelles, & ve- nons aux autres parties de la nature quo

les Poëtes ont enveloppees de fables, pour leur donner de nouveaux agrémens, qui ne diminuassent en rien la solidité des veritez naturelles. La Poësie affecte le merveilleux. Mais il y a des effets ou des causes naturelles sil dignes d'admiration H qu'il n'a fallu qu'en faire un récit simple, pour: surprendre les Auditeurs. Ainsi ce qu'on a pris; tres-sôuvent pour des labiés dans la lecture des; Poëtes, n'a esté qu'un secret de la nature peu con- nu du commun des hommes.

Je commenceray par les Centaures & les 11:p- poccntaures qui ont esté representez par les Poëtes & par les Peintres-comme des montres my- partis, moitié hommes & moitié chevaux. Lu- crece n'a pas voulu croire qu'il y en ait jamais eii.

Sed neqnc Centauri fiterunt, ne que tew^eve inttllo .FEsse cjiteat duplici natUra, & corpore btno Ex ahemgents wembris ccmpetta potestas.

Lucain a esté aussi éloigné de croire qu'il y en ait eu, mais il a parlé plus exactement que Lucre- ce , quand il a dit, Et poptuhïin Pholoc mentita bi- formem. Car il est vray que c'est un mensonge de une fable, qu'il y ait jamais eu des peuples monstrueux de cette sorte, ny mesme d'aucune autre forte. Mais il est certain qu'il y a eu des monRi-cs fei-libl-ibles qui ont donné occasion aux PoëCes d'encherir au dessus de l'histoire. Cet assem blage monstrueux de diverses especes d'animaux en un ne peut arriver que très-rarement : puis qu'il est contraire à la nature : ainsi il peut faire des monstres en particulier, mais il ne peut en faire des peuples, parce que la nature prédominé tou- jours dans le grand nombre.

Il se peut donc faire que le premier des Cen, taures

L. j,

L. j.

taures Chiron ait esté un montre de cette sorte, omme Ovide le represente

1 Et Saturnin equ genitum Chirona crearit.

Mais tout ce qu'il conte ailleurs de la nation des Centaures ou Hippocentaures, & de leurs comats, n'est qu'une fable, fondée ou sur l'idée de quelque monstre semblable, ou sur l'invention encore nouvelle de combatre à cheval, en laquelle tes peuples excellerent.

III. Or qu'il y ait eu des monstres de cette nature, c'est de quoy Plutarque ne doutoit pas, puis qu'il rapporte dans le festin des sept Sages, n'un berger leur porta dans une corbeille un enant qu'une cavale venoit de mettre au monde, a yant le haut du corps d'un homme, le bas d'un cheval. Monstrabat illfantem, equæ ut aiebat parrH ditum, suupernè adcervices usque ~& manus hUlllan formâ, reliquas partes equinas habentem, cæterum in orem bominum recens natorum vagientern. La pluspart furent surpris, & creurent qu'il falloit penser à expier @ ce prodige. Thaïes le plus habile entre eux répondit que toute l'expiation & tout e remede pour prévenir des malheurs fembla) les, estoit de faire garder les cavales par des femmes, non par des hommes. Equarum paftorims ne ut art s, aut des rntilieres.

IV. Plutarque pousse plus loin cette doctrine, k declare que les autres monstres de la fable ont iste de mesme nature, c'eil: à dire de véritables productions de la brutalité des hommes. Nam et*, vrai , porctU, equas iniverunt viri ; & fœminæ infa- a mascularum bestiarum libidine exarserunt. Ex hu- usmodi enim coitibus vobis sunt Minotauri, SylvaI., feu Ægipanes, atque ut mea fert sententia, etiam Sphinges , & Centauri nati.

V. Pline se déclare aussi pour la mesme chose, < assure avoir vû lui-mesme un Hippocentaure

M et Am.1.6.

V. 12. Y.

Metam.l.p.

& il.

In- Grill*.

qu'on apporta d Egypte à Rome, embaumé < maniere de ce temps là avec du miel. Claudi- sar seribit Hippocentaururn in Thessalia natum et die interiissee. Et nos principatu ejm allarum il Ægypto tn melle vidtmus. Phlegon de Tralle: rapporte la mesme histoire, & Tacite semble y re allusion quand il dit, que la naissance de ques monstres , Bisormes hominum parus , tu presage de la mort de l'Empereur Qlaude.

V I. Saint Jerôrne a fait la description de l'i pocentaure , que saint Antoine rencontra dar defert, lors qu'il alloit chercher saint Paul Hcr te. Conspicit bomtnem equo mixtum , cm opirno Po rum Huppcentaure vocabulum irtdidit. Saint Ar ne après avoir fait le signe de la Croix demanda monstre , où habitoit le saint solitaire Paul ; ce n stre lui montra le chemin avec la main , & s'en aussi-tost. Après avoir fait ce recit saint jeri ajoute cette reflexion judicieuse, que ce pou cftre un phantosme que le demon eût forme donner de la fraïeur à Antoine, ou un monstre ectif semblable à tant d'autres qu'on voit dans deserts d'Afrique. Verum hae utrum diabolas ad rendum eum simulaverit ; an ut solet, eremui monst rum serax animalium , isiam quoque gignat befiU incertain babemus.

VII. Ce n'est pas sans raison que saint Jeré fait mention de la malheureuse sécondité de l'Eg te à porter des monstres. Car peu apres laint toine rencontra dans le mesme defert un Satyre lui presenta des dattes , & l'assura qu'il estot m tel , & un de ces habitans du defert que les Pay avoient honoré fous le nom de Faunes & de Sa rés ; qu'au reste il estoit venu à lui, comme dep de toute sa nation , pour le prier de prier pour le commun Sauveur, qu'ils sçavoient bien estre nu en terre. Inter saxosam convaliem haud gram

L. 7. 9. 5

Ann. I. ii.

toomunculum videt, actuncis naribus, fronte corntbus uifpeïAta , cu)m extrema pars corporis in capyûruTn pemes desinebat. &c. Memoraturn animal palmarum russus eidern ad viatticum quasipacis obsides osserebat, <7 reponsum accepit Antonim , Mort ait s ego sum » GT un m ex accolis Ererni ; quos vario errore de lu sa genti- litas, Faunos , Satyrosque, & Incubos vocans colit.

Légations fungor gregis met; precamur ut pro nobit tommunem Veum depreceris, quem pro salate mundi venisse cognovimus, & in universam terram exiit fermoc ejus. Saint Jerôme ajoute que fous l'Empire de Constanceon prit un de ces hommes sauvages; on amena à Alexandrie , où il fut vu de tout le peule , & y estant mort Ton corps sut porté à Antioche pour estre montré à l'Empereur. Hoc ne cuiquam ob incredulitatem scrupulnm moveat, sub rege Constantio, •<tinivcrfo, mundo tesie defenditur. JSarn Alexandriam stiusmodi homo vivtus peductus , magnum populo spefiaculum præbuit & yoftea cadaver exanime,ne cœlorc f iflatÙ dissiparenteu paretur , sale infusum, Antiochiam ut ab Imperatore vieretur, allatum est.

VIII. Le mesme saint Jerôme écrivant conre Vigilance commence son discourspar la distinetion de deux fortes de monstres , dont les uns ont Jessé effcétivcment produits, les autres ont csté sorgez par les Poètes. Mutta in orbe monstra generata sunt , Centauros & Sirenos , ululas & onocrotalos in \ifnia legiuiM. Chymaeram atque Hydram multerum ca- pitum narrant fabulæ Poêtayum. Ainsi les Centaures & les Tritons font mis aux rangs des animaux veridables & monstrueux.

IX. Les Septante ont traduit les endroits rtl'I[aïe dont saint Jerôme vient de parier, & ont nomme non feulement les Onocrotales, mais aussi les Onocentaures. Onocentauri ibi habitabunt. Onortentaui habitabunt in ea. Occurrent dæmonia Onocen- tauris. Nostre Vulgate mesme y nomme les Ono-

Ifaii c. i}, v. 11. y- c.

54- -v. ilij.

centaures, les Sirènes, & les Satyres , Pilosi. Ler Onocentaures font moitié hommes & moitié asnes; &: Elien en parle comme d'un vrai animal.

X. Il n'est pas necellaire de nous arrester ni aln Peres de l'Eglise, ni aux autres Ecrivains, foit Hilloriens, foit philosophes , qui n'ont pas jugé qu'il y eût jamais eu ni de Satyres ni d'Hippocentaures, ni d'Onocentaures, ni qu'il y en put avoir. Nous cr demeurons d'accord , s'il s'agit de peuples & de lU.

tions entiercs; & tous ces Auteurs ne prétendent autre chose Mais pour les productions monstreuses & extraordinaires , il est difficile de resister à tant d'exemples & à tant d'experiences ; & c'est à quoi tendoient les Ecrivains que nous avons allé- guez. Pierre Damien rapporte des exemples de Ton temps , qui rendent la chose encore plus croiable.

L'nistoire veritable est , que les peuples Centaures dans la TheiIàlic furent ou les premiers, ou les plus habiles à dompter les chevaux ou à donnci des combats de cavalerie. C'est pour cela qu'on leur donna le nom d'Hippoccntaures. Leur Prince nom mé Centaurus fut frere de Pirithous le fameux am: de Thesée, & combattit avec les Lapithes, que cstoient commandez par Polypoetes fils de Piri- thous, au siege de Troye. En temps de paix ce!

peu ples s'exerçoient à la chasse à cheval, sur toui à jetter par terre des taureaux en les prenant par lei cornes. Jule Cesar fut le premier qui transport; cette challe à Rome dans les spedacles - Thessalorum gentis inventum , equo juxta quadrupecante 3 cor nu intorta cervice, tauros necare. Primus id fjeEtaclI.

fam dedit Rom&C&farDiïlator. -Ce font les parole de Pline. Suetone en dit autant fous l'Empire de Claude: Claudim exbibuit Tbessalos équités, qui se ros tautosp per Jpatia Circiagitnt, infiliunt que desessos, & ad terram cornibm detrahunt. Dion Caise témoigne la mesme chose de Néron : Quodam fpettacu/t

De animal.

I. 17. c. 9.

L. 1. Ep.î2.

L. S. c, 4s.

C. 11.

viri taures ab equis juxta cursitando assectantes, Jibt projîcrnebant. Voilà les Centaures, ou Hippocentaures de l'histoire , differens de ceux de la fable , ôc encore plus des montres de la nature.

XI. Saint Jerôme a cité les endroits d'Isaïe, où nostre Vulgate fait mention des Sirenes entre les monstres , qui peuplent les lieux inhabitez. C'est une vérité bien moins contestable , qu'on a souvent vu des Sirenes & des ritons, c'est à dire des poif- sons dans la mer , qui ont à peu prés la mesme sigure que les hommes, quoi qu'ils n'aient rien de ce qui est propre à l'homme, c'est à dire de la raison & de l'intelligence. En effet dans une variété presque insinie de différentes formes de poissons, comment se pourroit-il faire, qu'il n'y en eut un seul qui approduit de la figure exterieure de l'homme , puis qu'il y en a tant d'autres, qui ressemblent de si prés aux animaux terrestres, dont ils portent les noms ?

Les Poètes n'ont donc fait, que ce qui leur est ordinaire d'enrichir par de nouveaux embellissemens ce que la nature avoit produit de beau & de merveilleux , quand ils ont si souvent parlé des Tritons, & qu'ils en ont fait comme de petits Dieux dans la mer.

XII. Virgile les fait sonner du cors, & il veut que l'un d'eux piqué contre Misene, qui les avoit deHîez, l'ait precipité dans la mer. -

Sed tum forte cava durn perflnat aquora concka , Demens, & cantn vocatin certamina divos ; Amulvu exceptum Triton ,Jt çredere dignum efi, Inter faxa virumJvnmoJa immerferat unda. - -

La fable de Glaucus dans les Metamorpholes n'dl: qu'une imitation des Tritons & des autres Amphibies , qui paillent quelquefois sur le rivage.

Aussi se compare-t-il lui-mefmeaux Tritons,

Stern Dzusinquit aqu&, nec TIMjm in tquora ProttM lui habst, aut Tritrm.

L. 6.

C.ij.v, fjij.

Cette forme exterieure approchant si fort de la nôtre , donna occasion aux Poëtes de faire les Tritons & les Sirenes raisonnables, & ensuite de les deïfier., La maniere que Glaucus fut deïfié, merite d'estre ici rapportée , afin d'y observer, quoi-que ce ne: soit qu'une fable, les traces des grandes veritez &: des grands principes, dont les hommes font naturellement prévenus, & dont ils pourroient tirer des avantages tres-considerables pour s'avancer dans la véritable sagesse & dans la religion, s'ils vouloient les cultiver & les suivre.

2) *y maris exceptum si cio dignantur honore, Vtque mihi quecilm-lut fera m, mortalia demant, O ce ami m Tethynque rogant. Ego lufiror ab Mis , Et pur gante nefas novtes mihi carminé rllÛO) Pelhra lfumimbits jubeor supponere centJtm.

Nec mora diverjis lapfi de fontibus amnes, Totaque vert uni ur supr-a caput d quora noÇtru?n.

Il paroist de là, que les Poëtes estoient periuadez, que c'estoit une mesme nature de nos ames 6c des Dieux, c'est à dire des Anges ; & que nos ames pouvoient devenir semblables aux Anges, &. dire en leur maniere deïfiées ; enfin que pour en arriver là , il falloit estre purifié de toutes les soüillures du pe- thé & de la mortalité. Cette purification se fait ici par les eaux pour faire un Dieu des mers comme elle se fit par le feu pour Hercule, afin d'en faire un habitant du Ciel. Nous avons dit ci-dessus, que les Payens avoient connu ces deux manieres de laver toutes les taches de l'ame & du corps, de la vie & de la mortalité pre fente ; l'une par un deluge d'eaux, l'autre par un embrasement universel.

XIII. Catulle a fait l'Epithalame de Pelée, de Thetis qui estoit une des Nymphes de la mer L'Océan & Thetysayeul & ayeule de Thetis consentirent à ce mariage. Ce seroit pousser trop loin la conjecture, de pretendre que les Tritons au-

i bidem.

Carin. 6j,

voient eu quelquefois de la paillon pour des femmes, & que des hommes en auroient eu pour des Sirenes, qui font les femelles des Tritons. Mais puis qu'il y a eu tant d'Historiens qui l'ont écrit de la sorte, & qu'il y a mesme des personnes illustres en naissance, qui disent que l'origine de leur famille est venuë d'un Triton : quoy que la chose foit entièrement hors d'apparence, on ne doit pas néan- moins douter que les Poëtes ne l'ayent pû croire, ou que ne le croyant pas, ils ne se soient donnez la mesme liberté que les Historiens , de l'écrire.

Voiez ce que Pline conte des Tritons.

XIV. Les Sirenes dont Homere fait un si long discours dans son Odyssée, n'ont apparemment eu autre fondement que la ressemblance des Tritons femelles avec les femmes. On sçait que les nouvelles navigations depuis les deux derniers sictics en ont découvert plusieurs de semblables, & il y a mesme de ces poissons à qui l'on a donné le nom de femme. Les mesmes navigations ont fait remarquer quelques rives de la mer & quelques Promontoires , où les vents par les diverses réver- bérations qui s'y font, font une espece d'harmonie , qui surprend & arrête pour un moment les rouans. Voila peut-estre le fondement du chant des Sirenes , & ce qui fit donner à ces Rochers le nom de Sirenes. Et il ne faut pas s'étonner si le mesme raisonnement melodieux ne s'y forme plus.

La longue fuite des siecles & les tremblemens de terre ont fait des changemens encore plus éton- nans. Pausanias parle allez au long des Tritons que les Grecs & les Romains virent, & de ceux mesme qui témoignèrent de l'amour pour des femmes. Eurynome dont il fait ailleurs l'image, & qui estoit moitié femme & moitié poison, estoit un animal de mesme nature.

XV. Les changemens de sexe font frequens

1.9 c. J.

L. 11.

L.9. É. f-IY 7 4.

L. i.fjn.

sIt. (

dans la fable. On peut voir ce qu'Ovide en conte dans ses Metamorphoses, quand il parle de Tiresias, de Scython, d'Iphis, qui remercia les Dieux de ce changement:

Doua puer Jolvit, quæ fæmina voverat Iphis.

De Gæmeus, & peut-estre de quelques-autres encore. Ce Poëte a bien montré qu'en ces fortes de choses il ne pretendoit pas conter des fables, quand il a autorisé tout ce qu'il en avoit dit par l'exemple de l'hyæne, qui change de sexe. -

- Si tamen est aliquid miræ novitatis in tflisy 1 jilternare vices, & qux modo fœmina tergo 1 Pœjfamarem est, nunc esse marcm,miremur hi&nam.

La mesme choie se dit de quelques autres ani- maux. Les Naturalistes l'ont écrit. On l'a voit dé- ja écrit, & on l'avoit crlt au temps d'Ovide. Il est donc certain , sans nous embarrasser de l'exa- men rigoureux de cette doctrine, que les Poëtes n'ont pensé qu'à écrire & à orner les veritez de la nature & de l'histoire, quand ils ont fait ces fortes de récits. Ausone rapporte plusieurs exemples de ces changemens. Gelle en rapporte auŒ comme des faits certains & incontestables, soit de filles

foit de femmes mariées, qui font devenues hom- 1 mes, ont épousé des femmes, & en ont eu des enfans. Il est vray que la superstition prit d'abord ces effets extraordinaires pour des prodiges qu'il falloit expier, mais enfin on s'apperceut que ces évenemens pour estre plus rares, n' estoient pas moins naturels; & les Poëtes ne laisserent pas d'en orner la fable, parce que pour estre naturels, ils n' en font pas moins merveilleux. Pline donne plusieurs exemples de ces changemens de sexe , & assure qu'il n'y a rien de fabuleux. Non est fabulofum.

Il admet aussi des Pygmées avec Aristote , & d'autres hommes monstrueux. Cette faute est plus pardonnable à des siecles où toutes les terres lia- ,

l.;.v 315 L- 4. v.

ato.

l. 9. vr.

79 Í).

1, - il.. ver.

170.

L. v.

410.

Epigr. 69.

L.y. c. 4.

Plin.'l. 7.

c. 4.

voient pas esté découvertes autant qu'elles l'ont esté dans ces derniers siecles.

CHAPITRE XXIII.

Suite du mesme sujet, des eaux qui effeminent, qui font perdre l'esprit, qui pecrifient. Des Isles nouvelles. Du Belier à la Toison d'or.

J. Des eaux qui effeminoigit les hommes.

II. Des Hermaphrodites.

III. Des eaux qui causent la demence.

1 V. De allfs qui petrifient.

V. Des rivières qui se perdent en terre.

VI. Vil. V I II. Des Ijles nouvelles qui se forment dans la mer.

IX. Du Bélier à la Toison d'or..

X. Aiinfion de toute ccttc fao'ieàla langue des Pheniciens.

I.

I

L faut rapporter à ce mesme sujet ce que les Poëtes ou plûtost les Naturalistes ont

raconté des eaux d'une vertu extraordinaire , pour ramollir les corps & les esprits, & changer en quelque maniere les hommes en femmes, ou plû- tost les rendre en mesme temps hommes & femmes , d'où vient qu'on les appelle Hermaphrodites ou Androgynes. Vitruve dit que si on a conté de la fontaine nommé Salmacis, qu'elle effeminoit les hommes qui s'y baignoient, ce n'estoit que parce que les montagnars du voisinage qui y venoient prendre de l'eau, y apprenoient des Grecs à mener une vie plus civile & plus douce. Ira sigillatim decurrentes & ad cdtu4 convenientes, è duro fe- roque more commutati in Grecorum consuetudinem & suavitatem sua voluptate reducebantur. Ergo ea aqua non impudico morbi vitio , sed humanitatis dulcedine mollitis mimis b¡;,rbaronsm eam famam adepta est. Le serviteur d'Abraham allant chercher une femme à son jeune maistre I (aa, la trouva prés

L. i. c. 8.

d'une fontaine. Jacob y trouva aussi Rachel , Ôc Moyse Sephora , que l'un & l'autre épouserent depuis. Ainsi les fontaines estant les lieux ell les jeunes filles venoient puiser l'eau pour les besoins de la famille, il s'y faisoit souvent des projets de mariage, d'où les Poëtes ont pris occasion de dire qu'elles rendoient les hommes effeminez.

II. Tertullien a pris la chose plus Amplement sans l'examiner. Sahnacis» qui masculos rnoUefacÙ.

Ovide l'a voit ainsi exprimé : Cui non audita est ob- cœnæ Salmacis undal Mais ce Poëte a pris occasion en un autre endroit de rapporter à la propriété de ces eaux la formation monstrueuse des Hermaphrodites. Toute l'histoire fait foy qu'il y a eu des Hermaphrodites; non feulement parmy les hommes, mais aussi parmy les animaux. Ceux qui le font, le font ordinairement de naissance. Il se pourroit faire qu'il y auroit eu quelque exemple que @ la formation du second sexe le seroit faite après j, comme il a, paru cy - dessus que le sexe a esté quelquefois changé en un âge avancé. Ainsi Ovide a joint & confondu deux veritez, l'une de l'histoire, & l'autre de la Physique.

III. Il n'est pas mesme necessaire que le récit que les Poëtes ont fait de ces effets merveilleux de la nature, ait toûjours esté veritable. Il suffit que les Historiens & les Philosophes l'ayent crû véri- table. Car il est certain que les uns & les autres en ont conté dont on ne doute plus de la fausseté.

Les Poëtes n'estoient pas obligez d'en faire une discussion plus exacte que les Historiens ou les Philosophes. C'est ce qu'il faut juger du fleuve Gallus de Phrygie , qui faisoit entrer en fureur ceux qui en beuvoient.

Amnis if infant., 1ilm;ne GAlluJ, aquat Qui bibit inde surit. Pro< ul hinc difctdite queis est Cnra bon mentis. Qtii bibtt Inde, surit.

Cesont les vers d'Ovide, qui veut que les Pré-

Ad ver fus V:in.

iI¡dnm./ih.

ij v. 319 L. 4 1/.3 S 0.

Fast. L 4.

v. 36f.

tres de Cybele tirassent de là leur nom & leur fu-

reur. Et ailleurs en parlant des Lacs d'Ethiopie,

JQuos si qun faucibns h au fit, Aut surit, aut mmiurn patitur gravit ate foporem.

Pausanias raconte qu'il y avoit un Lac prés d'un Temple de Neptune, dont on n'osoit pescher le poisson, parce qu'on craignoit en le faisant d'estre metamorphosé en poisson : Ex stagno pisces metuunt extrabere. quod qui eos ceperint, ex hominibus in pisces mutari diaitiJtnt. Il n'en falloit pas davantage pour donner fondement à des fables semblables à celle de Glaucus, dont nous avons parlé.

IV. Ovide parle ailleurs d'un fleuve dont les eaux petrifient les entrailles de ceux qui en boivent, & qui font comme une incrustation de marbre sur tous les corps qui y font trempez.

F lumen habent Cicones, quod potum faxea reddit Pi fierai quod tattis inducit marmora rebw.

Strabon parle d'un fleuve semblable en Italie. De Silari aquis hoc traditur ; planta si quciitaquara eim conjiciatur, eam in saxum mutari, manente colore , formaque iisdem. Ce seul exemple suffira pour cent autres, qu'on pourroit entasser. Car à peine y at'il une province où il ne se trouve de ces eaux petrifiantes.

V. Il en faut dire autant des rivieres qui se perdent en terre au milieu de leur course, foit qu'elles se jettent dans un trou , soit qu'elles se cachent fous des fables , pour renaître encore une fois. Ovide fait une longue description des amours du fleuve Alphée pour la fontaine Arethuse, qu'il va chercher par une longue course sous terre jusqu'en Sicile. C'est une imitation de ces courses souterraines de quelques rivieres dont il parle encore ailleurs : Sic ubi terreno Lycus est epotus toiam ,

Ëxifiit procul hine, alioque renafeitur ore.

Sic modo combibitur » tetlo modo gntgiti Upfm,

Met*. tIf.

v. j 10.

L. yp.zo}

Met. lib.if.

v.

L.J.p.17J.

Aleeam. Li.

y-4SJ SIS-

L. v.

170.

Redditur Argolicis ingens Erasinus in arvis. etc.

Pline en fourniroit un grand nombre d'exemples.

V I. Il en est de mesme des Isles nouvelles qui J se font formées de tem ps en temps Se Te font élevées sur la surface de la mer. Ovide en a forgé si" [a fable des cinq Echinades , qui de Nymphes qu'elles estoient , furent transformées en HIcs, c'est à dire qu'ayant esté cachées sous les eaux, elles s'éleverent & se firent voir au dessus Le fleuve Acheloiis peut y avoir contribué par les fables & les pierres qu'il y a amassées. L'Isle de Rhodes avoit esté aussi fort long - temps cachée fous les eaux, & enfin s'estant montrée, Pindare seignit que le Soleil ayant esté oublié dans le partage des terres, que Jupiter fit au commencement entre les Dieux, afin de ne point faire de nouveau partage, Jupiter fit tirer cette Isle du fond de la mer, & la donna au Soleil, à qui elle estoit consacrée. Emersir ex mare humido insula, obtinetque cam acutorum generator radiorum Pater. L'Isle de Delos avoit aussi commencé à se montrer fort tard , d'où elle tira son nom. On la consacra aussi au Soleil. Virgile fait mention d'une Isle flottan- te, qui fut enfin fixée & arrestée en un lieu, dediée au Soleil.

Q^uam pi m Arcitenens or as C;'" littora circtl1'n 1 Errantern, Mycone cessa, Gyaroque revinxit, -. 1 Immottflrnqu coli dedt) & contemnere ventos.

- - - -

C'estoit peut-estre un usage de consacrer au Soleil les Isles nouvellement formées , ou à cause de la 1 fable de Pindare, ou parce qu'on croyoit que le Soleil avoit contribué à les faire paroître sur l'eau, & à les desscicher. Homere dit aussi que les bœufs de la Sicile estoient consacrez au Soleil. La Sicile estoit aussi une Isle nouvelle en un autre sens, par la violence des vagues de la mer , qui l'avoient separée de l'Icalie. 7

Meta. I. 8 V. j SC).

Olymp. ode 7-

zneisi. 1.3.

VII. Strabon distingue fort judicieusement ces deux manieres diverses de la formation des Isles nouvelles ; les unes font arrachées du Continent par la tempère, les autres se forment par des tempestes, pour ainsi dire , souterraines, qui vomissent à travers les eaux de la mer une incroyable quantité de cendres, de pierres, & d'autres matieres, qui s' entassent les unes sur les autres, & qui enfin composent le corps d'une Isle. Etenim Prochyta, pithecusa , Caprea, Leucosia, Sirenuse ~& Oenotrides, partes sunt Continentis avulsae. Nonnullae irip.tU exipso mari emerserunt, fient & nunc nultis locis evenit. Quae enim in alto jacent mari, coa probabile est ex profundo furjîtm egestas esse ; CJuæ atttem ante promontoria sunt sitae aut freto a Continente di- viduntur, mtlxirnè rationi consentanéum est) ab ea esse abreptas. Strabon ne parle pas à mon avis de toutes les Isles qui font en haute mer , mais seule- ment des Isles nouvelles. Car les anciennes ont esté des le commencement du monde. Mais les nouvelles n'ayant pû estre arrachées de la terre , dont elles font si éloignées, elles font necessairement sorties des abîmes souterrains par un dégorgement semblable à celuy du mont Gibel.

VIII. Pline a nommé en un seul endroit les plus fameuses de ces Isles nouvelles. Clara jampridem tnfuht Delos & Rhodus memoria produntur enatæ. Postea minores, ultra Melon, Anaphe. Inter Lemnum & Hellespontem , Nea : inter Lebedum & Teon, Alone : inter Cycladas Olympiadis 135. anne quarto Thera & Therasia. Inter easdem post annos 130. Hiera, eademque Automate. Et ab duobus fllt.

diis post annos centum decem in nostro avo Thia. Seneque parle de ces dernieres, comme ayant esté le spectateur de leur premiere sortie de la mer.

Theren Thiam nostræ atatis insulam hanc spectantibus nobis in Ægeo mari enatam, qttis Mitât quin

L. f.p.iji.

L, t. c. 17.

Nat. quAft.

L. 6. c. ai.

in lucem spiritus vexent. Les histoires des siecles fuivans ailurent qu'en cette mesme mer , & en ce mes- me lieu prés de Thera & Theraha la terre a fouvent dégorgé à travers toutes les eaux de la mer une quantité effroïable de feux & de flammes, dû cendres , de terre & de pierres, dont il s'est formé de nouvelle, liles. Les noms de T hera & T herafia viennent apparemment des fontaines chaudes qui se trouvèrent dans ces Isles , selon le rapport de Ju- stin : Cum admirations navigantium repente ex prosundocum calidis aquis insula emersit. Pausanias donne pour un exemple mémorable de la fragilité de toutes les choses terrestres, Plfle Chryse ," qui hit abîmée dans la mer, & rifle Hicra , qui sortit du fond des eaux.

IX. Nous ne dirons plus qu'un mot du Bélier à la Toison d'or, si fameux dans l'histoire fabuleuse.

Il peut ou avoir lieu entre les animaux prodigieux, ou entre les effets merveilleux des eaux. Ainli c'est une partie de la matiere de ce chapitre. Strabon raconte les expéditions de Phryxus & de Jason, ou des Argonautes dans la Colchide , pour en enlever les tresors, sur tout l'or qu'on avoit amassé des sablons de la riviere , en les faisant couler à travers une toison de bélier. Il en conclud que tout ce que les Poëtes en ont dit, n'est qu'une véritable histoire , ou de la nature de ces lieux, ou des navigations effectives qu'on y avoit faites en divers temps. Nam & Aëaurbs ad Phasin ostenditur, & Aëetam Colchy.

dis Regem fuisse pro certo habetur, idque nomen in ea regione usitate geritur, & Medea venesicœ historia ex- tat, ~& divitia istarum regionum ex auri, argenti, ferrique metallis justam ejus expeditionis causam ostendunt, quæ etiam Phrixum antè ad eandem impulerat navigationem. Extantque utriusque navigationis monumenta, Phrixium in confinio Colchidis Cr Iberiae, & Jasonia passim in Armenia. Voilà comme ce sça-

L. 30.

L$pxg.

JCJ).

I. 1. p. 31.

y vant homme prouve par les villes, & par les autres monumens, qui portoient encore les noms de Phrixus & de Jason, que ces deux Seigneurs avoient ef- fectivement entrepris la conqueste des riches metaux de la Colchide.

Pline fait un admirable recit des richesses de la Colchide , qui peuvent sans doute avoir attiré l'avarice des Princes voisins, & des plus éloignez mesmes pour s'en rendre les maistres ; comme on a vu dans ces derniers siecles tant de navigations entreprises pour l'or du Perou, de l'Asie, & de l' Afrique. Pline n'oublie pas non plus la toison d'or.

am regnaverat in Colchis Salauces, & Efuiopes , qui terram virginem naam, plurimum argenti aurique etuisse dicitur in Sammorum gente, & alioqui velleri- bus aureis inclyto Yegno. Sed & illius aurea cameræ & "Hgent'" trabes narrantur, & columna atque parastata.

Voilà le belier à la toison d'or , parce que le meilleur or estoit celui qu'on reciieilloit des rivieres avec des toisons, si nous en croions le mesme Pline, Anrum invenitur tribus modis. &c. Fluminum ramen- tts &c. Nec ullum abdolutiud aumrn est , cursu ipso tri- ~que perpolitum. Ceux qui font appellez Samni par Pline , font vrai-semblablement les mesmes peuples de la Colchide , que Strabon appelle Saants, ausquels il donne de l'or de la mesme nature, & le leur fait ramasser avec ces peaux de belier , qui ont doné lieu à la fable : Ajunt apud hos aurum etiam defer- ri à torrentibus ; idque barbaros excipere alveolis per- soratis ,& velleribus lanofis. Vnde etiam aurei velleris extiterit fabula. Appien en dit autant en parlant de la guerre Mitridatique : Multi fontes è Caucaso fluentes, auri ramenta deferunt.

X. Bochard croit, que si les Poëtes exprimerent le tresor du Roi de Colchide par une toison, c'est peut-estre parce que le mot de Gasa est ambigu -dans sa langue originaire, qui est la Syriaque; car

L.H' c. 3.

ibid.c. 4.

L.up. 343.

Georg. 1. 4.

c. il.

il signifie un tresor , & c'est en ce sens qu'il a estè communiqué à la langue Latine & à tous ses Dia) cc.

tes ;& il signifie aussi une toison, & c'est sur cette allusion que les Poëtes se font jouez. On peut dire aussi que les deux bœufs qui gardoient ces tresors, font les deux murailles, qui faisoient l'enceinte du chasteau ou il estoit gardé : parce que le terme Syriaque Sour, signifie un bœuf & une muraille. Le dragon qui gardoit ce tresor , n'estoit autre chose que la porte de fer du chasteau, parce que Nachas signi- fie & un dragon , & du fer , ou de l'acier. Comme ces navigations furent tres-anciennes, & furent me smes plus anciennes que la guerre de Troye, il se peut bien faire que les Pheniciens y aient eu part, & aient laissé des traces de leur Langue en divers endroits de cette histoire. Voilà sommairement l'histoire veritable, & la Physiologie , qui ont donné fondement à toutes les belles fictions qu'on peut lire dans les Metamorphoses d'Ovide, ou dans les Argonautiques d'Orphée & d'Apollonius.

Je n'ai point parlé des Isles Electrides, que Phaë- ton & ses sœurs rendirent celebres, si nous en croions les Poëtes Grecs. Pline s'en mocque avec raison, comme d'une imagination, chimerique des Grecs, parce que dans toutes les Isles de cet endroitlà , il n'y en a point où il se trouve de l'ambre ; luxta eas Electridas vocaverunt, in quibus proveniret succinnum quod illi Electrum appellant ; vanitatis G ne-* ca certiffimum documentum ; adeo ut quas earum designent, haud unquam constiterit.

Z. 3, e. 26.

CHAPITRE

CHAPITRE XXIV.

Des Transformations, ou des autres Effets prodigieux de la Magie.

I. Di l'antiquité de la Magie. Si elle a t (lé avant le De- hige. elle 0, ~,l é avant le DeII. Ses Commenccmens dans l'Egypte.

III. Qui eflotî Zoyo;;r[h'c qu'on en fait fauteur, 1 V. Elle a passé de l'AJJyrie dans l'Egypte, aussi-bien que les fables, V. Ce qu'il faut croire des Metamorphoses faites far Circe } felo?i Varron.

V I. Et félon saint Auguflm. V I !. Suite du mefmc fkjet félon ce Pere. Des Arwdiens :hange^en loups. De Diomede & de fos compagnons.

VIII, Sommaire des maximes de saint Auguflm sur es foi tes de matieres.

IX. X. Exemples rapportez par saint ferbme spar Palade c> Rufin..

! X I Foule de transformations magiques sur le récit des \oè'tcs. 'XII. Pourquoi Homère ne tarle de la Magie que dans | X)dyjfée. Les effets naturels attribuez à Magie.

I.

L

'H 1 S t o i RE de Jason 8c de Medée , que nous avons touchée dans le Chapitre

recedent ne se passa pas sans mettre en usage la Magie , si nous en croions Ovide , Seneque & le s utres Poëtes, qui en ont parlé. Pline dit que Mc- ée & Circé ont donné occasion à une infinité de sales ; qu'Eschyle a estimé les herbes medicinales Italie : mais qu'Homere , qui est le Pere de tOils les Sciences anciennes, donne cette gloire à l'Eypte. Certè quid non replevere fabulis Colchis A4e~ ea,aliœque, in primis Itata Circe? &c. Homerus qui- em prilPtu doUrinartt'm & antiquitatis parens , TMM < » is alias in admirations CiïCÇs , gloriam herbarum

Ægypto tribuit. L'Ecriture nous a informé elle-mes me de l'antiquité de la Magie dans l'Egypte,qua~ elle parle des Magiciens que Pharaon opposa ; Moïse, & qui firent aussi par leurs enchantemen une partie des merveilles que Dieu faisoit par sa ver tu Divine, Vocavit Pharao Sapientes & maleficos, & fecerunt etiam ipsi per incarnationes AEgyptiacas & eii cana quædam jimiliter. Mais ce n'est peut-estre pa là le premier endroit où il en; parlé de la Magie de Egyptiens. Aprés que Pharaon se fût éveillé dans 1 trouble , où l'avoit jetté un double songe, il fit ap peller tous les Sages & tous les Devins de l'Egypte pour leur en demander l'explication. Ils ne pûren la donner, & cet avantage fut reservé à Joseph Evigilans Pharao misit ad omnes conje ctores Âïgypti) cunclosque sapientes , & accersitis narravit fommutn rlCC erat qui intetpret aretur. Ceux qui ont estimé qu c' estoient les mauvais Anges qui avoient abusé de femmes, & en avoient engendré des Geans, on cru aussi que cette communication avoit esté pouf fée , jusqu'à apprendre aux hommes la Magie. Air si la Magie auroit precedé le Deluge. Le livre d'E noch rapporte qu'entre ces Anges impudiques,l'on~ ziéme nommé Pharmarus, ou plutost Pharmacus enseigna la Magie aux hommes : P harmarus docuu venesicia , ~<pa.puaxeta;, incantantiones, artes Magorum~ Cr incantationttm remedia. Ce livre à la verité Ci apocryphe , mais il peut contenir quelques veritezs II. Ce qu'il ya de confiant, est que l'Egypti~ qui a esté la mere des fables, a esté aussi la maîtress~ de la Magie. Entre les Magiciens qui resisterent lvloïCe, il yen eut deux qui se signalerent par dest~ fus les autres, sçavoir Iamnes & Mambres, do~ saint Paul a fait mention, suivant la tradition do Hebreux, en nous apprenant qu'il ne faut pas rec~ jetter tout ce qui se trouve dans ces fortes de moc~ numens. Pline eut connoissance de ces deux Magi

Exod. c. 7.

v. il"

G en. 4.1. r.

8.

ciens d gypte, mais il a mis dans leur mesme rang leur plus grand adversaire Moyse. Est & alia, Magices factio à Mose & Jamne , & Jotape Judœis pendens fcd rnultû miliibm annorum post Zoroastren.

III. La question est de sçavoir qui eH: ce Zo- roastre, à qui Pline donne tant d'antiquité au dessus de Moyse. Clement dans ses Recognitions croit que c'est Cham , & qu'il fut reveré comme un Dieu. Ce livre est encore de ceux qu'on nomme Apocryphes, Justin dit positivement que Zoroa- stre fut Roy des Bactrianiens, & qu'il inventa la magie. Rex BaEiriano?nm Zoroaster, qui primus dicitur artes magicas invenisse. C'est ce Zoroaster à qui Ninus fit la guerre. Il s'enfuit de là que la Magie, aussi-bien que les Mages, prit commencement à Babylone, ou dans l'Orient, avant que l'on en parlait dans l'Egypte. Suidas met aussi Zoroastre dans la Medie ou dans la Perse, & le fait chef des Mages ou des Magiciens. Zoroaster Per- so-medus , Astronomorum peritissimus ; & Pri./csps Magorum nominis apud ipsos recepti. Plusieurs Auteurs font Zoroastre plus recent, ne le mettant qu'au temps de Darius Histaspes. Mais il y a de l'apparence qu'ils ont confondu plusieurs Zoroa- stres en un, & que ce nom ayant esté commun à plusieurs Mages , ils ont attribué aux derniers quelque chose de ce qui appartenoit au premier IV. Il nous importoit d'établir le mesme print cipe touchant la Magie, que nous avons tâché d'établir cy-devant touchant la Fable, la Poësie, l'Astronomie ,& toutes les autres fcienccs. Car il est sans doute que les Poëtes ayant esté les premiers Theologiens & les premiers Philosophes d'entre les Gentils, il y a eu grand rapport entre eux & les Mages. Je diray en passant, que si les Mages ou les Magiciens d'Egypte tâcherent de contrefaire les prodiges que Moyse fasoit par une

£ .30. c.t-i

L. 4.

L. i,

vertu toute divine : il ne faut pas s'étonner, n quand Moyse eut quitté l'Egypte , & qu'il eut traversé l'Arabie & subjugué la Palestine, autant par une suite de semblables prodiges, que par la force des armes: les mesmes Egyptiens continuerent de le contrefaire, en s'attribuant à eux ou à leurs Héros fabuleux les mesmes ou d'autres semblables merveilles, ce qui fut depuis imité par les Grecs.

V. Revenons aux fables qui tiennent de la magie , & apprenons de saint Augustin ce que Var- ron en pensoit. Varron le plus sçavant homme de l'Empire Romain en son siecle, qui fut le plus éclairé de tous , ne doutoit pas que tout ce qu'Ho- mere a raconté de Circé & de la transformation des compagnons d'Ulysse en bestes, ne fussent des effets veritables de la magie. Il faisoit le mesme jugement de ce que l'on contoit des Arcadiens, lesquels traversant un étang à la nage , se changeoient en loups, vivoient avec les loups, & s'ils s'abstenoient de chair humaine , aprés neuf ans ils redevenoient hommes en passant encore une fois le mesme étang à la nage. C'est pour cela mesme que Varron croyoit que dans l'Arcadie Jupiter & Pan estoient nommez Lycœus, comme usant fouvent du pouvoir qu'ils avoient de transformer les hommes en loups. Nec idem propter aliud arbitra- tur ab historicis in Arcadia tale nomen affictum Pani Lycœo , & Jwi Lycœo, nisi propter hanc in lupos ho- minum mutationem quòd ea nisi vi divina fieri non

putarent. Lupus enim Grœcè ~tvxiç dicitur.

VI. Après avoir exposé le sentiment de Varton, saint Augustin n' a pû refuser de dire le sien.

Sed de ista tanta ludificatione dœmonum , nos quid di- UlmUJ, qui hac legent fortassis expectant. Il confesse d'abord qu'il est difficile de nier tous les faits qu'on raconte de cette nature, sur tout quand ceux qui les racontent, en ont fait eux-mesmes l'épreuve.

Civ. 1.18.

e. 17.

llld- c. 18.

Comme ce qu'on disoit en son temps dans l'Italie , que des Hôtelieres metamorphosoient quelquefois les passans en juments, en leur faisant man- ger des viandes preparées pour cela, leur faisoient porter de grandes charges , puis leur rendoient leur premiere figure. De mesme qu'Apulée a feint ou raconté une transformation semblable de luymesme en a sne. Saint Augustin dit que ces éve- nemens font ou fabuleux, ou si rares & si extraordinaires , qu'on est presque en droit de n'en rien croire ; mais que ce qu'il y a de certain est que les Demons ne peuvent rien entreprendre ou execu- ter de semblable, sans que Dieu le leur permette. Sicut Appuleius in libris quos Asini aurei titulo infcYipfît, filji ipJi accidijJe, ut accepto veneno , hti- mano animo permanente asinus fieret , aut indicavit, allt finxit. Hœc vel falsa sunt , vel tam inusitata, ut meritò non credantur. Firmissimè tamen credendum est, nec dœmones aliquid operari, nisi quod DetU permiserit. Pour ce qui regarde la metamorphose d'Appulée en Asne , les Doctes ont depuis reconnu que ce n'estoit qu'une imitation du Dialogue de Lucien , où il conte comme estant luy-mesme venu en Thessalie, pour y apprendre la magie, & desirant y estre transformé en oi seau, il fut changé en asne. Ce qui n'est qu'une de ces fables ordinaires à Lucien.

VII. Mais quant aux metamorphoses magiques , saint Augustin dit qu'il ne pense pas que le demon puisse faire aucun changement effectif, ni dans l'esprit, ni sur le corps des hommes, quoy qu'il puisse troubler leur imagination, & leur faire voir par des apparences phantastiques , ou euxmesmes , ou les autres avec la figure de quelque animal, de mesme maniere que ces visions se forment dans les songes. Phantasticum amem illud ve- luti corporatum in alicujus animalis effigie, appareat

fer.films cilienis; talisque etiam ftpi homo esse videatur, fient ta Us ifbi videri posset tri somnis , &portarè~ onera; qltæ onera si vera sunt corpora, portantur à dæ'1llomb¡1,J, ut illudatur hominibus , part im vera onerum corpora , partim jumentorum falsa cernentibus.

C'est donc en cette maniere que se font faites les transformations des Arcadiens en loups , & celles des com pagnons d'Ulysse par Circé , s'il est nean- moins veritable qu'elles se soient faites. Proinde quod homines d cuntur, mandai umque est litteris, à Diu, vel potiùs dœmonibus, Arcades in lupos solere converti: & quod carminibus Circe socios mutavit Vlyssis , secundùm istum modum mihi videtur fieri potuisse , quem dixi, si tamen factum est. Pline dit que ce changement d'hommes en loups est tres- faux & purement fabuleux. Homines in lupos verti, rursumque restitui sibi, falsum effi considenter

existimare debemus. Et après avoir rapporté les auteurs de ces fables, il dit que les Grecs ont esté, les uns trop credules , & les autres trop impu- dens menteurs : Mirmn est, quo procedat Grœca credulitas ; nullum tam impudens mendacium est, tit teste careat. Et quant aux compagnons de Diomede qui furent changez en oiseaux sans ressource , il faut dire que les Demons les firent entierement disparoître, 8c ayant fait paroître en leur place

des oiseaux inconnus dans ce pays & transportez secretement d'ailleurs, ils imposerent aux hommes 8c leur firent croire que les compagnons de Diome- 1 de avoient esté transformez en oiseaux. De mê- me façon que les mesmes Demons substituerent une biche en la place d'Iphigenic : quoy qu'avec cette difference , qu'on reconnut bien qu'Iphige- nie n'avoit pas esté metamorphosée en biche , par- ce qu'elle parut depuis & exerça la fonction de Prestresse de Diane à Tauris, d'où elle s'enfuit encore, & se retira avec son frere Oreste à Aricia

Tlin. I. 8.

c. z 1.

(

~n Italie, pour y exercer la meSme sacrificature de ~Diane. Diomedeas autem ~voluCïcs, quandoquidem emu earum per successionem propaginis durare perhietttï, non mutatis hominibus f ici as, sed subtractis ~redo suisse suppositas, sicut cerva pro Iphigenia Régis 4gdmewnonis filia. Neque enirn dæmonlbuJ jndicio Det per mi (fis hu\ufmodi pr&ftigi& difficiles esse po~ucrunt ; sed quia il'a virgo postea viva ~reperta J: !pwfiiam pro Ma cervam esse facilè cogni'um cfî. So~Zj vera 'jjiomedii , quia mtJqnam fitbiro cOllllfarue~funt, &poftea nullo loco apparuerunt, perdentibus eos tltonbus Angelis malis, in eas ave s, quœ pro illis octÛtè ex aliis locis ubi est ~hoc genus aviwn, ad ea ca perduétæ sunt, ac repente fuppojïrx - creduntur esse conversi. Enfin il l'on dit que les Oiseaux de Diopede connoissent & ~caressent les Grecs, & reve~rent le Temple de Diomede , ce font encore des illusions des Demons, pour faire croire la deïfica~tion de Diomede. Mirandum non est fieri instinctu dœmonum, quorum interest persuadere Deum factum (Je Diomedem, ad decipiendos homines, ut falfos Deos cum veri Dei injuria calant.

VIII. Je croy que quelque bonne opinion que les Lecteurs puissent avoir d'eux-mesmes, ils ne refuseront pourtant pas de regler leurs sentimens Ôc leurs maximes dans des matieres 11 obscures îar celles de saint Augustin ) qui a esté la plus grande lumiere que Dieu ait donne à son Eglise a près les Apostres, & qui a esté le plus sçavant de tous les Peres dans les sciences divines ôc humaines. La premiere maxime de saint Augustin est de ne pas facilement croire, & de ne pas aussi trop généralement & trop opiniâtrement nier tout ce qui se dit de ces fortes de faits merveilleux. Parce qu'il y en a qui font attestez par des personnes si dignes de foy } & quelquefois par celles mesmes qui en ont fait de telles experiences , qu'on ne

peut honnestement se défendre de les croire. La seconde maxime de ce Pere est de rechercher les causes de ces effets prodigieux , au cas qu'ils soient arrivez, & d'en rechercher qui ne donnent rien aux demons qu'avec la permission de Dieu, & qui ne leur donnent pas trop, mais aussi qui ne leur ostent pas tout. La troisiéme maxime de saint Augustin semble estre,qu'il ne faut pas juger des siecles passez par les nostres, quand il s'agit du pou voir des demons.

JÉSUS CH RIST a vaincu les demons, en a triom- phé, & les a chassez hors du monde ; Palam triumphans illos in semetipso , ~6-c. Princeps hujus mundi ejicietur foras Mais avant son arrivée le démon regnoit en quelque maniere avec un pouvoir absolu parmi les Gentils. Il ne faut que lire l'histoire des.

quatre Evangelistes, & les Epistres de saint Paul, pour reconnoiftrc combien les possessions des demons estoient frequentes , & combien ils dominoient impunément sur la terre. Voilà à mon avis de quelles maximes il faut avoir l'esprit prevenu dans la lecture des fables, où la Magie & l'opéra- tion du demon peut avoir eu quelque part.

I X. Saint Jerôme raconte dans la vie de saint Hilarion, comme ce saint guerit par ses prieres une fille, qui estoit devenuë furieuse d'amour pour un jeune homme, qui s'estoit servi pour cela des Prêtres d'Esculape, & du secours de la Magie, dont ils userent , en mettant leurs charmes fous la porte de la maison de la fille. Subtus limen domus pneUû tormenta quœdam verborum,~& portent ofa*ifg u r. is fculpIIM in ærÙ Cyprij lamina defodit. Et un peu aprés , Magnitudo amoris se in surorem verterat. Voilà pour l'amour de la 611e ;&' quant à celui du garçon, le demon qui possedoit la fille en rendit ce témoigna- ge, Vt qmd wtrm'cm in eum, qui habebat Collegam meUrlJ) Amoris dœmonem. Ainsi ce Pere ne doutoit pas, que certains demons il- prcfidaffçiit à certains

Cap. 16.

vices, qu'ils ne dominassent ceux qui en estoient infectez, & que la Magie ne pût alors, quand Dieu le permettoit, exciter ces passions par le ministere de ces demons. Aussi saint Jerôme assure encore un peu plus bas , que saint Hilarion connoissoit le vice de le demon , dont les particuliers estoient dominez : Habebat senex hanc gratiam, m sciret, cui dœ- moni ■> vel cui vitio quis subjaceret.

X. Palladius & Ruffin ont écrit que le bienheureux Macaire, voiantune fille, que ses parens lui amenoient , comme estant transformée en ju- ~ment) Equa hœc quam vident oculi tui puella virgo y filia nostra fuit ; sed homines pessimi magicis artibm in hoc animal quod vides mutaverunt eam : Il leur répondit qu'il voioit cette fille dans sa propre figure de fille , & que l'illusion estoit dans leurs yeux , & ion dans la fille. Ego hanc quam ostenditis mihi ~niellant video,nihil in se pecudis habentem ; hoc autem quod dicitis , non estin ejus corpore , sed in oculis intuen- ~ium. Phantasiœ enim deeionitn; ji-tnt istœ , non veritas 'eïum. C'est la mesme doctrine de saint Augustin , }ne le demon ne change rien dans le corps mesme le ceux qui paroissent metamorphosez ; mais dans ~es apparences exterieures feulement. Il est neannoins remarquable , que ce Saint pour dissiper cet~e illusion du demon } après avoir prié, frotta d'hui~e au nom du Seigneur, non les yeux des parens, quoi qu'il eût dit que le mal estoit In oculis intuen- Ímfi, Mais le corps de la fille : Perungens eam oleo « ~n nomine Domini.

XI. Aprés ces précautions prises,nous pourrons ire avec fruit les fables où la Magie a quelque part.

Comme ce qu'Ovide conte de la teste de Mcclu[e, ~lui petrifioit tous ceux qui la regardoient : Et pro-

~crnite humi juvenem magica armamoventem. Et les ~lcrbes & les charmes de paroles dont usa Medée, & dont elle fit user Jason.

R ujf. vit* Patr. I. ic.

i8.

Pnlhd. c.

19.

Metam.l j.

I.v. igs.

Neve parum valeant à se data gramina ) ctlnnnt Auxiliare canit ,secretasque advocat artes.

Et quant à Aëson qu'elle fit rajeunir, ce n'elt peut-estre qu'une exaggeration de la santé & de l' cmbompoint qu'elle lui rendit par les herbes, tk les autres secours de la Medecine; en quoi elle estoit fort versée. Il se peut faire aussi que les Medecins ; ou les Magiciens eussent dés lors cette prétention, de pouvoir rendre la jeunesse, comme on sçait que quelques extravagans l'ont euë depuis. Quant au tronc d' arbre , auquel estoit attaché le destin d'un heros, en forte que sa vie se consuma en mesme temps , que ce bois se reduisit en cendres dans le n:

Tempora dixemnt eadem lignoque tibique 0 modo nate da?nus.

lnfliul atque absens lfamma Meleagms ab HU Vritur) & c&cis torreri vifeera fenttt lj,nibuh

C'est une chose dont les livres les plus accréditez , qui traittent des effets de la Magie, rapportent une infinité d'exemples. Les Poëtes ne doivent pas lc:, rendre difficiles à croire, ce qui estoit communement crû de tous les autres hommes, 6c melmc des?

habiles. La fable de la fille d'Erysichthon , qui pronoit toutes les figures, qu'elle vouloit, Se s'écha [>-poit par ce moien d'entre les mains de ceux à qui son pere la vendoit, & revendoit, Nunc eqlhJ) mut) ales , modo bos , modo cervus abibat : Cette fable, disje, n'est qu'une imitation des transformations nv ':1..1 ques dont nous avons parlé. Si ailleurs on arv ito l'enfantement par des charmes, Digitis interje pcc tine junctis pressa genu ; Si l'on rend le corps invul nérable : Quod juvcn; corpus nullo penetrabile telo : S: ( l'on saddresse à Circe pour inspirer de l'amour à, quelqu'un par ses charmes, & par ses herbes, Stvts.

aliquid regni eji, in carmine, caïmen are move sacr~

L. 7. V.]H.

à. sequens.

ihid.v. 18/.

Z 8. v.

4 S°S'S-

lb. v. 874.

L.y.v. 197-

L.H..V.166.

l.I+, 'tJ::z. o.

pve expugnacior herm est, utere tentatis operos œ Vtrzus herbæ:Si l'on vend, ou si l'on donne des vents enferme?, dans des cuirs de bœuf , comme Eolus en canna à Ulysse Ventos quos bovis inclnfos tergo memorabile rnurms Dùlichium sumplisse dnccm &c.

[Si les com pagnons d'Ulysse font metamorphosez par Circe en bestes, & remis ensuite par elle-mese dans leur premiere forme; enfin si Ovide raconte bn fort grand nombre d'autres changemens prodiieux, qu'il attribuë lui-mesme à la Magie ; il n'y a rien en tout cela, à quoi on ne trouve cent évene- imens semblables dans les livres qui traittent l'hiIftoirede la Magie dans les siecles moyens & dans ces derniers siecles. Et il ne nous importe pas de sçavoir au vrai, si la verité de tous ces évenemens eil certaine, ou precisément telle qu' on l'a dite. Il nousfuffitj, que les choses se fissent, ou se racon- taient ainfide bonne foi par les Historiens mesmes, pour en conclure , que les Poëtes ont écrit l'histoire naturelle de la Magie de leur temps, ou des temps qui les avaient precedez.

XII. Le mesme Ovide parle dans ses Fastes de l'évocation des morts , ou des Dieux faite par Numa mesme. Il semble ailleurs vouloir immortaliser &C deïfier un homme mortel par la puissance. de la Ma- gie. Il doute si les oiseaux funestes, qu'ils appelaient Striges, ne font point venus des vieilles semmes , que les Marses par leurs enchantemens transforment en oiseaux : NArnaque in volucres Marsa figurât anus. Je laisse quelques autres exemples, qu'il a poussez trop loin, par une licence plus pardonnable à un Poète qu'à d'autres. On a remarqué qu'Homere en toute l'Iliade ne parle point de la Magie, & il en fait le plus frequent ornement de rOdylïee. On croioit peut-estre qu'elle avoit esté employée dans les affaires particulières , mais qu'on n en avoit jamais fait usage dans les affaires, publi- ques. t>

ibid.v. 2,1/v ib.v. z8jV 1 b. ',) 2; 8 5.

3 9QL. 1j.-j.3jj.:

L. 3. V.jij.

L.~-u.~o~

L.6.%), 142,;

On peut croire sans temerité que dans les ÍÎe- des les plus anciens on a quelquefois pris poue, magie, ce qui n'estoit qu'une connoissance de quelques effets naturels, inconnus au vulgaire. Ainsi Pline aura pû dire que Medée fit perir sa rivale par le feu, parce qu'elle avoit frotté de Naphthe la couronne dont elle luy avoit fait present. Cette couronne prit feu pendant le sacrifice. La Naphthe est une espece de bitume qui prend facilement feu. Naphthæ magna cognatio ignium, transiliuntque protinus in eam undecunque visam. Ita serunt à Medea pellicern crematam, postquam sacrificatura ad aras accesserat, corona igne rapta.

J'ajoûterai icy que Pline remarque qu'Ulysse dans Homere arresta le fang d'une playe par un charme ou un enchantement. Dixit Homerus prosluvinm fangu p'nif vulnerato femine Flyssem inhibuisse carmine. Il dit au mesme endroit, que les malefices par enchantement furent condamnez dans les douze Tables : Qui fruges excantajfet, &c. Qiti malum carmen incantasset. Il ajoûte que les anciens Romains évoquoient par leurs charmes les Dieux des villes qu'ils assiegeoient, & leur promettoient un lieu & un culte plus auguste à Rome : Solitum ante omnia in oppugnationibus à Romanis sacerdotibus evocari Deurn > cujus in tutela id oppidum effet, promittique illi eundem aut ampliorem locum apud Romanos, cultumve. C'est pour cela qu'on celoit le nom mysterieux de la ville de Rome : Dtirat in disciplina Pontificurn id sacrum , constat que ideo occultaturn, in cujus Dei tutela Roma effet, ne qui hostium simili modo agerent. Ce n'estoient pas des invocations, c'estoient des évocations magi- ques des Genies ou des Demons qui presidoient aux villes. Enfin Pline dit que les évocations magiques se trouvent dans Homere, non dans l'Ilia- de, où la magie ne paroist point, mais dans l'O-

l i. c. ios-

L. i8. c. i.

L. 3 0. C. 1.

Hyssée, qui en est remplie. Car Protée, les Sirenes. Circé & ses évocations regardent la magie.

m irum in bello Trojano tantum de arte ca filenttum tyijfe Homero : tantumque operis ex eadem in Vlyffis rroribus ,adeout toturn opus non aliunde conflet. Siuidem Protea & Sirenum cantus apud eum non alier intelligi vo/unt; Circe utiqne & Jnferorum evotione hoc solum agi.

CHAPITRE XXV.

Des transformations fondées sur la creance de la Metempsychose.

f 1. V ne partie des Metamorphoses fabnleufes, fondée sur la Metempsychose.

1 II. Sentimens d"Elien sur la transformation des Cigognes r hommes.

111. La (redulité des Historiens & des Philosophes mcfmes 1 rendu, celle des Poëtes plut pardonnable. :f, IV. Des Metempfychofcs autorisées par Ovide.

V. La doctrine de Pythagore faisoit paffer 6 repasser les Imes des bestes & des hommes dans les mesmes corps.

VI. VII. Ovide suivant Pythagore veut que toutes les yirties de la nature soient su jettes à cette transformation retyroque.

Vil I. Les Poètes ont joint la metempsychose à la creance le l'immortalité des ames.

1 IX. Les Grecs prirent cette doffrine des Egyptiens, qui l'aoieJ"Jt reauë des Chaldéens ou des Hébreux. )

X X 1. Double dijffrence entre Platon & Pythagore sur la 1 a palingenrfie.

; Xil. Tertultien prouve par ces égaremens des Philosophes Y des Poètes la verité de la refurreciion des morts.

X 111. Combien de vtritez. importantes brillent dans les b es.

XIV. X V. XVI. De Plusieurs effets naturels qu'on 4 rea fabuleux. : ftft

U

Ne partie des transformations magiques, dont nous avons traitté dans le

Chapitre precedent, suppose la creance de la Me; tempsychose , ou de la transmigration des ames des corps des hommes en ceux des animaux, &

des corps des animaux dans ceux des hommes. De : ces transformations les unes estoient avec retour , les autres estoient sans ressource. Celles qui n'é- toient pas sans ressource confervoient dans les 2 corps de beste la mesme ame raisonnable, qui re- tournoit ensuite dans son corps humain. Il en faut : donc dire autant des autres qui estoient de mesme nature, & qui nettoient sans remede que par accident. Tout ce qui a esté ra pporté de Varron , de.s [aint Angu111l1 devint Jerole, suppose mamfestement ce partage de lame raisonnable dans les corps ou dans les apparences du corps d'une beste.

II. En effet l'opinion de la Metempsychose estant très-commune entre les Philosophes, ill estoit mal-aisé qu'elle ne se glissast aussi dans 1 el--.

prit qz dans les écrits des Poëtes, qui y trouvoient une si riche matière pour tous leurs égaremens..

Je ne [ay si Elien estoit dans cette opinion , mais* elle eut rendu plus pardonnable le recit qu'il as fait après un Auteur plus ancien touchant les Ci-

gognes qui passent, à ce qu'il dit, en leur vieillesse dans des Isles de l'Océan, & en recompense de la tendresse qu'elles ont témoignée pendant leur jeunesse pour leur pere & pour leur mere, elles font changées en hommes. Hoc pr&mmrn pros pictateqMf» gesserint erga parentes, ajfeqm ut ex* avibus convenante in hommes, Alexander Mynduts, seribit. Elien ajoûte que c'est peut - estre un exem- ple que les Dieux ont voulu proposer, du respect qu'on doit au pere & à la mere, & des recompen- ses que doivent attendre ceux qui rendent les me-, mes respects à leurs parens ; qu' après tout il ne* ; croit pas que cet Historien eut voulu mentir, puis- que ce mensonge ne lui eût apporte aucun avan'" j

tage. & que quelque avantage qu'on pût tirer du mensonge, on ne sçauroit jamais compenser la perte qu'on fait en s'éloignant de la verité. Et forte Dy voluerunt homines in illis saltem locis veluti exemplar pictatis sancitatisque proponere &c.

Figmentum quidem hoc esse non puto. Quid enim hoc comminisci Alexandro prefuisset ? Hominem certè sapientem non dceet, ne maximo quidem lucro proposito , veritati mendacium anteponere.

III. Ce raisonnement d'Elien montre jusques ou peut aller non feulement la credulité des Poëtes, mais celledes Historiens. Car à quelles illusions ne donnera-t-on pas creance, si l'on veut croire tous ceux qui ne trouveroient aucun avantage à mentir ? Combien y en a-t-il à qui le plaisir de mentir, d'imposer & d'insulter à la simplicité des autres hommes, paroist un grand avantage ? Combien y en a-t-il qui mentent de bonne foy , & qui trompent a près avoir esté trompez par d'autres ? Elien n'avoit qu'à se figurer qu'Alexandre estoit aussi credule que luy, pour comprendre comment il imposoit aux autres, parce qu'on luy avoit imposé à luy-mesme. Mais les Poëtes ne font pas obligez à une critique aussi rigoureuse que des Historiens, & ils ont bien pû debiter ces metamorphoses comme probables, si des Historiens confcientieux les ont débitées comme certaines.

IV. Mais il faut revenir à la Metempsychose, & dire encore une fois, que si Alexandre & Elien croyoient que les mesmes ames passoient reciproquement des corps des hommes à ceux des animaux, ou de ceux des animaux à ceux des hommes, le conte qu'ils faisoient des Cigognes estoit plus pardonnable. Au reste quoy qu'Ovide ait excellemment distingué l'ame des hommes d'avec celle des animaux, quand il a parlé de la creation du monde, & qu'il a dit que nos ames s'élevoient

au Ciel ) & que celles des bestes estoient toutes panchées vers la terre :

i Pronaque cum ffieClent animalia cætera terras, .: Os hornini sublime dédit, cœlumque tuni ï Jujfir, & erettos adfidera tollere vultus.

Il a néanmoins quelquefois donné dans la Metempsychose. Comme quand il parle de celui qui fut transformé en Cygne, dont la mere fondit en larmes , le croyant perdu, & ne sçachant pas que cjuoy qu'il se flIt precipité dans la mer, il s'estoit sauvé dans le corps d'un Cygne : 1

.A t genitrix Hyrie fervari nefeia , lfendo t Delicuit. v

Et quand il dit que Diane s'estant pleinement vengée & pardonnant au reste d'une famille qu'elle laissoit, changea les autres filles en oiseaux : ?

'0 £ Juas parthaomæ tandem Latoia clade « Jïxaiiatd domus > nttis in corpore pennis > Jlllevat j & longas per brachia porrigit alas » Co'neaque ora facit, vcrfajque per aera mittit. ;

V. Mais il ne pas faut se donner beaucoup de pei- ne pour découvrir dans ce Poëte des traces opscu- res de cette transmigration des ames, puis qu'il a mis un discours plûtost dogmatique , que poëti- que dans @ le dernier livre de ses Metamorphoses , comme s'il avoit voulu en finissant son ouvrage en donner la clef, & faire connoître le principe général de l'explication qu'il faut donner à la plus- * part des transformations qui y font rapportées.

Voicy quelques paroles de Pythagore, qui font 1, voir qu'il mettoit la transmigration reciproque des * ames non feulement entre les hommes, mais en- tre les hommes & les bestes :

£

Morte carent anima femperque prtore reliera t Sede , novis domibus habitant, vivuntque reccptt. i Omnia mutantur, nihil interit; errat, C- ; Minef Hue venit, hine Mac, & quojlibet occupât anus * 1 ,",-,"4' Spiritw I

L. 7.V.380.

L. 8.V.J4©.

Metam. I.

3J. V. l]J, 1-

Sptfttus ; eque [eris humana in ctrpora tratifit.

In que feras no fier ; nec tempore dépérit ullo.

C'est pour cela mesme que ce Philosophe défendoit de manger la chair des animaux, ou de les tuer, puisque c'est arracher de leurs corps des ames toutes semblables aux nostres.

Partite cognauli cæde nefanda Exturbare animas, nec fan gaine fan guis alatttr.

V I. Ovide suivant toujours les traces de Py- thagore , qui estoit celuy de tous les Philosophes anciens qui s' estoit acquis plus de reputation , pousse encore plus loin sa Physiologie; de pour justifier tout le corps entier de ses Metamorphoses , u il ne s'agissoit pas toujours de transformer des animaux en autres animaux , il tâche de montrer que tout ce monde est dans un changement continuel, que toutes choses perissent pour renaître, & que par une revolution continuelle chaque nature se change en d'autres natures.

Nikil ell toto quod perflet in orbe * Cunirafiuunt &c Nam quod fuit ante^relillmn efi.

F ttque cjuod haud fuerat.

Nofira quoque ipsorum semper requicque Jine il la Corpora vertuntur ; nec quod fuirnttfve fumufve, Cras erimus &c.

JrLzc quoque non perjlant , quæ nos elernenta vocamus.

Nec Jpecies sua cuique mane!; Yerurnque novatrix Ex a lu s alias reparat Naiura figurtjs.

Nec périt in toto quidquam , rnihi crédité mundo.

Sed variat faciemque novat. &c.

1 passe de là à la generation des animaux , qui iennent de la corruption des autres ; comme les beilles :

Nonne vides, quæcunque morâ fluidove calore Corpora tabuerint, inparva animait a verti?

4 1 quoque delettos waïïatos obrue tauros , Cognita res u[u) de putri vtfcere Vaffim

Ihid,v.iSa.

il/• 13S.

Ibid ver, 360.

* ln fc-, obi deleclâ.

E/oriJ!.er nafcwitur apes.

VII. Je laisse quantité d'autres exemples que ce Poëte ingenieux a entassez, pour faire voir que toute la Nature n'est qu'un entassement de Metamorphoses perpetuellss, n'y ayant point de corps particulier qui ne se dissipe enfin & ne serve à la formation des autres corps, comme il avoit esté formé lui-mesme de la dissolution des autres. C'étoit la doctrine du plus ancien & du plus fameux ; des Philosophes, qui l'avoit apparemment puisée dans des sources encore plus anciennes; & on trouvera peut-estre que cette Physique estoit fort conforme à celle que Salomon a étalée dans l'Ec- clesiaste , où il fait aussi une admirable peinture ; du flux continuel & des changemens reciproques de toutes les natures corporelles. Et on en conclura que ce n'est pas sans raison qu'Horace ; a donné , quoy qu'en riant, cet éloge à Pythagore: :

Non sordidus author Natura verique.

VIII. Il faut revenir à la tranimigration des ames , que Platon attribuë à Pindare & aux autres anciens Poëtes, & il en conclut qu'il ont creu nos ames immortelles, puis qu'aprés la mort elles retournent en d'autres corps. Tradit praeterea Pinda- rus & cæteri quicunque Poëtarum divini sims, taliae quaedam , quae vide num tibi vera videantur. Ferunt i hominis animum immortalem esse, eumque tum de- cedere, quod quidem mori vocant, tum redire, interire vero nunquam. Quam ob causam vitam quam sanctissimè agere monent. Quicunque enim poenas 1.

antique miseria Proserpiae jam dederunt, iïs itla ad 1 supernum Solem nono anno rursus ANIMUM reddit, quousque in Reges gloria, fagacitate , sapientiaque praestantes evadant. Il est fort vrai - semblable que l'opinion de la Metempsychose n'a pris naissance : que de la creance certaine de l'immortalité des ames, & de l'imagination du commun des hom- -

L i. od. 18.

In Mtnone.

mes , qui ne peuvent concevoir des ames sans corps & sans des fonctions corporelles. La contemplation pure de la vérité éternelle ne leur paroissoit pas une occupation assez solide ou assez pro- portionnée à la nature des ames; ils croyoient leur devoir rendre des corps, pour recompenser une vie sensuelle & animale, comme si la vie raisonnable & intelligente ne pouvoit pas assez dignement occuper ces ames separées pour un temps de leurs corps. Cependant il faut sçavoir bon gré aux Poëtes d'avoir les premiers écrit pour l'im mortalité des ames, & d'en avoir écrit avant les Philosophes ; en forte que si Ovide a emprunté de Pythagore; il n'a fait que reprendre ce que Pythagore avoit pris des Poëtes anciens. Que si les Poètes ont joint à la doctrine de l'immortalité des ames celle de la Metempsychose, c'est une faute qu'il faut leur pardonner ; puisque nul art & nulle science n'a pu commencer avec toute sa perfe- ction , bien moins la Theologie.

1 X. Herodote veut que les Egyptiens ayent esté les premiers auteurs de la doéhinc de 1 immortalité des ames, & de leur transmigration en divers corps ; il pretend que c'est d' eux que les Grecs l'ont apprise ; & nous pretendons avec encore plus de justice, que les Egyptiens ne furent que les disciples des Chaldéens & des Hebreux, quant au point de l'immortalité des ames , au- quel ils ajoûterent de leur invention la fable de la Metempsychose. Voici comme Herodote parle des Egyptiens : Ht denique primi extiterunt qui dice- rent animam hominis esse immortalem; qUit de mortuo corpore subinde in aliud atque aliud corpus, ut (jwâque gigneretur, immigraret. Atque ubi per om- ma se circumtulisset, terrestria, marina, volucria, srsus in aliquod hominis corpus genitum introire.

Atque hune ab ett circunitum fieri intra annorum tria

millia. Hanc rationem sunt è Græcù, qui uspurpave- vint, tanquam suam ipsorum, alii priùs, alij posteriùs, Quorum, ego nomina sciens non duco fcribenda. Il est fort probable, que Pythagore & Platon apprirent cette doâriiie dans l'Egypte.

X. Au reste si j'ai attribué à Pythagore l'opinion de la Metempsychose , c'est que je ne l'ai pas encore distinguée de la Palingenesie, ou de la régénéra- tion , quoi-qu'il faille l'en distinguer avec Servius , qui dit que Platon tient la Metempsychose , parce qu'il fait passer les ames d'un corps en un autre immédiatement &: sans intervalle, au lieu que Pythagore met une distance, & ainsi il fait comme renaî- tre les ames. Animamque sepulero condimus. Plato perpetuam dicit animam, & ad tiizJerjà corpora transitum facere statim pro mentis z>it £ prioris. Pythagoras vero non ne1tn.-i(Uxw<rlY » sed ¡¡a.¡'ImC(.v esse dicit, hoe est, redire, sed post tempus.

XI. Il faut encore remarquer une autre difference entre ces deux Philosophes , dont le fécond a esté plus exact & plus achevé que le premier , parce que la Philosophie selon la nature de toutes les choses humaines est toujours allée en se perfectionnant.

Cette différence consiste en ce que Platon n'a mis la transmigration des ames des hommes que dans les corps des autres hommes, au lieu que Pythagore a fait passer nos ames dans les corps mesmes des be- stes. C'est ce que justifia Jamblichus, si nous en croions Nemesius. Jamblichus vero his contrariam decurrens viam , pro animalium specie speciem anima esse dicit , species nimirum différentes, Ab eo ergo scriptus est liber singularis ita inferiptus, Migrationes animamm non fieri ex hominibus in bruta, neque à bru- tis animalibus in homines ; sed ab animalibus in ani- malia » & ab hominibus in homines. Ac mihi videtur ille proe reliquis optimè affecutus, non Platonts sentenîiam m9À9 ,fiil & ipsam veritatem. Je confesse nean-

ln l. j. JEnetd.

G. if

moins qu'Eusebe n'a pas elle de l'avis de Nemesius, ou de Jamblichus, aiant justifié par les paroles pro- pres de Platon , que les ames des mechans reviennent dans le corps des bestes,qui ont les mesmes inclinations aux voluptez sensuelles. D'où il refulte- roit, que comme Platon a évité quelques défauts de Pythagore , en ne permettant pas que les ames des Justes passassent jamais dans les corps des bestes : aussi Jamblichus & les Platoniciens des derniers siecles reformerent ce point de la doctrine de Platon, qui permettoit aux ames des mêchans de venir faire leur enfer dans le corps des bestes.

XII. Tertullien avoit este du mesme avis d'Eusebe touchant les sentimens de Platon, mais il nous avoit donné des lumieres importantes , pour tirer avantage , & pour nous faire un sujet d'édification de cette doctrine des Poëtes. Voici les paroles de Tertullien : Sed Platonici immortalem animant è con- trario reclamant, imo adhuc proximè etiam in corpora remeabilem affirmant, et si non ineadem, et si non in burnanve tantummodo , ut Euphorbus in Pythagoram, Ho- merus in Pavum recenseantur. Certè recidivatum ani- corpvralem pronunciaverunt, tolerabiliùs mutata, quàm negata qualitate ; pulsata salute, et si non adita veritate. Ita soeculum resurrectionem mortuorum , nec cùm errat, ignorat. Nous avons trouve étrange, que les Payens n'eurent pû concevoir les ames des hommes sans corps après leur mort, toutes occupées de la contemplation bien-heureuse de la verité, qui est Dieu mesme, & se fulnt ensuite jettez dans la doctrine de la Metempsychose. Tertullien donne un autre tour à la mesme chose , & estime qu'il faut leur en sçavoir bon gré. Parce que s'ils ont crû que l'ame d'Euphorbus avoit passe dans Py- thagore , & que celle d'Homere estoit entrée aprés sa mort dans le corps d'un Paon; ce font les exemples de deux fortes de transmigration ; Tertullien

PrAp.tr.

E'UlJn 1. ij* c. I6~

L. de refttr.

curnis.

croit que ce n'a elle que par un instinct & un pressentiment de la résurrection future des corps ; Se qu'il a esté plus supportable qu'ils en aient deguisé la maniere , que s'ils l'avoient absolument niée : Tolerabiliùs mutata, quàm, negata qualitate : Parce que si ce n' est pas avoir atteint la vérité, en quoi consiste nostre salut, c'est au moins en avoir approché : Pulsata salute , et si non adita veritate. Ainti Tertullien conclut que les Poëtes, & les Philosophes , & enfin les Autcurs de la literature profanes, ont fait paroistre dans leurs égaremens mesme, qu'ils n'ignoroieut pas tout à fait la verité de la re- furreébon.

XIII. Ce n'est pas ici le premier, ce ne fera pas aussi le dernier des Peres de l'Eglise que nous îfcvons allegué & que nous alléguerons ensuite , pour appuier cette maniere de raisonner, en tirant de l'erreur mesme de grands avantages pour la verité , & en découvrant dans les égaremens & dans les superstitions mesme du Paganisme , les traces de la lumiere naturelle , de la raison ôç de la vérité, gravée par le Createur dans le fond - de l'ame raisonnable , & si profondement gravée, que toute l'impieté de l'idolatrie n'a pû l'effacer entièrement pendant plusieurs milliers d'années. Car la pente natu- relle que Tarne raisonnable a vers son corps , le souvenir obscur de la premiere immortalité , où l'homme avoit esté créé, & l'idée de la parfaite immorta- litédes hommes qui doit exclure la mort mesme du corps, ou la sur monter, sont des impressions profondes , que le Createur a faites & conservées dans les ames de tous les hommes, & qui les portent dans leurs songes & dans leurs rêveries mesmes , c'est à dire dans les superstitions de l'idolâtrie, & dans les fictions Poëtiques, à se donner de nouveaux corps successivement les uns après les autres, soit d'homM çs m soit d'alimal,lJç, Si l'on s'accoutume à don-

ner des tours semblables à la fable & à toutes les inventions Poëtiques : on trouvera une riche moisson de pensées Chrestiennes & pieuses , qui' éleveront à Dieu nostre cœur , & celui de nos Auditeurs, & nous paroistront enfin d'autant plus justes & plus solides , que ce ne fera que l'application ôc le redressement de la Théologie des Poëtes, qui n'estoit qu'une ébauche, sur les veritez ôc les regles de la Théologie Chrestienne, qui possede parfaitement laverite.

XI V.. J'a joûterai à la fin de ce Chapitre, ce qui pourroit fournir la matiere d'un Chapitre entier , si je voulois m'y étendre ; sçavoir quelques ef- fets des causes naturelles , qui ont esté dépeints par les Poëtes, & qui patient pour fabuleux, quoi-que ce soient des effets purement naturels , ou qu'ils aient passez pour purement naturels, parmi les plus sçavans dans l'histoire de la nature. Par exemple quand Lucain expliquant les appareils d'une Magicienne de Thessalie , qui entreprenoit de faire revenir des enfers par sa Necromantie l'ame d'un soldat Romain, il y fait mention du nœud de l'hymne, Non diræ nodus hyænæ defuit : Ce nœud ou cette vertebre passoit effectivement pour avoir une vertu ext raordinaire & presque Magique, si nous en croions Pline : Totius domus Concordtam eodem hy&nA genitali, & articulo [pinæ cum adhérente corio , adservatis constare: quem spina articulum five nodum Atlantem vocant. Est autem primus. In Comitialium quoque remediis habent eum. Je ne doute pas que toutes les autres parties de cette confection Magique de Lucain, n'eussent selon les Physiciens de ce temps là des vertus aussi efficaces. Quant à la Necromantie, on en a l'exemple dans les livres des Rois , quand Saul fit évoquer l'ame de Samuel. Ainsi ces Poëtes, ne composoient que des veritez historiques & Physiques, ce qu'il y avoit de plus merveilleux dans

r. 6.

L. 2.8. c. 8.

leurs poètes. Et quand Lucain ajoûte 3 Aut cervi pasti serpente medulla, c'est encore une verité attestée par Theophraste, par Plutarque & par Elien, que les Cerfs mangent des serpens; ce qui leur cause une ardente sois, qu'ils vont éteindre dans les fontaines. Et quand Virgile fait naître l'occasion de la guerre d'Italie d'un Cerf qui avoit esté fortuitement blessé; quoy que Macrobe ait desaprouvé une cause si legere, il est certain neanmoins que les Cerfs, les Daims & les Chevreuils faisant les delices des personnes de qualité, il en pouvoit sans doute naître beaucoup de sujets de querelle. Quand l'Epoux dans le Cantique des Cantiques conjure les Vierges de Jerusalem par les chevreüils & les faons de biches, Adjuro vos per capreas cervosque camporum, il fait voir que ces animaux estoient tenus tres-chers, & qu'ils pouvoient donner sujet à des plaintes & à des combats.

XV. Virgile a montré en cent endroits de ses Georgiques combien étroite estoit l'alliance de la poësie & de l'histoire naturelle , sur tout quand aprés avoir rapporté les prognostiques du beau & du mauvais temps que nous tirons des animaux : il declare que ce n'est pas que les animaux ayent quelque participation de l'esprit divin ou quelque prescience des choses à venir, mais c'est que les changemens qui se font dans les causes naturelles, & qui causeront bien-tost le changement du temps, font aussi de grandes alterations dans le corps de ces animaux, & les poussent à des mouvemens extraordinaires , que nous observons & dont nous nous formons enfin des regles pour predire les changemens du temps.

Haud equidem credo, quia fit divin itHs illis Ingeniurn, aut rerum fato prudentia major.

Ventm îibi tempe fiai & c4li mobïlii humor Mmavçre Viqs , Çrç,

Ibidem.

Satum. l.j c. 11.

Qtorg* l. i.

XVI. Oppien a traitté toute l'histoire naturelle en vers, & il n'a pas laissé d'y mesler la fable, en sorte neanmoins que la fable n'est qu'un ornement pour donner plus de jour & plus d'agrément à l'histoire & à la Physiologie. Par exemple quand entreprenant la description des Dauphins, de leur naturel, de leur ressemblance avec les hommes, de leur tendresse pour leurs petits, de leur manie- re de les allaiter , de leur foin à les élever ensuite &; les fortifier pour courir sur la proye : il com- mence par dire que ce furent autrefois des hommes que Bacchus transforma en poissons, leur laissant la sagesse, la douceur, la moderation & les autres manieres des hommes. Delphinis autem nunquam quidquam divinius est. Vt revera etiam bomines fuerunt olim, atque urbes incoluerunt simul ttm hominibus ; Bacchi autem confilio mare subegetunt, & pisces induerunt membris; sed san è aniwiis moderatus adhuc virorum , servat hominum & pru- dentiam & opéra. C'est une Metempsychose fabukufe, tres-propre à faire connoître la nature de ces animaux, & à nous convaincre de la liaison qu ont toujours eu les Poëtes avec les Physiciens.

CHAPITRE XXVI.

Des Genealogies Poëtiques ou Fabuleuses , fondées sur la Morale ou sur la Physique.

T. Quand on oppose la Phjfique à la fable , la Morale est ompnfe dans la Phjjlque.

1 Exemples des Genealogies morales dans Homere. De Mars & de ses compagnes.

III. Autres exemples. De la Contention ou Malignité, & ies Prieres.

I V. Exemples semblables dans Hesiode. De la NÛit 3& de a lignée.

v Exemples de Virgile , d'riorace, de Stace, de Sene^ue & ie ctlludien.

H4lieut.l.I.

VI. Nous donnons un corps un [exe, une Ame & ttnt personne à tout ce que nous concevons.

VII. Nous concevons des Demons , des Anges & des Intelligences qui remplirent tout ce monde corporel.

VIII. Exemples tirez de Ge/lim.

1 X. Exemples des fables qui representent les propriétés de la Nature, ou lis maximes delà Morale.

I.

N

Ons donnerons encore ce Chapitre à la premiere partie de ce Livre, où nous

traittons du rapport des Divinitez fabuleuses, 8c de toute la fable , à l'histoire de la Nature, ou à la Physiologie. Car quoy que nous nous proposions icy de rapporter les Genealogies fabuleuses à la Morale, & de montrer que ç'a esté l'intention secrete & mysterieuse des Poëtes, nous ne pretendons neanmoins considerer la Morale, que comme une partie de la Phyliologie. La raison cO: que bien que l'on oppose quelquefois la Morale à la Physique, quand on confidere d'un costé les vertus & les vices, & de l'autre les autres natures qui ne font pas capables de ces qualitez : il est toutefois tres-certain que quand on oppose la Physique à la fable , toute la Morale se trouve renfermée dans la Physique. Car les vertus & les vices, n'ont rien de fabuleux; ce font des qualitez phy- siques, ou des privations physiques de ces nobles, qualitez.

II. Je commencerai par Homere, qui dit que Mars & Minerve allumant la guerre de part 8c d'autre, Mars estoit suivi de la Crainte, de la Fuite, & de la Contention , ou d'Eris ; e~.u~., !f:,vC;r;- epjç ; au reste qu'Eris estoit la sœur & la compagne de Mars , que ses commencemens font petits, mais par degrez elle s'étend 8c s'éleve jusqu'aii , Ciel. Instigabat autem bos quidem Mars, illos autem Minerva, Terrorque, & Fuga, & Contentio in- txjpUbiliter furens, Martis hçmiçidœ soror JôctaqHc:

lJîad. I. 4.

quœ parva quidem primum attollitur, sed postea in Cælo firmat caput, & super terram ingreditur. Il est visible, que ce n'est qu'une genealogie & une societé mo- rale qui fait la Contention sœur de Mars, & lui donne la Terreur & la Fuite pour compagnes. Il n'est peut-estre pas moins visible , que Mars aussi est une Divinité de mesme nature c'est à dire que c'est l'humeur guerriere, ou la fureur de la guerre , representée selon nos manieres, comme une personne vivante , ou intelligente, comme un Dieu , ou comme une Déesse, comme Mars , ou comme Minerve , ôc Bellone ; $c aiant pour sœurs & pour com pagnes la Crainte, la Fuite & la Dissension.

Il 1. Tous les Ecrivains, sur tout les Ecclesiastiques , & les Peres de l'Eglise , ont fait ces Genealogies morales pour les vertus & les vices, approfondissant leur nature , & découvrant les secretes dépendances; que ces qualitez ont les unes des autres. Ainsi elles se trouvent quelquefois revestuës de la qualité de meres , de filles , ou de sœurs par rapport des unes aux autres. L'orgueil est le pere de l' envie , la charité est la mere de toutes les vertus; la cupidité est la mere de tous les vices. C'est ainsi que le mesme Homere dit ailleurs , que les Prieres sont les filles de Jupiter, qu'elles font boiteuses, ridées , & peu clair-voyantes ; mais qu'Ate, ou Noxa , que je traduiray la Déesse Mal-faifante , ou la Malignité, est legere , robuste, parcourant toute la terre , & blessant tout le monde, que les Prieres viennent aprés pour guerir ceux qu'elle a blessez ; & qu'elles rendent Jupiter favorable à ceux qui se laissent fléchir par les prieres; mais qu'elles font tomber au contraire entre les mains de la Masignité, tous ceux qui font inexorables. Etenim Pretes 7--17c.4 , sunt Jovis filiæ magni, claudæ , ritgofe, strabæque oculis ; quæ Noxam ~ilwt sequuntur. Noxa verò robusta & pedibus integra, omnes præcurrit, lædens ho-

lliad. I. jt.

mineJ, Sed hæ medentur post modum. & eum quUem qui venerabitur filias Jovis propius accedentes, valdè juvant , & exaudiunt precantem. Qui autern renuerit & præfractius recusarit, precantur tune h<& lovrn Saturnium euntes, eum ut Noxa simul sequatur, quo poe- nas luat. C'est visiblement une fable morale, semblable à celles d'Esope, & la Genealogie de ces filles de Jupiter est purement morale, n'aiant esté in- ventée par les Poëtes, que pour faire couler plus doucement dans l'esprit des hommes ces veritez im- portantes que c' est mépriser Dieu, & s'exposer à des châtimens très - rigoureux, que de ne pas écouter les prieres, que nous font en son nom ceux qui nous ont offensez. La Batrachomyomachie d'Homere est encore une allegorie purement historique , ou une histoire allegorique du combat des Grenoüilles & des Souris. Le naturel de ces petits ani- maux y est fort naïvement representé.

IV. Et quand Hesiode dit que la Nuit a engendré le Destin , les trois Parques , la Mort, le Som- meil , les Songes , Momus , ou la Médisance, &c la Calamité , n'est-ce pas manifestement une instruéhon allegorique pour nous faire comprendre l'obscurité profonde des secrets impenctrables du Destin ; les tenebres épaisses où la Mort & son frere le Sommeil jettent ceux qui n'ont point d'autre lu- miere qui les guide, que celle qui flatte les yeux de nostre corps ; l'obscurité que les médifans affedciit, & enfin le desir ordinaire de tous les mal-heureux ,, de se dérober à la vue des hommes, & à la lumiere du Soleil ? Et quand il dit plus bas, que l'Océan Se Tethys ont trois mille filles, qui font les sources, des fontaines & des lacs; & une infinité de fils qui font toutes les rivieres de la terre : Ter mille sunt coleres filiæ Oceani &c. Tot rursus fluvij cum strepitit fluentes, silis Oceani, quos peperit veneranda Tethys : N'est-ce pas la mesme chose que s'il disoit avec le

InTbeogon.

v. no*

YIYf. 365.

fenge dans l'Ecclesiaste, que toutes les rivieres de la terre sortent de la mer, & y retournent enfin aprés leurs longues courses ? Et quand il dit qu'Aftraeus & l'Aurore produisent les Vents, & que l' Aurore engendre Lucifer ou l'Etoile de Venus, n'est-ce pas dire clairement, quoy que d'un stile poëtique, que les Astres 8c l' Aurore influënt beaucoup dans la generation des Vents, & que l'Etoie de Venus ne paroissant jamais qu'avec le Crepuscule du soir , ou avec l'Aurore du matin, il semble que c'est une fille qui accompagne sa mere ? Et quand il dit que la riviere Styx fille de l'Ocean engendra le Zele, la Victoire , la Force, 8c la Violence ui font les compagnes infeparales de Jupiter, n'est-ce pas parler en Poëte , ÔC dire que la justice vengeresse de Dieu , qui exterm ine tous ses ennemis & les precipite dans les Eners, est toujours accompagnee de Zele , de Force, e Toute-puissance, & enfin suivie de la Victoire?

t quand il met devant les yeux la demeure souterraine du Jour & de la Nuit, qui y entrent & en sortent alternativement, pour venir se trouver sur a Terre, sans se rencontrer jamais ensemble : la Liit estant toujours avec ses deux fils le Sommeil & la Mort, l'un & l'autre éternellement invisible au Soleil : n'est-ce pas une description historique de la Nature, mais d'un stile poëtique ?

k V. C'est comme quand Themistocle demandant de l 'argent à ceux de l'Isle d' Andros de la part des Atheniens, & leur disant que les Athesi iens viendroient à eux, soûtenus de deux grandes Déesses, la Persuasion & la Necessité; ceux d'And ros répondirent qu'ils estoient de leur part toûjours assistez de deux aussi puissantes Déesses , la pauvreté, & l'Impossibilité. C'est un stile de fable, mais la verité y est tres-claire, & le sens n'a rien que de physique & effectif.

l&ii,v. jSo»

Ver» 38;.

lùid.v.y

Hlrodot.

8. c, m.

Et quand Virgile fait le tableau de l'Enfer ,c'est à dire du sejour de la Mort, de la Misere & des Peines, tous les traits qu'il y employe ne sont-ce pas autant de veritez de la Nature ?